Le grand enjeu de notre temps
publié dans regards sur le monde le 1 avril 2015
Le grand enjeu de notre temps
Source : Correspondance européenne | 299
A l’occasion de la journée de la femme le dimanche 8 mars dernier, à Nancy en France, un groupe de féministe a attaqué et insulté des catholiques qui sortaient de la messe paroissiale célébrée à la basilique Saint-Epvre. De tels épisodes de violence physique et verbale se multiplient dans toute l’Europe et viennent s’ajouter aux initiatives judiciaires pour intimider les catholiques et les réduire au silence.
C’est cet esprit d’intolérance qui anime en Pologne des personnalités comme la féministe Małgorzata Marenin et la militante pro-avortement au Parlement européen Joanna Senyszyn, qui voudraient poursuivre l’archevêque Józef Michalik de Przemyśl, coupable d’avoir rappelé, dans son omélie de Carême, des notions qu’il avait déjà exprimées l’an dernier, en ces termes : «On parle beaucoup aujourd’hui, et à juste titre, des abus impardonnables perpétrés par des adultes à l’égard des enfants. On ne peut tolérer ce mal, mais personne n’ose en demander les motifs, aucune chaîne de télévision ne combat la pornographie et la promotion d’un amour faux et égoïste entre les gens. Personne ne prend la défense des enfants qui souffrent du manque d’amour entre leurs parents qui divorcent; et ce sont là les blessures douloureuses et profondes. On promeut sous nos yeux la nouvelle théorie du genre. Plus de dix des plus importantes universités de Pologne ont déjà introduit des cours qui diffusent cette insidieuse idéologie promue par les féministes les plus agressives, qui depuis des années outragent l’Eglise et l’éthique traditionnelle, militent pour l’avortement et combattent le modèle traditionnel de la famille et de la fidélité conjugale».
A ces paroles auxquelles souscrit tout catholique, nous devons ajouter que les racines profondes de l’idéologie du genre sont à chercher dans le marx-freudisme du XXème siècle, qui considère la famille comme une “superstructure” sociale en voie d’extinction. Un des premiers laboratoires intellectuels de ces théories fut, dans les années Trente, l’Institut marxiste pour la recherche sociale de Francfort, plus connu sous le nom d’Ecole de Francfort, dirigée par Max Horkheimer (1895-1973), Theodor Adorno (1903-1969) et Herbert Marcuse (1898-1979). S’inscrivent dans cette même ligne le fondateur du Parti Communiste italien Antonio Gramsci (1871-1937) et les auteurs dits “post-modernes” comme Michel Foucault (1926-1984), qui revendiquent la “destructuration” de la société et sa “libération sexuelle”.
C’est de ces thèses que s’est nourrie la Révolution de Soixante-Huit, dont descend à son tour l’idéologie anti-familiale et contre-nature de notre époque. Les étapes de cette “révolution culturelle” ont été, au cours de ces cinquante dernières années : la légalisation du divorce et de l’avortement ; la diffusion de la culture de mort contraceptive; le nouveau droit de la famille, subversif ; l’imposition de l’éducation sexuelle à l’école et de la pornographie dans la société ; la reconnaissance et l’apologie de l’homosexualité; la transformation des pires vices moraux en vertus publiques et la persécution de tous ceux qui osent s’opposer au processus de dérive culturelle et morale en cours.
Comme toutes les théories contre-nature, l’idéologie du genre se voit contrainte d’appliquer de façon totalitaire sa vision difforme de la réalité. D’où l’apparent paradoxe. L’idéologie qui réclame la reconnaissance de tous les droits au nom du principe de non-discrimination, discrimine et diabolise ses propres opposants : il s’agit d’un véritable diktat qui, au travers de la pression médiatique, politique et judiciaire, exerce une influence omniprésente sur les milieux catholiques.
Cependant tous ne sont pas disposés à adapter la vérité de l’Evangile aux comportements imposés par la dictature du relativisme. A la voix de Mgr Michalik s’est jointe récemment celle, tout aussi vigoureuse, du cardinal Robert Sarah, archevêque de Guinée et préfet de la Congrégation pour le Culte divin, qui écrit dans son ouvrage récent Dieu ou Rien (Librairie Arthème Fayard, Paris 2015) : « L’idéologie du genre est devenue la condition perverse pour la coopération et le développement. En Occident, des personnes homosexuelles réclament que leur vie commune soit juridiquement reconnue, pour être assimilée au mariage; faisant écho à leurs revendications, des organisations exercent de fortes pressions pour que ce modèle soit aussi reconnu par les gouvernements africains au titre du respect des droits humains. Dans ce cas précis, nous sortons, à mon sens, de l’histoire morale de l’humanité. Dans d’autres cas, j’ai pu constater l’existence de programmes internationaux qui imposent l’avortement et la stérilisation des femmes. Ces politiques sont d’autant plus hideuses que la plus grande partie des populations africaines sont sans défense, à la merci d’idéologues occidentaux fanatiques. (…)Le Saint-Siège doit jouer son rôle. Nous ne pouvons accepter la propagande et les groupes de pression des lobbies LGBT – lesbiens, gays, bisexuels et transgenres. Le processus est d’autant plus inquiétant qu’il est rapide et récent. Pourquoi cette volonté forcenée d’imposer la théorie du genre ? Une vision anthropologique inconnue il y a quelques années, fruit de l’étrange pensée de quelques sociologues et écrivains, comme Michel Foucault, deviendrait le nouvel eldorado du monde ? Il n’est pas possible de rester inerte devant une telle supercherie, immorale et démoniaque».
Paroles fortes qui méritent d’être méditées. Ce n’est pas un hasard si au cours du Synode sur la famille d’octobre 2014, la résistance la plus vigoureuse aux tentatives de dénaturer la pastorale de l’Eglise sur le thème des divorcés remariés et de l’homosexualité, provenait précisément des évêques de Pologne et d’Afrique et que le cardinal Sarah a déjà annoncé la bataille du prochain Synode d’octobre 2015 par ces paroles : «J’affirme solennellement que l’Église d’Afrique s’opposera fermement à toute rébellion contre l’enseignement de Jésus et du Magistère». Les évêques polonais et bien d’autres encore feront certainement de même. C’est un grand défi moral qui s’ouvre. (Roberto de Mattei)