« Saint Pie X le grand » par Mgr Schneider
publié dans nouvelles de chrétienté le 27 janvier 2015
Saint Pie X le Grand
Un éminent promoteur de la foi catholique et apostolique
(catholicae et apostolicae fidei cultor egregius)
Mgr Schneider a visité le séminaire Saint Vincent de Paul le 8 décembre dernier. Nous avons été honoré de le recevoir. Il nous a donné une conférence sur Saint Pie X que je suis heureux de publier sur ;mon site. Vous la trouverez aussi sur le site du séminaire Saint Vincent de Paul.
Le saint pape Pie X, dont nous fêtons en cette année 2014 le centième anniversaire de sa mort, a été et reste aujourd’hui encore une grande lumière pour l’Église et pour les hommes des temps modernes. Depuis la Révolution française, cette grande révolte contre Dieu et le Christ, contre « Dieu et Son Oint » (Ps. 2,2) le rejet de Jésus et de Sa Vérité n’a fait que s’amplifier dans la société civile jusqu’à nos jours. Ce rejet montre de façon terrifiante ce qu’est une vie sans Dieu et sans Vérité, à savoir la destruction matérielle, morale et spirituelle de la vie humaine. La société civile se détruit elle-même en mettant à la place de Dieu et du Christ l’homme tombé dans le péché et en en faisant un objet de vénération et l’arbitre de la Vérité. La véritable maladie de notre temps est l’anthropocentrisme qui ne fait rien d’autre que de conduire à l’une des plus cruelles dictatures : la dictature du relativisme théorique et pratique. Vu à la lumière de l’histoire des religions un tel anthropocentrisme constitue avec sa fille qu’est le relativisme une forme d’idolâtrie, un nouveau paganisme. Depuis la Révolution française l’esprit de l’anthropocentrisme et du relativisme s’efforce sous les notions séduisantes de droits de l’homme et de liberté de pénétrer de plus en plus dans l’espace de la vie ecclésiale en exigeant de l’Église de se réconcilier avec l’esprit de la modernité et du monde d’aujourd’hui, et cela signifie ni plus ni moins que l’Église se doit d’accepter les principes de l’anthropocentrisme et du relativisme.
Ceux qui ont critiqué saint Pie X – jusque dans les rangs de l’Église – l’ont accusé de s’être fermé au monde moderne. Pourtant rien n’est plus faux qu’une telle affirmation. Pie X a toujours été ouvert à la lumière et à la vérité, c’est-à-dire au Christ et a ouvert en grand les portes de la Vérité du Christ tant à l’Église qu’au monde égaré dans l’esclavage de l’adoration de l’homme. Par là-même il s’est révélé non seulement comme un fidèle pasteur de l’Église, mais aussi comme un authentique bienfaiteur des hommes, comme un apôtre moderne et un évangélisateur fécond. En attendant, les fruits de son action sont empêchés par la crise postconciliaire qui dure depuis 50 ans. Sa devise « Tout restaurer dans le Christ » (Instaurare omnia in Christo : Eph. 1, 10) commence à se réaliser au sein de l’Église, tout d’abord au niveau des « petits », dans de nombreuses initiatives et communautés qui ne font pas partie de l’establishment ou de la nomenklatura.
