« Une civilisation blessée à mort »
publié dans regards sur le monde le 4 novembre 2015
Communication au Congrès de Montfort
Sao Paulo
27-29 août 2015
Une civilisation blessée à mort
(En souvenir de Jean Madiran. Ce chrétien de génie)
Quelles sont ces blessures ?
Elles sont autant d’hérésies, d’erreurs, condamnées par l’Eglise et tout particulièrement par Pie IX et son Syllabus.
Et de fait, lorsque vous m’avez invité à participer à votre Congrès 2015 sur le thème : « l’Eglise face à l’hérésie », j’ai tout de suite pensé à Pie IX et à son Encyclique Quanta Cura et au Syllabus (8 décembre 1864), le « résumé des erreurs modernes », des hérésies modernes. Quanta Cura, l’encyclique, en est comme le préambule. Où donc chercher la liste des erreurs modernes sinon dans ces textes ? Le pape n’en énonce pas moins de 80. Mais ce n’est pas seulement une liste d’erreurs, c’est surtout et principalement l’énoncé des principes de la chrétienté, en ce sens qu’il faut prendre les propositions contraires pour avoir la vérité catholique. C’est bien la charte catholique.
Dès lors, nous nous inspirons de Quanta Cura et du Syllabus pour aborder notre sujet : Une civilisation blessée à mort.
Et à sa lumière, nous examinons quatre sujets qui feront l’objet de ma conférence:
A- De l’athéisme
B- De la loi
C- De la démocratie révolutionnaire
D- De la laïcité
A De l’Athéisme
La première hérésie – la première flèche – qui touche le monde moderne c’est son athéisme.
Pie IX le condamne dès le début de son document. Cette condamnation fera l’objet de la 6ème proposition du Syllabus : «la perfection des gouvernements et le progrès civil exigent que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la religion que si elle n’existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses».
Mais n’est- ce pas la situation de l’Europe ?
La victoire de l’athéisme
Alors que l’Europe avait reçu de Dieu et particulièrement la France, la vocation et les moyens de porter l’Evangile dans le monde entier, l’athéisme l’a emporté dans tout l’espace social des institutions, du droit en vigueur, de l’idéologie dominante, dans les médias et dans l’école publique. L’Europe est devenu athée, officiellement laïque, sans Dieu. C’est la grande hérésie contemporaine. C’est l’œuvre de la Franc-Maçonnerie.
Alors que Dieu est tout, au principe de tout, l’Europe déclare vouloir vivre comme si Dieu n’existait pas.
Vous pourriez objecter : Mais Il y a pourtant des familles, des chapelles, des paroisses, des écoles, des communautés et associations où la foi chrétienne est ardente et fidèle. L’athéisme officiel ne les a pas détruites. Il n’arrête pas leur (modeste) multiplication.
Je vous répondrais : Il les a seulement recouvertes. Il leur a retiré l’accès à tout ce qui a une décisive dimension sociale.
-Il leur interdit d’avoir réellement voix au chapitre pour ce qui concerne : la définition des droits (qui sont désormais ceux de l’homme sans Dieu, sans foi ni loi, sans obligation ni sanction) ;
– Il leur interdit d’avoir réellement voix au chapitre pour ce qui concerne la doctrine et les mœurs de l’école publique (dite par antiphrase Education nationale)
– Il leur interdit d’avoir réellement voix au chapitre pour ce qui concerne l’idéologie dominante dans l’information et les spectacles, la soi-disant « éthique » qui prétend se substituer à tout ordre moral dans la politique, dans la bioéthique, dans les finances et dans les sciences
La protestation chrétienne pourtant nombreuse et admirable en faveur de l’institution familiale et de la protection de l’enfance dès sa conception n’a eu en France comme en Europe aucun effet sur la législation, sur les tribunaux, sur les gouvernements de droite comme de gauche. On ne cesse de légiférer contre Dieu et sa création…Et cette législation en arrive maintenant à ce que Péguy appelait déjà une « dé-création » et cette « dé-création » touche surtout la famille. L’athéisme tient l’Etat, la justice, l’éducation publique, les spectacles et les médias.
Hier, au commencement de cette Europe, il y avait eu pourtant le contraire de cette athéisme grâce à Charlemagne et à son ministre de l’Instruction, Alcuin : « une synthèse grandiose entre la culture de l’antiquité classique, principalement romaine et les cultures des peuples germaniques et celtes, une synthèse réalisée sur la base de l’Evangile de Jésus-Christ : voilà la contribution de Charlemagne pour la formation du continent européen. Dès lors, l’Europe, son unité ne fut pas d’abord géographique…mais fut spirituelle, surnaturelle : c’est par l’acceptation de la foi chrétienne qu’elle devint un continent qui, tout au long des siècles, a réussi à répandre ses « valeurs » dans presque toutes les autres parties de la terre pour le bien de l’humanité. L’Europe n’est pas d’abord une entité économique. Elle est d’abord un patrimoine culturel. Et c’est sur ce patrimoine que s’est fait son unité qui s’est conservée plus d’un millénaire. 12 siècles durant, il en fut ainsi.
Mais l’athéisme l’a emporté dans les institutions et dans les mœurs.
Dans les mœurs ! Le pape Jean Paul II le confessait déjà dans son encyclique Ecclesia in Europa. Il écrivait dans les § 7 et 9 de son Exhortation :
« Le temps que nous vivons, avec les défis qui lui sont propres, apparaît comme une époque d’égarement », en tant qu’il est « la perte de la mémoire et de l’héritage chrétien, accompagnés d’une sorte d’agnosticisme pratique et d’indifférentisme religieux, qui fait que beaucoup d’Européens donnent l’impression de vivre sans terreau spirituel et comme des héritiers qui ont dilapidé le patrimoine qui leur a été légué par l’Histoire ». Cette Europe, jadis chrétienne, « exclut son héritage religieux, en particulier son âme profondément chrétienne, fondant les droits des peuples qui la composent sans les greffer sur le tronc irrigué par la sève vitale du Christianisme ». C’est l’apostasie dont parle saint Pie X dans sa Ière encyclique « E Supremi Apostolatus ».
« Les prestigieux symboles de la présence chrétienne » ne manquent pas dans le continent européen, poursuit-il, « mais avec l’expansion lente et progressive de la sécularisation », ils risquent de devenir « un pur vestige du passé. Beaucoup n’arrivent plus à intégrer le message évangélique dans l’expérience quotidienne ; il est de plus en plus difficile de vivre la foi en Jésus dans un contexte social et culturel où le projet chrétien de vie est continuellement mis au défi et menacé ; dans de nombreux milieux de vie, il est plus facile de se dire athée que croyant ; on a l’impression que la non-croyance va de soi tandis que la croyance a besoin d’une légitimation sociale qui n’est ni évidente, ni escomptée »
Le Pape dresse donc le constat pour l’Europe « d’une perte de la mémoire chrétienne » qui va aussi avec « une perte du sens de la vie » et avec le développement de « l’attitude égocentrique qui enferme les personnes et les groupes sur eux-mêmes, la croissance d’une indifférence éthique générale et de la crispation excessive sur ses propres intérêts et privilèges. »
C’est la condamnation de l’individualisme, de l’indifférentisme religieux et éthique.
C’est ainsi que se développe « une anthropologie sans Dieu et sans le Christ. Cette manière de penser a conduit à considérer l’homme comme « le centre absolu de la réalité, lui faisant occuper faussement la place de Dieu. On oublie alors que ce n’est pas l’homme qui fait Dieu, mais Dieu qui fait l’homme »
C’est la condamnation de l’anthropocentrisme.
« L’oubli de Dieu a conduit à l’abandon de l’homme », et c’est pourquoi, « dans ce contexte, il n’est pas surprenant que se soient largement développés le nihilisme en philosophie, le relativisme en gnoséologie et en morale, et le pragmatisme, voire un hédonisme cynique, dans la manière d’aborder la vie quotidienne ». La culture européenne donne l’impression, conclut-il, d’une « apostasie silencieuse » de la part de l’homme comblé qui vit comme si Dieu n’existait pas. »
Ici le pape dénonce le nihilisme, le relativisme, l’hédonisme.
Ce sont là autant d’hérésies face auxquelles l’Eglise se dresse et doit s’élever…
Et cette apostasie entraîne « l’apparition d’une nouvelle culture » caractérisée par « un agnosticisme religieux toujours plus répandu », « lié à un relativisme moral et juridique plus profond, qui prend racine dans la perte de la vérité de l’homme comme fondement des droits inaliénables de chacun », prélude « de ce que l’on peut appeler une « culture de mort ».
Il est difficile d’être plus clair !
Oui ! L’athéisme l’a emporté en Europe.
Le premier jour du troisième millénaire, Jean-Paul II renouvelait le constat. Il disait : « désormais affranchis du terreau chrétien, (les pays d’Europe) sont inspirés par une conception sécularisée et pratiquement athée de la vie et par des formes d’individualisme radical…. Il s’agit d’un phénomène de vastes proportions, soutenu par de puissantes campagnes médiatiques qui tendent à véhiculer des styles de vie, des projets sociaux et économiques, et en définitive une vision d’ensemble de la réalité, qui rongent de l’intérieur divers fondements culturels et de très nobles civilisations. En raison de leur forte connotation scientifique et technique, les modèles culturels de l’Occident apparaissent fascinants et séduisants, mais malheureusement ils révèlent, avec une évidence toujours plus grande, un appauvrissement progressif dans les domaines humaniste, spirituel et moral. La culture qui les engendre est marquée par la prétention dramatique de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu, le Souverain Bien. Mais, avertit le Concile Vatican II, « la créature sans son Créateur s’évanouit ». Une culture qui refuse de se référer à Dieu perd son âme en même temps que son orientation, devenant une culture de mort, comme en témoignent les tragiques événements du vingtième siècle et comme le montrent les conséquences nihilistes que l’on constate actuellement dans de larges sphères du monde occidental » (n°9).
