Une nouvelle lettre de Hans Küng. De pire en pire…
publié dans nouvelles de chrétienté le 20 avril 2010
Voici le texte d’une nouvelle lettre de Hans Küng publiée de nouveau dans le Monde du 17 avril 2010 dans la rubrique « Libre opinion ».
Cette lettre est « une lettre ouverte » aux évêques du monde entier.
Elle est un réquisitoire absolu contre Benoît XVI. Il lui « crache » au visage comme les Romains ont craché jadis sur Jésus, lors de sa Passion… Elle est très pénible et très douloureuse à lire. Il est ce « loup » dont Benoît XVI, le jour de son élection, affirmait ne vouloir pas « céder ». Pour ce faire, il demandait cependant la prière du peuple chrétien. Mais comment en eut-il le préssentiment…? C’est mystérieux. Je pense, depuis quelques temps, pour l’aider, ce qui semble de plus en plus urgent, organiser une adoration du Saint Sacrement, les samedis après midi, à l’Eglise de Rolleboise, suivie de la sainte Messe.
Il en appelle à un concile, à la tenue d’un Concile pour réformer l’Eglise et lutter contre la « politique » du pape qui est, pour lui, est un échec sur tous les plans, tant sur le plan liturgique, avec le retour de la messe « tridentine », sur le plan oecuménique avec son infidélité claire aux décisions conciliaires en la matière, que disciplinaire. Bien entendu, il profite du déchainement des médias pour attaquer, lui aussi, le pape sur le problème douloureux de la pédophilie. C’est facile…Alors fait-il un appel sans nuance pour l’abolition du célibat écclésiastique. Et si Rome ne veut pas bouger en ce domaine que des conférences épiscopales prennent l’initiative de cette abolition. Garderait-il ce célibat?
Cette lettre manifeste son anti-romanité absolu, sa haine de Rome, « mére et maitresse de toutes les églises ».
Il tombe purement et simple dans « collégialisme ». Il écrit aux évêques : « Aller de l’avant collégialement : le concile, après de vifs débats et en dépit de l’opposition constante de la Curie, a décrété la collégialité du pape et des évêques ». Mais c’est faux. Pour vous le prouver, je vous renvoie à l’article qu’en 1967, le Père Berto, le théologien privé de Mgr Lefebvre, écrivait sur ce sujet dans la revue Itinéraires où il démontre que ni le terme ni la notion de collégialité ne se trouvent dans le texte de Lumen Gentium. Voyez l’article dans LNDC de ce jour.
Voici ce texte haineux:
« Joseph Ratzinger, désormais Benoît XVI, et moi-même étions entre 1962 et 1965 les plus jeunes théologiens du concile Vatican II. Aujourd’hui, nous sommes les deux plus âgés et les seuls à être encore pleinement en activité. Mon œuvre, je l’ai toujours mise au service de l’Eglise. C’est pourquoi, en ce cinquième anniversaire de l’intronisation du pape, je me tourne vers les évêques, par cette lettre ouverte, préoccupé que je suis par le souci que nous donne notre Eglise en proie à la plus profonde crise de crédibilité qu’elle ait connue depuis la Réforme. Je n’ai en effet pas d’autres moyens de les atteindre.
J’ai beaucoup admiré le pape Benoît pour m’avoir, moi son critique, invité à une conversation amicale de quatre heures lors de son entrée en fonctions. Cette rencontre qui a été saluée dans l’opinion publique, c’est le moins que l’on puisse dire, avait éveillé en moi l’espoir que Joseph Ratzinger, mon ex-collègue de l’Université de Tübingen, finirait par trouver le chemin d’une rénovation de l’Eglise et d’un rapprochement œcuménique, dans l’esprit de Vatican II.
Cet espoir, comme celui de tant de catholiques engagés a, hélas, été déçu, ce que j’ai fait savoir au pape de diverses manières dans la correspondance que nous avons échangée depuis. Il a sans aucun doute rempli quotidiennement et consciencieusement les devoirs de sa charge et nous a également gratifiés de trois précieuses encycliques sur la foi, l’espérance et l’amour. Mais pour ce qui est des grands défis de notre temps, son pontificat se présente de plus en plus comme celui des occasions manquées et non des occasions saisies :
– Manqué le rapprochement avec les Eglises protestantes : il est vrai qu’il ne s’agit pas d’Eglises au sens propre, et du coup, ni la reconnaissance de leurs hiérarchies ni un partage eucharistique ne sont possibles.
