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La Lettre à nos frères prêtres n° 62-Juin 2014: l’âme de tout apostolat

publié dans nouvelles de chrétienté le 2 juillet 2014


 L’âme de tout apostolat

SOURCE – Lettre à Nos Frères Prêtres / District de France de la FSSPX – n°62 – juin 2014


Si un prêtre veut toujours davantage servir l’Église, il faut qu’il se maintienne dans l’esprit de foi, de sainteté qui était le sien au début de sa vie sacerdotale. Or, pour persévérer dans ce désir, il faut que ses bonnes dispositions durent, demeurent, malgré les épreuves, malgré le poids du jour, malgré les difficultés de l’apostolat. Il faut qu’il ne se laisse donc pas prendre par un activisme qui lui ferait perdre la piété, le sens de la prière.

Il lui faut ainsi conserver le désir de se sanctifier, ne pas se laisser entraîner par une agitation extérieure qui diminuerait la valeur de sa vie intérieure, de sa vie spirituelle. Le prêtre ne doit pas se perdre pour sauver les autres, il doit se sauver en sauvant les autres.

Le succès apparent ou caché de son apostolat importe peu. Le grand nombre ou le petit nombre des âmes ne doit pas le préoccuper. « Une seule âme est un grand diocèse », disait saint François de Sales. Son apostolat sera strictement surnaturel dans tous ses motifs s’il est voulu pour la gloire et le règne de Notre-Seigneur, exclusivement. C’est la condition sine qua non de l’efficacité réelle de cet apostolat. Ce sera le secret de son zèle jamais fatigué, jamais découragé par l’épreuve ou l’insuccès, par les obstacles ou les oppositions.

Se sauver en sauvant les âmes
Ses prédécesseurs lui ont donné l’exemple de la persévérance jusqu’au bout, et Notre-Seigneur attend de lui cette persévérance : « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé » (Mt 10, 22 ; 24, 13). Particulièrement aujourd’hui, le prêtre doit s’attacher à cette parole de Notre-Seigneur. S’il persévère jusqu’à la fin dans la foi et dans la vertu chrétienne, selon l’enseignement qu’il a reçu dans la tradition de l’Église, selon les beaux exemples que les martyrs et les saints lui ont donnés, il sera sauvé et, avec lui, il entraînera de nombreuses âmes, soutenues par sa parole, par son courage, par sa vertu. Aujourd’hui plus que jamais, le peuple fidèle a besoin de prêtres qui soient la lumière du monde et le sel de la terre.Cherchons donc de toute notre âme, de tout notre coeur, à être fidèles, afin qu’un jour Dieu puisse nous dire, comme dans l’Évangile : « Bienheureux serviteur bon et fidèle. Parce que tu as été fidèle sur peu de choses, tu seras établi pour l’éternité sur beaucoup » (d’après Mt 25, 23). Ainsi Notre-Seigneur nous a promis de nous donner la récompense éternelle si nous sommes fidèles.Demandons à la très sainte Vierge Marie de nous donner cette grâce de la persévérance finale et de la fidélité. La très sainte Vierge Marie, elle aussi, a été fidèle à Jésus jusqu’au bout, jusqu’au martyre, jusqu’à avoir le coeur transpercé par un glaive. Elle ne l’a pas abandonné. Efforçons-nous de demeurer auprès de la Vierge Marie, de Notre-Dame de Compassion, afin de partager la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ et celle de son Église.—————————–

 L’apostolat comme fruit de la Messe


Une fois que le prêtre a offert le saint sacrifice de la messe, toutes les grâces de son apostolat en découlent. Et même s’il n’a pas d’apostolat à réaliser pour une raison ou pour une autre, s’il est souffrant, ou dans un lieu où malheureusement l’apostolat n’est pas fructueux, il a néanmoins la consolation d’avoir offert le saint sacrifice de la messe et d’avoir par là répandu des grâces selon la mesure voulue par Dieu.

