Ce qu’est le prêtre pour moi, par François Mauriac
publié dans nouvelles de chrétienté le 18 décembre 2009
Ce très beau texte de François Mauriac sur le prêtre: lu sur « le salon beige »
Le prêtre est resté pour moi ce qu’il fut à l’aube de ma vie, mais d’abord et avant tout celui qui lie et qui délie, celui qui, au moment où il lève la main pour nous absoudre, ne se distingue plus du Fils de l’homme à qui a été donné sur la terre le pouvoir de remettre les péchés. Pouvoir dont nous sommes éblouis plus encore peut-être quand nous n’avons à confesser aucune faute grave, car c’est alors que la grâce attachée au sacrement de pénitence agit à l’état pur, si j’ose dire, et que nous la ressentons jusque dans notre chair. Ceux qui louent l’Eglise d’avoir inventé avant Freud une thérapeutique de l’aveu ne savent pas de quoi ils parlent. Ce n’est pas de porter à la lumière nos hontes, ce n’est pas cela qui nous délivre, mais un geste, une parole, un pouvoir.
Ce qu’est le prêtre pour moi ? La rencontre de la puissance du Créateur et de l’infirmité de la créature dans un même être. Et ici je vous confierai une grande grâce que j’ai reçue et qui, si j’en crois beaucoup de confidences, n’est pas si commune : c’est qu’ayant connu tant de prêtres, et dès le commencement de ma vie, je n’en ai rencontré aucun qui m’ait scandalisé ou fait du mal, nombreux sont ceux qui m’ont édifié, et plusieurs, à certains tournants de mon destin, m’ont pris sur leurs épaules. J’ai sur ce sujet des souvenirs que je ne partage qu’avec Dieu, car le prêtre lui-même ignorera quelle grâce l’a traversé jusqu’au soir où, pauvre ouvrier vanné et accablé, debout au seuil de l’éternelle joie, son humilité s’étonnera de la parole qui lui sera dite, de la récompense qui lui sera donnée.
Le prêtre, homme qui remet les péchés, consacre pour moi l’hostie. Vous me direz qu’il est cela pour tous : » Mais pour vous, en particulier, qu’est-il donc ? » Rien d’autre que ce que je vous dis: celui qui, après avoir pardonné, met l’hostie dans ma bouche; et celui qui, avant de me la donner, l’élève un instant au-dessus du ciboire – si bien que je ne puis séparer dans mon esprit ni dans mon cœur, un prêtre même médiocre, de cet acte, de cela qu’il accomplit chaque matin, de cette offrande de Dieu à Dieu, et de Dieu à l’homme qui communie à un homme qui a été moi-même bien souvent.
D’un mot, ce qu’est le prêtre pour moi ? C’est le Christ. Ce que j’attends du prêtre et ce que je reçois de lui ? C’est le Christ.
François Mauriac