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Entraide et Tradition

Rome et la FSSPX

publié dans nouvelles de chrétienté le 12 mai 2016


 

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Réflexion: pour une analyse sereine des rapports entre la Fraternité Saint-Pie X et Rome

 

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L’auteur est l’un des meilleurs connaisseurs du monde catholique traditionnel. Proche de la Fraternité Saint-Pie X (FSSPX), il a toujours su analyser les situations objectivement. À plusieurs reprises, il a mis en garde contre les dangers de l’isolement de la FSSPX et de l’émiettement continu d’un traditionalisme trop marqué par les combats et dont le risque est l’instabilité. Il s’exprime souvent sur le Forum catholique; le texte correspond à un message publié sur ledit forum et a été relayé par le site d’information Tradinews. Intitulé « La perte du sens de l’Église », ce texte est assez substantiel et équilibré sur les opportunités d’une régularisation de la FSSPX.

Tout d’abord, l’auteur considère qu’il y a une analogie de mauvais goût à comparer le rapprochement de la FSSPX avec le Siège romain au Ralliement:

Comparer la situation du traditionalisme en 2016 d’une part et l’acceptation du Concordat de 1801 ou le Ralliement de 1892 d’autre part laisse subodorer une forme de perte du sens de l’Église que pointait récemment du doigt l’abbé Schmidberger car, quand bien même vous dites ne pas vouloir extrapoler l’analogie, vous associez l’adhésion à l’Église catholique romaine, malgré toutes les misères de ses pasteurs, à la dépendance aux systèmes politiques les plus maçonniques de notre histoire (le Consulat et la IIIe République). L’énorme différence, c’est que le Siège apostolique comme les diocèses sont de constitution divine et que le lien qui nous relie à eux se situe à des années lumière de la simple hiérarchie politique. Que les autorités de l’Église nous persécutent et que nous nous trouvons dans la nécessité de refuser les erreurs que certaines favorisent est une chose ; que nous recherchions un séparatisme décomplexé en refusant en globalité tout ce que les supérieurs émettent, de bon comme de mauvais, comme si l’Église était décédée un 11 octobre 1962, en est une autre ! Personnellement, je préfère de loin la comparaison de Mgr Lefebvre qui, lors des ordinations de 1982, montrait que l’Église vivait sa passion, tel son divin époux, le Christ flagellé et crucifié.

Il rappelle que les risques de rapprochement avec Rome sont, au fond, ceux que l’Église vit habituellement depuis 2000 ans. La facilité n’a jamais existé dans la mission de l’Église.

Vous dites ne pas vouloir « juger les partisans d’une paix avec Rome », mais à vous lire leur position relèverait néanmoins d’une « motivation obscure », d’une « tentation » qui ne « s’avoue pas », fruit d’une « lassitude », de la « peur de la marginalisation », de la « pression sociale ou mondaine » ou d’une quête « d’honneurs recherchés ». En réalité, sous votre plume, votre interlocuteur est déjà jugé. Il ne paraît guère honnête de limiter ses motivations à la pusillanimité ou à une lâcheté à court d’arguments sous prétexte que vous ne daignez pas mesurer l’importance du lien hiérarchique – même s’il est malmené – au sein de l’Église catholique romaine. On ne peut décemment le balayer d’un revers de main à moins de remettre en cause la hiérarchie elle-même. Sans doute la régularisation n’est-elle pas indemne de risques. Les apôtres n’ont pas attendu une mutuelle tous risques avant de s’engager et au jour de la Pentecôte ils ont décidé de ne pas rester calfeutrés au Cénacle. Ils sont allés éprouver leur foi aux quatre coins du monde, malgré les dangers de meurtres ou de contamination. Il est évident que cette normalisation ne coïncidera pas avec une fin du modernisme et d’un paradis terrestre.Les difficultés continueront comme elles ont toujours existé depuis 2000 ans.

On peut critiquer l’affadissement de la part de ceux qui se méfient de tout accord, mais le risque de schisme est aussi visible de la part de ceux qui refusent tout accord avec Rome (hélas, ce raidissement a pu être visible auprès de quelques éléments de la FSSPX, dont certains ont fini par rejoindre la « résistance »):

La vision que vous présentez (des vendéens qui attendent une France entièrement royaliste et catholique, des monarchistes espérant vainement la restauration du roi absolu sur son cheval blanc, ou des traditionalistes imaginant un retour soudain au catéchisme pérenne en tout lieu et en tous temps) relève d’un romantisme bien peu réaliste et caresse des suppositions qui n’ont pas prise avec les faits. C’est celui, je le crains, qui a gagné les rangs des anticoncordataires qui ont formé la nébuleuse de la Petite Église, des donatistes n’acceptant pas la trêve de l’arianisme ou des derniers Cristeros qui ne se sont jamais résigné aux dénouements en demi-teinte et qui ont terminé un combat désespéré. Tous pouvaient assurément affirmer que le mal qu’ils combattaient n’était pas mort lorsque les papes appelaient à des situations pragmatiques. Nous pouvons même affirmer que ces maux (la révolution, la maçonnerie et leurs succédanées) existent encore aujourd’hui. Quel partisan actif d’un « accord », écrivez-vous, peut dire, au fond de lui-même, qu’il est totalement indemne du genre de tentations l’affadissement ? Inversement, quel partisan actif d’un refus « d’accord » peut dire, au fond de lui-même, qu’il est totalement indemne de ces tentations de perte de sens de l’Église et d’adoption silencieuse du schisme ?

