La Royauté Sociale de NSJC (2)
publié dans la doctrine catholique le 23 novembre 2017
La Royauté du Christ: un règne spirituel
SOURCE – Lettre A Nos Frères Prêtres (FSSPX) – Lettre trimestrielle de liaison de la Fraternité Saint-Pie X avec le clergé de France – septembre 2017
La vision « politique » du règne du Christ est longuement développée par Pie XI dans Quas primas. Elle est nettement exprimée dans l’hymne de la fête, déjà cité : « Que les chefs des nations vous honorent d’un culte public ; que les professeurs et les juges vous vénèrent ; que les lois et les arts vous expriment ; que les emblèmes de la royauté terrestre vous soient dédiés ; que la patrie soit soumise à votre sceptre ». Elle est, sans aucun doute, l’objet central de la démarche de Pie XI.
Une contradiction apparente
Cette vision « politique » du règne du Christ (règne réel sur les sociétés humaines) semble toutefois comme contredite par la Préface de la fête du Christ Roi, pourtant rédigée selon les indications du pape Pie XI : on y parle exclusivement du Christ prêtre et victime, créateur du Royaume de Dieu où règnent la sanctification et la grâce. Cette Préface semble donc se référer à une autre doctrine, que l’on peut synthétiser par cette phrase : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » (Jn 18, 36).
Pie XI paraît exprimer la même pensée d’un règne purement « spirituel » lorsqu’il écrit dans Quas primas : « Tant qu’il vécut sur terre, [Jésus] s’est totalement abstenu d’exercer cette domination terrestre, il a dédaigné la possession et l’administration des choses humaines, abandonnant ce soin à leurs possesseurs. Ce qu’il a fait alors, il le continue aujourd’hui. Pensée exprimée avec tant de charme dans la liturgie : “Il ne ravit point les diadèmes éphémères, celui qui distribue les couronnes du Ciel éternel” (hymne de l’Épiphanie) ».
Le Christ, d’abord roi des cœurs
La vision « politique » du règne du Christ est absolument juste, absolument certaine sur le plan doctrinal et absolument nécessaire, faute de quoi on aboutit à un idéalisme, à un règne purement spéculatif. Et c’est pourquoi Pie XI l’explicite de façon abondante. Toutefois, cette vision « politique » doit reposer sur une vision « spirituelle », faute de quoi on aboutirait à un naturalisme, à un règne simplement mondain du Christ. C’est ce que veut exprimer et rappeler le pape Pie XI, lorsqu’il écrit en particulier : « Toutefois, ce royaume est principalement spirituel et concerne avant tout l’ordre spirituel (…). Dans ce royaume, tel que nous le dépeignent les Évangile, les hommes se préparent à entrer en faisant pénitence. Personne ne peut y entrer sans la foi et sans le baptême (…). Ce royaume s’oppose uniquement au royaume de Satan et à la puissance des ténèbres », etc.
C’est d’abord dans nos âmes que Jésus doit régner. Son règne se maintient au-dehors seulement s’il se maintient en nous, dans nos cœurs. Une société extérieurement chrétienne, mais intérieurement tiède ou morte, forme aussi des apostats, parfois pires que ceux qui proviennent d’une société laïcisée. On ne civilise pas sans christianiser, et on ne christianise pas sans se convertir et vivre de la grâce. L’État chrétien suppose et demande un peuple vraiment chrétien.
Il peut y avoir dans la doctrine du règne du Christ (doctrine certaine, obligatoire et nécessaire) le germe d’une « tentation politique » : celle de croire que des institutions chrétiennes seraient à elles seules suffisantes pour réaliser une chrétienté. Les institutions chrétiennes sont nécessaires, mais insuffisantes en elles-mêmes, et vaines si elles ne reposent pas sur une conversion des cœurs. C’est ce que rappelle le psaume 127 : « Si le Seigneur ne bâtit une maison, en vain travaillent ceux qui la construisent ; si le Seigneur ne protège une ville, en vain la garde celui qui veille sur elle ».
Il faut donc travailler à promouvoir le règne du Christ dans la société. Un règne concret, réel, extérieur, actuel, que nous pouvons déjà réaliser dans les sociétés élémentaires, comme les familles. Mais il faut y travailler avec les armes mêmes du Christ, la charité, l’humilité, l’esprit de sacrifice, en commençant par nous convertir nous-mêmes. Il faut agir pour le Christ et son Royaume, certes, mais toujours avec le Christ et comme le Christ.