Lettre ouverte à Mgr Robert Le Gall, archevêque de Toulouse
publié dans regards sur le monde le 23 février 2017
LETTRE OUVERTE À MGR ROBERT LE GALL, ARCHEVÊQUE DE TOULOUSE
(Source L’Agrif)
Par Bernard Antony
Sur son exhortation à « dépasser les différences » avec « nos frères musulmans ».
Qu’entend-il par-là ?
Monseigneur,
Vous avez répondu d’une manière très argumentée le 29 janvier dernier à une fidèle de votre diocèse vous ayant fait part, écrivez-vous, « de son mécontentement en apprenant que vous aviez célébré la naissance du prophète Mahomet avec des musulmans ». Ceci débordait largement le cadre d’un échange privé puisque portant sur un acte public non anodin de relation interreligieuse. Et à vous lire attentivement, vous l’avez d’ailleurs inscrite à l’évidence dans la conformité à votre mission et ne vous êtes pas contenté, il faut vous en savoir gré, d’une réponse « passe-partout » mais au contraire très motivée.
Elle engage votre foi, votre pensée, elle éclaire votre pastorale et nous dit la conception que vous avez des relations avec nos frères musulmans.
Elle prend donc place dans le grand débat actuel sur ce que vous appelez « le dialogue interreligieux » et mérite honnête lecture mais aussi peut-être, s’il y a lieu, une franche expression d’étonnement nullement contradictoire avec la liberté et le rôle des laïques bien défini par le concile Vatican II et aussi, sans doute, avec la manière dont le pape François exprime si souvent son aversion de toute complaisante inconditionnalité, et ses exhortations à une libre expression.
D’ailleurs, ne vient-il pas, comme jamais dans l’Église catholique, en ce demi-millénaire de commémoration de la naissance de Luther, d’honorer ce dernier, pourtant excommunié en son temps et qui ne se privait pas de couvrir des pires injures et malédictions les papes de son époque, Léon X, Adrien VI, Clément VII et Paul III ? Cette réhabilitation œcuménique de Luther autorise donc pour le moins, sans du tout user des procédés de polémiques et d’invectives de ce dernier, à exprimer respectueusement des objections argumentées ; à votre égard et aussi, avec la même liberté dans la quête de vérité, à l’égard du pape actuel dont vous invoquez l’exemplarité dans ce qu’il appelle la « praxis », comme argument à l’égard de votre fidèle désorientée.
À cette dernière vous indiquez d’abord que l’événement qu’elle évoque a pris place « dans le cadre d’un festival ayant pour thème « Jésus et le prophète Mahomet : regards croisés ». Ceci ne saurait occulter le fait qu’il était bien organisé par la communauté soufie qui vous accueillait, pour célébrer comme dans tout l’islam, la naissance de Mahomet (Mouloud) coïncidant en cette fin d’année 2016 avec la naissance de Jésus.
La première lourde ambiguïté tout de même n’est-elle pas que, d’une part, Mahomet n’est nullement un « prophète » pour les chrétiens ; sans quoi toute notre religion s’effondre, plus aucun « prophète » n’étant possible après la venue du Messie, Jésus-Christ, Dieu fils de Dieu.
D’autre part, vous le savez, pour les musulmans, Jésus est considéré comme un prophète, l’avant-dernier avant Mahomet, « le sceau des prophètes ». Mais le croire « Dieu, fils de Dieu » est pour Mahomet une immense abomination, le seul péché qu’Allah ne pardonnera pas ainsi qu’il le fait savoir maintes fois par le Coran et ainsi que cela revient sans cesse dans le deuxième ensemble de livres sacrés de l’islam, les hadîths.
