Actualité du Père Calmel
publié dans la doctrine catholique, regards sur le monde le 25 décembre 2016
Abbé Chautard (direction) Actualité du Père Calmel, Vue de Haut N°22, 2016, 146 pages, 12 Euros.
Le Père Calmel (1914-1975) a été une des figures majeures de la défense du Catholicisme, du Catholicisme dans son intégralité face aux allègements intempestifs et innovations modernisantes à la mode dès les années 1950 et encore plus sur les décennies suivantes. Il a été un des piliers de la revue de résistance catholique intégrale Itinéraires (1956-1996), dirigée par Jean Madiran. Le Père Calmel est hélas aujourd’hui quelque peu oublié, injustement, et il fait partie de ces personnalités à redécouvrir, que ce soit pour son action en elle-même et ses précieuses réflexions. Le vingtième siècle marqué par une crise moderniste au sein de l’Eglise, crise simplement ralentie mais non éteinte par l’encyclique Pascendi de saint Pie X de 1907, condamnant cette erreur doctrinale grave. Pascendi propose une bonne dimension du modernisme, somme d’erreurs, plutôt qu’erreur unique, culture d’un certain flou doctrinal délibéré, flou qui conduit lui-même à admettre toutes les opinions erronées. Et la doctrine catholique est précise, elle n’est pas un atelier de libre-recherche spirituelle, de spéculation spiritualiste libre, comme le serait ou plutôt prétend l’être la franc-maçonnerie.
Il faut bien reconnaître que dans l’Eglise catholique d’aujourd’hui, au niveau des communautés locales comme dans les hautes sphères trop souvent, règne ce flou doctrinal délibéré conduisant à bien des erreurs, déjà condamné par saint Pie X et dans la filiation duquel s’inscrit fidèlement le Père Calmel. La publication indique donc à juste titre l’actualité du Père Calmel. Ses textes fondamentaux répondent encore précisément à des erreurs plus répandues que jamais, mais qui sont tout sauf neuves. Vue de Haut est la revue de l’Institut universitaire saint Pie X. Cet établissement authentiquement catholique a tenu en 2014 un colloque sur ce thème de l’actualité du Père Calmel, et ce numéro de sa revue propose la parution des actes de ce colloque, sous la direction de son recteur, monsieur l’Abbé Chautard. Toutes les contributions sont intéressantes : nous signalerons particulièrement celle de M. l’Abbé Bourrat, traitant de « l’école chrétienne renouvelée, la charte d’un enseignement catholique », sur un aspect fondamental de la pensée du Père Calmel et de son actualité.
LE PERE CALMEL, UNE VIE EXEMPLAIRE DE DOMINICAIN
Le Père Calmel a été un personnage enraciné dans la France profonde, marqué par un fort accent rural du Sud-Ouest, sinon complètement disparu aujourd’hui, du moins très atténué. Il appartient, puisque né en 1914, à cette génération d’enfants qui a grandi au milieu des survivants de la Grande Guerre (1914-1918), à commencer par son propre père, Matthieu Calmel. Ce père a été un bon catholique. Elevé dans un milieu pieux, le futur Père Calmel a pu sentir sa vocation fort tôt. Il a donc suivi ses études secondaires au petit séminaire près d’Agen. S’imaginant lui-même logiquement poursuivre sa formation de futur prêtre au grand séminaire d’Agen, il a été, comme sujet particulièrement brillant détecté par ses maîtres, orienté vers le Séminaire Pie XI interdiocésain à Toulouse, regroupant alors les meilleurs sujets du Sud-Ouest. Il y a étudié trois ans de 1933 à 1936, avant de demander son admission dans l’ordre de saint Dominique. Les Dominicains sont un des deux ordres spécifiquement intellectuels de l’Eglise, l’autre étant les Jésuites.
De 1936 à 1941, le futur Calmel a bénéficié d’un bon noviciat chez les Domicains à Saint-Maximin, dans le Var. Il a été ordonné à Toulouse en 1941. De 1941 à 1954, il a occupé différentes fonctions à Toulouse et à Marseille, dont l’aumônerie d’œuvres enseignantes dominicaines féminines, avec la direction spirituelle des sœurs.
1954 marque la première rupture, rupture pour un homme d’Eglise, avec l’éloignement imposé de la direction de ses chères sœurs et son œuvre spécifiquement enseignante, et toute une époque. Le Père Calmel a commencé à subir la persécution des autorités humaines de l’Eglise, à commencer par celles de son ordre, de plus en plus acquises aux approches nouvelles, modernes, pour ne pas dire modernistes – au sens des condamnations de saint Pie X. Mais le Père Calmel ne s’est jamais laissé impressionner, et a toujours défendu, en bon Dominicain, la doctrine catholique authentique et la Messe de toujours.