Le prêtre, homme de la messe

Le prêtre est en effet, par nature, par l’institution et la volonté de Notre-Seigneur, celui qui, en son nom et comme son ministre, offre à Dieu un sacrifice de louange, d’action de grâce et de propitiation pour les péchés des hommes. Il applique toutes les grâces de salut par le canal des sacrements et par ce sacrifice eucharistique, qui n’est autre que le sacrifice de Jésus sur la croix. C’est en prêchant la bonne nouvelle du salut et en communiquant la grâce par les sacrements, et surtout par l’Eucharistie, que le prêtre édifie le Corps Mystique de Notre-Seigneur.Voilà ce qu’est le prêtre de l’Église catholique : essentiellement et d’abord, celui qui monte à l’autel et offre la divine Victime substantiellement présente sur l’autel.

L’apostolat, application des mérites de la messe

Tout ce que le prêtre fait dans la journée est la conséquence du sacrifice de la messe qu’il a offert, ou une préparation au sacrifice de la messe. Par exemple, le prêtre, durant le catéchisme, apprend la foi aux enfants ; il veut les amener à Jésus-Christ. Or où est Jésus-Christ ? Il est présent essentiellement dans l’Eucharistie. Donc, en définitive, le prêtre prépare les enfants à recevoir l’Eucharistie.Imaginez qu’on ait un sacerdoce sans messe, on ne voit pas bien quel apostolat on pourrait réaliser. C’est vraiment la messe qui est au coeur de notre apostolat, car notre apostolat est avant tout surnaturel, il est avant tout l’application des grâces de Notre-Seigneur aux âmes. Ce n’est pas nous qui convertissons les âmes. Nous sommes incapables de changer l’esprit, le coeur, les dispositions intérieures de l’âme d’une personne. Nous pouvons parler pendant des années, s’il n’y a pas la grâce de Dieu qui la transforme, cette âme sera sourde à nos appels. Tandis que si nous pensons que, par la messe, Notre-Seigneur a en quelque sorte mis dans nos mains toutes les grâces de la Rédemption, de son Calvaire, de son sacrifice, nous partons vers les âmes avec toutes ces grâces. Nous pouvons être certains que notre apostolat aura un résultat, même si apparemment nous ne le voyons pas. Les grâces de Notre-Seigneur descendront dans les âmes, tandis que sans le sacrifice de la croix, source de toutes les grâces, notre apostolat serait vain.

La messe est le coeur de l’apostolat du prêtre

C’est pourquoi, quand il a célébré la messe, un prêtre peut dire qu’il a fait quatre-vingts pour cent du ministère sacerdotal de la journée, qu’il a réalisé pratiquement presque toute sa journée. En effet, c’est Notre-Seigneur qui opère avant tout la Rédemption et non le prêtre lui-même, qui n’est qu’un instrument. Sa journée n’est plus qu’une application du sacrifice de la messe.

Lui-même doit d’ailleurs vivre sa messe tous les jours, à tous les instants de sa vie, et en faire vivre tous ceux qui l’entourent. Il doit continuer sa messe au cours de la journée, c’est-à-dire continuer l’enseignement qu’il donne par l’épître, l’Évangile, continuer la vie de sacrifice et d’amour qu’il réalise sur l’autel par la présence de Notre-Seigneur. Vivre la messe doit être ainsi pour le prêtre son soutien, sa joie, son bonheur. Et, par conséquent, toute sa vie sacerdotale est une messe continuelle. Voilà l’idéal du prêtre, idéal qui le maintient dans la joie et dans la paix spirituelles.

 Le prêtre au confessionnal

Étant donné la faiblesse des âmes blessées par le péché originel, mais aussi les multiples occasions de péché dans la société, et dont le nombre ne s’est pas amenuisé à notre époque, bien au contraire, les chutes sont malheureusement fréquentes. Notre-Seigneur a institué, dans son infinie miséricorde, une deuxième planche de salut, le sacrement de pénitence, de réconciliation de l’âme avec Dieu, qui occupe normalement une partie du temps que le prêtre consacre à l’apostolat.

