Un texte de Maurras sur l’inauguration de la mosquée de Paris
publié dans flash infos le 17 décembre 2009
A propos de la mosquée de Paris
Quelques rues du centre de Paris sont égayées par de très belles robes de nos visiteurs marocains. Il y en a de vertes, il y en a de roses, il y en a de toutes les nuances. Certains de ces majestueux enfants du désert apparaîtraient « vêtus de probité candide et de lin blanc » si leur visage basané et presque noir ne faisait songer au barbouillage infernal. Que leurs consciences soient couleurs de robe ou couleur de peau, leurs costumes restent enviables : notre ami Eugène Marsan m’est témoin que le plus négligent des hommes serait capable des frais de toilette qui aboutiraient à ces magnifiques cappa magna, à ces manteaux brodés de lune et de soleil. Notre garde républicaine elle-même, si bien casquée, guêtrée et culottée soit-elle, cède, il me semble, à la splendeur diaprée de nos hôtes orientaux.
Toute cette couleur dûment reconnue, il n’est pas moins vrai que nous sommes probablement en train de faire une grosse sottise. Cette mosquée en plein Paris ne me dit rien de bon.
Il n’y a peut-être pas de réveil de l’Islam, auquel cas tout ce que je dis ne tient pas et tout ce que l’on fait se trouve aussi être la plus vaine des choses.
Mais, s’il y a un réveil de l’Islam, et je ne crois pas que l’on en puisse douter, un trophée de cette foi coranique sur cette colline Sainte-Geneviève où enseignèrent tous les plus grands docteurs de la chrétienté anti-islamique représente plus qu’une offense à notre passé : une menace pour notre avenir.
On pouvait accorder à l’Islam, chez lui, toutes les garanties et tous les respects. Bonaparte pouvait se déchausser dans la mosquée, et le maréchal Lyautey user des plus éloquentes figures pour affirmer la fraternité de tous les croyants : c’étaient choses lointaines, affaires d’Afrique ou d’Asie.
Mais en France, chez les Protecteurs et chez les Vainqueurs, du simple point de vue politique, la construction officielle de la mosquée et surtout son inauguration en grande pompe républicaine, exprime quelque chose qui ressemble à une pénétration de notre pays et à sa prise de possession par nos sujets ou nos protégés. Ceux-ci la tiendront immanquablement pour un obscur aveu de faiblesse. Quelqu’un me disait hier : — Qui colonise désormais ? Qui est colonisé ? Eux ou nous ?
J’aperçois, de-ci de-là, tel sourire supérieur. J’entends, je lis telles déclarations sur l’égalité des cultes et des races. On sera sage de ne pas les laisser propager trop loin d’ici par des haut-parleurs trop puissants. Le conquérant trop attentif à la foi du conquis est un conquérant qui ne dure guère.
Nous venons de transgresser les justes bornes de la tolérance, du respect et de l’amitié. Nous venons de commettre le crime d’excès. Fasse le ciel que nous n’ayons pas à le payer avant peu et que les nobles races auxquelles nous avons dû un concours si précieux ne soient jamais grisées par leur sentiment de notre faiblesse.