Nous nous gardons, bien sûr, très respectueusement de citer à votre intention, sachant bien que vous ne pouvez les ignorer, un des innombrables passages où cela est violemment réitéré. Mais vous comprendrez que nous le fassions pour quelques-uns des lecteurs de cette lettre éventuellement peu instruits des fondements religieux de l’islam :
- : « Le Messie Jésus, fils de Marie, est seulement l’Apôtre d’Allah. Son verbe jeté par Lui à Marie, et un esprit [émanant] de Lui. Croyez donc en Allah et en Ses Apôtres et ne dites point : « Trois ! ». Cessez ! » (Coran IV-171)
« Dieu interdit le Paradis à quiconque attribue des associés à Dieu. Sa demeure sera le feu. Il n’existe pas de défenseurs pour les injustes. » (Coran V-72)
« Oui, ceux qui disent : « Dieu est, en vérité, le troisième de trois » sont impies. Il n’y a de Dieu qu’un Dieu unique. S’ils ne renoncent pas à ce qu’ils disent, un terrible châtiment atteindra ceux d’entre eux qui sont incrédules » (Coran V-75)
« Les chrétiens ont dit : « Le Messie est fils de Dieu ! » Telle est la parole qui sort de leur bouche ; ils répètent ce que les incrédules disaient avant eux. Que Dieu les anéantisse ! Ils sont tellement stupides ! » (Coran IX-29)
Ce n’est pas rien, non ? Et citons au moins parmi le millier de versets des Hadîths choisis par les deux plus grands « traditionistes »[1] de l’islam, Al-Bokari et Mouslim remartelant indéfiniment cela à des fins évidentes de massive imprégnation psychologique et concomitamment idéologique :
« On dira aux chrétiens : « Qu’adoriez-vous ? – Nous adorions, répondront-ils, le Messie, fils de Dieu. – Vous mentez, leur répondra-t-on, Dieu n’a ni compagne ni enfant. – Que désirez-vous ? – Que tu nous abreuves, répondront-ils. – Alors buvez ! leur sera-t-il répondu. Et ils tomberont tous successivement dans la géhenne. » (T. LXVII, ch. 24)
Et dans la « shahada » (profession de foi), qui retentit des milliards de fois par jour du haut des tous les minarets, n’est-il pas martelé : « Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu », dogme fondamental de l’unicité de Dieu face à l’impardonnable blasphème de la foi chrétienne en la Sainte Trinité ?
Or, Monseigneur, depuis qu’en 922 à Bagdad, al-Hallâj, un des grands enseignants du soufisme fut crucifié et tenaillé seulement pour avoir esquissé des pensées un peu originales sur la personne du Christ (par rapport au Coran), il n’y a jamais eu de soufistes, ni dans les confréries des derviches tourneurs turcs (qui ne furent pas les dernières à accepter au siècle dernier l’extermination des Arméniens et autres chrétiens Assyro-Chaldéens ou Grecs) ni dans celles d’Égypte, d’Inde, du Pakistan, ni d’ailleurs, ni dans celle de Toulouse qui vous a accueilli, pour pouvoir accepter un seul instant parmi eux l’expression de la foi en « un Dieu, un et trine ». Nous vous en proposons respectueusement le défi : trouvez donc une seule mosquée, à Toulouse ou de par le monde, où l’on accepterait que vous traitiez catholiquement de la devise de votre beau blason (d’hermines bretonnes traversées de trois croix du Languedoc) : « De unitate Trinitatis ». Vous n’en trouverez aucune, ni chiite, ni sunnite. On imagine aisément le sort d’un mufti ou d’un imam qui vous laisserait développer le blasphème des blasphèmes que constitue cette devise pour la croyance musulmane.
Aussi, Monseigneur, sommes-nous perplexes lorsque vous écrivez : « Nos prières aux côtés de nos frères musulmans ne visent en rien à nier les différences entre nous mais à les dépassionner et à les dépasser ».
On attend avec intérêt celui qui exprimera à vos côtés qu’il admet un débat sur l’unicité de Dieu ! En trouverez-vous pour prôner une lecture critique du Coran qui ne serait pas pure parole de Dieu, livre éternel « incréé » ?
« Dépasser les différences », dites-vous ? Cela est peut-être possible au sens de « les mettre de côté ». Mais dans ce cas, Monseigneur, il ne s’agit évidemment plus alors de dialogue interreligieux mais politique, économique, social, culturel ou gastronomique. Car dans un dialogue « interreligieux » authentique, comment peut-on surréalistement imaginer qu’on y dépassera les « différences » religieuses qui en sont le fondement même ? À moins de tomber alors dans un total relativisme ni musulman ni catholique. Vous avez récité votre prière, dites-vous, « aux côtés de nos frères musulmans ». Mais la leur, vous le savez bien, consiste toujours d’abord en la Fatiha, première sourate du Coran dans laquelle Allah dicte et prescrit qu’il lui soit demandé par le récitant d’être détourné du « chemin de ceux qui encourent sa colère, le chemin des égarés ». Certes les formes de la prière chez les soufistes, si minoritaires d’ailleurs dans l’islam, sont un peu différentes de celles dans l’ensemble de l’oumma : par les incantations indéfiniment répétitives du nom d’Allah, les gestuelles à vocation étourdissantes voire hallucinatoires, censées sécréter des états mystiques. Peut-être ont-elles été mesurées en votre présence ?
Mais puisqu’il s’agit bien selon vous de « dépasser les différences », lesquelles alors ?
