« Former des Imans républicains »? Tache Impossible. Les raisons!
publié dans regards sur le monde le 20 mars 2017
L’impossible formation d’« imans républicains »
(Source: Le Bulletin d’André Noël n° 2509)
La disposition figure dans les programmes de plusieurs candidats, à droite comme à gauche : contrôler la formation des imans en France, en espérant ainsi empêcher la radicalisation des musulmans, notamment celle des plus jeunes.
L’idée n’est ni nouvelle ni originale. Avant même les crimes du terrorisme islamique sur notre territoire, le projet était dans l’air, face à l’expansion inouïe de l’islam en France.
C’est ainsi que, depuis trente ans, pas moins de six rapports ont traité de la question ! Résultat: néant ! Hormis la création d’une formation à la laïcité dans quelques universités. Sans résultat non plus si, par résultat, on entend l’avènement d’une génération d’imans respectueux des lois de la République, éduquant leurs fidèles dans ce sens. Et cela parce que ceux qui souscrivent à ce cursus universitaire sont déjà « républicains » ; on prêche donc des convertis, si l’on ose dire. Ceux qui deviennent « imans républicains » sont récusés par ceux-là même qu’ils devraient conduire dans « le droit chemin » d’un chimérique « islam républicain. » Ils sont vendus aux « mécréants » comme le pensent les islamistes.
En outre, les fédérations de musulmans, tel l’UOIF (Union des organisations islamiques de France), émanation des Frères musulmans, n’entendent pas être dépossédés de la formation de leurs prédicateurs. Ils disent : l’Eglise accepterait-elle que la formation de ses séminaristes soit, directement ou indirectement, supervisée par l’Etat pour éviter une dérive « intégriste » ?
Or, le ministre de l’Intérieur et celui de l’Education nationale ont cru devoir demander un… septième rapport sur la question, rapport qui leur a été remis le 16 mars. Ils s’y sont mis à trois : l’islamologue Rachid Benzine et les professeurs d’université Catherine Mayeur-Jaouen et Mathilde Philip-Gay pour parvenir à la même conclusion que leurs prédécesseurs. Leur diagnostic d’une situation complexe tient en deux constats : la formation de l’écrasante majorité des quelque 1.800 imams actifs en France échappe à tout contrôle, sinon à celui des fédérations musulmanes ; la tentative de la formation universitaire en islamologie pour aboutir à la déradicalisation voit plutôt les quelques apprentis imams qui s’y rendent contester cette lecture universitaire du coran. Ils la récusent même en bloc. « Les enseignants du supérieur, écrivent les rapporteurs, se heurtent à des contestations croissantes. » Il existe des « diplômes universitaires de formation sur le fait religieux et la laïcité » (DU) auxquels s’inscrivent quelques musulmans mais, note le rapport, ces imams comprennent mal le français qu’ils ne pratiquent pas. D’où cette recommandation : « Renforcer d’urgence le soutien aux cours de français et de culture française donnés préalablement à l’inscription à ces DU pour les cadres religieux d’origine étrangère (quelle que soit leur confession) [sic !], afin de leur permettre de donner des prêches en français, de connaître et respecter l’environnement dans lequel ils sont amenés à exercer. »
En outre, les principes républicains et laïcs – ceux que l’on veut inculquer aux futurs imans – interdisent de se charger de leur formation, pour si peu que ce soit : « L’Etat n’a pas vocation à contrôler les instituts de formation théologiques (…) ni à déterminer le programme de leurs enseignements ». L’Etat laïc n’est pas théologien, il ne saurait privilégier telle ou telle lecture du coran ni interpréter comme cela lui convient le concept de « djihad. »
Que faire alors ?
Le rapport encourage les « responsables du culte musulman » à déterminer « en commun le contenu et le niveau des enseignements religieux » en vue de « créer un label interne au culte musulman. » Or, c’est précisément ce à quoi les musulmans de France ne sont jamais parvenus : les antagonismes religieux (sunnite contre chiite) des différentes organisations musulmanes s’ajoutant aux origines nationales, les Algériens ne s’entendant pas avec les Marocains et, ni les uns ni les autres, avec les Turcs. Il est vain de croire qu’ils se mettront d’accord sur injonction du ministre de l’Intérieur et sur celle du ministre de l’Education nationale pour « créer un label interne au culte musulman. »
Mais ce que néglige ce rapport est cette vérité fondamentale : les imans qui persuadent les jeunes, notamment, de partir pour la Syrie ou de perpétrer des attentats en France ne sont pas sur le territoire français. Leur chaire, c’est Internet ! Ce sont leurs prêches, en vidéo, qui convainquent leurs recrues de passer à l’acte. Et l’on n’a pas encore trouvé la parade. On veut donc promouvoir un « islam à la française » mais le gouvernement s’accommode très bien de ces imans payés par l’Algérie, le Maroc ou la Turquie dont on ne saurait dire qu’ils sont les mieux placés pour militer en faveur d’un islam à la française !