Misère corporelle et misère spirituelle

La miséricorde consiste à se pencher sur ceux qui sont dans la misère : particulièrement la misère spirituelle, qui est plus grave que la misère corporelle. Évidemment, nous nous penchons volontiers sur ceux qui souffrent dans leur corps, qui sont abandonnés, qui sont malades. C’est très bien, c’est très beau, mais la misère spirituelle est celle qui doit être avant tout l’objet de la sollicitude du prêtre. Le prêtre doit sentir battre en lui ce coeur miséricordieux et être attiré par ces âmes qui sont dans un état de péché, de misère spirituelle, afin de leur apporter la vie.

Un moyen privilégié pour toucher les âmes

Le confessionnal est un des moyens privilégiés pour le prêtre de toucher les âmes et de transmettre l’Esprit-Saint, comme le note saint Jean : « Recevez le Saint-Esprit, ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 22-23). C’est pourquoi l’Église a toujours estimé le sacrement de pénitence. Beaucoup de saints ont d’ailleurs passé leur vie au confessionnal : par exemple le Curé d’Ars ou, plus près de nous, le Padre Pio. Mais les bons prêtres en général ont toujours eu une grande dévotion envers le sacrement de pénitence et s’adonnaient à ce ministère avec un zèle surnaturel.Ce n’est pas que ce ministère, naturellement parlant, soit tellement attrayant. Il est éprouvant de passer des heures au confessionnal, d’entendre toutes les misères humaines. Il y a une tension exigée du prêtre qui, certainement, est très fatigante, très éprouvante. En revanche, du point de vue surnaturel, le ministère de la confession est vraiment très beau. En effet, c’est là que le prêtre a vraiment le contact avec les âmes et, par l’absolution qu’il donne, c’est vraiment le sang de Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il répand sur ces âmes pour les laver de leurs péchés.

Un ministère exigeant

Le ministère de la confession est certainement celui qui demande le plus de qualités sacerdotales. C’est notamment un sacrement qui fait exercer au prêtre tout le savoir acquis au cours du séminaire. Il n’est pas tellement difficile de bien célébrer le saint sacrifice de la messe : il suffit de connaître les rites et de prendre conscience de ce que l’on fait. Tandis que, pour le sacrement de pénitence, le prêtre a tout un ensemble de principes à connaître, de qualités à posséder et de jugements à exercer.L’exercice fructueux de ce ministère exige ainsi du prêtre de nombreuses qualités : la science de la loi divine et des lois de l’Église pour juger de la gravité du péché qui est confessé, la prudence, la discrétion, le conseil, la charité miséricordieuse à l’exemple de Notre-Seigneur, afin d’apporter à l’âme infirme les secours appropriés. C’est certainement une charge très lourde que Notre-Seigneur a mise sur les pauvres épaules du prêtre que de devoir guider des âmes qui ne lui appartiennent pas, des âmes que Dieu lui amène pour les diriger vers lui. C’est un ministère délicat, et l’un des plus importants du sacerdoce.

Un oeuvre de miséricorde

Le prêtre joue le rôle de médecin des âmes. Notre-Seigneur l’a devancé dans ce rôle, et avec quelle perfection ! Cela a-t-il de quoi nous étonner ? Non, c’est logique.Quelle est la vertu qui porte à guérir les âmes et les corps ? La miséricorde. Qu’est-ce que la miséricorde ? C’est la perfection de la charité, car la charité est par essence un don désintéressé. Or, pour pratiquer la miséricorde, il faut être désintéressé car, dans le pécheur, dans le malade, il y a un commencement de mort, et la mort répugne, elle est repoussante.Le coeur miséricordieux aperçoit à travers ces laideurs une possibilité de vie et, domptant ses répugnances, s’oubliant lui-même, il ramène à la vie le malade, le pécheur. Notre-Seigneur a été la miséricorde par excellence. Toute sa vie est miséricorde. « Dieu, qui est riche en miséricorde à cause de l’amour extrême dont il nous a aimés, alors que nous étions morts par nos péchés, nous a rendu la vie dans le Christ » (Ep 2, 4-5).Tout en demeurant confondus devant l’oeuvre de miséricorde qu’est toute la Rédemption, méditons pour notre éducation sacerdotale et pastorale ces faits et paroles de Notre-Seigneur vis-àvis des pécheurs. Voyons l’admirable miséricorde du père de famille envers l’enfant prodigue : « Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et accourant il se jeta à son cou et le baisa » (Lc 15, 20). Quel magnifique exemple ! A la femme adultère, il dit : « Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11). Enfin, tout est résumé dans cette parole : « Soyez donc miséricordieux comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6, 36).