– Nous avons déjà évoqué l’abîme séparant la croyance islamique en un Dieu unique de celle des chrétiens voués à toutes les tortures de l’enfer pour leur foi en un Dieu en trois personnes, la foi de votre devise, monseigneur !
Alors, la personne de Jésus en commun pour les chrétiens et les musulmans ?
Non, vous le savez bien, le « Isa » des textes de l’islam n’est pas le « Yasu » des chrétiens. Et il est maudit pour les musulmans celui qui croit qu’Allah a engendré un fils, qui croit que ce fils a subi la honte de la crucifixion et qu’il a été ressuscité.
– Et pour les musulmans la Vierge Marie, mère de Isa, vous le savez aussi, n’est pas la mère de Dieu. Ce n’est pas la même « Maryam » que celle qui, selon un stupéfiant anachronisme coranique, est confondue avec la sœur d’Aaron, le frère de Moïse ! Cette Maryam-là dans la religion de l’islam, selon les hadiths sacrés est « l’une des quatre meilleures femmes » qui aient jamais existé, musulmanes modèles avec Khadija, la mère du prophète, Fatima, sa dernière fille, et Aïcha, sa petite épouse préférée. Toutes les quatre régentent au paradis les Hûriyyât (« houris ») aux grands yeux, récompenses pour l’éternité des heureux élus… Ce n’est pas ce qu’enseigne notre religion sur la Vierge Marie « mère de Dieu ».
– Différence encore : « obéir ou aimer » ? Le mot amour dans le sens de l’amour envers Dieu, ne revient que six fois dans le Coran.
– Aucune part, Allah, qui selon la religion musulmane a dicté le Coran à Mahomet, ne révèle qu’il est « Amour ». N’est-ce pas pourtant sa définition même dans le christianisme ?
Quant au chapelet musulman dont les 99 grains disent les 99 attributs de la splendeur et de la puissance de Dieu, le mot « amour » en est absent. Dieu est dit « le miséricordieux », ce n’est pas la même chose. Il est blasphématoire de prêter à Allah un sentiment humain. Et sa miséricorde, cela est cent fois répété, jamais il ne l’accordera à ceux qui lui associent horriblement d’autres dieux comme dans votre « De unitate Trinitatis ». Et nous pourrions encore poursuivre dans l’évocation des différences à dépasser.
Vraiment Monseigneur, est-il possible d’invoquer un « dialogue interreligieux » où il faille précisément « dépasser » tout ce qui est d’ordre religieux ? Or, cet ordre ne détermine-t-il pas les lois (la charia) et les comportements dans tous les pays d’islam sans exception, par-delà les différents degrés dans la discrimination ou la persécution. Dans aucun, vous le savez bien, n’y est tolérée la conversion à une autre religion, partout frappée de mort ou de bannissement. Ne parlons pas de l’exception libanaise que nous connaissons bien dans laquelle les chrétiens longtemps majoritaires ne sont toujours heureusement pas en dhimmitude et continuent à partager les pouvoirs avec les sunnites, les chiites et les druzes.
Daignez comprendre notre incompréhension : une conception du dialogue interreligieux qui dépasserait les différences religieuses, forcément en les relativisant ou en les oubliant, cela ne nous laisse pas sans interrogation !
Le père Antoine Moussali, prêtre de la mission, professeur à la fin du siècle dernier, pendant des années, à l’université d’Alger où on le reconnaissait comme un des plus grands érudits contemporains de la langue arabe, cet homme d’une grande douceur et rayonnant de bonté, n’écrivait-il pas dans son livre « La croix et le croissant » : « Il faut avoir le courage et l’humilité de dire qu’entre le christianisme et l’islam il n’y a pas au plan théologique, de point commun de dialogue. Comment dialoguer en effet avec l’islam qui refuse énergiquement la Trinité, l’Incarnation, la Rédemption, tout ce qui constitue l’essence même du christianisme ? »
Mais il écrivait encore : « reconnaître la différence radicale n’empêche pas de s’aimer quoique différents ».
Je pense qu’il aurait approuvé votre emploi de « dépassionner », je doute qu’il aurait accepté celui de « dépasser » comme s’il fallait ôter du dialogue interreligieux ce qu’il désigne comme « différence radicale ». Hélas, trop de chrétiens font cela dans une utopique praxis d’unification selon un faux œcuménisme étendu à l’islam et aux religions non-chrétiennes.
Vous invoquez dans votre réponse la légitimation de votre position par l’exemplarité du pape François priant il y a un an dans la mosquée bleu d’Istanbul aux côtés du grand mufti de Turquie.
