Toujours au sujet de l’affront au général de Villiers
publié dans regards sur le monde le 22 juillet 2017
CRISE D’AUTORITE !
par le colonel Anrès
Un chef s’en va parce qu’on lui coupe les ailes ; un autre s’affirme en proclamant son autorité parce qu’il veut planer très haut au risque d’être isolé ! Le vrai chef qui a su susciter l’adhésion de ses hommes et instaurer la confiance n’a nul besoin de rappeler qui il est…
Nos forces armées agissent à tout moment pour la défense des intérêts de la France et de ses ressortissants, pour l’intégrité et la protection de notre nation, de notre civilisation et de notre culture. Les militaires, comme leur famille, ont besoin, sur le plan humain, d’être considérés, aimés et valorisés. Il en va de leur motivation et de leur moral. Ils ont aussi besoin, sur le plan matériel, des moyens les mieux adaptés à leurs missions pour en garantir le succès, même s’ils savent qu’ils l’obtiendront parfois au péril de leur vie. Il en va, ainsi, de la valeur de leur engagement, de la confiance en leurs actions et de la crédibilité de nos forces.
La démission du général de Villiers, signe d’un profond malaise politico-militaire, ne reste, malheureusement, qu’un événement ponctuel. En revanche, les raisons de cette décision, qui ont été tristement lissées par le Président lors de son discours sur la base aérienne d’Istres, sont source d’énormes inquiétudes car elles concernent l’actuelle capacité d’engagement de nos forces, la pérennité de leur efficacité mais aussi la vie de ceux qui défendent notre pays.
Selon la constitution, le chef des armées est le Président de la République. En tant que tel, il conçoit la politique de défense. Le chef d’état-major est son conseiller militaire, responsable de l’application de cette politique. Le ministre de la Défense ou des armées a pour mission, entre autres, d’élaborer le budget et de le défendre. Pour ce faire, il s’appuie sur l’analyse et les conseils du chef d’état-major qui reste, ainsi, un élément clef pour les décisions politiques concernant nos forces armées, quel qu’en soit le domaine. Il est donc indispensable qu’un consensus constructif anime ces trois hommes. Ces derniers ne constituent pas, pour autant, un triumvirat mais forment, en quelque sorte, un moteur à trois cylindres qui, pour la bonne marche du véhicule, doivent être parfaitement réglés et coordonnés en s’accordant sur les mêmes finalités. A ceux qui sont persuadés que l’armée est là uniquement pour exécuter les ordres, le seront-ils toujours s’il advenait que le politique, pour des raisons particulières, ordonne à nos soldats de tirer sur la population ? L’armée exécute avec foi et loyauté les ordres qui, je le répète, répondent à la mission de défense et de protection de la France, de ses intérêts et de ses ressortissants, en usant des moyens adaptés pour ce faire. Si certains jugent que les ordres ne correspondent pas à l’objectif à atteindre, alors il leur appartient de se démettre, ce qu’a fait le général de Villiers.
Qu’en est-il alors de ceux qui, malgré tout, restent en service ?
Beaucoup espèrent que les choses vont s’améliorer car ils ne peuvent croire au pourrissement d’une telle situation. D’autres, si ce n’est la plupart, sont pris par la valeur et la noblesse de servir et ne peuvent s’empêcher de venir en aide ou au secours de ceux qu’ils voient en avoir besoin, quelle que soit l’insuffisance des moyens dont ils disposent. Alors, la rage de vaincre les aide bien des fois à réussir mais trop souvent ils meurent parce que cette vaillance ne parvient pas à compenser le manque d’armements et d’équipements. A ceux qui s’interrogent sur la capacité de l’armée à faire des efforts, il convient de rappeler que l’effort est inhérent à l’état de militaire. Par ailleurs, un homme, malgré sa force herculéenne, ne peut soulever des haltères pesant une tonne quel que soit l’effort consenti. Ainsi, il y a une limite à tout effort, surtout s’il s’avère infructueux et fait risquer la mort à nos soldats parce que les moyens accordés pour réaliser leurs missions sont volontairement insuffisants !…
Cette crise politico-militaire est tout d’abord une crise humaine par l’antagonisme de deux personnalités s’affrontant inconsciemment dans un duel de responsabilité et d’autorité. Le Président Macron a une attirance non dissimulée pour le décorum, le faste, la mise en scène. Quelque part, il semble fasciné par l’aspect « majestueux » de la symbolique militaire. Son intervention verbalement musclée témoigne de sa volonté de s’imposer comme le chef indiscutable et indiscuté de cette puissante institution qu’il veut avoir à sa botte. Ses propos ont semblé faire entendre qu’il était, entre autres, très attaché à l’aspect démonstratif de ce rôle. Mais voilà, il est un dirigeant politique qui a besoin des conseils d’un dirigeant militaire au plus haut niveau pour mettre en œuvre un outil foncièrement militaire, afin de ne pas sombrer dans l’océan d’une vision uniquement politique des problèmes pouvant conduire à des décisions électoralistes, voire inadaptées.