Ce n’est qu’un aspect du message pontifical de Jean-Paul II, un fragment de son neuvième paragraphe, mais qui prononce l’acte de décès de l’Occident catholique. Cette parole est « une parole radicale et nouvelle dans sa radicalité » nous dit Yves Daoudal. (Nouvelle dans sa radicalité tant il est vrai que Gaudium et Spes voulut s’ouvrir au monde moderne tel qu’il est né de la Révolution Française. Révolution Française qui contient précisément les principes qui ont conduit l’Europe à cette « civilisation de mort ». C’est ainsi que l’enseignement du Magistère est souvent aujourd’hui, contradictoire). Ainsi « le pape condamne avec force l’Europe devenue athée et souligne que cette Europe-là ne répand plus que des poisons quand elle se mêle de proposer ses remèdes au reste du monde….Au passage du millénaire, le Pape identifie et condamne les ténèbres de cette Europe-là ». C’est ainsi que l’on peut dire que la Lumière vient toujours de Rome.
Ce fragment de message pontifical est d’une grande densité. On peut le relie point par point :
-1- Les commodités, le confort, les plaisirs, les progrès de la médecine et des communications que les sciences et techniques procurent à la vie matérielle en Occident, peuvent faire rêver ceux qui ne les ont pas et satisfaire dans une béatitude physique ceux qui en jouissent. C’est ce que le message pontifical désigne comme « séduisant et fascinant ». Malheureusement cela ne concerne que la vie matérielle : « le niveau de vie ». Tandis que les progrès se développent dans la connaissance et l’utilisation du monde matériel, simultanément chemine en sens inverse « un appauvrissement progressif dans les domaines humaniste, spirituel et moral ». C’est ainsi que nous vivons une décadence et plus qu’une décadence : l’agonie d’une civilisation. Les performances du TGV et les nouveaux modèles d’Airbus sont bien intéressants mais ils n’y peuvent rien.
2-La cause de cette catastrophe est dans la dramatique prétention de cette civilisation agonisante : « la dramatique prétention de vouloir réaliser le bien de l’homme en se passant de Dieu ». Et alors « la créature sans son Créateur s’évanouit ». C’est pourquoi il faut dire que tout monastère religieux, toute famille catholique, toute école catholique est germe d’espérance et de restauration. Que ces fondations soient sans peur et sans reproche, fier d’être catholique. Elles sont la vie de demain…
A ce même moment du passage d’un millénaire à l’autre, Soljenitsyne avait dit la même chose. Les anniversaires sont l’occasion de réflexion. Le 13 décembre 2000, l’Académie des sciences morales et politiques de Paris s’était déplacée à Moscou pour remettre son grand prix à Soljenitsyne. Et celui-ci parla aux émissaires parisiens avec la même tranquille liberté qu’il avait eue à l’égard des Américains dans son discours d’Harvard du 8 juin 1978, quand il leur disait déjà : « Non, je ne peux pas recommander votre société comme un idéal pour la transformation de la nôtre » c’est-à-dire pour la transformation de la société soviétique qui était encore sous la domination communiste. Aux émissaires parisiens, le 13 décembre 2000, il parla carrément, pour eux, pour nous, non pas d’un avenir radieux mais « de la crise profonde qui s’annonce ». Et comme le Pape, il indiqua la cause : « Il y a cinq siècles, l’humanisme s’est laissé entrainer par un projet séduisant : emprunter au christianisme ses lumineuses idées, son sens du bien, sa sympathie à l’égard des opprimés et des miséreux, son affirmation de la libre volonté de chaque être humain, mais en essayant de se passer du Créateur de l’univers ».
Voilà ! Tout est dit. C’est l’hérésie du monde moderne affirmée.
Et plus encore, Soljénistsyne, à Moscou, le 13 décembre 2000, présentait aux français cette vérité devenue incompréhensible à la France officielle : « l’exercice suprême de la liberté consiste à se restreindre dans tous les aspects de l’expansion et de la limitation ». Il avait dit aux Américains en 1978, sans être mieux compris d’eux : « seule l’éducation volontaire en soi-même d’une auto-limitation radieuse élève les hommes au-dessus du flux matériel de la vie ». Il leur avait proposé l’auto-limitation librement consentie par laquelle l’homme « limite lui-même ses exigences, renonce à ce qui lui revient de droit, consent au sacrifice ou au risque gratuit » parce que, annonçait-il, « le moment est venu pour l’Occident de ne plus tant affirmer les droits des gens que leurs devoirs ».
Ce discours rappelle celui que tenait déjà un Charles Maurras, annonçant contre la philosophie des droits de l’homme sans Dieu que la liberté, la vraie, est au terme de l’effort et nullement en son début. (La liberté n’est pas au commencement, mais à la fin. Elle n’est pas à la racine, mais aux fleurs et aux fruits de la nature humaine ou pour mieux dire de la vertu humaine. On est plus libre à proportion qu’on est meilleur. Il faut le devenir. Nos hommes ont cru s’attribuer le prix de l’effort par une Déclaration de leurs droits fameuse, en affichant dans leurs mairies et leurs écoles, dans leurs ministères et leurs églises que ce prix s’acquiert sans effort. Mais afficher partout que chacun naît millionnaire vaudrait il à chacun ombre de million ?
« Il y a cinq siècles » dit Soljenitsyne. L’Occident aurait-il donc vécu dans l’erreur depuis cinq siècles ? Ce n’est pas ainsi qu’il faut l’entendre, « Cinq siècles ». Cela nous ramène à la Renaissance. Et ce qui caractérise essentiellement ce siècle, c’est que les sciences, les arts, la philosophie, et les humanités perdaient leur inspiration surnaturelle pour se faire l’ornementation d’un humanisme sans Dieu. C’est bien ce que dit Soljénystsine. C’est bien ce que dit Jean Paul II. A la longue, très à la longue, cela devait aboutir à la terrible organisation mondiale de l’athéisme. Nous y sommes. L’athéisme est le fruit du rationalisme – qui a commencé à s’exprimer à la Renaissance – et du naturalisme qui a surtout rayonné à 18ème siècle avec le Protestantisme et la Révolution française.
Et c’est ainsi qu’à cette date –au quinzième siècle et surtout au dix-huitième siècle – c’est consommée une rupture profonde en Europe, entre deux Europe, une Europe chrétienne. Une Europe athée, laïque avec une conception nouvelle de la loi.
B- La loi
Cette rupture s’est surtout manifestée dans la définition de la loi.
On parle aujourd’hui de loi, tout comme hier, avec le même mot mais non avec le même sens que les législateurs de l’antiquité grecque, les psalmistes juifs, les juristes de l’Empire romains, les Pères de l’Eglise grecs et latins, les philosophes et théologiens de l’Europe chrétienne, les légistes du roi de Frances, les canonistes du pape, – et la morale commune.
La définition de la loi a été formulée substantiellement de la même manière dans la civilisation « gréco-romaine ». C’était celle que saint Thomas nous résumait comme étant l’expression de la raison : la loi n’est pas autre chose qu’une prescription de la raison pratique chez le chef qui gouverne une communauté parfaite.…
Cette conception de la loi fait partie de ce qui a été la « civilisation chrétienne » et de ce qui fut son héritière peu fidèle la « civilisation occidentale ». On peut dire cette conception : « classique ». Elle se définit, comme on le voit par une triple caractéristique :
-elle est un commandement de la raison ;
-elle est en vue du bien commun ;
-et elle est promulguée par une autorité légitime.
La rupture avec cette conception « classique » a été brutale à partir du moment où, par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 a été instituée une nouvelle définition : « la loi est l’expression de la volonté générale ». Cette définition balayait la précédente. Elle imposait le subjectivisme. La « volonté générale » devenait seul la loi. Elle faisait seul la loi. Elle emportait tout. Elle est la subversion la plus radicale que l’on puisse imaginer. Elle ne laisse rien subsister de l’ordre naturel et de l’ordre surnaturel. Elle implique et appelle une barbarie totale, un dénuement moral complet qui ramène l’humanité aux siècles avant Jésus-Christ. Avec une telle définition, il suffira de laisser passer un peu de temps pour retrouver l’état qu’ont connu Sodome et Gomorrhe ! On y est !
Et c’est pourquoi Pie IX ne put pas ne pas condamner une telle définition, un tel subjectivisme.
On ose proclamer aujourd’hui que :
–«la volonté du peuple, manifestée par ce qu’ils appellent l’opinion publique ou d’une autre manière, constitue la loi suprême, indépendante de tout droit divin et humain, et que, dans l’ordre politique, les faits accomplis, par cela même qu’ils sont accomplis ont la valeur du droit».
« Or qui ne voit, qui ne sent très bien qu’une société soustraite aux lois de la religion et de la vraie justice ne peut plus avoir d’autre but que d’amasser, que d’accumuler des richesses, et ne suivre d’autre loi, dans tous ses actes, que l’indomptable désir de satisfaire ses passions et de servir ses intérêts ? »
C’était prophétique !
Non ! La loi n’est pas l’expression de la volonté générale ; n’est pas « l’expression de la conscience collective de l’humanité » ni de « l’opinion publique ». (NB C’est ce qu’enseignait effectivement l’évêque du diocèse de Metz dans son bulletin diocésain numéro 150 du Ier mai 1968, page 2 et qui fut tellement dénoncé par Jean Madiran dans son livre fameux : « l’hérésie du XXème siècle »).
Faisons quelques critiques.
Selon la conception classique de la loi, il existe trois grandes lois générales que les lois décrétées par les Etats (les lois civiles) ont pour fonction d’appliquer aux circonstances géographiques, historiques, ethniques particulières à chaque nation :
– il y a la loi naturelle ou obligation morale de nous comporter conformément à notre nature humaine, telle que nous la connaissons par la raison. Son premier principe est qu’on doit faire le bien et éviter le mal, ce qu’implique de ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fit.
