Prédication pour le 13 ème dimanche après la Pentecôte
publié dans couvent saint-paul le 29 août 2009
Le lépreux guéri de sa lèpre
Admirez, je vous prie, l’attitude de ce lépreux. Guéri en chemin par NSJC, il revient vers Lui. « Comme ils y allaient, ils furent guéris. Or l’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint glorifiant Dieu à toute voix – cum magna voce – et il se jeta le visage contre terre aux pieds de Jésus, lui rendant grâces – gratias agens »
Et Jésus Christ de le louer de son comportement : « Est-ce que les dix n’ont pas été guéri ? Où sont donc les neuf autres ? Il ne s’en est pas trouvé un qui soit revenu et qui est rendu gloire à Dieu -daret gloriam Dei – sinon cet étranger ? » Sinon ce samaritain ?
La lèpre dont ils sont guéris, tous, dont ce samaritain, cet étranger, est guéri est l’image du péché qui nous touchait tous et nous vouait à la mort et à la damnation éternelle – « stipendia peccati, mors » – mais dont nous fumes guéris, lavés par le Sang de NSJC, par son Sacrifice de la Croix, par le baptême nous appliquant les mérites de NSJC.
Nous devons donc comme ce lépreux, ce samaritain, cet étranger, revenir au Christ parce que guéris et glorifier Dieu, lui rendant grâce, l’en remercier et nous humilier aux pieds de NSJC.
C’est ce que demande NSJC de chacun de nous, comme il le demandait des dix lépreux guéris. Ce qu’il obtint d’un seul… Il s’en plaigna…Il eut souhaité cette attitude de tous et pas seulement d’un seul. C’est une affaire de justice qui veut que l’on rende à autrui, quel qu’il soit, à plus forte raison s’il s’agit de Dieu, son du « ad aequalitatem », ici son action de gloire, son action de grâce.
Rendre grâce, rendre gloire, remercier s’humilier voilà les obligations principales que nous devons à Dieu.
Saint Thomas nous dit, de fait, que nous avons quatre obligations envers Dieu dont chacune est infinie
La première est de louer et honorer son infini Majesté, infiniment digne d’honneur et de louange.
La seconde est de satisfaire pour tant de péchés que nous avons commis.
La troisième, de le remercier pour tant de bienfaits que nous avons reçus de lui…comme ce lépreux revenant aux pieds de Jésus le remercier de sa guérison. Et NSJC attendait ce remerciement : « Est-ce que les dix n’ont pas été guéris, où sont donc les neuf autres »
La quatrième obligation enfin est de lui demander les grâces qui nous sont nécessaires.
Mais comment, nous, misérables créatures qui avons besoin qu’Il nous donne jusqu’au souffle que nous respirons pour être, pouvons-nous satisfaire à ces quatre obligations ?
Comment ? Comment ?
Voici un moyen absolu, facile qui doit nous consoler tous et que nous rappelle Saint Léonard de Port Maurice, dans son petit opuscule que je voudrais que vous lisiez tous, « Le trésor méconnu : la sainte Messe » : entendons souvent la sainte Messe.
Pour que vous compreniez mieux les obligations que nous avons envers Dieu, et tout particulièrement, de l’honorer et de le remercier, nous allons expliquer ces deux dernières, l’une après l’autre, et vous serez grandement consolés, en voyant l’immense profit et les trésors innombrables que nous pouvons recueillir de cette source infinie et féconde qu’est la Messe. C’est elle et elle seule qui nous permet de satisfaire nos obligations envers Dieu.
Notre première obligation envers Dieu, avons-nous dit, est de l’honorer comme le fait ce lépreux guéri de la lèpre.
La loi naturelle nous dit elle-même que tout être inférieur doit honorer son supérieur, et que plus celui-ci est grand, plus l’hommage qu’on lui rend doit être profond. En latin, c’est l’axiome : « Honor est in honorate ». i.e. : l’honneur se prend de la personne honorée.
Il résulte de là que Dieu possédant une grandeur infinie, nous lui devons un honneur infini.
Mais où trouver une offrande digne de lui. Jetez les yeux sur toutes les créatures de l’univers, où trouverez-vous quelque chose qui soit digne de Dieu ? Une offrande tirée du monde créé : un animal, un « agneau », une pierre, une pierre précieuse… ? Rien ne peut convenir. Tout est imparfait et de toute façon, tout lui appartient déjà au titre de créature. Finalement, vraiment : il n’y a qu’un Dieu qui puisse être une offrande digne de Dieu. Il faut donc qu’il descende de son trône comme victime sur nos autels, pour que l’hommage corresponde parfaitement à sa Majesté infinie.
Or, c’est là ce qui se fait au Saint Sacrifice ; Dieu y est honoré autant qu’il le mérite, parce qu’il est honoré par un Dieu lui-même.
Notre Seigneur se plaçant dans l’état de victime sur l’autel, adore, par un acte ineffable de soumission, la Sainte Trinité, autant qu’elle mérite de l’être ; de sorte que tous les autres hommages paraissent en présence de cette humiliation de Jésus, comme les étoiles devant le soleil.
Cette proposition vous étonne ?
Mais c’est à tort ; car notre bon Jésus étant non seulement homme, mais vraiment Dieu et tout-puissant, quand il s’humilie sur l’autel, il rend à son Père, par cet acte d’humiliation, un hommage et un honneur infinis ; et nous, en offrant avec Lui ce grand Sacrifice, nous rendons aussi par Lui à Dieu un hommage et un honneur infinis. C’est le sens de la merveilleuse conclusion du Canon de la Messe.