Manqué l’accord durable avec les juifs : le pape a réintroduit une prière préconciliaire pour « que Dieu illumine le cœur des juifs et qu’ils connaissent Jésus-Christ, sauveur de tous les hommes » ; il a réintégré dans l’Eglise des prélats schismatiques notoirement antisémites ; il pousse à la béatification de Pie XII et traite le judaïsme en simple racine du christianisme et non comme une communauté de croyance à part entière, qui suit sa propre voie vers le salut. Les juifs du monde ont, récemment encore, été scandalisés par les propos du prédicateur de la Maison pontificale, qui a comparé la critique envers le pape aux aspects les plus honteux de l’antisémitisme.
– Manqué le dialogue ouvert avec les musulmans : symptomatique a été le discours de Ratisbonne, dans lequel, mal conseillé, le pape a caricaturé l’islam en religion violente et inhumaine et a, par là, suscité une défiance nourrie de leur part.
– Manquée la réconciliation avec les peuples autochtones colonisés d’Amérique latine : le pape prétend avec le plus grand sérieux que ceux-ci auraient ardemment désiré adhérer à la religion de leurs conquérants.
– Manquée l’opportunité de venir en aide aux peuples africains dans leur lutte contre la surpopulation par la contraception et par l’autorisation des préservatifs pour lutter contre le sida.
– Manquée l’occasion de faire la paix avec la science moderne : par la reconnaissance sans équivoque de la théorie de l’évolution et par une tolérance nuancée pour les nouveaux domaines de recherche, par exemple sur les cellules-souches.
– Manquée enfin la chance de faire enfin de l’esprit de Vatican II la boussole de l’Eglise catholique et de faire avancer sa réforme.
Ce dernier point est particulièrement grave. Ce pape-là ne cesse de relativiser la portée des documents du concile et les interprète, dans un sens rétrograde opposé à l’inspiration de ses initiateurs. Il agit même ouvertement contre le concile œcuménique, lequel, selon le droit canon, constitue la plus haute autorité de l’Eglise catholique, ainsi :
Il a réintégré sans conditions dans l’Eglise des évêques intégristes de la Fraternité Saint Pie X ordonnés illégalement, alors que ceux-ci rejettent le concile sur des points essentiels.
Il encourage par tous les moyens le retour à la messe tridentine et célèbre à l’occasion lui-même l’eucharistie en latin, le dos tourné à l’assemblée.
Il ne met pas en œuvre les recommandations officielles de l’Anglican Roman Catholic International Commission, qui dessinent le cadre du rapprochement avec l’Eglise d’Angleterre. En revanche, il cherche à débaucher le clergé anglican, quitte à renoncer à l’obligation du célibat pour attirer celui-ci dans le giron de l’Eglise catholique.
En nommant à la tête de son administration des adversaires du concile (le secrétaire d’Etat, la Congrégation pour le culte divin) et des évêques réactionnaires dans le monde entier, il a renforcé la tendance anticonciliaire à l’intérieur même de l’Eglise.
Le pape Benoît XVI semble de plus en plus isolé de la grande majorité du peuple chrétien, qui, de son côté, se préoccupe de moins en moins de Rome et, dans le meilleur des cas, s’identifie aux communautés et aux évêques locaux.
Je sais que beaucoup d’évêques souffrent de cette situation : le pape est soutenu dans sa politique anticonciliaire par la Curie romaine. Il cherche à étouffer toute critique venue de l’épiscopat et de l’Eglise, il s’efforce de discréditer ses contradicteurs par tous les moyens. Via un nouvel étalage de manifestations médiatiques et baroques, on tente de démontrer qu’il existe encore à Rome une Eglise puissante gouvernée par un » vicaire du Christ » absolu qui a en mains tous les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La politique de restauration de Benoît XVI n’en est pas moins un échec. Toutes les mises en scène, les voyages et les documents produits par lui et ses prédécesseurs se sont révélés incapables d’orienter, dans le sens que voulait Rome, l’opinion de la plus grande partie des fidèles sur les questions controversées, en particulier sur celle de la morale sexuelle. Et même les rencontres de la jeunesse avec un pape auquel seuls des groupes traditionalistes ou charismatiques rendent visite, n’ont pu ni freiner les défections ni réveiller les vocations.
Mais ce sont bien les évêques, qui sont le plus à plaindre : des dizaines de milliers de prêtres se sont défroqués, depuis le concile, à cause de la règle du célibat. La génération montante dans le clergé séculier (mais aussi régulier) souffre d’une baisse drastique de niveau quantitatif et qualitatif. Le clergé actuel est partagé entre résignation et frustration, et le phénomène atteint désormais les couches les plus militantes. Beaucoup se sentent abandonnés à leur misère et souffrent de l’état de l’Eglise. On sait ce qui attend nombre de diocèses : des églises, séminaires, paroisses de plus en plus clairsemés. Dans plusieurs pays, à cause du manque de prêtres, les communautés sont, souvent contre leur gré, fusionnées en gigantesques « unités d’assistance spirituelle » où les quelques prêtres restant sont surchargés, simple simulacre de réforme…