Le pape François, pape philanthrope
publié dans regards sur le monde le 5 octobre 2017
Le milliardaire et « philanthrope
» George Soros semble avoir trouvé dans le pape François un concurrent redoutable en matière de surenchère immigrationniste. Car si les vingt et une mesures, qui peuvent être tirées du message papal publié le 21 août dernier, pour la journée mondiale du migrant et du réfugié du 14 janvier 2018, semblent pour un grand nombre d’entre elles démarquées du plan en six points que Soros, financier actif du village planétaire, a édicté en septembre 2015, toutefois, celui-ci semble plus raisonnable que le pape puisqu’il reconnaît tout de même que le placement des réfugiés doit s’effectuer non seulement « là où ils le souhaitent
» mais également « là où ils sont désirés
», et « à un rythme adapté aux capacités européennes d’absorption
». Foin de détails aussi bassement matérialistes pour le pape : l’accueil des migrants et réfugiés ne doit prendre en compte ni les capacités économiques des pays hôtes, ou plutôt des pays cibles, ni leurs capacités culturelles d’absorption de masses humaines dont le mode de vie est souvent à l’opposé du nôtre. Qu’importe ? Il s’agit d’« accueillir, protéger, promouvoir et intégrer
» les migrants, par ailleurs non distingués des réfugiés, et qui, de ce fait, n’ont que des droits et aucun devoir, puisqu’ils incarneraient l’humanité souffrante.
L’Action française et l’Église
L’Action française n’a évidemment pas à se prononcer sur la compatibilité des propos du pape avec la théologie catholique. Mouvement laïque, accueillant en son sein pour leur seule qualité de citoyens des Français de toutes confessions et religions, ou simplement athées ou agnostiques, elle a néanmoins toujours observé que la physique politique qu’elle enseigne, et qui est conforme à l’ordre naturel, rejoint par cela même la doctrine sociale de l’Église. Sur ce point, elle ne fut jamais prise en défaut : c’est pourquoi, si elle eut à subir, pour un temps, les foudres disciplinaires du Vatican, jamais elle ne fut condamnée sur le plan doctrinal. Maurras, lui-même agnostique, s’est toujours émerveillé de cet accord, du reste fondé dans le thomisme, entre les principes politiques, dégagés inductivement, et l’enseignement de l’Église. On est toutefois en droit de se demander si François ne méjuge pas sa qualité de pape pour celle de simple philanthrope en prenant ainsi fait et cause pour l’idéologie immigrationniste. Comme le remarque sur son site Metablog l’abbé de Tanoüarn, dans un article judicieusement intitulé « Qu’est-ce qu’un Christ humanitaire ?
» : « comme pasteur universel, la responsabilité du pape n’est pas “le développement humain intégral”, mais le salut des âmes
», ajoutant que la papauté moderne « connaît la même tentation que la papauté médiévale d’Innocent III à Boniface VIII, cette confusion du spirituel et du temporel
», à savoir « la même “temporalisation du royaume de Dieu” que déplorait Jacques Maritain dans Le Paysan de la Garonne et la même volonté d’atteler le successeur de Pierre à un projet temporel universel, dont il serait la clé de voûte
».
Nous l’avions déjà observé pour l’Église de France en analysant, il y a juste un an, la calamiteuse lettre du Conseil permanent de la Conférence des évêques de France « aux habitants de notre pays
» : la sécularisation du message évangélique fait le lit de l’idéologie mondialiste en faisant du village planétaire le village-témoin, ici-bas, de la Jérusalem céleste. Ne rajoutons pas aux malheurs du monde en appelant amour du prochain la compromission avec la fausse générosité de l’oligarchie internationale, qui favorise de dramatiques déplacements de population pour en finir avec les nations. Et « de même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationnisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit
» (abbé de Tanoüarn, Minute du 30 août 2017). Ne pensons pas non plus révolutionner le cœur de l’homme en opposant, en lui, le chrétien au citoyen, via l’opposition de la « centralité de la personne humaine
» et des devoirs de l’État : prétendre que la sécurité personnelle passe avant la sécurité nationale n’a évidemment aucun sens.
Pas de sécurité sans cadre politique
Laurent Dandrieu n’a pas eu de mal à montrer qu’« il n’existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart
» ; « par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale
» (Le Figaro du 22 août 2017). Ce que rappelle également le philosophe chrétien Rémi Brague, par ailleurs grand spécialiste de l’islam, qui ajoute que l’État doit « empêcher que les migrants se conduisent, comme on dit, “comme en pays conquis”, qu’ils importent en Europe les conflits qui les opposaient entre eux
», précisant : « une parabole
», comme celle du bon Samaritain, « s’adresse à “moi”
» ; « elle m’invite à réfléchir sur ma propre personne singulière, ce qu’elle est, ce qu’elle doit faire
» ; « un État n’est pas une personne
» (Le Figaro du 1er septembre). Non pas opposition, mais différence d’ordre. C’est pourquoi, d’ailleurs, un État ne connaît que des ennemis publics (hostes) et les personnes privées des ennemis privés (inimici), dont, en bons chrétiens, elles doivent s’efforcer de pardonner les offenses. Mais en tant que citoyen, on doit aussi savoir combattre avec détermination les ennemis (hostes) de sa patrie, même si cela doit toujours se faire sans haine : « le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes
», rappelait Louis XV, le soir de Fontenoy ; le « sang impur
» est une notion républicaine : elle n’est pas française.
Ne jetons pas, enfin, aux orties l’identité pluriséculaire des sociétés européennes au profit d’un multiculturalisme qui provoque déjà chez nous ses effets multiconflictualistes. Il faudrait, selon le message papal, « favoriser, dans tous les cas, la culture de la rencontre
» : mais comment croire, sans un angélisme particulièrement aveugle, que favoriser une « intégration
» opposée à l’assimilation, c’est se placer « sur le plan des opportunités d’enrichissement interculturel général
» ? Chaque jour nous apporte, en Europe, le témoignage du contraire. Non, tendre à une société multiculturelle généralisée ne rapprochera pas les hommes entre eux ! Il fut un temps où le cardinal Bergoglio était plus lucide : « Qu’est-ce qui fait qu’un certain nombre de personnes forment un peuple ? En premier lieu, une loi naturelle, et un héritage. En second lieu, un facteur psychologique : l’homme se fait homme dans l’amour de ses semblables.
[…] Le “naturel” croît en “culturel”, en “éthique”. Et de là, en politique, dans le cadre de la patrie, qui “est ce qui donne l’identité”.
» (Cité in F. Rouvillois, La Clameur de la Terre, JC Godefroy, 2016, p. 65-66) Comme le rappelait Maurras dans Pour un jeune Français, la cohésion de la nation suppose qu’on s’accorde sur un bien vraiment commun à tous les citoyens. « En d’autres termes, il faudra, là encore, quitter la dispute du Vrai et du Beau pour la connaissance de l’humble Bien positif. Car ce Bien ne sera pas l’absolu, mais celui du peuple français.
» Seul ce bien commun national qui, loin d’être contraire au bien humain, l’incarne, sera notre guide sur la question des prétendus « migrants
» – concept idéologique dont la fonction est de cacher des réalités différentes pour mieux organiser la soumission des nations à un ordre supranational.
François Marcilhac
Paru dans l’Action Française 2000 n° 2961 du 07 Septembre 2017.