Le médecin des âmes

Le prêtre zélé sonde les coeurs, il sait tantôt corriger, car « le Seigneur châtie celui qu’il aime » (He 12, 6), tantôt patienter, tantôt conseiller, comme un médecin sait diagnostiquer la maladie et appliquer le remède approprié. Il se penche donc sur la misère du pécheur avec miséricorde.Si le prêtre a une attitude de condamnation, de dureté vis-à-vis du pécheur, celui-ci va se renfermer sur lui-même, ce qui provoquera peut-être sa mort. Il n’aura plus confiance dans le prêtre, il ne saura plus à qui s’adresser et il dépérira.Le prêtre doit donc avoir cette miséricorde dans son coeur et savoir écouter les gens. Il est là pour recevoir les doléances, les difficultés, les misères des gens et essayer de les remettre sur le chemin, doucement, paisiblement, tout en étant ferme quelquefois. Car Dieu seul peut peser toutes choses, savoir dans quelles circonstances ces gens-là ont pu vivre.Tant qu’une personne est sur la terre, elle peut être sauvée, toujours ! Bien sûr, on peut concevoir qu’il y ait quelquefois une indignation vis-à-vis du péché, devant une situation vraiment abominable, devant des actes odieux, devant des manières de faire absolument inadmissibles, mais il faut toujours garder au pécheur la possibilité de se convertir.

Un conseil précieux pour cet apostolat, c’est de se comporter dans la société, dans les relations sociales, de telle sorte que les personnes n’aient pas d’appréhension à demander le sacrement de pénitence, c’est-à-dire de toujours garder un comportement vraiment sacerdotal.

Un ministère sanctifiant pour le prêtre

Le ministère de la confession bien exercé est évidemment efficace pour les fidèles, qui sont ainsi purifiés du péché et emplis de grâce, mais également pour la sanctification du prêtre lui-même.Il est clair que celui qui exerce sérieusement et avec la désir de plaire à Dieu ce ministère exigeant y trouvera la source d’un progrès spirituel tangible. Le fait d’entendre les fautes d’autrui nous met en garde contre nos propres fautes, nous découvre souvent des tentations ou des faiblesses en nous-même que nous n’avions pas bien repérées et contre lesquelles nous pouvons ainsi nous mettre en garde. Souvent aussi, le prêtre est édifié et encouragé dans ses propres difficultés spirituelles en constatant l’héroïsme caché d’une âme, ou bien la grande miséricorde de Dieu à son égard. Pour donner de bons conseils, il est évidemment obligé de songer à lui-même et d’appliquer ses conseils dans sa propre vie.Si donc le prêtre exerce cet apostolat de la confession comme Dieu le veut, il reçoit des grâces particulières qui lui permettent de faire du bien à ceux vers lesquels il est envoyé, et en même temps de progresser chaque jour dans l’amour de Dieu.


 Le prêtre à l’autel

Pour la justification des pécheurs, pour la sanctification des âmes, Jésus a tout organisé autour de cette fontaine de vie qu’est le sacrifice du Calvaire. Il fonde l’Église, il transmet son sacerdoce, il institue les sacrements pour faire part aux hommes des mérites infinis du Calvaire. Or le sacrifice du Calvaire est renouvelé chaque jour sur l’autel par le sacrifice de la messe, source de la grâce, source de la vie chrétienne, source de la Chrétienté

Le sacrifice, prière par excellence

Le sacrifice est ce qu’il y a de plus essentiel dans la vie humaine. L’acte le plus important d’une créature humaine normale, c’est-à-dire de quelqu’un qui croit en Dieu, qui reconnaît Dieu comme le Créateur de toutes choses, c’est d’exprimer cette reconnaissance de Dieu tout-puissant par le sacrifice, par l’oblation, par l’immolation d’un être qui signifie l’oblation de l’homme lui-même à Dieu. Pour manifester vraiment l’entière donation qu’on fait de cette chose à Dieu et pour qu’elle ne puisse plus servir à un usage profane, on la détruit. Cet objet sacré est détruit pour montrer qu’on le donne complètement à Dieu en signe de notre propre donation complète. Le sacrifice confère ainsi sa véritable dimension à l’homme, sa véritable place par rapport à Dieu.