-il y a le Décalogue : ce sont les dix prescriptions morales des Tables de la Loi révélées à Moïse sur le Mont Sinaï. Gardons fidélité à ce Décalogue, la loi de Dieu.
-il y a la loi d’amour, qui est la loi de NSJC
Ces trois lois communiquent entre elles
Supérieure aux lois civiles, la loi naturelle est la loi primitivement « non écrite ». Elle est écrite dans le Décalogue. On lui donne aussi le nom de « commandements » de Dieu pour indiquer que l’auteur de la loi naturelle est le Dieu Créateur de la nature humaine. La loi d’amour du Christ n’est pas venue abolir mais parfaire la loi naturelle : sanans et elevans, soignant et élevant, la loi du Christ guérit la loi naturelle de ses déviations accidentelles et l’élève à l’ordre surnaturel.
L’autorité des lois civiles vient alors de ce qu’elles sont une application concrète de ces trois lois dont Dieu est l’auteur. Pour les incroyants demeurent la loi naturelle, parce que l’auteur en est le « Dieu des philosophes ». Premier moteur et Fin dernière ; ou au moins parce qu’elle leur apparait conforme à la raison et à l’ordre de la nature humaine.
Tel est l’héritage, plus ou moins loyalement gardé et transmis qui a fait les nations d’Europe et par elle l’ordre mondiale, le progrès humain et l’histoire du monde jusqu’à la démission d’un Occident infidèle et débilité, oubliant jusqu’à son visage, qui a laissé la place à la confusion, à la désorientation, à la rencontre de la barbarie. C’est ce qu’annonçait déjà Pie IX dans son Quanta Cura…Aujourd’hui, on assiste à des scènes bien pires qu’à Sodome et Gomorrhe…
Sans doute la civilisation et le progrès humain avait grandi en s’accompagnant d’imperfections, souvent d’injustices et même de cruautés. Mais transgresser une loi n’est pas la même chose que l’ignorer ou la rejeter. Manquer de fidélité à une loi que néanmoins on reconnait comme devant être obéie n’est pas la même chose que prétendre qu’il n’existe aucune loi devant être universellement observée au-dessus du subjectivisme individuel. Même les barbares de l’antiquité n’avaient pas, semble-t-il, nié la loi naturelle dans toute sa généralité
Or lorsque l’on vous dit que la loi n’est que « l’expression de la volonté générale » ou « l’expression de la conscience collective de l’humanité » ou l’expression de l’opinion publique » c’est dire équivalemment que l’humanité ne reconnait plus aucune loi supérieure à l’homme et indépendante de sa volonté. C’est affirmer pour l’homme une indépendance absolue mais insensée ; c’est faire de l’homme un Dieu ou vouloir lui donner des pouvoirs divins…
Ainsi la loi humaine s’est déclarée affranchie de l’obligation d’être une traduction concrète des principes généraux de la loi de Dieu. S’il lui arrive de ne pas la contredire, ce sera par l’effet d’une coïncidence accidentelle et non par l’effet d’une dépendance librement acceptée.
La modernité – l’athéisme – méconnait en effet entièrement le fait qu’il existe une loi de Dieu énoncée d’une part dans le Décalogue et dans l’Evangile. En matière religieuse, elle ne reconnait en somme que des opinions, toutes respectables, mais toutes facultatives ; il n’y a d’obligation morale que subjective, celle que chacun s’est formé selon son expérience et sa réflexion. Entre ces subjectivités, il est souhaitable, certes, que s’établisse un dialogue permettant des échanges, des remises en cause, des enrichissements réciproques. En dehors de la loi morale que chacun s’impose (ou non) à lui-même et qui reste donc d’une portée strictement individuelle, il ne peut y avoir de loi commune (il en faut bien en société) que résultant d’un consensus obtenu au bout d’un débat. Ainsi la loi civile est l’expression de la volonté générale ; et il n’existe aucune obligation qui soit supérieure à la loi civile. (Président Chirac)
Cet état d’esprit, souvent érigé en doctrine, a fini par déteindre sur la pensée et la vie religieuse et par estomper toute notion d’une loi de Dieu ayant une réalité objective et le caractère d’une obligation morale.
Ainsi la modernité se rebelle contre la rigidité, contre le dogmatisme, l’intolérance d’une telle affirmation, et la frappe de discrédit et d’exclusion, parce qu’elle dépasse les conditions mêmes du dialogue, du seul qui soit admis, obligatoirement limité à une rencontre des subjectivités.
Avec cette définition de la loi « révolutionnaire », la modernité a perdu la loi naturelle, le Décalogue presque entier et sa signification. Nous avons perdu le sens naturel de son obligation objective, immuable, universelle. C’est la racine et c’est le principe de l’hérésie moderne, de ce que l’on pourrait appeler la « dé-création ». Alors nous vivons sans principe et sans principes, nous sommes condamnés à mort, nous retournons au néant. Et c’est pourquoi sont tellement justes ces paroles de Jean Madiran : « nous vivons quelque chose de beaucoup plus profond qu’une crise politique, intellectuelle ou morale ; de plus profond qu’une crise de civilisation. Nous vivons ce que Péguy voyait naître et qu’il nommait une « décréation ». Dans l’évolution actuelle du monde, on aperçoit la domination à demi souterraine, d’une haine atroce et générale, une haine de (contre) la nation, une haine de la famille, une haine du mariage, une haine de l’homme racheté, une haine de la nature créée (ndlr la théorie du genre). La signature devient plus lisible que jamais.(ndlr Le démon, Satan). Il appartient aux autorités temporelles et aux autorités spirituelles de la dénoncer. Leur carence empêche les peuple de la voir » ( Dialogue du pavillon bleu. p.149)
Mais cette nouvelle conception de la loi a d’autres conséquences graves en matière politique. Elle impose à l’Occident une nouvelle définition de la démocratie qui semble bien avoir été condamnée déjà par Pie IX
C-La loi « nouvelle » et la démocratie moderne
Et plus particulièrement dans le chapitre VI du Syllabus consacré aux « Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l’Église ». Il condamne cette proposition, c’est la proposition 39ème : « L’État, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite » (26).
C’est bien là un des principes fondamentaux de ce que Jean Madiran appelle « la démocratie moderne ». L’Etat est à lui-même sa propre loi ne reconnaissant aucun principe supérieur à lui-même. L’Etat ne reconnaît ni le pouvoir divin et ni le droit divin. Il est à lui-même son propre pouvoir, sa propre limite. Il n’a d’autre limite que son bon plaisir. Il n’est circonscrit par rien que par sa propre volonté toute puissante.
Pie IX dira aussi, c’est la proposition 56, que « Les lois de la morale n’ont pas besoin de la sanction divine, et il n’est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d’obliger »(26) Il dira de même dans la préposition 57 : « La science des choses philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l’autorité divine et ecclésiastique ». Elles ne sont que l’expression de la volonté générale, indépendante de l’autorité divine ou ecclésiastique. L’Etat légifère indépendamment de la volonté de Dieu. (26). Cette critique est inhérente au système démocratique tel qu’il est né de l’Assemblée Constituante révolutionnaire… On ne reconnaît dans cette démocratie ni Dieu ni loi morale. La proposition 59 ne fait que confirmer la chose : « Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hommes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de droit » (26). Le pouvoir est la loi, la force est la loi, fait la loi. Le nombre est la loi. Ce que condamnera Pie IX dans sa proposition 60 : « L’autorité n’est autre chose que la somme du nombre et des forces matérielles » Il n’y a pas d’autre pouvoir que celui qui vient du nombre. Le nombre est la seule justification du pouvoir. (26). C’est tellement faux ! Quant est-il alors du pouvoir parental ?
NB : Je remarque que toutes ces propositions condamnées ici sont tirées du document de Pie IX numéroté 26. Quel est-il ? C’est cette allocution très importante de Pie IX du 9 Juin 1862 appelée Maximum quidem
La pensée de Pie IX nous permettra de mieux comprendre ce que Jean Madiran appelle dans ses livres la « démocratie moderne ».
Que faut-il entendre par là ?
Il existe deux démocraties, l’une que Jean Madiran appelle « classique » et l’autre « moderne ».
Classique, la démocratie est celle qui a existé de tout temps ou presque, chez les Grecs comme chez les Romains. Elle est éternelle : elle est un mode de désignation des gouvernants. La désignation des gouvernants par les gouvernés, selon divers systèmes électoraux, variables et variés. La démocratie classique consiste à n’avoir dans la cité aucune autorité politique dont le titulaire ne soit directement ou indirectement désigné, pour un temps limité, par les citoyens qui sont tous électeurs.
Moderne, elle fonctionne comme la classique. Apparemment, c’est la même. En réalité, c’est autre chose.
Premièrement, elle est exclusive de toute autre mode de gouvernement…la désignation des gouvernants par les gouvernés est réputée le seul mode de désignation qui soit juste : les régimes non démocratiques deviennent tous immoraux. Une telle démocratie n’est plus un régime parmi d’autres, il est le seul régime légitime, le seul juste. Il ne peut y avoir de justice sans démocratie
Secondement, la désignation des gouvernants par les gouvernés est le seule fondement de la légitimité car le « principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » et « la loi est l’expression de la volonté générale », stipule la Déclaration des Droits de 1789, acte de naissance de la démocratie moderne. Toute souveraineté, toute loi qui invoquent un autre fondement et non pas celui-là sont donc tyranniques ; une loi, une souveraineté ne peuvent jamais l’être dès lors qu’elles sont fondées sur la volonté générale.
Ainsi la démocratie moderne s’annexe la démocratie classique, elle porte son masque…Mais elle la dénature en raison de sa définition de la légitimité basée sur le seul nombre, « la volonté générale ».
