« Id fecit cui prodest »
publié dans regards sur le monde le 10 avril 2017
« Id fecit cui prodest. »
A lire!
« Id fecit cui prodest. » Selon ce très vieil adage juridique, l’auteur d’un crime est, le plus souvent, celui à qui ce crime profite. Et j’ai beau m’interroger, je n’arrive pas à voir en quoi le bombardement chimique du 4 avril peut profiter à Bachar El Hassad, même si les précédents tendent à l’en faire accuser. Quel avantage pouvait-il penser obtenir en commettant publiquement une action moralement inadmissible (mais on sait que ce n’est pas cela qui l’arrêterait) qui serait l’aveu non moins public d’un mensonge et du non-respect de sa parole récemment donnée de détruire son arsenal chimique ? Pourtant, ces derniers temps, au grand dam de certains chefs d’État occidentaux actuels ou passés (Obama, Mme Merkel, M. Hollande, etc.) il avait réussi à atteindre une sorte de zone de calme où l’on n’osait plus trop exiger son départ immédiat et où il bénéficiait à la fois d’un appui de la Russie et d’une sorte de neutralité de M. Trump qui souhaitait apparemment ne pas s’opposer trop ouvertement à celle-ci. Le bombardement du 4 avril a détruit tout cela en quelques instants. Pour quel profit ? L’armée syrienne, elle, nie toute utilisation d’armes chimiques. Si le crime ne profite pas à Bachar el-Hassad, à qui profite-t-il ? Eh bien, évidemment, à ses adversaires les plus acharnés sur le terrain, qui espèrent qu’accusé de ce crime, il serait bientôt privé de tout ou partie de la protection russe ; mais aussi à ceux pour qui une éventuelle réconciliation russo-américaine, ou tout au moins une situation de neutralité entre les deux grands États, représenterait une menace. Je ne citerai personne… La Russie, elle, soutient une autre hypothèse : niant toute frappe par ses propres forces dans la région le 4 avril, elle pense que l’armée syrienne aurait tiré un obus particulièrement percutant contre un bâtiment supposé abriter des forces du prétendu État islamique mais qui aurait, en fait, contenu des armes chimiques accumulées par celles-ci (l’accumulation et la fabrication d’armes chimiques par Daech étant attestées et leur utilisation plus que présumée). Leur contenu, répandu dans l’atmosphère, aurait été létal. A.L.
(Source: Le Bulletin d’André Noël Synthèse Hebdomadaire N° 2512)