Le sacrifice, acte principal de la vertu de religion

Saint Thomas montre très clairement que la vertu de religion, qui est une vertu annexe à la vertu de justice, nous relie à Dieu, et il précise (Somme de théologie, II-II, q. 81, a. 1) : «La religion, au sens propre, implique l’idée de sacrifice».
Nous avons besoin d’exercer notre vertu de religion. Cette vertu de religion est ce qu’il y a de plus intime dans l’homme, déjà au point de vue naturel, car elle est l’expression de ce que nous sommes vis-à-vis de Dieu et vis-à-vis de notre prochain. Rendre les devoirs que nous devons à Dieu, à notre prochain, c’est exercer la vertu de justice. Nous avons des devoirs à exercer vis-à-vis de Dieu, et le premier devoir, c’est précisément la vertu de religion, c’est-à-dire l’adoration de Dieu. L’enfant naissant, s’il était conscient de ce qu’il est, de ce qu’il doit à Dieu, devrait déjà dans son coeur adorer Dieu, remercier Dieu de l’avoir créé, et cela même simplement au point de vue naturel. C’est d’ailleurs ce que les parents doivent inculquer à leurs enfants dès qu’ils sont capables de comprendre qu’ils sont des créatures de Dieu.
Cette vertu de religion s’exerce surtout par l’adoration intérieure. Toutefois, étant simultanément corps et âme, nous avons besoin d’adoration extérieure. Si nous n’exprimons pas sensiblement ce sentiment d’adoration vis-à-vis de Dieu, nous risquons de perdre nos dispositions d’adoration intérieure qui ne sont pas autre chose que notre soumission, l’oblation de nous-mêmes à Dieu, qui fait que nous soumettons toute notre volonté, notre intelligence, tout ce que nous sommes à ce Dieu qui nous a créés et qui nous attend pour l’éternité.
Or, si la vertu de religion doit s’exercer même sur le simple plan naturel, à plus forte raison doitelle s’exercer sur le plan surnaturel. Dieu a voulu venir parmi nous. Il s’est incarné, voulant en quelque sorte lui-même nous montrer comment l’homme religieux, la créature, doit se comporter vis-à-vis de lui. Notre-Seigneur est venu sur la terre ; il a prié, il a adoré son Père ; il a manifesté ce qu’était la religion ; finalement, il s’est donné tout entier en sacrifice à son Père sur la Croix ; il s’est offert totalement, complètement pour la gloire de son Père et le salut des âmes.

