De la confusion, du soupçon, de la division dans l’Eglise
publié dans nouvelles de chrétienté le 21 septembre 2016
Église catholique: confusion, soupçon et division
Informations, désinformations, vérités, demi-vérités, mensonges, semblent se mêler dans la stratégie de communication du Saint-Siège. L’histoire de l’Eglise est écrite par des interviews, des discours improvisés, des articles sur des blogs para-officiels, des indiscrétions médiatiques, laissant le champ libre à toutes les interprétations possibles et faisant surgir le soupçon que la confusion est planifiée. Deux exemples récents.
Le premier concerne l’affaire de l’éviction en 2012, du président de l’IOR (Institut des Oeuvres Religieuses) Ettore Gotti Tedeschi. Dans le dernier livre de Benoît XVI, Dernières conversations avec Peter Seewald, le Pape émérite prend sur lui la responsabilité de l’éloignement de Gotti Tedeschi, dû, à ce qu’il affirme, à la nécessité de «renouveler les dirigeants» de la Banque du Vatican. Mais le secrétaire du Pape démissionnaire, Mgr Georg Gänswein, avait déclaré à l’époque que Benoît XVI lui-même ignorait cette éviction et «resta surpris, très surpris par l’acte de défiance au professeur».
Andrea Tornielli, le 22 Octobre 2013, en faisait état dans un article intitulé Benoît XVI fut très surpris par l’expulsion de Gotti Tedeschi. Le 9 septembre 2016, le même vaticaniste, sans relever la moindre contradiction, présente la nouvelle version, avec le titreRatzinger: c’était mon idée de changer les dirigeants de l’IOR en 2012. Quelle est la vérité? A coup sûr, quelqu’un ment et la confusion reste.
La seconde affaire est plus grave. Le 5 Septembre, le site (en espagnol) Infocatolica a publié une lettre que François a envoyée aux évêques de la région pastorale de Buenos Aires, en réponse au document Criterios básicos para la aplicación del capítulo VIII de Amoris laetitia (Critères de base pour l’application du chapitre VIII d’Amoris laetitia).
Dans le document, qui entend fournir au clergé certains critères en relation avec le huitième chapitre de l’exhortation, les évêques argentins affirment que, selon Amoris laetitia, les divorcés remariés peuvent accéder à la communion sacramentelle, même lorsqu’ils vivent ensemble more uxorio, sans l’intention de pratiquer la chasteté. François a exprimé son appréciation pour cette indication, écrivant aux prélats que «le texte est très bon et explique de manière excellente le chapitre VIII d’Amoris laetitia. Il n’y a pas d’autre interprétation. Et je suis sûr qu’il fera beaucoup de bien».
Les polémiques se sont instantanément ouvertes et la lettre du pape a mystérieusement disparu du site, si bien que beaucoup ont mis en doute son existence, jusqu’à ce que l’Osservatore Romano en a confirmé l’authenticité.
«Il n’y a pas d’autre interprétation». La position du Pape François sur les divorcés remariés, déjà exprimée lors du vol de retour de l’île de Lesbos, semble à ce point définitivement claire. Mais si telle est sa pensée, pourquoi la confier à une note de pied de page dans Amoris laetitia et à une lettre privée destinée à ne pas être publiée, plutôt que de l’affirmer de manière claire et explicite? Peut-être parce que, de cette façon, la contradiction avec le Magistère pérenne de l’Église serait publique et formelle, alors que l’on veut arriver à changer la doctrine de l’Eglise de manière ambiguë et subreptice?
L’impression est de se trouver face à une manipulation des informations qui produit au sein de l’Eglise précisément les tensions et les divisions que le Pape a déplorées dans son discours à Sainte Marthe du 12 Septembre: «Des divisions idéologiques, théologiques, qui lacèrent l’Eglise. Le diable sème jalousies, ambitions, idées, mais pour diviser (…). Les divisions font en sorte qu’on voit ce parti, cet autre parti contre celui-là et contre … Toujours contre! Il n’y a pas l’huile de l’unité, le baume de l’unité».
Mais les divisions proviennent de la langue fourchue du diable et sont vaincues avant tout par la Vérité; la vérité de la foi et de la morale, mais aussi la vérité du langage et des comportements, ce qui signifie renoncement à tout mensonge, falsification, réticence, suivant l’enseignement de l’Evangile, «que votre parole soit oui oui; non, non; ce qu’on ajoute vient du malin » (Mt 5, 37). (Roberto de Mattei, publié dans Il Tempo, 14 septembre 2016)