SOURCE – Anne Le Pape – Présent – 19 décembre 2015
— Monsieur l’abbé, je m’adresse au rédacteur en chef de DICI, ainsi que de Nouvelles de chrétienté. Ces deux publications sont liées à la Fraternité Saint-Pie X, mais selon quelle articulation?
— DICI paraît tous les 15 jours le vendredi matin. Le titre n’est ni un mot latin, ni un mot italien mais un sigle, choisi par l’abbé Aulagnier d’après celui d’une ancienne revue religieuse appelée I.C.I. (très progressiste). DICI signifie : Documentation et information catholiques internationales. Nouvelles de chrétienté est un bimestriel et reprend le titre d’une revue très ancienne, pour preuve ce numéro 150 que je vous montre et qui date déjà des années 60.
Ces revues dont je m’occupe sont toutes deux celles de la maison générale de la Fraternité, même si elles sont réalisées en France.
— DICI existe en version numérique mais aussi sur papier. Le téléchargement est gratuit mais la revue « papier » est payante, si je ne me trompe. Quel public touchez-vous, quelle est votre audience?
— Pour les abonnements, c’est exactement cela. Par rapport au site de la maison générale, FSSPX.ORG qui donne surtout des nouvelles de la Fraternité elle-même, DICI est un site d’information qui intéresse tous ceux qui veulent suivre l’actualité religieuse dans l’Eglise. Nos rubriques le disent bien : après l’éditorial, nous trouvons « De Rome », « L’Eglise dans le monde » et « Nouvelles de la Tradition ».
Dès que le numéro de DICI est mis en ligne, des articles en sont repris sur des sites de la Fraternité en Belgique, au Canada et en France. On peut supposer que, lorsqu’il y aura un site en Afrique, ce sera aussi le cas pour lui. Mais DICI est un site bilingue, la traduction est assurée par des confrères aux Etats-Unis.
Les abonnements payants intéressent des familles, donc des laïcs, et bien évidemment des prêtres traditionalistes. Nous préparons aussi des numéros spéciaux, par exemple sur le synode. La revue n’est pas réservée à des journaux ou à des ecclésiastiques, elle touche aussi un autre public, nous le savons par les réactions qu’elle entraîne.
— Avez-vous des réactions de ce qu’il est convenu d’appeler «l’Eglise officielle»?
— Nous avons bien sûr des réactions de journalistes religieux vaticanistes. La Vie nous lit, puisque la revue nous cite dans sa « revue du Net ». La Croix ne nous cite presque jamais… ce qui est révélateur. Nous indiquons scrupuleusement toutes nos sources. Nous avons parfois des réactions d’évêques.
— Il s’agit d’un énorme travail. De quelle équipe disposez-vous?
— Notre travail, comme celui que vous assurez à Présent, est millimétré. Nous rédigeons un vendredi. Les lundi et mardi suivants, nous récoltons les articles, et le mardi a lieu le travail de relecture, assuré par trois personnes. Le fait d’avoir une version « papier » assure une certaine qualité sur le site. Tout doit être rédigé, assumé, signé, avec une grande exigence de rigueur. La mise en pages est assurée le mercredi matin, le routage le jeudi.
Notre version bilingue nous assure une audience plus large. Et nous traduisons toute la documentation qui émane de la maison générale, par exemple la dernière déclaration de Mgr Fellay, le supérieur de la Fraternité, sur le synode, a été traduite en anglais, en italien, en espagnol, en portugais, en allemand, en polonais. Nous tenons à donner nous-mêmes ces versions en langues étrangères pour éviter les traductions fautives. Notre projet est d’offrir un jour une version espagnole de DICI.
Ce travail est très exigeant : l’édition française ne doit pas paraître avant les autres. Nous jouons sur les fuseaux horaires : nous envoyons par exemple la version française le mardi soir aux Etats-Unis, le travail est fait là-bas le mercredi et nous le récupérons le jeudi, pour que tout soit prêt à 8 heures le vendredi matin.