Troisièmement. Conséquence : le pouvoir en démocratie moderne, devient un pouvoir illimité. Il le devient en droit, en droit démocratique. Quand la légitimité du pouvoir tient tout entière dans la seule désignation de celui qui est appelé à l’exercer, un tel pouvoir est un droit sans limite (C’est expressément ce que dit Pie IX, dans sa proposition 39 ) : qui, en droit ou quoi le limiterait ? En fait il reste limité par des habitudes, des traditions, des réalités, mais qui sont toutes étrangères au droit démocratique moderne et que celui-ci tend à supprimer par une continuelle démocratisation de la société (Voyez aujourd’hui, l’action que mène le socialisme contre la famille et qui aurait été mené tout pareillement par la droite. Le droit se détermine dans les officines maçonniques (présentes d’un côté comme de l’autre).
Ainsi dans la démocratie moderne, le droit (nouveau) entre en conflit avec la nature, la démocratisation illimitée « est le progrès indéfini du droit par une évolution qui déclasse, discrédite puis détruit les sociétés naturelles (famille)
Que la « loi » soit « l’expression de la volonté générale » et seulement cela, et nullement autre chose, est une grande nouveauté dans l’histoire du monde. Cette proclamation de 1789 n’a pas inventé la démocratie, elle lui a donné un autre contenu. Elle a imposé dans la vie politique une morale nouvelle et un nouveau droit que condamne Pie IX.
Toujours, dans toutes les civilisations jusqu’en 1789, la loi était l’expression d’une réalité supérieure à l’homme, d’un bien objectif, d’un bien commun que l’homme traduisait. La loi était l’expression humaine de la volonté de Dieu sur les hommes, conformément à la nature qu’il leur a donnée, à la destinée qu’il leur a donnée. Quand Dieu était inconnu ou méconnu, la loi demeurait néanmoins l’expression d’une raison, d’une justice, d’un ordre supérieur aux volontés humaines.
Ainsi la légitimité de la loi, celle du pouvoir, celle des gouvernants résidaient dans leur conformité à cet ordre supérieur, indépendamment d’une désignation régulière des magistrats et des législateurs. La légitimité, c’est-à-dire la justice, se fonde sur le bien commun, i.e. sur le décalogue, c’est-à-dire en Dieu. Avec la démocratie moderne, tout cela est fini. Le pape Pie IX condamne clairement une telle démocratie.
Date terrible dans l’histoire du monde, la date où des hommes ont décidé que désormais la loi serait « l’expression de la volonté générale », i.e. l’expression de la volonté des hommes ; la date où les hommes ont décidé de se donner à eux-mêmes leur loi ; la date où ils ont décliné au pluriel le péché originel. Péché originel où Adam détermine « à soi-même ce qui est bon ou ce qui est mal de faire » sans plus considérer l’ordre divin.
Révolte essentielle par laquelle l’homme veut à lui-même se donner sa loi morale, écartant celle qu’il avait reçue de Dieu. En 1789, cette apostasie s’est faite collective. Elle est devenue le fondement du droit politique nouveau. La démocratie moderne, c’est la démocratie classique en état de péché mortelle.
Démocratie moderne. Démocratie totalitaire.
Cette démocratie moderne est de soi totalitaire. Elle ne peut pas ne pas l’être.
Quand les hommes décident qu’il n’y a plus rien qui soit supérieur à la souveraineté populaire et à la loi du nombre, ils font bien autre chose que de changer de constitution politique, ils accomplissent une révolution morale et religieuse, et non pas à vrai dire une révolution, mais la révolution, la seule, celle de la créature qui refuse, depuis Adam, sa condition de dépendance. A la place des tables de la loi de Moïse, du Dieu des chrétiens, il ne reste que l’homme, collectivement émancipé, maître de son destin, juge suprême du bien et du mal : juché sur lui-même et vidé de lui-même ; suffisamment aliéné, anéanti, effacé pour disparaitre dans la nuit de tout totalitarisme. (Cf « la pensée politique de JP II » ch. 1)
Et pourquoi cela ? Parce que la démocratie classique respecte le droit alors que la démocratie moderne crée le droit selon son bon plaisir.
La démocratie moderne est d’une certaine manière religieuse : en ce sens qu’elle remplace les religions par la religion de l’homme qui collectivement se fait Dieu. Ne reconnaissant aucune limite qui lui soit extérieure, aucune valeur qui lui soit supérieure, aucun autre droit qui puisse lui résister, elle suscite une extension indéfinie de l’Etat totalitaire, l’aboutissement de sa logique interne la plus fondamentale. Parce que la loi est l’expression de la volonté générale, la démocratie moderne ne tolère ni supérieurs, ni pairs, ni semblables. Elle est totalitaire. Elle peut seul trancher en droit du bien et du mal, du juste et de l’injuste, elle n’admet que les libertés et garanties qu’elle octroie et plus volontiers les suspend. Elle interdit jusqu’à la remise en question de son principe : l’adversaire de la démocratie est un sacrilège à qui l’on retire au moins virtuellement le droit de cité.
Ainsi ce qui est inacceptable dans la démocratie moderne, ce n’est pas la démocratie, ce n’est pas le mode de désignation des gouvernants, c’est l’athéisme de la légitimité et du droit. Voyez ! Tout se tient ! Un régime aristocratique ou monarchique qui serait laïque et athée serait aussi tyrannique et inacceptable que la démocratie totalitaire ; et pour les mêmes motifs.
D- La laïcité républicaine a blessé au cœur la civilisation chrétienne
« De la laïcité républicaine ».
Je parle de la « laïcité républicaine » pour la distinguer de la laïcité tout court qui peut être une bonne chose dans le gouvernement des hommes puisqu’il consiste à distinguer les pouvoirs, le pouvoir temporel du pouvoir spirituel selon l’axiome évangélique : rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Cela est juste et bon, dira Pie XII. Cela est une bonne laïcité. Rien n’est plus périlleux pour l’homme que la confusion des pouvoirs. Cela entraîne au totalitarisme.
Mais je connais un courant de pensée, très actuel, très influent sur beaucoup, courant de pensée qui a pris résolument le parti de mépriser Dieu et qui le hait très franchement et qui a accéléré cette apostasie moderne. Je veux parler du « laïcisme » ou, si vous préférez, de la « laïcité républicaine ». Cette « laïcité » a choisi. Elle le dit. Elle l’affirme. Elle a choisi la haine de Dieu. « Nul ne peut choisir deux maîtres, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre ».
La laïcité républicaine, durant tout le cours du XXe siècle, et avant même au 19ème siècle, s’est dressée, s’est attaquée, avec tout son cortège de lois contre les Congrégations religieuses et les écoles catholiques, s’est attaquée à la religion de Notre-Seigneur Jésus-Christ parce qu’elle aspirait à en être une autre, « supérieure », « meilleure ». Ce fut l’enjeu des grandes batailles, de 1880 à 1905-1906, qui ont tellement secoué notre pays de France et qui aujourd’hui encore, avec l’argent de l’UNESCO, s’active à déchristianiser les nations chrétiennes en contribuant au développement d’un enseignement laïc, raison de l’apostasie des générations. Forte de ses victoires, la Laïcité républicaine s’établissait en les pays d’Europe, comme une sorte de religion d’Etat, excluant le Christianisme de tout l’espace public et réduisant le culte catholique à une affaire privée, à « une croyance subjective et muette », comme le dit très justement Jean Madiran dans son livre La laïcité dans l’Eglise (p. 3). C’est de l’ordre divin qu’elle s’est détachée. C’est cette vérité divine qu’elle a laissée, en revendiquant l’indépendance absolue, en rompant avec Dieu et en rompant avec l’être. C’est bien l’apostasie de la Nation.
C’est bien cela.
La laïcité républicaine, c’est bien le dogme d’une religion d’Etat qui, non seulement s’oppose à l’Eglise par haine de Dieu, mais a même réussi à intégrer l’Eglise pour essayer de la corrompre. Jean Madiran parlera alors d’« un entrisme de la laïcité républicaine dans l’Eglise ». J’en donnerai la preuve un peu plus loin.
Mais au préalable, permettez-moi de rappeler ce qu’est le laïcisme ou la laïcité républicaine. Littré et Renan nous en donneront les principes. Je m’inspire, comme plus haut du reste, de Jean Madiran.
Littré, d’abord.
Il nous dit : « « La laïcité), c’est la conception politique et sociale impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». « …impliquant la séparation de la religion et de la société civile ». Pour l’Eglise, ces deux pouvoirs, le spirituel et le temporel, sont distincts, l’un n’est pas l’autre, ce qui ressort clairement de l’enseignement de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». Mais s’ils sont « distincts », ils ne sont pas « séparés », ni « opposés ». Ils doivent être invités, au contraire, à « coopérer ». C’est tout ce qu’on appelle le « Constantinisme » qui fut le régime des pays d’Europe depuis la conversion de Constantin jusqu’à la Réforme.
Mais Littré, lui, lorsqu’il parle de la laïcité, de la « laïcité républicaine », parle d’une conception politique et sociale qui implique « la séparation de la religion et de la société civile ».
Vous remarquerez que Littré parle non pas de la séparation d’avec le « pouvoir temporel ». Mais il utilise l’expression séparation avec la « société civile ». Ce terme est très large. Il ne se limite pas au seul pouvoir politique. Il s’étend à tout ce qui n’est pas la société ecclésiastique. Et donc pour Littré, « séparer la religion de la société civile », c’est séparer l’Eglise de l’Etat, mais plus encore, c’est séparer la religion de toute l’étendue de la vie publique, la réduire à rester enfermée dans la vie privée. C’est l’athéisme. Dieu ne peut plus posséder la moindre parcelle de son propre domaine. Rien ne relève plus de Lui. Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir administratif, le pouvoir éducatif, ne relèvent plus de Dieu. Ils ne relèvent que de l’Etat qui ne relève que de sa propre raison, raison qui, par principe, refuse Dieu et sa Lumière, refuse tout « absolu », « toutes certitudes ». Le laïcisme, c’est, pour s’exprimer comme Jacques Chirac, alors qu’il recevait à l’Elysée, les Francs-Maçons de tous horizons, à l’occasion du 275ème anniversaire de sa fondation, « le refus des certitudes… ».