Le sacrifice du Christ renouvelé sur l’autel

Le sacrifice de la Croix, dit le catéchisme du concile de Trente, fut infiniment agréable à Dieu. Le sacrifice de la Croix, à peine Jésus-Christ l’eut-il offert que la colère et l’indignation de son Père furent entièrement apaisées. Aussi l’Apôtre a-t-il soin de nous faire remarquer que la mort du Sauveur fut un vrai sacrifice. « Jésus-Christ nous a aimés, dit-il, et il s’est livré lui-même pour nous, en s’offrant à Dieu comme une victime et une oblation d’agréable odeur » (Ep 5, 2).
La Passion de Notre-Seigneur est donc un véritable sacrifice. C’est une vérité de foi définie au concile d’Éphèse et au concile de Trente. Le concile d’Éphèse dit : « Nous avons un Pontife et un Apôtre qui s’est offert lui-même en odeur de suavité pour nous ». Et le concile de Trente affirme : « Le Christ s’est offert sur l’autel de la croix » ; « par sa mort, il s’est offert à Dieu son Père pour nous racheter », « pour qu’il réalise la Rédemption de tous les hommes ».
Les conséquences du fait que la Passion est un véritable sacrifice sont  immenses, parce que cela élargit ce mystère aux dimensions de toute l’histoire de l’humanité, de toute l’histoire de la Création, de tout ce qui peut précéder ou suivre ce sacrifice offert à la louange et à la gloire de Dieu.
D’une certaine manière, on peut dire qu’il n’y a qu’un sacrifice, qu’un Prêtre, qu’une Victime et qu’une oblation avec le peuple fidèle, qui s’est réalisée au sacrifice de la Croix : il n’y a pas deux sacrifices de la Croix. Mais Dieu a voulu que ce sacerdoce, ce sacrifice, cette Victime et cette oblation continuent, afin que l’effet de son sacrifice se poursuive dans le temps.
Le sacrifice du Calvaire devient, sur l’autel, le sacrifice de la messe, lequel, en même temps qu’il réalise le sacrifice de la Croix, réalise aussi le sacrement  de l’Eucharistie, qui nous rend participants à la divine Victime, Jésus crucifié. C’est donc autour du sacrifice de la messe que s’organisera l’Église, Corps mystique de Notre-Seigneur, que vivra le sacerdoce pour édifier ce Corps mystique, qui par la prédication attirera les âmes à se purifier dans les eaux du baptême pour être dignes de participer au sacrifice eucharistique de Jésus, à la manducation de la divine Victime, et s’unir ainsi toujours plus à la Trinité sainte, inaugurant déjà ici-bas la vie céleste et éternelle.

La grande prière de l’Église

Si Notre-Seigneur transmet la vérité à l’Église par la foi, c’est pour en faire une Église priante, car Jésus fut le grand priant. Au cours de son existence terrestre et maintenant encore dans le Ciel, il est toujours présent pour prier pour nous (He 7, 25). Jésus est le grand priant. Alors l’Église aussi, à son image, doit être la grande priante. La foi qui ne conduirait pas à la prière serait une foi morte.

Quelle est donc cette prière que Jésus a transmise à son Église ? Il est évident que c’est le saint sacrifice de la messe, comme la grande prière de Notre Seigneur Jésus-Christ fut son Calvaire. C’est sur la croix qu’il a été le plus grand priant, et c’est le sacrifice de la messe qui est la grande prière de l’Église, prière à laquelle l’Église demande que tous les fidèles s’associent intimement, profondément, adorant Dieu, adorant Notre Seigneur Jésus-Christ, adorant notre Créateur, adorant notre Rédempteur.

Quelle magnifique prière que celle que Jésus a transmise à son Église ! Et, dans cette prière, il a voulu que nous participions à son corps, à son sang, à son âme, à sa divinité, afin de devenir nous aussi des priants comme lui ; que toute notre vie soit une prière, une offrande, un chant, un cantique d’action de grâces.

Le but du sacerdoce

Les paroles que le prêtre prononce lors de la consécration constituent à la fois la réactuation du sacrifice de Notre-Seigneur et la réalisation de ce sacrement extraordinaire, admirable, divin qu’est l’Eucharistie, présence de Notre Seigneur Jésus-Christ destinée à être reçue par nous en nourriture.

Voilà, en définitive, le coeur, l’essence, le but même de l’ordination : le saint sacrifice de la messe. C’est bien ce que dit le concile de Trente : le but du sacerdoce est de consacrer, offrir, administrer. « Consacrer » signifie réaliser l’Eucharistie, faire venir Jésus, qui est Dieu, sur l’autel, l’offrir de nouveau à Dieu son Père pour le salut des âmes, et le donner aux âmes.

Lorsqu’il prononce les paroles de la consécration, le prêtre fait descendre sur l’autel Notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu. Pauvre créature, petite créature insignifiante, il a le pouvoir par ses paroles de faire descendre celui qui est le Créateur de toutes choses, le Rédempteur de l’univers. Comme la très sainte Vierge par son Fiat a pu faire descendre dans son sein le Fils de Dieu, ainsi le prêtre, chaque fois qu’il prononce les paroles de la consécration, fait descendre sur nos autels Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même. C’est là le pouvoir du prêtre, pouvoir incroyable, inimaginable. Que Notre-Seigneur ait donné ce pouvoir à des créatures est un acte de sa toutepuissance et de sa grande charité, afin que s’applique sa Rédemption.