En 1958, il a commencé à collaborer à Itinéraires, la revue de défense du Catholicisme authentique, animée par Jean Madiran. Avant comme après cette sanction de 1954, partiellement levée en 1969, le Père Calmel est resté en lien étroit avec les Dominicaines enseignantes du Saint-Nom de Jésus, et la personnalité de Mère Anne-Marie Simoulin. Il a donné des conférences régulières dans toute la France à cette époque. Jusqu’à sa mort, il a lutté, prêché, suivant sa vocation de l’ordre des frères prêcheurs.
LE PERE CALMEL ET L’ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
Le Père Calmel a particulièrement supervisé l’enseignement proposé par les Dominicaines enseignantes. La chrétienté ne peut survivre que par transmission, transmission accomplie avec intelligence, discernement, habileté, mais absolue fermeté, dans les jeunes âmes. Les enseignants, ou enseignantes, doivent être eux-mêmes bien formés, et absolument convaincus des vérités catholiques. Dans ses riches et nombreuses réflexion sur l’école catholique, le Père Calmel a toujours insisté sur la formation des maîtres. Une telle formation est d’ailleurs dans la lignée de sa pensée par l’Institut universitaire saint Pie X, afin de disposer de ces maîtres qui manquent tant aujourd’hui.
Le Père Calmel s’est battu contre l’exigence limitée en usage en son temps dans le recrutement des écoles catholiques : des maîtres et maîtresses témoignant d’honnêtes vies et mœurs – excluant par exemple tout concubinage ou liaison hors mariage – après un minimum d’enquête. Ce qui était une évidence dans les années 1950 encore passerait aujourd’hui pour des exigences fortes…Mais le Père Calmel a insisté sur le maintien des critères stricts du XIXème siècle – et évidemment antérieurs – fondés non seulement sur les mœurs, mais sur les principes catholiques authentiques : le personnel enseignant doit connaître la doctrine catholique, être capable de la transmettre par ses cours – et elle déborde le seul enseignement religieux stricto sensu, souvent confié à l’aumônier -, la pratiquer, la vivre. Les élèves voient leurs enseignants dans leur vie, et non seulement lors des cours, et leur attitude constamment catholique sera un véritable exemple ; tandis qu’au contraire, des contradictions visibles tendent à semer la confusion, le doute, dans les jeunes âmes, et ce fort tôt.
Le Père Calmel a logiquement déconseillé fermement tout contrat d’association avec l’Etat. La tentation a été présente, et l’a souvent emporté, du fait d’avantages matériels indéniables, et de quelques garanties formelles sur le respect de la spécificité catholique. Mais ces dernières n’ont absolument pas été respectées dans la durée. Le secteur d’enseignement privé dit catholique, massivement sous contrat aujourd’hui, suit les programmes officiels, qui ne sont certes pas neutres mais franchement opposés à la doctrine catholique. L’illusion d’une éthique laïque – du reste construite historiquement contre la morale catholique – ne saurait plus tenir aujourd’hui. Subsiste désormais la promotion explicite des mauvaises mœurs, sous prétexte de « tolérance » ou « d’éducation sexuelle », et ce dès l’école primaire ! Le Père Calmel avait vu dans ces contrats une manœuvre pour dissoudre l’enseignement vraiment catholique, l’éliminer en douceur ; il faut bien reconnaître qu’il a eu raison.
Les parents catholiques doivent donc, dans toute la mesure du possible, faire des sacrifices considérables, en particulier financiers, afin de confier leurs enfants à des écoles catholiques authentiques, c’est-à-dire concrètement hors-contrat.
LA QUESTION CENTRALE EN FRANCE DE LA CONDAMNATION PONTIFICALE DE L’ACTION FRANCAISE ET DE SES CONSEQUENCES DE LONG TERME
La fin des années 1920, qui correspond à l’adolescence du futur Père Calmel, voit le débat autour de l’Action Française diviser les catholiques, du fait de sa condamnation pontificale en 1926-1927. Etait-elle juste en théologie catholique ? Le pape Pie XI avait-il le droit de condamner très sévèrement un mouvement et ses membres professant le respect du catholicisme, croyance traditionnelle de la France ? Il y a eu dès l’époque l’impression d’un deux poids deux mesures : à peu près toutes les formations politiques françaises, y compris les libérales-conservatrices, ou, celles, alors relativement peu importantes, dans la mouvance démocrate-chrétienne, auraient pu être condamnées au nom de la doctrine catholique pure, en suivant les nombreuses condamnations du libéralisme et des idées de la Révolution française formulées dès le pape Pie VI, martyr de la Révolution. A l’âge adulte, prêtre, le Père Calmel a reconnu la justesse de la condamnation doctrinale de l’Action française, pêchant par une philosophie profondément naturaliste. La conversion personnelle, émouvante et réelle, à la fin de sa vie, de Charles Maurras n’a pas changé la doctrine de l’Action Française.