On se souvient aussi de Benoît XVI en ces lieux mais dont auparavant la belle conférence de Ratisbonne, pourtant nullement agressive à l’égard des musulmans, où il citait une réflexion de l’empereur de Byzance, Michel VIII Paléologue sur ce qu’avait pu apporter le prophète Mahomet, avait suscité un incroyable déferlement de haine dans le monde islamique.
Mais, lorsque François a énoncé de surprenants propos sur l’islam nous avons exprimé notre stupéfaction. Car nous le savons, le dogme de l’infaillibilité pontificale n’implique nullement l’inconditionnalité. Aussi, nous ne pouvons dire qu’il émettait un jugement en accord avec l’évidente réalité lorsqu’il affirmait que « les livres sacrés de l’islam sont des textes de paix et de tolérance ». Il faut, hélas, pour professer pareille chose n’avoir lu ni le Coran ni les Hadîths ! Notre devoir de chrétien était d’exprimer notre étonnement. Le maréchal Sissi lui-même, devant le grand mufti d’Al Azar, n’a-t-il pas déclaré : « Il est impossible que la pensée que nous tenons pour la plus sacrée puisse faire de l’entière communauté des croyants une source d’anxiété, de danger, de meurtre et de destruction pour le reste du monde… Ce corpus de textes et d’idées que nous avons sacralisé depuis de nombreuses années, au point que s’en éloigner est devenu impossible, suscite l’hostilité à notre égard dans le monde entier… »
Très vite, après nous, sont d’ailleurs venues les remarques douloureuses ou ironiques de penseurs éminents tels Alain Finkielkraut mettant l’ignorance du pape au compte de ce qu’en Argentine on ne connaissait guère l’islam ou encore Rémi Brague, membre de l’Institut, professeur de philosophie à la Sorbonne et à l’université de Munich, constatant simplement, dans une chronique au Figaro Magazine, qu’il ne savait rien de la question. On se souvient enfin que, lorsque ce dernier invita au Vatican des représentants des différentes religions pour prier ensemble, il y eut heureusement dans la cérémonie un connaisseur de la langue arabe pour s’apercevoir que l’imam invité récitait doucereusement des versets du Coran dans lesquels Allah exhorte à la conquête des territoires encore gouvernés par les mécréants…
Regrettable exception, direz-vous.
Mais toujours est-il que ce « prophète » Mahomet, dont vous avez célébré en effet la naissance, le Mouloud, avec vos frères soufistes, ce prophète tel qu’il apparaît dans les Hadîths sacralisés, ce prophète, donc, cher à tous les musulmans, y compris pour les soufistes, est celui qui va appliquer les commandements d’Allah prescrits dans le Coran. Ainsi, parmi des centaines d’occurrences de violence, peut-on y lire le traitement des ennemis de Dieu et de son prophète :
« Ils seront tués ou crucifiés, ou bien leur main droite et leur pied gauche seront coupés, ou bien ils seront expulsés du pays. Tel sera leur sort : la honte en ce monde et le terrible châtiment dans la vie future » (Coran V-33)
« Tranchez les mains du voleur et de la voleuse : ce sera une rétribution pour ce qu’ils ont commis et un châtiment de Dieu. Dieu est puissant et juste. » (Coran V-38)
Et ce prophète est-il ou non celui qui ayant fait arrêter des pillards criminels de la tribu des Okl, « ordonna de faire rougir au feu des clous et de leur brûler les yeux ; il leur fit aussi couper les mains et les pieds sans cautériser les moignons. On les jeta sur la pierraille, ils demandèrent à boire, on les laissa agoniser sans les abreuver ».
N’est-il pas, oui ou non, celui qui ordonne « la lapidation pour les femmes coupables d’adultère » ?
Ce prophète n’est-il pas celui qui épousa la belle Safiya ben Huyay ben Akhtab, ainsi qu’on le lit maintes fois dans les hadiths : « Cette jeune femme juive venait de se marier et son mari venait d’être égorgé comme tous les défenseurs vaincus. Le Messager se l’attribua et l’emmena avec lui. Alors que nous arrivâmes à la vallée de Sahba, Safiya fut en état de pureté légale et le prophète consomma alors le mariage avec elle. Après quoi il fit préparer de la pâte de datte au beurre pour repas de mariage » (Al-Bokhari, T. LVI, ch. 74).
N’est-il pas celui qui déclare : « L’heure du jugement n’arrivera pas avant que vous n’ayez combattu les juifs et avec une telle force que la pierre derrière laquelle se cache le juif dira : « Musulman ! Voici un juif derrière moi, tue-le ! » (Al-BokhariT. LVI, ch. 74).