Le laïcisme ne relève que de l’idéologie rationaliste, que « du libre débat » et du « consensus social ». Le seul dogme que reconnaît la laïcité républicaine, c’est qu’il n’y a rien d’antérieur et de supérieur à l’humain et à sa propre pensée. (C’est le naturalisme rationaliste dans son expression la plus parfaite). Dieu n’a pas son mot à dire. Tout relève de l’homme. « Il n’y a pas de loi morale antérieure à la loi civile », disait Jacques Chirac, alors Président de la République Française. (Ce propos est condamné par Pie IX. C’est une hérésie !) La vie publique, les mœurs publiques ou privées ne relèvent plus en rien du domaine divin. Ils sont autonomes et propres. C’est donc l’affirmation du « refus de quoi que ce soit qui soit supérieur à l’arbitraire humain ». Le laïcisme ne vous demande pas d’abjurer publiquement la foi en Dieu, comme au temps du pouvoir romain impérial. Il vous demande et vous impose de la garder en silence. « Dieu est interdit en public », il est interdit en politique. Il est interdit dans les problèmes de société. Il est interdit dans « la démocratie des mœurs ».
« Démocratie des mœurs », qu’est-ce à dire ? Autrefois, la démocratie, c’était le régime politique où le suffrage universel, nous l’avons dit plus haut, permettait la nomination du personnel politique. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement cela. La « démocratie des mœurs », c’est la démocratie dans laquelle la « règle ne peut naître que du libre débat » et qui veut que « toute référence à un principe soit elle-même soumise à la discussion », au seul consensus populaire. C’est donc, par principe, l’exclusion de toute référence aux lois éternelles du Décalogue divin et de l’Evangile. Ce n’est pas nécessairement son exclusion, mais c’est la libre discussion des principes divins. Aucune autorité supérieure à l’humain n’est admissible, Dieu compris. La laïcité républicaine, c’est le refus laïque ou la libre discussion jusqu’à l’exclusion de toute loi religieuse ou naturelle supérieure à l’homme. La haine de Dieu et de l’Eglise est totale. C’est un anthropocentrisme absolu qui refuse toute lumière divine. C’est pourquoi ce régime ne peut qu’engendrer, in fine, l’anarchie mentale et sociale et le nihilisme intellectuel puisque sa philosophie, la seule qu’il admette, c’est de se libérer de tout dogme et du Décalogue et de l’Evangile. Le laïcisme est l’anti-dogmatisme absolu. Jacques Chirac le disait en s’adressant toujours aux mêmes groupes maçonniques qui ont tant fait pour l’extension du laïcisme : « l’idéal maçonnique, celui d’Isaac Newton, rêvait de substituer aux dogmatismes le débat sur le progrès scientifique, de desserrer l’étreinte, de casser les rigidités, pour instaurer un espace de liberté, hors des tabous et des index de l’époque… » Se substituer aux « dogmatismes », c’est-à-dire aux dogmes catholiques, « desserrer les étreintes », « casser les rigidités », « instaurer un espace de libertés, hors des tabous et des index de l’époque »… c’est affirmer vouloir se « dégager » de tout surnaturel, de toute « Révélation », de toutes affirmations révélées, qui sont autant de « rigidités », de « tabous », autant « d’index » inspirés de la Révélation chrétienne. Et c’est pourquoi le laïcisme est capable de faire la promotion, par exemple, de choses tellement contre nature : l’avortement, par exemple, l’homosexualité, autre exemple… ce qui est le signe d’une rupture totale avec le Dieu créateur et les lois de sa Création. Il engendre, de soi, l’anarchie intellectuelle et morale la plus absolue.
NB : Cet esprit s’est manifesté d’une manière particulièrement vive lors des révolutions de mai 68 en France et il inspire aujourd’hui toute la « politique » du gouvernement de François Hollande….
Et Renan,
Dans son discours pour la réception de Pasteur à l’Académie, le 27 avril 1882, Renan parlait bien lui aussi au sujet de la laïcité républicaine de « neutralité » et de « tolérance » envers les religions, mais il ajoutait un point fondamental : C’est le régime qui force l’Eglise à lui obéir sur ce point capital. Ce point est capital, en effet. Avec la laïcité, il ne peut y avoir un pouvoir « confessionnel ». Nous l’avons vu plus haut. Mais la laïcité veut plus. Elle ne se contente pas d’avoir un Etat séparé de l’Eglise, neutre et tolérant. Elle veut que cet Etat, au nom de la tolérance et de la neutralité « force l’Eglise à lui obéir » et donc, l’oblige à reconnaître cette séparation du temporel d’avec Dieu, qu’elle le confesse même en doctrine, qu’elle reconnaisse que le pouvoir temporel est autonome, qu’il n’a pas à être soumis à une loi morale qui lui soit supérieure. Et parce que la laïcité républicaine veut que l’Eglise se taise et lui obéisse sur ce point, elle exige de l’Eglise qu’elle accepte et reconnaisse la supériorité de la loi civile sur l’ordre moral chrétien.
Le temps passa… Et le Président de l’Episcopat français, le 30 janvier 2004, c’était alors le Cardinal Ricard, donna un grand entretien au Figaro, et dans cette entretien, déclara : « Toutes les composantes religieuses doivent avoir droit de cité (dans l’Etat), publiquement, à condition de savoir aussi donner leur place aux autres et de ne pas se mettre en contradiction avec les grands principes de la République ».
On croit rêver ! Et voilà que Mgr Ricard se met à reconnaître la légitimité « des composantes religieuses », y compris l’Eglise catholique, dans la fidèle docilité « aux grands principes de la République ». Relisons, dit finement Jean Madiran. Conditions pour qu’une religion ait droit à l’existence dans la République française : qu’elle ne se mettre pas en contradiction avec « les grands principes de la République ». Mais ces grands principes… ce sont les droits de l’homme sans Dieu et parmi eux, c’est le droit à l’avortement, c’est l’éducation morale des enfants arrachés aux familles. Demain, peut-être parmi ces grands principes, on verra figurer le droit de l’euthanasie. La République vient de légiférer sur le mariage homosexuel et Dieu sait quoi encore ! Plus fondamentalement encore, quelles que soient les suites de l’évolution fantaisiste des « grands principes de la République », le droit de cité de l’Eglise catholique ne peut dépendre de la conformité à une loi politique, fut-elle constitutionnelle. La seule légitimité de l’Eglise, c’est la mission qu’elle reçut de son Maître Jésus : « Allez enseigner toutes les nations ». faudrait-il aujourd’hui qu’elle reconnaisse plus, quelle reconnaisse cette insubordination de l’Etat à l’égard de Dieu. Car c’est cela le grand principe de la République…
Et Jean Madiran de conclure dans son livre La laïcité dans l’Eglise : « Et ce fut un jour sombre, annonciateur de grands malheurs, ce jour du 30 janvier 2004 où le Président de l’Episcopat français situa la légitimité de l’Eglise ailleurs que dans sa mission divine » (p. 80).
Réfutation philosophique
Après cet exposé, il est clair que la laïcité républicaine est l’apostasie d’une nation. Car cette laïcité refuse Dieu et ses lois, lois naturelles et lois surnaturelles ; elle veut même soumettre l’Eglise aux valeurs républicaines …qui affirment que l’homme ne relève que de lui-même.
Quel orgueil !
Mais cet orgueil, cette insubordination de l’esprit humain d’avec Dieu, vient de loin. Cela vient de la Révolution dite française. Cela vient de la « Déclaration de droits de l’homme » sans Dieu, de 1789 qui osa déclarer que la loi est l’expression de la volonté générale, indépendante de Dieu. Mais plus encore. Cela vient de la philosophie de Descartes, cela vient de l’idéalisme. Tel sera le deuxième objet de ma conférence.
Descartes, le penseur des temps modernes
En effet il faut attribuer ces erreurs, ces idéologies tyranniques, philosophiquement et politiquement, cet athéisme, cette nouvelle définition de la loi, « expression de la volonté générale » ce sens nouveau de la démocratie, ce laïcisme corrupteur, il faut l’attribuer à la philosophie « cartésienne » et, donc, à « l’idéalisme ». JP II l’affirmait dans son livre « Mémoire et Identité » : « Pour mieux illustrer un tel phénomène, (ces erreurs ou hérésies contemporaines) il faut remonter à la période antérieure aux Lumières, en particulier à la révolution de la pensée philosophique opérée par Descartes » (p. 20).
C’est ce que Jean Daujat enseignait , dans son livre « La nécessaire conversion ». Il écrivait clairement :
« Descartes est comme l’aboutissement et le fruit suprême de tout l’esprit de la Renaissance en même temps qu’il est l’initiateur de toute la civilisation moderne » (« La nécessaire conversion », Ed. La Colombe, p. 102) ;
Le Pape disait lui aussi : « N’est-ce pas ce monstrueux orgueil de Descartes que le monde moderne a pris pour maître quand l’homme n’y veut dépendre que de lui-même » (id. p. 103).
Il s’explique : « L’orgueil cartésien va poser les principes de l’idéalisme en mettant en doute le lien vivant, la solidarité naturelle entre la pensée qui connaît et le réel qu’elle connaît : pour ne rien devoir qu’à sa propre pensée, Descartes veut que nous ne connaissions que nos idées − et c’est l’idéalisme… qui enferme l’homme dans ses idées, qui opère la rupture de la pensée et du réel… Si la pensée n’est pas, dès son premier éveil, suspendue au réel, accueil du réel en elle, elle ne rejoindra jamais le réel, et elle n’a plus qu’à construire librement son système d’idées sans se soucier d’aucune vérité absolue qui s’impose à elle : toute la libre-pensée est en germe dans l’idéalisme cartésien dont Kant ne fera que suivre la logique interne et développer les conséquences normales » (ib. pp. 103-104).