La clé de l’apostolat

La seule grande prière, c’est le saint sacrifice de la messe. C’est le coeur de l’apostolat du prêtre. On ne comprend rien à l’apostolat si on ne comprend pas ce qu’est le sacrifice de la messe, parce que le saint sacrifice de la messe est la grande prière de Notre-Seigneur. C’est là que tout prêtre trouve la source de tout son apostolat, et le zèle dont il a besoin pour aller prêcher aux âmes et les attirer vers l’autel.

Le saint sacrifice de la messe manifeste les étapes que tout chrétien doit franchir pour parvenir à la sainteté. Une âme qui monte vers Dieu commence par la vie purgative, poursuit par la vie illuminative, pour en arriver à la vie unitive. Ce sont les étapes que les auteurs spirituels donnent pour arriver à l’union à Dieu. La messe exprime parfaitement ces trois étapes.

La première partie de la messe consiste en lectures de l’Écriture et en chants spirituels. C’est la messe de ceux qui se purifient pour se détacher des choses de ce monde afin que Dieu puisse agréer leur prière. Elle représente la vie purgative. Puis on arrive au sommet du sacrifice, au moment de la consécration. Cette partie correspond à la vie illuminative. Nous contemplons Dieu dans la sainte Eucharistie. Jésus est là, présent dans sa gloire, entouré de tous les saints du Ciel. Enfin, on passe à l’union à Jésus dans la sainte communion. Cette dernière partie de la messe correspond à la vie unitive. Elle aboutit à une vie d’amour, d’union, d’attachement, de dévouement total à Notre-Seigneur. Le chrétien alors n’a plus qu’un désir, ne plus s’appartenir, être tout à Notre-Seigneur, être son apôtre afin de donner Jésus aux âmes. Voilà ce qu’exprime la messe et ce qu’elle réalise.

La source de la civilisation chrétienne

Parce que le sacrifice de la messe est la source de la sanctification du chrétien, il est logiquement aussi la source de la civilisation chrétienne, de la Chrétienté, c’est-à-dire de la cité terrestre qui rassemble les chrétiens. Cela a toujours été compris ainsi à toutes les époques. Il ne peut pas y avoir de civilisation chrétienne sans autel, sans messe, ce n’est pas possible. Pourquoi ? Parce que la famille est la cellule de base de toute société, et que la famille est sanctifiée au Calvaire, elle est sanctifiée au saint sacrifice de la messe.
De l’autel naissent ainsi les vertus familiales, naît l’ambiance chrétienne de la famille. Et si la famille est foncièrement chrétienne, alors par conséquence la société sera chrétienne aussi. Les vertus, non seulement familiales, mais également sociales, civiques, politiques, toutes ces vertus-là découleront du sacrifice de la messe.
C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de ce que nos ancêtres aient construit des églises magnifiques : ils comprenaient que de ces églises découlaient tous les bienfaits sur la famille et sur la société, même les bienfaits purement politiques, économiques.
Lorsque la foi, lorsque l’Église revit dans un pays, ce pays-là se porte mieux économiquement, politiquement, socialement. Parce que la vertu de justice est rétablie, et que la justice c’est l’ordre véritable. Et cette vertu de justice est même complétée, renforcée, élargie par la vertu de charité, qui ne se contente pas de ce qui est dû, mais qui donne davantage, en surabondance, par amour surnaturel de Dieu et du prochain.
L’histoire de la civilisation chrétienne trouve ainsi son fondement et son développement, sa vitalité dans la grande prière publique de l’Église qui infuse l’esprit de justice, l’esprit de charité à ceux qui en vivent. Toutes les initiatives charitables et saintes ont leur origine dans l’esprit qui nous est donné par le sacrifice de l’autel, et par tout ce qui en découle.

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