Pour Giuseppe Sarto (Pie X) la foi dans le Christ était synonyme de courage de la confesser sans aucune crainte du monde. Dans sa première lettre pastorale en tant qu’évêque de Mantoue Giuseppe Sarto se fixe à lui-même comme un programme pour son action épiscopale. On pourrait la résumer ainsi : une absence de crainte à dénoncer les erreurs du monde moderne, un zèle à catéchiser les hommes et une confiance inébranlable en Dieu. Dans cette lettre pastorale il est dit entre autre :
« De nos jours on voit des gens sans vergogne déclarer la guerre au ciel lui-même, nier mystères et miracles, aller jusqu’à attaquer Dieu sur son trône. Ils le mettent à égalité avec les créatures comme en faisant partie, puis ils Le condamnent à un destin aveugle ou se font de Lui une représentation totalement folle et fantaisiste pour finalement nier totalement son existence. Mais à ce moment-là est-ce que je dois pour autant perdre courage ?… La dignité de la fonction épiscopale est terrifiante, son fardeau a de quoi remplir de crainte les anges eux-mêmes. Il faut bien avoir ces vérités devant nos yeux : les évêques se doivent d’être des anges, non seulement par une vie exemplaire et la sainteté de leurs mœurs, mais aussi par une plénitude d’inspiration avec laquelle ils peuvent remplir l’esprit de ceux qui leur sont confiés de sorte que leurs admonitions fassent revenir ceux qui sont dans l’erreur sur le chemin du salut, que les tièdes soient enflammés au feu du ciel et que les bons deviennent toujours meilleurs. Face à ma grande faiblesse cette tâche extrêmement délicate ne m’effraie en aucune mesure. Plus elle sera difficile, plus l’espérance chrétienne me fortifiera, évoquant la présence de Dieu qui me dira les paroles jadis adressées à Gédéon : Je serai avec toi ou qui me répètera les paroles adressées à Abraham : N’aie pas peur. Je suis ton bouclier et ta récompense sera très grande » (Lettre pastorale du 18 mars 1885).
La devise « Tout restaurer dans le Christ » (Instaurare omnia in Christo) a été depuis son épiscopat le phare de son action. Le progrès spirituel et la vraie paix dans l’Église seront garantis dans la mesure où le Christ lui-même et la foi catholique immuable transmise à l’Église par Lui auront la première place. Lors de sa première visite pastorale dans le diocèse de Mantoue il écrivait à ses prêtres :
« Je désire vous voir pour éveiller en vous les principes les plus sublimes de la foi. Je viendrai chez vous pour vous rappeler que Jésus Christ est l’auteur parfait de notre foi, car Il est le même hier, aujourd’hui et pour l’éternité. Je viendrai chez vous pour vous dire que de même qu’il n’y a qu’une vérité et qu’une foi, de même il n’y a qu’une Église, l’épouse du Christ, qui est la gardienne du trésor de la foi. Je viendrai vous voir pour vous assurer que nous ne pouvons trouver le repos et la paix que dans la foi » (Gianpaolo Romanato, Pio X., op. ci., p. 266).
Le mal véritable des temps modernes réside dans le bannissement du Christ hors de la vie sociale des peuples. La tentative de reléguer à l’écart Jésus, Sa vérité et Sa visibilité a commencé à pénétrer à l’intérieur de l’Église de diverses manières dès la fin du XIXème siècle. Dans sa lettre pastorale de 1887 le jeune évêque Giuseppe Sarto analysait clairement ces erreurs modernes. Ça ressemblait à un petit Syllabus et à une anticipation de son encyclique la plus importante sur le plan de catéchétique, à savoir l’encyclique Pascendi. Il déclarait dans cette lettre pastorale :
« Beaucoup de chrétiens qui n’ont qu’une connaissance superficielle des choses de la foi et qui pratiquent peu revendiquent le droit d’être des maîtres à penser en déclarant que l’Église doit enfin s’adapter aux exigences de l’époque, prétendant qu’il serait impossible de maintenir ses règles dans leur intégralité d’origine et que dorénavant les personnes les plus sages et les plus pratiques seront les plus miséricordieuses, c’est-à-dire qu’elles seront à même de sacrifier une partie de l’ancien trésor pour sauver le reste. Dans un tel christianisme moderne, dans lequel la folie de la Croix est passée sous silence, les dogmes de la foi doivent s’adapter humblement aux exigences de la nouvelle philosophie. Le droit public de l’ère chrétienne doit faire timidement face aux grands principes des temps modernes. Même s’il ne renie pas ses origines et son passé il doit néanmoins reconnaître la légitimité de sa défaite face à son vainqueur. La norme morale trop stricte de l’évangile doit céder le pas devant les joies et les ajustements, et la discipline doit finalement reprendre toutes les prescriptions qui ne font qu’importuner la nature, afin de participer elle-même à l’heureux progrès de la loi de liberté et d’amour. Ces principes ne seront plus diffusés exclusivement par les ennemis déclarés de l’Église, mais aussi par ceux qui se disent eux-mêmes enfants de cette Église ; et après que ceux-là même auront combattu et bafoué les lois de l’Église, ils se sentiront outragés si l’Église les désigne comme étant des déserteurs de ses rangs et les fils de ses douleurs… C’est un manque de foi et d’égards pour l’Église que de vouloir la soutenir avec nos jugements à courte vue. Tenons-nous-en fermement à cette vérité que l’Église est d’origine divine et nous verrons alors que cette façon de juger et d’agir est non seulement vile et lâche, mais aussi impudente et peccamineuse… J’espère que ces germes mortels ne figurent pas parmi vous. Mais comme l’erreur ressemble à une plante qui doit être arrachée avec la racine et que l’évêque a reçu pour mission non seulement d’exhorter, d’assaillir, de rappeler à l’ordre, mais aussi de mettre en garde, il vous répète à nouveau : Faites attention et éloignez-vous de ceux qui s’arrogent la mission de conseiller et de décider des concessions que l’Église doit faire aux soi-disant besoins des temps nouveaux ».