Alors, n’est-il pas légitime de s’interroger, sans aucun irrespect, sur la pertinence des propos du pape, comme souvent dans une conférence de presse en avion le 31 juillet 2016, exprimant son refus de « parler de violence islamique » sans la mettre sur un pied d’égalité avec « la violence catholique » dont il cite des exemples dans les faits divers rapportés par les journaux.
Mais la grande historienne du jihâd et de la dhimmitude, Bat’ Yeor, ne lui a-t-elle pas d’avance répondu lorsqu’elle développe qu’étant juive, elle n’en est que plus libre pour affirmer que lorsque des chrétiens se livrent à des violences, ce n’est pas selon l’imitation de Jésus-Christ, tandis que lorsque des musulmans massacrent, c’est bien sur le modèle et les commandements de leur prophète.
Et en effet, Monseigneur, nul, à moins d’être totalement ignorant des livres sacrés et de l’histoire de l’islam, ne peut ignorer que la vie du prophète dont vous avez assisté à la célébration du « Mouloud », a été remplie non seulement d’anecdotes guerrières mais des châtiments qu’il a infligés (supplice du fouet, amputations, lapidations, décapitations…) qu’on retrouve comme prescrits dans la charia, sans parler des massacres (Médine, Khaybar…) qu’il a dirigés et aussi des assassinats et des tortures infligées aux poètes dont il n’appréciait pas l’ironie telle Asma bint Marwan, mère de famille, un peu moqueuse, égorgée parmi ses enfants, tel le poète Abou Afak qu’il exécrait et injuriait particulièrement ou encore Kaab Ibn Achraf contre lequel il lança une bande de tueurs.
Or, ce sont ces violences du prophète modèle de l’islam qui ont amené bien des personnes que nous connaissons, hommes et femmes, à trouver la voie du Christ, souvent, hélas, reçues pas très chaleureusement dans certaines paroisses, voire quelquefois rejetées, comme le déplore mon ami Mohamed-Christophe Bilek, fondateur de Notre-Dame de Kabylie.
Force est de reconnaître que beaucoup, par dizaines voire centaines, comme dans votre ville de Toulouse, Monseigneur, trouvent en revanche un fraternel accueil dans les temples évangéliques ainsi que j’ai pu le vérifier à l’invitation de mon ami, lui-même converti, le pasteur d’origine marocaine Saïd Oujibou.
Avec Mohamed-Christophe Bilek, mes amis catholiques venus de l’islam ont donc pu être peinés d’abord de votre participation, fût-ce par une prière distincte, à la célébration du Mouloud, naissance du prophète de l’islam, cruel guerrier conquérant.
Mais on peut, bien sûr, comprendre et essayer de leur expliquer qu’il s’agit là d’un acte de bon voisinage pour favoriser « le vivre-ensemble » surtout dans le contexte de votre diocèse que l’islam jihâdiste a endeuillé et où il est, vous le savez, très vigoureux.
En revanche, ce qu’ils n’acceptent pas du tout, et ce que, encore une fois pardonnez notre insistance, nous ne comprenons pas non plus, c’est que ce soit précisément au nom du dialogue interreligieux que vous proposiez, ni plus ni moins, nous le relisons bien, non seulement de « dépassionner » mais de « dépasser » nos différences avec nos frères musulmans.
Qu’on ne les invoque pas à tout propos dès lors qu’il s’agit d’essayer de trouver la meilleure convivialité sociale, soit ! Car si on aborde les croyances religieuses, rares, nous semble-t-il, sont les musulmans fervents à ne pas très vite les traiter avec passion.
Mais, les « dépasser », c’est-à-dire les oublier ou ne pas en tenir compte, dans le dialogue interreligieux, cela, Monseigneur, nous paraît stupéfiant. Et même, cela nous dépasse !
Car, avec la « shahada », profession de foi proclamée cinq fois par jour du haut de tous les minarets, dans toutes les mosquées et lieux de prière, soufistes compris, c’est comme l’écrivait le père Moussali (qui n’était pas, tant s’en fallait, un intégriste catholique), comme un grand cri d’hostilité qui court sans cesse contre l’abomination suprême pour la religion musulmane mais qui est le cœur de notre foi : « De unitate trinitatis ».
Faut-il dépasser cela ?
Daignez, Monseigneur, recevoir l’expression de mes respectueuses considérations.
Bernard Antony
(1) Non pas « traditionalistes » mais « traditionistes », c’est-à-dire docteurs dans le savoir des traditions du prophète.