Le général de Villiers est un officier qui a débuté sa carrière comme sous-lieutenant. Il a gravi tous les échelons de la hiérarchie. Il est un dirigeant militaire qui a besoin de l’éclaircissement par le Président de la politique de défense, telle qu’elle a été décidée, pour ne pas se laisser entrainer par des choix non conformes aux buts poursuivis. Enfin, il lui est indispensable d’avoir l’assurance des moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette politique. Il pourra alors remplir son rôle dans l’organisation des forces armées et la conduite de leurs actions conformément à la politique de défense, tout en garantissant le succès des missions qui lui sont confiées.
Les caractères trempés de ces deux chefs ont, d’une part, conduit l’un à ne pas démordre de sa volonté d’obtenir les moyens de la politique de défense à mettre en œuvre, telle qu’elle avait été établie, et ont, d’autre part, amené l’autre à faire la politique de ces moyens, apparemment insuffisants pour la réalisation des missions demandées. Dans cet esprit, il est à noter que les récentes décisions présidentielles visant à caresser nos forces armées dans le sens du poil vont, pour quatre d’entre elles, à l’encontre des promesses faites au préalable. De plus, le délai d’application ne suit, en aucune façon, le rythme ni la hauteur de nos engagements. La confiance de nos militaires va s’en trouver fortement érodée.
Ainsi, deux des cylindres du moteur de notre Défense ne fonctionnent pas de concert et rendent la machine bancale.
Cette crise politico-militaire est ensuite une crise de crédibilité et de confiance. Cet aspect de la crise transparaît au travers de cette son aspect humain qui vient d’être développé.
Toutefois, il convient de rajouter qu’au plan de la crédibilité, les raisons de la démission du général de Villiers associées à l’attitude inutilement autoritaire et, de ce fait, quelque peu déplacée de notre Président, montrent une image écorchée de la France. Auprès de nos alliés et de nos protégés qui font l’objet d’accords de défense ou de coopération, cette situation peut semer le doute sur la capacité d’engagement de nos Forces, voire sur la pertinence des décisions politique concernant notre présence sur les divers théâtres d’opération et sur la façon d’y mener nos missions. Une telle image pourrait être préjudiciable à nos intérêts à travers le monde…
La confiance au sein de nos troupes comme de la part de nos alliés et de nos protégés est le fidèle corollaire de la crédibilité de nos Forces, Elle pourrait donc s’avérer chancelante ce qui pourrait créer de sérieux dysfonctionnements dans les rangs ainsi qu’une sorte d’isolement au plan de la considération extérieure.
Ces deux scénarii un « peu catastrophe » ont, cependant, peu de risques de se produire. En effet, l’armée est une institution bien réglée qui possède une puissante force de fonctionnement autonome et une forte capacité d’adaptation.
Toutefois, ce risque aura, malgré tout, tendance à se concrétiser si des efforts ne sont pas réalisés dans deux domaines :
Sur le plan humain, il est impératif que le Politique regagne la confiance du Militaire pour réinsuffler la foi en la mission.
Sur le plan opérationnel, le Politique a donc décidé de ne pas accorder le budget nécessaire pour la bonne réalisation des missions actuelles. Il est donc crucial qu’en collaboration avec le Militaire, il ajuste, dans les plus brefs délais, la qualité et la hauteur des engagements de nos forces en fonction des moyens disponibles, afin de restaurer la confiance, de retrouver la crédibilité et de garantir le succès de nos opérations.
Les armes du Ciel, telles que la grâce et la confiance en Dieu au travers d’un chef de guerre tel que Sainte Jeanne d’Arc, n’étant plus d’actualité dans un pays laïciste dont l’étendard arbore la pauvreté de l’humanisme, il appartient aux chrétiens de prier et de se sacrifier pour la défense de ce qui nous est le plus cher, à savoir notre âme et celle de nos enfants…
Colonel J. Anrès