La véritable maladie de l’époque moderne tient au manque de respect de Dieu et de Sa Volonté, et cela conduit alors à l’oubli de Dieu Lui-même (cf. E supremo apostolatu, n. 4). Saint Pie X décrit plus en détail cette situation dans la même encyclique :
« La dévotion religieuse est attaquée de toute part avec un extrême aplomb et avec hargne, les dogmes de la foi révélée sont niés, on essaye obstinément de réprimer et d’anéantir toute relation entre l’homme et Dieu ! En effet, par une attitude propre à l’antéchrist d’après l’apôtre, l’homme a pris la place de Dieu avec une audace inouïe ; et bien que l’homme ne parvienne pas à gommer totalement en lui la connaissance de Dieu, il récuse cependant Sa majesté, consacre pour lui-même ce monde visible dont il fait un temple et se fait adorer par les autres » (n. 5).
La description de cet état du monde moderne d’il y a 100 ans est encore plus valable au début de notre 21ème siècle.
Saint Pie X voyait que la tâche particulière de l’Église dans le monde moderne était de « restituer au Christ le genre humain » (E supremo apostolatu, n. 8). Dans la réalisation de cette tâche l’Église ne peut occulter les vérités divines, mais doit au contraire proclamer clairement et sans ambages les droits de Dieu dans tous les domaines de la vie humaine :
« Il est nécessaire, avec tous les moyens possibles, d’éradiquer totalement ce crime terrible et abominable (typique pour notre époque) par lequel l’homme a pris la place de Dieu. C’est pourquoi nous devons ramener à leur ancienne dignité les lois les plus sacrées et les enseignements de l’évangile. Nous devons proclamer haut et fort les vérités transmises par l’Église, tous ses documents sur la sainteté du mariage, sur l’éducation et la formation des enfants, sur la possession et l’usage des biens (matériels), sur les devoirs de l’administration publique » (E supremo apostolatu, n. 9).
Le soi-disant modernisme de l’Église, que Pie X a magistralement analysé et solennellement condamné dans son encyclique Pascendi, est à vrai dire une trahison de Jésus Lui-même, une trahison des vœux du baptême, puisqu’on place l’esprit du néopaganisme, du naturalisme et de l’anthropocentrisme à la place de l’honneur dû au Christ. Il s’agit là d’après Pie X d’une guerre civile dangereuse au sein de l’Église, car elle s’attaque à sa racine et à son âme. Dans l’encyclique Communium rerum de 1909 Pie X décrit sans l’enjoliver l’état véritable de cette guerre civile :
« C’est avec une gravité et une consternation non moindres que nous avons dû dénoncer et réprimer une autre forme de guerre, à savoir une guerre intestine et domestique qui est d’autant plus dangereuse qu’elle est peu visible. Cette guerre a été déclenchée par des fils pervers qui se sont infiltrés dans le sein même de l’Église pour la déchirer en catimini. Cette guerre vise directement la racine et l’âme de l’Église. Elle vise à troubler toutes les sources de la dévotion et de la vie chrétiennes, à empoisonner les sources de l’enseignement, à dilapider le trésor sacré de la foi, à ébranler les fondements de la constitution divine, à donner à l’Église une nouvelle forme, de nouvelles lois, de nouveaux droits conformément aux idées de systèmes monstrueux ; bref de défigurer l’épouse du Christ en la parant du vain éclat d’une noue nouvelle culture appelée à tort science et dont l’apôtre a mis souvent en garde : Prenez garde que personne ne vous séduise par sa philosophie et de faux enseignements qui ne s’appuient que sur une tradition humaine et se réfèrent aux principes du monde et non au Christ (1 Co 2, 8) » (N. 15).