Enfin, il faut aussi souligner que la situation ecclésiale a bien changé à l’égard de la FSSPX et de la mouvance catholique traditionnelle, qui n’a cessé de s’étendre. À cet égard, faut-il rappeler le développement croissant des communautés traditionnelles outre-Atlantique et les nombreuses ordinations sacerdotales qui y ont lieu, à tel point que les États-Unis d’Amérique sont devenus un pays prometteur pour la Tradition ?

Néanmoins la situation d’il y a trente ans a changé. Plaquer un argumentaire de 1990 sur la situation de la Fraternité, c’est inconsciemment lui faire un immense tort qui ne prendra aucunement auprès de la jeune génération à qui on affuble des arguments de trahison sur des histoires qui ont eu lieu alors qu’ils n’étaient même pas nés. Certes, la crise magistérielle est très vive dans les sphères romaines mais sur le terrain, la situation du traditionalisme est radicalement changée. Mgr Lefebvre et ses prêtres ne sont plus du tout le repoussoir des milieux Ecclesia Dei. La messe traditionnelle est permise universellement. Les critiques de la papauté émergent. Les derniers papes ont vanté les mérites de la FSSPX dans des textes pontificaux. Les évêques ont entériné depuis quinze ans la prochaine régularisation de la Fraternité que les médias annoncent à intervalles réguliers. Sans doute la raison est-elle due à la désorientation actuelle du clergé. Il est évident que vous pourrez trouver des exceptions, des cas de prêtres mal vus par leurs évêques. Il n’en demeure pas moins que l’ère des persécutions des années 1970 n’a plus cours aujourd’hui, à moins de vivre dans le mythe. Quant à la thèse du piège laissant penser que Benoît XVI aurait ruiné son pontificat pour orchestrer un guet-apens, elle ne tient pas une seconde la route. Force est de constater qu’un traditionalisme est en train de s’implanter dans l’Église, d’être réapproprié, même si ce n’est pas de façon fulgurante. Le fait que les anciens de la FSSPX qui ont tout bâti et qui ont été les meilleurs se permettent d’envisager la régularisation devrait faire réfléchir sans que, pour autant, par réflexe, nous soyons obligés de les taxer de découragement. Les milieux régularisés qui n’osent pas parler très fort, pas assez fort à notre goût, adoptent une vie liturgique qui fait abstraction de Vatican II. Inconsciemment, on comprend qu’ils n’en sont pas les adeptes et il paraît un peu ridicule de les faire passer pour des adulateurs du Concile. Le pontificat actuel ne doit pas cacher les tendances à l’oeuvre dans l’Église et qui se réalisent à l’échelle temporelle de plusieurs pontificats, notamment le suivant et celui qui le suivra. La réappropriation de la tradition est en train de s’opérer. Elle est plus forte que ces figures ecclésiastiques soixante-huitardes qui passeront. Se fera-t-elle sans la figure tutélaire de Mgr Lefebvre ou avec lui ? C’est le fait que la FSSPX sera régularisée ou non qui le dira.

Sources: le Forum catholique et Tradinews

 

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Ennemond lui répond:

 