La vérité n’est plus comme l’a défini la scolastique : « adaequatio rei et intellectus » (l’adéquation entre la chose et l’intelligence), mais bien davantage « confirmitas mentis et vitæ » (la conformité entre l’esprit et la vie). Mais alors comment éviter la proposition : « Veritas non est immutabilis plusquam ipse homo, quippe quae cum ipso, in ipso et per
ipsum evolvitur » (la vérité n’est plus immuable, pas plus que l’homme qui, de soi, est muable). C’est ainsi qu’est pervertie la notion éternelle de vérité. Dans un tel système, la vérité n’est plus la conformité du jugement avec le réel extra-mental et ses lois immuables, mais la conformité du jugement avec les exigences de la pensée libre, livrée à elle-même et avec les exigences de l’action de la vie humaine qui évolue toujours.
Vous avez là les principes que nous avons analysé lorsque nous parlions plus haut de loi nouvelle, de la loi démocratique, de la démocratie moderne établissant toutes choses, toutes législation dans une parfaite indépendance d’avec les lois naturelles et surnaturelles, d’avec la réalité crée par Dieu. Toute vérité dépend du seul « ego »
Jacques Maritain, dans son formidable livre « Les trois réformateurs », affirme lui aussi, l’influence de Descartes sur le monde moderne. Avec Descartes, dit-il « la pensée rompt avec le réel » (p. 112), elle est libre « à l’égard de l’objet » et il en conclut : « Liberté à l’égard de l’objet, c’est la mère nourrice de toutes les libertés modernes, c’est la plus belle conquête du Progrès, qui nous rend, pour n’être mesuré par rien, également soumis à n’importe quoi… », mais pas à Dieu ni à sa création. (p. 115).
Que de vérités dans cette phrase !
C’est aussi la pensée du Pape Jean-Paul II.
Il développe sa pensée par étapes successives :
« Au cours des années, dit-il, − surtout lors de son pontificat pétrinien – s’est forgée en moi la conviction que les idéologies du mal ( que sont le nazisme et le bolchevisme, mais aussi les démocratie athées et laïques) sont profondément enracinées dans l’histoire de la pensée philosophique européenne. Je dois ici me référer à certains faits liés à l’histoire de l’Europe et, de manière particulière, à l’histoire de sa culture dominante » (p. 19).
Or, quelle est « cette culture dominante » de l’Europe sinon la philosophie des « Lumières ». Il le dit clairement à la page 20. Mais la philosophie des « Lumières » plonge ses racines dans la Réforme et l’idéalisme cartésien.
« Pour mieux illustrer un tel phénomène, il faut remonter à la période antérieure aux Lumières, en particulier à la révolution de la pensée philosophique opérée par Descartes ».
Il la définit : « Le « cogito, ergo sum » apporta un bouleversement dans la manière de faire de la philosophie. Dans la période pré-cartésienne, la philosophie, et donc le cogito (je pense), ou plutôt le cognosco (je connais) étaient subordonnés à l’esse (être), qui était considéré comme quelque chose de primordial (NDLR : je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure traduction. Au lieu de « primordial », je verrais mieux ici « premier »). Pour Descartes, à l’inverse, l’esse apparaissait secondaire, tandis qu’il considérait le cogito comme primordial. Ainsi, non seulement on opérait un changement de direction dans la façon de faire de la philosophie, mais on abandonnait de manière décisive ce que la philosophie avait été jusque-là, en particulier la philosophie de saint Thomas d’Aquin : la philosophie de l’esse. Auparavant, tout était interprété dans la perspective de l’esse et l’on cherchait une explication de tout selon cette perspective. Dieu, comme Etre pleinement auto-suffisant (ens subsistens) était considéré comme le soutien indispensable pour tout ens non subsitens, pour tout ens participativum, c’est-à-dire pour tout être créé, et donc aussi pour l’homme. Le cogito, ergo sum portait en lui la rupture avec cette ligne de pensée. L’ens cogitans (être pensant) devenait désormais primordial. Après Descartes, la philosophie devient une science de la pure pensée : tout ce qui est esse − tout autant le monde créé que le Créateur − se situe dans le champ du cogito, en tant que contenu de la conscience humaine. La philosophie s’occupe des êtres en tant que contenus de la conscience, et non en tant qu’existants en dehors d’elle » (p. 21).
C’est bien vu.
Jacques Maritain s’exprime de la même manière :
« L’entendement cartésien revendique indépendance à l’égard de son objet, non seulement à l’égard des choses comme objet du sens, mais à l’égard des choses comme objet de science… Dès lors, l’intelligence humaine devient législatrice en matière spéculative, elle façonne son objet… c’est l’arbitraire qui s’introduit… Ainsi pratiquement, l’évidence cartésienne devait substituer à la vérité, mesurée sur l’être, la facilité rationnelle et la maniabilité des idées… Mon acte d’appréhension pris comme tel ne saisit que ma pensée, ou une représentation, une effigie peinte en elle. L’idée devient ainsi le seul terme immédiatement atteint par la pensée, la chose, portrait ou tableau, comme d’abord elle-même avant de faire connaître autre chose… C’est une véritable « réification » des idées… la faute originelle de la philosophie moderne ».
(NDLR : Je pense que Maritain veut dire ici « chosification » en ce sens que l’idée devient le propre objet, la « chose » du « cogito »).
« Elle commande toute la doctrine cartésienne de la connaissance… sans elle, Descartes philosophe devient inintelligible » (pp. 110-111). Dès lors, continue très heureusement Maritain, déduisant une conséquence fondamentale de cette philosophie : « cette philosophie (qui est dénaturation de la raison − Maritain parle d’angélisme ») devait nous conduire à revendiquer pour notre intelligence l’autonomie parfaite et la parfaite immanence, l’indépendance absolue, « l’aséité » de l’intelligence incréée » (p. 113) i.e. de Dieu.
L’intelligence humaine se fait « Dieu ». C’est à proprement parler la tentation démoniaque : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal » (Gen 3, 5). C’est le péché originel.
Oui ! dit Maritain, « malgré tous les démentis et toutes les misères d’une expérience déjà suffisamment humiliante, cette revendication, dont Kant a été le « formulateur » scolastique, mais dont les origines sont bien plus profondes, reste le principe secret de la dissolution de notre culture, et du mal dont l’Occident apostat veut mourir » (p. 114) et que nous avons analysé dans notre première partie.
Et dans cette logique, on comprend l’analyse du Pape, poursuivant son exposé sur la philosophie de Descartes : « Dans la logique du Cogito, ergo sum, Dieu était réduit à un contenu de la conscience humaine ; il ne pouvait plus être considéré comme Celui qui explique jusqu’au plus profond le sum humain. Il ne pouvait donc demeurer comme l’ens subsistens, l’être auto-suffisant, comme le Créateur, Celui qui donne l’existence, ni même Celui qui se donne lui-même dans le mystère de l’Incarnation, de la Rédemption et de la Grâce. Le Dieu de la révélation avait cessé d’exister comme « Dieu des philosophes ». Seule demeurait l’idée de Dieu, comme thème d’une libre élaboration de la pensée humaine » (pp. 22-23).
Le Pape conclut très heureusement : « L’homme (reste) seul : seul comme créateur de sa propre histoire et de sa propre civilisation ; seul comme celui qui décide de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, comme celui qui existerait et agirait − etsi Deus non daretur − même si Dieu n’existait pas » (p. 23).
C’est dans cette conclusion de cette philosophie cartésienne que se trouve l’explication de l’athéisme moderne. Dieu étant mesuré par la seule intelligence humaine, il peut être comme ne pas être selon la « fantaisie » de la pensée humaine. Ce n’est plus l’homme qui dépend de Dieu, c’est Dieu qui dépend de l’homme. Si c’est seul l’homme qui « décide de ce qui est bon et de ce qui est mauvais » selon sa seule volonté, la loi peut être définie comme « étant l’expression de la volonté générale », allant jusqu’à refuser les lois divines. Et ainsi de la démocratie moderne et de la laïcité, ce que nous avons analysé dans la première partie de notre conférence.
Combien est tristement vraie cette conclusion: L’idéalisme, principe des temps modernes
Combien sont vraies aussi ces phrases de Maritain : « Liberté à l’égard de l’objet, c’est la mère et nourrice de toutes les libertés modernes, c’est la plus belle conquête du Progrès, qui nous rend, pour n’être mesurés par rien, également soumis à n’importe quoi » (« Trois Réformateurs », p. 115).
« Soumis à n’importe quoi », soumis à tous les totalitarismes modernes, soumis à la législation moderne, fruit de l’idéalisme cartésien.
« Ainsi la réforme cartésienne est à l’origine du torrent d’illusions et de fables » du monde moderne. C’est dans cette pensée cartésienne que se prépare dans les assemblées démocratiques toute une « législation contre-nature » et tout particulièrement : « l’extermination légale des êtres humains conçus et non encore nés. … D’autres formes de violation de la loi de Dieu ne manquent pas non plus, pensons par exemple, « aux fortes pressions du Parlement européen pour que soient reconnues les unions homosexuelles comme une forme alternative de la famille, à laquelle reviendrait aussi le droit d’adopter » (JP II id pp. 24-25).
Mais d’où vient cette législation contre nature ?
Elle vient de l’idéalisme philosophique, i.e. de la liberté de penser ce que l’on veut indépendamment du réel. L’homme pense comme il veut, ce qu’il veut et agit comme il veut « etsi Deux non daretur », et donc, comme si la « nature humaine » créée par Dieu, n’avait pas ses propres lois immuables qui doivent être respectées et aimées
Le pape JP II le reconnaissait : « Pourquoi tout cela arrive-t-il ? Quelle est la racine de ces idéologies de l’après-Lumières ? En définitive, la réponse est simple : cela arrive parce que Dieu en tant que Créateur a été rejeté et, du même coup, la source de détermination de ce qui est bien et de ce qui est mal. On a aussi rejeté la notion de ce qui, de manière plus profonde, nous constitue comme êtres humains, à savoir la notion de « nature humaine » comme « donné réel », et à sa place, on a mis un « produit de la pensée » librement formée et librement modifiable en fonction des circonstances » (p. 25) et du nombre.