Dans la même encyclique Communium rerum Pie X démasque les vraies racines du système pseudoscientifique du modernisme clérical à l’aide d’une logique imparable ; ces racines ont pour noms : orgueil intellectuel, incrédulité et rébellion contre Dieu :
« Certains furent séduits par cette fausse philosophie et cette exhibition d’une science vile et trompeuse, alliée à un aplomb démesuré dans la critique, et ils se retrouvèrent dans leur raisonnement sous l’emprise de la nullité (Rm 1, 21), et, la bonne conscience mise de côté, ils ont fait naufrage dans la foi ( 1 Tm 1, 19)… Ce nid d’erreurs et de perdition reçut le nom populaire de modernisme en raison de sa soif de nouveauté malsaine. Il s’enfouit secrètement dans les entrailles de la société moderne qui s’est éloignée de Dieu et de Son Église et s’insinue tel un cancer au sein des jeunes générations. Ce n’est pas le résultat d’une étude solide ni d’une véritable science, d’autant plus qu’il n’y a pas de contradiction entre la raison et la foi (Concile Vatican II, Consitution Dei Filius, chap. 4), mais il est le résultat de l’orgueil intellectuel et de l’atmosphère pestilentielle que l’on respire, de l’ignorance ou de la connaissance confuse des choses de la religion. Et cette infection abjecte est encore nourrie par un esprit d’incrédulité et de rébellion contre Dieu, où chacun s’imagine, pris par cette soif aveugle de nouveauté, se suffire à soi-même, se débarrassant ostensiblement et de manière hypocrite du joug de l’autorité divine, se fabriquant au gré de ses humeurs une religiosité floue, naturaliste et individuelle qui n’a plus de chrétien que le nom et l’apparence, sans en posséder la vérité et la vie. Dans tout cela il n’est pas difficile d’entrevoir l’une des nombreuses formes de la guerre éternelle qui est menée contre la vérité divine et qui est d’autant plus dangereuse que ses armes sont habilement dissimulées au nom d’une nouvelle religiosité, d’un sentiment religieux, de la sincérité, de la conscience, où des bonimenteurs s’efforcent de concilier des choses inconciliables, comme par exemple les extravagances de la science humaine et la foi en Dieu, la vaine frivolité du monde et la digne constance de l’Église » (N. 16-17).