Voilà la beauté d’une messe : par l’assistance à la sainte Messe, le fidèle rend à Dieu une gloire infinie, un honneur sans bornes.
Méditez cette vérité si consolante et si douce : entendre avec dévotion la Messe, c’est procurer plus d’honneur que ne lui en peuvent apporter dans le ciel tous les anges, tous les saints, tous les bienheureux. Ils ne sont, eux aussi, que de simples créatures, et leurs hommages sont par conséquent finis et bornés ; tandis qu’au Saint Sacrifice de la Messe, c’est Jésus-Christ qui s’humilie ; lui dont l’humiliation et le mérite ont une valeur infinie : c’est pour cela que l’hommage et l’honneur que nous rendons à Dieu par Lui à la Messe, sont infinis.
S’il en est ainsi, vous voyez combien nous payons largement à Dieu cette première dette, l’honorer, en assistant au Saint Sacrifice.
O monde aveugle, quand ouvriras-tu les yeux pour comprendre des vérités si importantes ?
Notre deuxième dette envers Dieu est celle de la reconnaissance, pour les immenses bienfaits dont il nous a comblés.
Réunissez toutes les faveurs, toutes les libéralités, toutes les grâces que nous avons reçues de lui : bienfaits selon la nature et selon la grâce, bienfaits du corps et bienfaits de l’âme, nos sens, nos facultés, notre santé, notre vie ; et puis la vie même de Jésus, son divin Fils et la mort qu’il a souffert pour nous : toutes ces choses augmentent outre mesure notre dette envers Dieu.
Comment pourrons nous donc le remercier dignement ? Nous voyons que la loi de reconnaissance est observée même par le monde animal : l’animal sait reconnaître son bienfaiteur. A combien plus forte raison doit-elle être observée par les hommes, doués d’intelligence et comblés de tant de bienfaits par la libéralité divine !
Mais d’un autre côté notre pauvreté est si grande que nous ne pouvons satisfaire pour le moindre des bienfaits reçus de Dieu : parce que le moindre d’entre eux, nous venant d’une majesté si grande, et étant accompagné d’une charité infinie acquiert un prix infini et nous oblige à une correspondance infinie
Malheureux que nous sommes ! Nous serons des éternels débiteurs. Et si nous ne pouvons soutenir le poids d’un seul bienfait, comment pourrons nous jamais supporter la masse de ceux dont Dieu nous a comblés, au fil du temps?
Nous voilà donc réduits à la dure nécessité de vivre et de mourir ingrats envers notre souverain Bienfaiteur.
Mais non : rassurons nous. Le moyen de satisfaire amplement, parfaitement, à ce nouveau devoir nous est indiqué par le prophète David qui avait vu en esprit le divin Sacrifice et qui savait bien qu’avec lui seul nous serions au-dessus de la tâche. « Que rendrai-je au Seigneur, s’écrit-il, pour tous les bienfaits qu’il m’a faits ? Je prendrai le calice du salut, se répond-il à lui-même, c’est-à-dire, je lui offrirai un sacrifice très agréable, et je paierai ainsi la dette que je lui dois pour tant de bienfaits signalés.
Ajoutez à cela que ce sacrifice a été principalement établi par notre divin Sauveur pour reconnaître et remercier la munificence divine : c’est pour cela qu’il s’appelle par excellence l’Eucharistie, c’est-à-dire : action de grâces.
Au reste, Il nous en a donné lui-même l’exemple, lorsque à la dernière cène, avant de consacrer le pain et le vin dans cette première messe, il leva les yeux vers le Ciel et rendit grâce à son Père.
O acte merveilleux du Christ, qui nous découvre la fin sublime d’un si grand mystère et qui en même temps nous invite à nous conformer à notre Chef, afin que, à chaque messe à laquelle nous assistons, nous sachions nous prévaloir d’un si grand trésor et l’offrir à notre éternel Bienfaiteur dans le sentiment d’une immense gratitude.
Reconnaissons que dans la messe, nous recevons dans notre cœur, le Fils de Dieu : un petit enfant nous a été donné, dit Isaïe et nous pouvons avec lui remplir entièrement la dette de reconnaissance que nous avons contractés envers Dieu.
Et même à bien considérer les choses, nous donnons en quelque sorte à Dieu dans la messe plus qu’il ne nous a donné, sinon en réalité, du moins en apparence ; car le Père éternel ne nous a donné qu’une fois son divin Fils dans l’Incarnation, et nous le lui rendons un nombre infini de fois dans cet auguste sacrifice.
Et ainsi jusqu’à un certain point, Dieu serait en retour avec nous, sinon quant à la qualité de l’offrande, car il ne se peut rien de supérieur au Fils de Dieu, du moins quant à la multiplicité des actes qui la lui présente en satisfaction.
O Dieu grand et miséricordieux ! Que n’avons-nous un nombre infini de langues afin de vous rendre des actions de grâces infinies, pour le trésor précieux que vous nous avez donné dans la sainte Messe !
Comprenez vous maintenant combien ce trésor est précieux, S’il a été caché pour vous jusqu’ici, maintenant que vous commencez à le connaître, comment ne vous écririez-vous pas, dans un saint étonnement : Oh quel grand trésor ! Quel grand trésor est la messe!