[Ennemond – Le Forum Catholique] La perte du sens de l’Église

SOURCE – Le Forum Catholique – 9 mai 2016


Comparer la situation du traditionalisme en 2016 d’une part et l’acceptation du Concordat de 1801 ou le Ralliement de 1892 d’autre part laisse subodorer une forme de perte du sens de l’Église que pointait récemment du doigt l’abbé Schmidberger car, quand bien même vous dites ne pas vouloir extrapoler l’analogie, vous associez l’adhésion à l’Église catholique romaine, malgré toutes les misères de ses pasteurs, à la dépendance aux systèmes politiques les plus maçonniques de notre histoire (le Consulat et la IIIe République). L’énorme différence, c’est que le Siège apostolique comme les diocèses sont de constitution divine et que le lien qui nous relie à eux se situe à des années lumière de la simple hiérarchie politique. Que les autorités de l’Église nous persécutent et que nous nous trouvons dans la nécessité de refuser les erreurs que certaines favorisent est une chose ; que nous recherchions un séparatisme décomplexé en refusant en globalité tout ce que les supérieurs émettent, de bon comme de mauvais, comme si l’Église était décédée un 11 octobre 1962, en est une autre ! Personnellement, je préfère de loin la comparaison de Mgr Lefebvre qui, lors des ordinations de 1982, montrait que l’Église vivait sa passion, tel son divin époux, le Christ flagellé et crucifié.
Vous dites ne pas vouloir « juger les partisans d’une paix avec Rome », mais à vous lire leur position relèverait néanmoins d’une « motivation obscure », d’une « tentation » qui ne « s’avoue pas », fruit d’une « lassitude », de la « peur de la marginalisation », de la « pression sociale ou mondaine » ou d’une quête « d’honneurs recherchés ». En réalité, sous votre plume, votre interlocuteur est déjà jugé. Il ne paraît guère honnête de limiter ses motivations à la pusillanimité ou à une lâcheté à court d’arguments sous prétexte que vous ne daignez pas mesurer l’importance du lien hiérarchique – même s’il est malmené – au sein de l’Église catholique romaine. On ne peut décemment le balayer d’un revers de main à moins de remettre en cause la hiérarchie elle-même. Sans doute la régularisation n’est-elle pas indemne de risques. Les apôtres n’ont pas attendu une mutuelle tous risques avant de s’engager et au jour de la Pentecôte ils ont décidé de ne pas rester calfeutrés au Cénacle. Ils sont allés éprouver leur foi aux quatre coins du monde, malgré les dangers de meurtres ou de contamination. Il est évident que cette normalisation ne coïncidera pas avec une fin du modernisme et d’un paradis terrestre. Les difficultés continueront comme elles ont toujours existé depuis 2000 ans.
La vision que vous présentez (des vendéens qui attendent une France entièrement royaliste et catholique, des monarchistes espérant vainement la restauration du roi absolu sur son cheval blanc, ou des traditionalistes imaginant un retour soudain au catéchisme pérenne en tout lieu et en tous temps) relève d’un romantisme bien peu réaliste et caresse des suppositions qui n’ont pas prise avec les faits. C’est celui, je le crains, qui a gagné les rangs des anticoncordataires qui ont formé la nébuleuse de la Petite Église, des donatistes n’acceptant pas la trêve de l’arianisme ou des derniers Cristeros qui ne se sont jamais résigné aux dénouements en demi-teinte et qui ont terminé un combat désespéré. Tous pouvaient assurément affirmer que le mal qu’ils combattaient n’était pas mort lorsque les papes appelaient à des situations pragmatiques. Nous pouvons même affirmer que ces maux (la révolution, la maçonnerie et leurs succédanées) existent encore aujourd’hui. Quel partisan actif d’un « accord », écrivez-vous, peut dire, au fond de lui-même, qu’il est totalement indemne du genre de tentations d’affadissement ? Inversement, quel partisan actif d’un refus « d’accord » peut dire, au fond de lui-même, qu’il est totalement indemne de ces tentations de perte de sens de l’Église et d’adoption silencieuse du schisme ?
Néanmoins la situation d’il y a trente ans a changé. Plaquer un argumentaire de 1990 sur la situation de la Fraternité, c’est inconsciemment lui faire un immense tort qui ne prendra aucunement auprès de la jeune génération à qui on affuble des arguments de trahison sur des histoires qui ont eu lieu alors qu’ils n’étaient même pas nés. Certes, la crise magistérielle est très vive dans les sphères romaines mais sur le terrain, la situation du traditionalisme est radicalement changée. Mgr Lefebvre et ses prêtres ne sont plus du tout le repoussoir des milieux Ecclesia Dei. La messe traditionnelle est permise universellement. Les critiques de la papauté émergent. Les derniers papes ont vanté les mérites de la FSSPX dans des textes pontificaux. Les évêques ont entériné depuis quinze ans la prochaine régularisation de la Fraternité que les médias annoncent à intervalles réguliers. Sans doute la raison est-elle due à la désorientation actuelle du clergé. Il est évident que vous pourrez trouver des exceptions, des cas de prêtres mal vus par leurs évêques. Il n’en demeure pas moins que l’ère des persécutions des années 1970 n’a plus cours aujourd’hui, à moins de vivre dans le mythe. Quant à la thèse du piège laissant penser que Benoît XVI aurait ruiné son pontificat pour orchestrer un guet-apens, elle ne tient pas une seconde la route. Force est de constater qu’un traditionalisme est en train de s’implanter dans l’Église, d’être réapproprié, même si ce n’est pas de façon fulgurante. Le fait que les anciens de la FSSPX qui ont tout bâti et qui ont été les meilleurs se permettent d’envisager la régularisation devrait faire réfléchir sans que, pour autant, par réflexe, nous soyons obligés de les taxer de découragement. Les milieux régularisés qui n’osent pas parler très fort, pas assez fort à notre goût, adoptent une vie liturgique qui fait abstraction de Vatican II. Inconsciemment, on comprend qu’ils n’en sont pas les adeptes et il paraît un peu ridicule de les faire passer pour des adulateurs du Concile. Le pontificat actuel ne doit pas cacher les tendances à l’oeuvre dans l’Église et qui se réalisent à l’échelle temporelle de plusieurs pontificats, notamment le suivant et celui qui le suivra. La réappropriation de la tradition est en train de s’opérer. Elle est plus forte que ces figures ecclésiastiques soixante-huitardes qui passeront. Se fera-t-elle sans la figure tutélaire de Mgr Lefebvre ou avec lui ? C’est le fait que la FSSPX sera régularisée ou non qui le dira.

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