Dans l’encyclique Communium rerum saint Pie X réfute avec une simplicité évangélique et en même temps avec une grande acuité les pseudo-motifs du modernisme qui pour des raisons soi-disant pastorales exige une réconciliation du nouveau monde païen et de son esprit avec l’esprit du Christ et de Son Église. En effet une telle exigence signifie qu’il y a une crainte du monde et de ses grands, qu’on veut être en paix, une pseudo-paix, et qu’on a un complexe d’infériorité par rapport au monde. Pie X nous dit :
« Ils se trompent grandement ceux qui pendant la tempête perdent la foi, parce qu’ils désirent pour eux-mêmes et pour l’Eglise un état permanent de tranquillité, de bien-être général, de la reconnaissance pratique et unanime de l’autorité sacrée de l’Église sans opposition. Et ils se trompent d’autant plus lourdement et honteusement ceux qui s’imaginent gagner cette paix éphémère en taisant les droits et les intérêts de l’Église en les abandonnant pour des intérêts particuliers, en les affaiblissant de façon injuste, en voulant plaire au monde sous le prétexte d’amadouer les partisans de la nouveauté et de les rapprocher de l’Église. Comme si l’on pouvait concilier la lumière et les ténèbres, le Christ et Bélial. C’est une illusion aussi vieille que le monde, mais qui reste toujours actuelle et qui restera aussi longtemps qu’il y aura des soldats faiblards ou des traitres qui déposent les armes à la première attaque ou qui se retirent du combat pour traiter avec l’ennemi qui pour l’heure est l’adversaire irréductible de Dieu et de l’homme » (N. 30)
La grande tentation des évêques de l’époque moderne consiste selon Pie X dans l’inaction, la neutralité, les compromis avec la société moderne. Une telle attitude des évêques ne serait point un amour pastoral et paternel étant donné qu’ils sacrifient les droits du Christ et de Sa Vérité. Pourtant les évêques devraient sacrifier leurs droits individuels dans la mesure où cela est nécessaire au salut des âmes. Dans l’encyclique Communium rerum Saint Pie X déclare à ce propos : « Vénérables frères, vous avez le devoir de résister de toutes vos forces à cette tendance funeste de la société moderne à sommeiller dans une honteuse indolence, cherchant au milieu d’une guerre qui fait rage contre la religion une infâme neutralité qui consiste en échappatoires et en compromis, tout cela au détriment de la justice et de la respectabilité, oubliant le message sans ambiguïté du Christ : Celui qui n’est pas avec moi est contre moi (Mt 12, 30) » (N. 31).
Dans la société moderne les catholiques sont appelés plus que jamais à confesser leur foi dans la mesure où l’erreur et la décadence des mœurs sont en augmentation : « Courage, chers enfants ! Plus l’Église est attaquée de toutes parts, plus les faux principes de l’erreur et de la perversion morale empoisonnent l’air d’une haleine pestilentielle, plus vos mérites seront grands devant Dieu lorsque vous entreprendrez le moindre effort pour éviter la contamination, que vous ne vous laisserez pas détourner de vos convictions et que vous resterez fidèles à l’Église. »
Les droits à la liberté et à l’égalité, à la liberté de parole et à la liberté de presse, qui sont fondamentaux et soi-disant intangibles dans notre société moderne, sont en fait trompeurs, car dans cette société moderne ils ne s’appliquent pas à l’Église, au Christ et à Sa Vérité. C’est à cette injustice criante que saint Pie X a attiré l’attention en disant : « En fait la liberté ou plutôt l’absence de contrainte est valable pour tous, mais pas pour l’Église ; liberté pour chacun de confesser son culte à lui, de diffuser ses propres façons de penser, mais pas pour le catholique » (Allocution aux fidèles du 23.02.1913).
Saint Pie X est un promoteur et un défenseur extraordinaire et brillant de la foi catholique et apostolique (catholicae et apostolicae fidei cultor egregius) dans le monde moderne et se révèle de ce fait comme un modèle à imiter pour les papes et les évêques de notre temps. Les qualités typiques d’un pasteur de l’Église s’expriment dans sa configuration avec l’esprit du Christ, dans son comportement intrépide vis-à-vis du monde, dans sa défense des droits de Dieu.
Après avoir sacré le 25.02.1906 dans la basilique Saint-Pierre quatorze évêques français qui étaient appelés à vivre dans une ambiance de politique anticatholique agressive, Pie X les avait reçus dans sa bibliothèque privée et leur avait donné l’instruction suivante qui mérite réflexion et qui témoigne d’un zèle apostolique ardent :
« 1. Ajustez-vous à l’esprit du Christ en mettant de côté toute passion humaine.
2. Vous devez réaliser que nous sommes nés pour le combat. Je ne suis pas venu pour apporter la paix, mais le glaive.
3. Dans vos jugements vous devez prendre en compte l’esprit des vrais catholiques de votre pays.
4. Vous devez sauver les principes absolus de la justice et défendre les droits de l’Église qui sont les droits de Dieu.
5. Vous devez avoir en vue non seulement la justice de Dieu, mais aussi celle du monde qui vous regarde afin de ne pas aller contre votre dignité et vos devoirs qui vous sont imposés.