L’homme se fait « dieu ». Voilà qui est clairement dit et heureusement dit. Il décide de tout, indépendamment de Dieu et de sa Loi, naturelle ou surnaturelle. Il n’en veut plus. En raison de son athéisme. Et la loi dépend de lui seul, indépendamment de Dieu. Il se fait sa loi dans son propre univers idéalisé.
C’est bien encore faire claire allusion à la « philosophie idéaliste », à « la pensée cartésienne ».
Et cette nouvelle législation est finalement, une manifestation dans le temps, du péché originel dont nous parle la Genèse au chapitre 3. C’est, finalement là, la véritable et la plus fondamentale raison de la pensée moderne. Elle permet de multiplier les œuvres de mort, Ainsi, sera toujours vraie la sentence de saint Paul : « Stipendia peccati, mors » (le salaire du péché, c’est la mort). Le péché n’est rien d’autre, finalement, selon la belle définition de saint Augustin que l’« amor sui usque ad contemptum Dei » (l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu). « C’est précisément l’amor sui qui a poussé nos premiers parents dans la rébellion initiale et aussi déterminé la diffusion ultérieure du péché dans toute l’histoire de l’homme. C’est à cela que se réfèrent les paroles du livre de la Genèse : « Vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal (Genèse 3 5), c’est-à-dire c’est vous-mêmes qui déciderez de ce qui est bien et de ce qui est mal » (JP II ib p. 18). Et cela, dans un total subjectivisme.
Quelle sera la réponse à un tel mal ?
Comment revenir au bien, à l’ordre ? Comment combattre cette idéologie, comment triompher de cette « apostasie silencieuse », comment vaincre cette civilisation de la mort ?
Je dirais volontiers que l’analyse que nous venons de faire contient la réponse à cette angoissante question.
Si l’idéalisme est la raison du mal contemporain, il faut rompre avec cet idéalisme, avec l’ « idée cartésienne ». Il faut d’abord revenir à la « philosophie pérenne ». Il faut revenir à saint Thomas d’Aquin, c’est-à-dire à la philosophie de l’être » (JP II id p. 25)
Et il ne suffit pas d’en rester aux études phénoménologiques… Non.! Vous avez pu vous apercevoir que, en toutes nos critiques, était présente « la réalité de l’être, à savoir qu’il existe un être créé, et aussi un être absolu. Si l’on ne part pas de tels présupposés « réalistes », on finit par se mouvoir dans le vide » (JP II ib p. 25).
Il existe un être « absolu » – Dieu – qui est la raison de toutes choses. Et toutes choses n’ont leur être, leur raison d’être qu’en Lui. Il est donc l’être premier autour duquel tout doit s’ordonner. Voilà ce qu’on appelle s’ordonner selon la justice, selon l’être, le vrai. Le retour à l’être et donc ultimement à Dieu, l’ « ens subsistens », est donc, la voie royale du salut du genre humain, pour qu’il ne reste pas enfermé dans son « ego », oublieux de Dieu, et de sa loi et qu’il puisse ainsi surmonter l’hérésie du monde moderne : le subjectivisme.
Il faut y insister. Réfutation théologique
C’est bien cela l’hérésie de ce siècle. Comme nous l’avons déjà dit, – et là nous nous inspirons du cardinal Pie et de ses synodales -, dans cette hérésie moderne, l’homme « devient une sorte d’enceinte fortifiée et de camp retranché ; il s’enferme comme dans un domaine propre et tout à fait inaliénable. Il s’y pose comme y étant complétement maitre de lui-même, armé d’imprescriptibles droits, ayant à demander des comptes mais n’en n’ayant jamais à rendre. Il considère de là les voies de Dieu, ses propositions et ses ordonnances, ou du moins ce qu’on lui présente comme tel, et il juge tout avec une indépendance absolue. En somme, il se suffit à elle-même et, possédant en soi son principe, sa loi, sa fin, – Pie IX condamne précisément cette proposition. C’est l’article 3 du Syllabus : III. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal : elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des hommes et des peuples (26) – il est son monde et il devient à peu près son Dieu ; Et s’il est par trop manifeste que l’individu, pris comme tel, est indigent sur beaucoup de points et insuffisants pour beaucoup de choses, néanmoins pour se compléter, il n’a pas à sortir de son ordre ; il trouve dans l’humanité, dans la collectivité, ce qui lui manque personnellement. Là est le fondement de la doctrine révolutionnaire de la souveraineté de l’homme, incarné dans la souveraineté du peuple » (Card Pie p. 642)
L’homme se suffit à lui-même, dans une indépendance absolue.
Mais là, apparait la grande erreur de cette idéologie. Car Dieu lui-même c’est incarné, c’est le mystère de l’Incarnation-Rédemptrice, mystère de justice et de miséricorde qui ne peut être refusé par la raison humaine sans outrecuidance.
Jésus-Christ n’est pas facultatif. En dehors de sa loi révélée, il n’existe pas, il n’existera jamais de juste milieu philosophique et paisible où l’on puisse trouver la règle de sa vie.
« Et Dieu a exalté son Fils et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père » (Phil 2 9 11)
Mais accepter le naturalisme tel que définit plus haut, c’est vouloir qu’en dehors et qu’en face de la science chrétienne puisse s’élever une autre science totalement indépendante de Dieu et de son Christ ; « et Dieu nous a donné des armes puissantes pour détruire cette forteresse philosophique où vous vous retranchez, pour renverser toute hauteur qui s’élève contre la science de Dieu et pour captiver toute intelligence sous le joug de Jésus-Christ » (2 Cor 10 4-6).
Accepter le naturalisme tel que défini et son auto-suffisance, son indépendance de Dieu, c’est accepter un Christ restreint, limité ; et n’oublions pas qu’il a « plu à Dieu de restaurer, de récapituler toutes choses en Jésus-Christ » (Eph 1 10, 22) et « de lui soumettre tellement la nature entière que rien n’échappe à son empire » (Hb 2 8). Comme l’écrit le cardinal Pie : « Non, encore un coup, Vous ne ferez pas un Christ qu’on puisse accepter ou refuser à sa guise, qu’on puisse abandonner au libre choix et au caprice personnel de chacun. Le Christ est la pierre angulaire, hors de laquelle il n’y a pas de salut ; car il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes dans lequel ils puissent être sauvés, si ce n’est le nom de Jésus » (Act 4 11-12)
Et tout autant le Christ lui-même a dit : « Je suis la vigne et vous êtes les branches ; si le sarment adhère à la vigne, il produit beaucoup de fruit ; sinon rien ; on le mettra dehors et il séchera et on le jettera au feu et il brulera » (Jn 15 4-6)
Qu’on relise le commentaire de saint Augustin et l’on comprendra que vaine est cette philosophie qui veut élaborer toute une sagesse en dehors du Christ.
Ecoutez : « De peur, dit-il que le sarment ne crût pouvoir produire quelque petit fruit par lui-même, le Sauveur après avoir dit que le rameau uni au cep produira de grands fruits, n’ajoute pas que sans cette union il en produira peu, mais qu’il ne produira rien. Ni peu, ni beaucoup, rien n’est possible à l’homme pour le salut qu’à la condition de son union avec le Christ qui est la vigne ; s’il n’est adhérant au cep ; s’il ne puise sa sève dans la racine, il ne peut porter le moindre fruit par lui-même…Et comme sans cette vie qui procède de l’union avec le Christ, il n’est pas au pouvoir de l’homme de mourir ou de ne pas mourir, celui qui ne demeure pas dans le Christ sera mis dehors, et il séchera et on le jettera au feu et il brulera…Autant ce bois, qui se serait couvert de pampres et de raisins et qui aurait produit le vin généreux, i.e. la plus noble des substances, aurait acquis de gloire en demeurant dans la vigne, autant il devient méprisable s’il n’y demeure pas. L’alternative inévitable pour le sarment, c’est la vigne ou le feu. S’il n’est pas dans la vigne, il sera dans le feu ; afin de n’être pas jeté au feu qu’il reste donc uni à la vigne… »
Alors je vous dis : Entendez ce langage, vous qui vous complaisez en vous-même, vous qui ne craignez pas de dire : « C’est de Dieu que nous tenons notre nature, notre raison ; mais notre nature et notre raison nous étant données, c’est de notre propre fonds que nous pouvons tirer notre vertu et notre justice. Telle est votre vaine préemption ; mais voyez ce qui vous attend et s’il vous reste quelque sentiment, frémissez d’horreur ! Celui qui croit porter du fruit par lui-même, n’est pas dans la vigne, i.e. n’est pas dans le Christ ; et s’il n’est pas dans le Christ, il n’est pas chrétien : voilà la profondeur de votre abîme ». Pour la nature humaine, dans sa condition présente, il n’y a pas de destinée intermédiaire : ou le Christ ou le feu…Aut vitis aut ignis. Si in vite non est, in igne erit. Pour éviter la flamme, qu’elle demeure donc fidèlement unie au Christ : Ut ergo in igne non sit, in vite sit.
Ainsi l’affirmation de l’indépendance de l’homme vis-à-vis de Dieu et de sa loi est vaine tant que subsisteront les oracles sacrés et en particulier ce chapitre 15 de l’Evangile de saint Jean, celui de la Vigne. : « Je suis la véritable vigne… ».
