A l’écoute : la leçon
publié dans nouvelles de chrétienté le 8 avril 2010
A l’écoute : la leçon
La nouvelle religion, qui veut que l’on soit de son temps et qui réclame une catéchèse à l’écoute des attentes du monde, est servie par le niveau record d’intensité où s’est installé depuis la Semaine Sainte l’assaut médiatique contre l’Eglise : la voici représentée dans le monde entier comme une secte de pédophiles dont le Pape serait l’actif leader. Le plus ignoble des dessins de Plantu, qui est bien l’homme de la situation, représentait Benoît XVI dans cette action infâme. Le Monde n’a finalement pas osé le publier à la une de son édition quotidienne, il l’a tout de même fait paraître dans son « supplément » du 3 avril, Le Monde Magazine, page 5. Ignominie mais non point surprise, il y a longtemps que l’histoire de l’Europe l’a montré : quand l’Etat est un Etat sans Dieu, l’Eglise devient plus ou moins vite une Eglise du silence ou une Eglise persécutée ; ou les deux. Tous les efforts de la démocratie-chrétienne laïque et républicaine n’ont rien pu y changer.
Il y a seize ans déjà, la campagne médiatique initiée en Amérique croyait pouvoir proclamer l’image de l’Eglise détruite dans un discrédit dont elle ne pourrait pas se relever. C’est à quoi répondait en 1993 la lettre de Jean-Paul II aux évêques des Etats-Unis (on la relira utilement dans le numéro 2077 de La Documentation catholique). La nouvelle religion moderniste qui, avec Mgr Gaillot et Mgr Rouet médiatiquement ressortis du placard pour l’occasion, tient tant à ce que nous écoutions ce que le monde dit à l’Eglise, devrait savoir maintenant que le monde lui dit sa haine. Parce que ce monde qui parle si fort n’est pas le monde que Dieu créa au commencement, il est le monde de celui que l’Evangile nomme quatre fois « le Prince de ce monde », princeps hujus mundi, o tou kosmou arkhon (Mt 4, 8 ; Jn 12, 31 ; 14, 30 ; 16, 11).
Ce monde dispose aussi d’un autre langage, quand il se veut non plus agressif mais séducteur. La Croix a longuement étudié ce qu’un tel monde peut bien attendre de l’Eglise, cela s’étend sur deux pages de journal. Isabelle de Gaulmyn en a parfaitement résumé la substance en une seule phrase. Dans l’attente du monde, écrit-elle, « faire connaître le message du Christ vient bien loin après la contribution à la paix ou à la lutte contre la pauvreté ». Donc, être à l’écoute du monde et répondre à ses attentes, c’est entendre cela et s’y conformer. L’Eglise devient alors une organisation humanitaire parmi d’autres, elle évite de se présenter comme l’unique détentrice de la complète Vérité, elle peut même aller jusqu’à oublier qu’elle l’est.
Si le monde actuel voyait et disait la vérité sur lui-même, il dirait que derrière et malgré les progrès des sciences et techniques il est en décadence, entendant part là non point un vague sentiment mélancolique mais une réalité très précise :
« La situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les peuples européens : les sociétés européennes présentent les principaux traits des sociétés décadentes dans l’histoire et tels que les ont analysés les traditions et les historiens : en particulier effondrement de la famille et de la démographie, déclin des valeurs viriles, immigration de peuplement, domination de l’argent, irréligion, matérialisme. »
J’emprunte cette stricte définition descriptive au Dictionnaire de la réinformation que, sous la direction de Jean-Yves Le Gallou, publie la fondation « Polemia » (60 ter, rue Jean-Jacques Rousseau, 92500 Reuil-Malmaison). Nous aurons l’occasion de reparler de ces « cinq cents mots pour la dissidence ». Je placerais volontiers ce Dictionnaire de la réinformation à côté du Dictionnaire de la réplique publié sous la direction de Bernard Antony. Ces deux dictionnaires ne se complètent pas, ils ne s’additionnent pas, ils se multiplient.
JEAN MADIRAN
Article extrait du n° 7069
du Vendredi 9 avril 2010