Et ici je vous dis encore pour finir que j’envie votre destinée, que j’aimerais vous accompagner pour participer à vos souffrances et à vos peines, pour pouvoir être toujours à vos côtés et vous consoler. Je serai toujours proche par la pensée et nous nous retrouverons quotidiennement dans le divin sacrifice de la messe et devant le tabernacle où nous trouvons la force dans le combat et les moyens sûrs de la victoire » (Card. Rafael Merry del Val, San Pio X. Un santo che ho conosciuto da vicino, Vérone 2012, p. 29).
La racine du véritable mal de la société moderne et en particulier du modernisme de l’Église réside dans la négation du péché originel, ce qui a conduit finalement au naturalisme et au rejet du Christ. Saint Pie X déclarait cela dans l’encyclique Ad diem laetissimum de 1908 :
« En effet, sur quels principes s’appuient les ennemis de la religion ? Ils commencent tout d’abord par nier la chute originelle de l’homme ainsi que sa dépravation. Ils prétendent que le péché originel et les dommages qui s’en sont suivis sont un conte de fée. En conséquence la naissance du mal pour les hommes et la nécessité implicite d’un sauveur sont également un conte de fée. Partant de ces principes on comprend facilement qu’il ne reste plus aucune place pour le Christ, pas plus que pour la grâce et pour toute chose qui se trouve au-delà de la nature. En un mot : tout l’édifice de la foi est renversé » N. 22).
Le pape Pie XII, qui lui-même avait été un étroit collaborateur du saint pape, disait dans son discours lors de la canonisation de Pie X en 1951 :
« Avec son regard d’aigle qui était plus pénétrant et plus sûr que la vue des penseurs à courte vue, il voyait le monde tel qu’il était ; il voyait la mission de l’Église dans le monde, il voyait avec les yeux d’un saint pasteur le devoir de l’Église au sein d’une société déchristianisée, d’une société qui était contaminée ou pour le moins assiégée par les erreurs de l’époque et la perversion du monde. … Par nature personne ne le surpassait en douceur, personne n’était plus pacifique, plus paternel. Mais quand en lui s’élevait la voix de sa conscience pastorale, seul prévalait le sentiment du devoir. Celui-ci faisait taire toutes les considérations de la faiblesse humaine, mettait un terme à toutes les tergiversations, mettait en œuvre les mesures les plus énergiques, même si elles lui faisaient mal au cœur. L’humble « curé de campagne », comme il voulait parfois qu’on l’appelât, savait s’élever dans toute la majesté de sa sublime autorité tel un géant face aux attaques contre les droits imprescriptibles de la liberté et de la dignité humaines et contre les droits sacrés de Dieu et de l’Église. Alors son « non possumus » faisait trembler les puissants de la terre, les faisant parfois reculer, et procurait en même temps aux hésitants la certitude et aux pusillanimes l’enthousiasme ».
Dans son engagement courageux pour la centralité du Christ et de Sa Vérité au sein d’un monde hostile saint Pie X occupe une place de choix dans la liste des grands papes confesseurs au cours de l’histoire bimillénaire de l’Église parmi lesquels on trouve saint Léon le Grand, saint Gélase Ier, saint Grégoire le Grand, saint Nicolas le Grand, saint Grégoire VII, saint Pie V et le Bienheureux Pie IX. Sans aucun doute saint Pie X mérite le titre de « Grand », lui qui de son vivant se considérait comme un curé de campagne et qui avait une grande préférence pour les petits, autorisant la sainte communion aux petits enfants, renforçant la foi des petits dans l’Église avec son célèbre catéchisme et la défendant énergiquement face aux ergoteries et à l’apostasie du modernisme à l’intérieur de l’Église. Par là il s’est montré comme étant un promoteur extraordinaire et suréminent de la foi catholique et apostolique (catholicae apostolicae fidei cultoribus), prenant très au sérieux ces paroles du canon de la messe, ce que devrait faire tout prêtre, évêque et pape pour la plus grande gloire du Christ et le salut des âmes immortelles.