Mais il faut entendre un autre argument contre la philosophie moderne qui veut se passer de Dieu toujours pris de l’enseignement du cardinal Pie. C’est un autre argument :
« Non jamais on ne sauvera les nations, jamais on ne rétablira l’ordre moral et social au moyen de l’impiété. Or depuis que Jésus-Christ est venu sur la terre, quiconque refuse de le reconnaître et de lui obéir –ce que fait le laïcisme -, est un impie. Il est en révolte non seulement contre le Fils, mais contre le Père qui l’a envoyé ; il pèche non seulement contre la Révélation, mais contre la raison qui ne permet point de mépriser la parole révélée de Dieu…. « Si je n’étais pas venu et que je leur eusse pas parlé, dit le Sauveur, ils seraient excusables. Mais maintenant ils ne sauraient être excusés de leur péché (…) Si je n’avais pas fait au milieu d’eux des œuvres que nul autre n’a faites, leur faute serait pardonnable ; mais maintenant ils ont vu mes œuvres, et ils me haïssent et en me haïssant, ils haïssent mon Père » (Jn 15 22 24)…Or Dieu ne versera pas ses bénédictions sur les contempteurs de son Fils.
Vaine est cette philosophie de l’absolue indépendance de l’homme pour la construction de l’ordre politique…
Et l’on comprend alors pourquoi il y a une véritable opposition entre cette philosophie anthropocentrique où tout est replié sur l’homme et le christianisme.
En effet, le christianisme dans son essence est tout surnaturel, ou plutôt c’est le surnaturel même en substance et en acte. Dieu surnaturellement révélé, connu. Dieu surnaturellement aimé et servi, surnaturellement donné, possédé et goûté : c’est tout le dogme, toute la morale tout le culte et tout l’ordre sacramentel chrétien. La nature y est indispensablement supposée à la base de tout ; mais elle y est partout dépassée. Le christianisme est l’élévation, l’extase, la déification de la nature créée. Or le naturalisme nie avant tout ce surnaturel
Le naturalisme, fils de l’hérésie, est donc bien plus qu’une hérésie ; il est le pur antichristianisme. L’hérésie nie un ou plusieurs dogmes, le naturalisme nie qu’il y ait des dogmes et qu’il puisse y en avoir. L’hérésie altère plus ou moins les révélations divines ; le naturalisme nie que Dieu soit révélateur. L’hérésie renvoie Dieu de telle ou telle portion de son royaume ; le naturalisme l’élimine du monde et de la création…Cette erreur se dresse ainsi en hostilité complète contre le christianisme…Il s’ensuit que sa loi fatale, son besoin essentiel, sa passion obstinée…son œuvre réelle, c’est de détrôner le Christ et de la chasser de partout – ils l’ont découronné », disait un siècle plus tard Mgr Lefebvre – : ce qui sera la tâche de l’antéchrist et ce qui est l’ambition suprême de Satan….Oui tel est le dernier mot de cet exécrable programme. Le Christ, notre unique Seigneur et Sauveur, i.e. le Christ qui est deux fois notre maître, maître parce qu’il a tout fait, maître parce qu’il a tout racheté, il s’agit de l’exclure de la pensée et de l’âme des hommes, de le bannir de la vie publique et des mœurs des peuples, pour substituer à son règne ce qu’on appelle le pur règne de la raison ou de la nature » (p 644)
C’est bien le signe de notre époque, sa note caractéristique, son erreur, son crime et son mal.
Une âme chrétienne comprend, bien sûr, que tout cela ne peut être accepté puisque pour lui, le Christ est tout. C’est la proposition 80ème du Syllabus.
Et doit-être d’autant plus combattu que de cette erreur nait d’autres erreurs : le panthéisme, l’athéisme, le matérialisme ;
Le panthéisme.
En effet si l’homme est tout, l’homme est Dieu. Nous devenons à Dieu une véritable limite. Si nous avons un droit qui puisse être opposé au sien, une puissance en état de résister à sa puissance, une vie qui se maintienne d’elle-même et se perfectionne sans le secours de sa propre vie et de sa bienfaisante action, il est clair que nous sommes divins par le fait même de notre existence, que l’homme est divin, que par sa solidarité avec la race humaine chaque individu est déifié. Et parce que l’homme tient à tout et résume tout, il est l’expression la plus élevée et, en puissance au moins l’expression la plus parfaite de la divinité. Finalement tout est Dieu et il n’y a de vrai Dieu que l’universalité des êtres ; C’est le pur panthéisme que condamne Pie IX dans son syllabus, c’est même la Première proposition condamnée : I : Il n’existe aucun Être divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l’univers, et Dieu est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements ; Dieu, par cela même, se fait dans l’homme et dans le monde, et tous les êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu. Dieu est ainsi une seule et même chose avec le monde, et par conséquent l’esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l’injuste (26)
L’athéisme
Mais si tout est Dieu, nul n’est personnellement Dieu. Si Dieu est vous et moi, il n’est ni moi ni vous. Si Dieu est aussi divers que le sont les hommes et les choses, il est plus que divers, il est contradictoire, il est le oui et le non, il s’exclut lui-même, il n’est pas. Voilà l’athéisme
Le matérialisme
Et s’il n’y a pas de Dieu, de premier Esprit, y a-t-il vraiment des esprits ? Qui a vu des esprits ? qui a vu des âmes ? L’âme, la substance spirituelle, qu’est-ce autre chose qu’une pure conjecture, une induction pour le moins contestable et qui, n’étant pas et ne pouvant pas être fondée sur l’expérience, ne saurait jamais être élevée au rang d’une donnée scientifique. Comment affirmer l’invisible, l’impalpable, l’invérifiable. Il n’y a de certain que ce qui est démontré, il n’y a de démontré que ce qui est attesté par les sens ou établi par le calcul. L’homme est chair et n’est que chair ; il est matière et la matière est tout ce qui existe. C’est l’abject matérialisme.
On comprend qu’après l’analyse de cette philosophie et de ses conséquences multiples, on ne puisse que la refuser et lutter contre.
Ainsi on ne peut nier que le théologique puisse avoir une dimension politique.
C’est ce qu’explique Blanc de Saint Bonnet dans son livre, un chef d’œuvre, « Politique réelle ». Ce sera ma conclusion : « D’une société, retirez la théologie, c’est comme si vous retirez la vie d’un corps, il retombe en dissolution…n’espérons pas vivre sur un miracle ». Mais l’idéalisme contemporain, l’âme de notre temps, n’a que mépris pour la théologie, la science de Dieu, la dissolution de la société en est l’effet nécessaire. Pour Blanc de Saint Bonnet, il y a un lien entre ces choses, un lien inéluctable. La dissolution de la société est le fruit du mépris de la Théologie catholique.
Il écrit encore « en repoussant l’Eglise (et ses dogmes) nous nous sommes ruinés. En perdant de vue le ciel (que nos mystères chrétiens campent sous nos yeux) l’âme s’est elle-même perdue. Elle a rendu sa vie de plus en plus douloureuse et impossible bientôt sur la terre….Otez l’Infaillibilité (ôtez l’Eglise), les devoirs, les consciences, les mœurs, les lois, les institutions, tout disparaît successivement…Je le répéterai jusqu’à la fin à ceux qui désirent sauver la civilisation moderne : tout pouvoir et toute obéissance viennent de Dieu, mais la mort comme l’orgueil, vient de l’homme (perdu en son seul horizon). Vous sentez qu’il est un esprit et qu’il lui faut une logique… », (J’ajouterais la logique de la Révélation).
Oui ! « L’homme abandonné à lui-même (sans la logique des mystères chrétiens) retombe vers l’état sauvage, vers l’état naturel…Les races qui ont péché longtemps contre le Saint Esprit (contre l’Eglise et ses dogmes) ne sont jamais remontés sur le trône de la civilisation » où règne le respect de la vie et de sa belle destinée.
Oui ! « Le christianisme (et ses dogmes) est la plus grande des merveilles. L’Eglise en est la plus précieuse, elle qui nous l’a conservé !»
Qu’est, de fait, une cité sans le christianisme, sans le théologique?
Je répondrais: elle est avortement, euthanasie, mariage « gay », travail obligatoire tous les jours de la semaine, on y va…on y est, l’homme étant transformé en bête de somme, elle est une ruine ! « Retranchez l’Eglise (et ses dogmes) dela Création, c’est en retrancher l’homme…sa liberté, sa haute inviolabilité spirituelle. L’Eglise c’est la vérité. Elle nous donne le sens de l’homme ici-bas : une être d’éternité ». L’Eglise nous y aide !
Ainsi, « L’Eglise, non seulement est l’âme de la civilisation par cette ordonnance morale dans laquelle elle établit elle-même les hommes et nous offre la société intérieure faite, mais politiquement, elle est la vie des Etats soit par la loi qu’elle met dans les âmes soit par la direction qu’elle imprime aux esprits » ; j’ajoute : une direction eschatologique par le miracle de la Résurrection. « Il faudra en convenir le jour où l’on réfléchira à l’instabilité de la situation de l’Europe ».
Oui, on ne peut nier la dimension politique de l’enseignement de l’Eglise, de la Théologie.
Et il est d’autant plus important d’affirmer cela que nous sommes dans une période où triomphe « l’idéalisme cartésien» qui menace de submerger l’existence de la vertu parce que l’homme oublie Dieu et s’enferme sur lui-même.
En effet lorsque l’homme oublie Dieu, lorsqu’il se substitue à lui, il lui usurpe le droit de décider ce qui est bien et ce qui est mal. Il se fait dieu à la place du vrai Dieu et décide à sa guise de la vie et de la mort. Ainsi des régimes démocratiques laïques et athées : ils se permettent de légiférer scandaleusement sur l’avortement, sur l’euthanasie….
Oui ! Face à ce drame moderne, à son irrespect de la vie et à sa négation de la sublimité de la vie humaine travaillons au retour de la philosophie de l’être, travaillons au Règne du Christ, par le Règne de Marie. Salve Maria. Notre Dame est en effet l’archétype de toute vraie chrétienté, parce qu’elle est celle qui s’est soumise à la Loi de Dieu. « Fiat voluntas tua ». Elle fut exaltée par son Fils en raison de sa soumission à la loi de Dieu : « Qui est mon frère, qui est ma mère, qui est ma sœur….celui qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux ». ; « Bienheureux celle qui vous a nourris, Bienheureux plutôt celle qui fait la volonté de mon Père ».
Marie, l’archétype de la chrétienté. Deo Gratias !