— Avez-vous des contacts, des sortes de « pigistes », par exemple des prêtres de la Fraternité qui se trouvent sur tous les continents?
— Pas de façon institutionnelle. On peut demander à des confrères d’envoyer des informations en style télégraphique ou par téléphone, mais c’est à nous de les présenter, ce qui représente un énorme travail de rédaction. Nous avions par exemple M. l’abbé du Chalard à Rome durant le synode, il nous renseignait par téléphone. Quand des confrères peuvent nous donner des articles, comme l’abbé Gleize ou l’abbé Gaudron (un confrère allemand), ils sont plutôt pourNouvelles de chrétienté, car il s’agit d’études assez longues. Pour DICI, il nous faut des articles courts, en style journalistique.
— L’actualité, notamment avec Boko Haram au Nigeria, ne vous rappelle-t-elle pas cruellement certains propos de Mgr Lefebvre sur les terroristes musulmans : « Ils prendront vos femmes, vos filles…»?
— Si, effectivement. Mgr Lefebvre a été condamné pour cela, mais il est mort et n’a pas eu à exécuter sa peine. Je le revois apprenant la nouvelle de sa condamnation… Lui qui avait été missionnaire toute sa vie connaissait la réalité. Je dirai qu’il a raison à titre posthume !
— Vous qui avez également la responsabilité d’une émission à Radio Courtoisie, constatez-vous une complémentarité presse-radio?
— Je n’en vois pas ! En fait, je vois la radio comme un moyen de toucher, plus encore que par internet, un public qui ne viendrait pas à Saint-Nicolas, à une conférence de Mgr Fellay à la Mutualité ou à une conférence de l’abbé Bouchacourt à l’Institut. Je le constate par les « retours » que je reçois. Les gens reconnaissent une voix. Des serveurs de restaurant m’avouent qu’ils m’écoutent, des pharmaciens, des employés de banque, que sais-je… Il est même arrivé à l’un de mes amis qui rentrait tard le soir chez lui et passait par la place Saint-Sulpice d’entendre ma voix et de se demander ce que je faisais à cet endroit à une telle heure : un clochard, sur les marches de l’église, écoutait la rediffusion de mon émission !
Les émissions de radio assurent une forme d’apologétique par le biais culturel. Elles touchent un public « tradi », mais pas seulement. En tant que prêtre, il me semble important de rejoindre les gens dans leur solitude – affective, mais surtout intellectuelle et spirituelle. Certains se sentent si isolés ! Ils n’osent plus rien dire, car ils passent pour politiquement, mais aussi religieusement incorrects. Il est bon de savoir que l’on n’est pas seul à penser ce que l’on pense.
Pour moi, presse et radio constituent donc deux manières de s’adresser à un public et de faire connaître la Tradition. Une émission se prépare, bien sûr, mais ce qui la rendra bonne est par-dessus tout le ton de la conversation. La mienne passe à 6 heures du soir, j’entre alors dans le salon des auditeurs. L’écrit demande un tout autre travail.
— Comment voyez-vous l’avenir de la Tradition?
— Dans la confusion actuelle, surtout après ce synode, de nombreux fidèles, des prêtres, des évêques, des cardinaux, alors qu’ils ne sont pas traditionalistes, se demandent si les positions de Mgr Lefebvre n’étaient pas justes. Pour eux, une chose est maintenant sûre : il a bien fait de transmettre ce qu’il a reçu.
— La Fraternité constate-t-elle la venue de nouveaux fidèles?
— Pour l’instant nous sentons plutôt un frémissement, un intérêt qui se transformera peut-être un jour en pratique dominicale. Nos idées, rejetées il y a dix ans, ne sont plus considérées avec autant de méfiance. Il ne s’agit plus de discours qui semblent abstraits, comme lorsqu’on parle de « liberté religieuse » ou de « dialogue interreligieux », par exemple. Là, nous sommes dans le concret : un père, une mère, la famille ; l’intégrité, la sécurité de notre pays menacées. Et les gens se disent en parlant de nous: «N’ont-ils pas raison?»