Toutefois, cette condamnation a été politiquement inopportune. Par réaction, elle a conduit au triomphe en France, dès les années 1930, des idées chrétiennes-démocrates, voire chrétiennes-progressistes, pour une part toujours croissante du clergé et de beaucoup de fidèles. La volonté de modernité et d’ouverture en politique a conduit à favoriser un tel état d’esprit en théologie et dans la liturgie. Après 1945, le clergé français est en pointe dans les recherches novatrices douteuses, des années avant Vatican II.
UNE PENSEE CATHOLIQUE FERME, A UNE EPOQUE DE GRANDES CONFUSIONS
Le Père Calmel a toujours opposé à cette mode, même durable, car nous y sommes encore largement aujourd’hui, les principes intangibles, valables en tous temps de la doctrine catholique. Quant à la liturgie, elle avait fort peu varié au cours des siècles ; elle avait été fixée définitivement dans le rite romain au IVème siècle, et non au XVIème siècle, suivant la dernière forme normée du Missel romain, avec la messe dite de saint Pie V (1570). Cette messe ne comprend par rapport à l’origine que d’infimes variations imposée aux usages par la sagesse des siècles. Elle est tout simplement la messe catholique par excellence, et certainement pas une invention du seizième siècle, ou un travail personnel innovant de saint Pie V.
A l’inverse, la nouvelle messe du missel de 1969, dite de Paul VI, a été elle composée à la hâte, non pas en suivant la prudence des siècles mais en quelques années seulement après le concile pastoral de Vatican II (1962-1965).
Dans Itinéraires, et dans ses nombreuses et régulières conférences, prononcées dans toute la France, à un rythme épuisant pour cet homme de santé fragile, le Père Calmel a toujours fermement rappelé la doctrine catholique, immuable, et dénoncé les erreurs de son temps.
La publication propose au fil des pages un florilège des inepties de ce temps, hélas non-révolu, prononcées parfois par des princes de l’Eglise : ainsi un évêque de Metz a-t-il défini durant les années 1960 le « socialisme » comme « grâce pour notre temps ». Le socialisme, dans sa variante socialiste ou a fortiori communiste, se réclame pourtant fermement, et particulièrement à cette époque, du marxisme athée. Or cette doctrine de haine de Dieu et des hommes – puisque voulant les dresser violemment les uns contre les autres au nom de la « lutte des classes » – est incompatible avec la doctrine catholique, ce qu’avaient déjà précisé des papes du XIXème siècle, dès Pie IX dans son Syllabus de 1864, et Léon XIII dans Rerum Novarum en 1891. Léon XIII a été pourtant tout sauf un esprit particulièrement fermé, peut-être même un peu trop diplomate.
Les décennies de pratique du socialisme en France ont confirmé les mises en garde du Père Calmel. Le gouvernement socialiste actuel, après le prétendu mariage homosexuel, veut absolument introduire le « délit d’entrave à l’IVG », afin de faire taire les quelques voix courageuses qui osent rappeler que l’avortement est un meurtre pur et simple, et lorsqu’il est pratiqué par centaines de milliers chaque année, un meurtre de masse. Dès les années 1960, socialistes et communistes étaient déjà favorables à l’avortement, en contradiction d’un point évident de morale non seulement catholique mais même naturelle, universelle.
De même, dans cet évêché de Metz absolument sinistré, le Père Calmel a-t-il assisté, consterné, à la messe d’enterrement d’un bon prêtre et ami, curé d’un village près de Metz. La liturgie a été de la plus haute fantaisie, et la sainte communion distribuée dans un panier, circulant dans toute l’église, comme un panier de pique-nique proposant des friandises !
L’ACTUALITE DU PERE CALMEL : UNE BOUSSOLE POUR AUJOURD’HUI ENCORE
Le Père Calmel a dénoncé tous ces scandales évidents en rappelant la doctrine de l’Eglise, y compris la doctrine sociale de l’Eglise, bien plus riche et pertinente que les idéologies à la mode au vingtième siècle, et qui n’en finissent pas aujourd’hui de mourir. Elles poursuivent leur œuvre de mort.
Le Père Calmel a donc déjà tout vu ou presque, proposé des analyses pertinentes, et le seul remède, l’authentique et complète doctrine catholique. Mort en 1975, il lui a été épargné de voir le danger de l’islam, et de submersion démographique et culturelle islamique qui se réalise actuellement en Europe. Mais l’islam ne submerge que des sociétés malades, et malades parce qu’apostates. Toutes les novations liturgiques ou doctrinales n’ont conduit non à quelque « nouvelle évangélisation » rêvée brièvement vers 1965-1970, mais à des apostasies massives.