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Histoire de la messe interdite (20)

publié dans un disciple le 8 février 2018


 

 Histoire de la messe interdite (20)

Livre 3

 

Chapitre 9

 

Benoît XVI

et

Mgr Gamber

 le Motu proprio « Summorum pontificum »

7 Juillet 2007

 

en Annexe : la lettre du cardinal Antonio Cañizares Llovera
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements,

 

et mon commentaire

 

Section I : Présentation et commentaire sur le Motu Proprio « Summorum Pontificum »

 

Tous nos amis ont  parlé, avec éloge,  du nouveau Motu Proprio « Summorum pontificum » de Benoît XVI, publié le 7 juillet 2007, redonnant, enfin, à l’Eglise catholique, latine, le libre usage de la messe « traditionnelle ». Tous s’en sont réjouis, ont même chanté le « Te Deum ». Je me joins à leur action de grâces. Voilà tant d’années que nous attendions cette heure. Que le droit soit dit avec vigueur et force ne peut que nous satisfaire ! C’est chose faite par ce Motu Proprio : Le missel de saint Pie V « n’a jamais été juridiquement abrogé » et « par conséquent, il est toujours resté autorisé ». Cette affirmation est  très heureuse ! L’appel de Jean Madiran au Souverain  Pontife, un appel historique, est enfin exhaussé. « Très Saint Père,  Redonnez nous la messe ». C’est fait ! Au bout de plus de 35 ans !

 

Je voudrais, quant à moi, souligner tout d’abord l’influence de Mgr Marcel Lefebvre en cette affaire. Sans Mgr Lefebvre, sans ses prêtres, sans le soutien de laïcs et en France, plus particulièrement, sans le soutien de quelques laïcs, comme M Jean Madiran , Louis Salleron, Melle Luce Quesnette…nous n’aurions jamais eu la joie de lire le MP « Summorum Pontificum »

 

Je voudrais ensuite montrer l’influence de Mgr Gamber, en cette affaire. Elle est immense. Elle est première. Elle  permet de comprendre le véritable esprit de ce Motu Proprio, de comprendre l’œuvre aujourd’hui entreprise. Le pape Benoît XVI n’en restera pas là. Ce n’est qu’un premier pas…Il ne rappellera pas seulement le droit de l’ « antique » messe : « Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise et de leur donner leur juste place ».  Il ne cherchera pas à seulement instaurer dans l’Eglise une simple coexistence pacifique des rites. Il corrigera tôt ou tard, la nouvelle messe. Ce jugement est basé sur les différentes études que publia le pape au long des années de son pontificat et même avant son pontificat, ce jugement était surtout basé sur son livre « l’esprit de la liturgie ». Il suffit de voir les idées abordées, chapitre après chapitre, pour comprendre que tôt ou tard, il corrigera cette liturgie nouvelle.

 

Malheureusement il a donné sa démission, ce qui arrête, pour l’instant du moins, tout espoir de restauration, le pape François n’ayant pas du tout la même sensibilité liturgique.

 

(NB : Mais son aspect libéral lui permettra sans doute de « normaliser la situation de la FSSPX dans  l’Eglise.

La « bataille de la messe » ne cessera dans l’Eglise qu’avec ce « retour canonique » de l’œuvre de Mgr Lefebvre…Ce retour est moralement obligatoire. Ce retour sera l’ultime partie de mon cours…)

 

« Restaurer la liturgie, réformer la réforme bugninienne », c’est là une grande idée d’un de ses maîtres en liturgie, Mgr Gamber. Ce dernier écrivait déjà en 1974 : « Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine…De toute façon il faudrait que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (La réforme liturgique en question. p. 96)

 

Mais nous ferons tout d’abord remarquer que  l’Eglise, en ce début de pontificat de Benoît XVI,  – deux ans, ce n’est pas beaucoup – a retrouvé sa Tradition liturgique. Un « coup de barre franc » est donné par le Pape en direction de la liturgie traditionnelle. Nous ferons également remarquer que c’est au même instant, on ne l’a pas assez souligné, que des précisions très importantes  sont données par Rome sur  « l’Ecclésiologie » et sur le fameux « substitit in » du texte conciliaire « Lumen Gentium » qui a fait couler tant d’encre… Ce document est daté du 10 juillet, trois jours après le Motu Proprio.  Nous y reviendrons prochainement. La Fraternité sacerdotale saint Pie X ne pourra pas, plus longtemps, ignorer ces textes, ces précisions, ces décisions simples et concrètes, tant en matière doctrinale que liturgique.  On sait qu’elle a posé cette condition, la constatation d’ « un coup de barre franc vers la Tradition ecclésiale » pour entreprendre des « négociations » avec Rome…Le fait est aujourd’hui constatable en matière liturgique…et doctrinale. Ces « négociations » devraient être pour demain…

Finalement elles eurent lieu dès l’an 2010…Que vont-elles donner ?

 

Mais pour l’instant, voyons la pensée de Mgr Gamber en matière liturgique et son influence sur la pensée de Benoît XVI.

 

§1 : Mgr Gamber dans la pensée de Benoît XVI.

 

Le cardinal Ratzinger, aujourd’hui Benoît XVI, exprimait  clairement sa pensée sur Mgr Klaus Gamber dans la préface du  livre publié par Dom Gérard aux éditions  Sainte Madeleine – un  recueil de textes anciens publiés par l’auteur dans les années 1974, 1978 dans la revue Una Voce-Korrespondenz – et intitulé : « La réforme liturgique en question ». Il voit en lui un vrai liturgiste, un vrai historien de la liturgie qui pourrait être le « père » d’un nouvel élan liturgique qui doit nécessairement être mené à l’intérieur de l’Eglise, « le « père » d’ « un nouveau départ » liturgique (p. 7) : « Ce nouveau départ a besoin de « pères » qui soient des modèles, et qui ne se contentent pas d’indiquer la voie à suivre ». « Qui cherche aujourd’hui de tels « pères » rencontrera immanquablement la personne de Mgr Gamber, qui nous a malheureusement été enlevé trop tôt ».

 

On peut difficilement être plus élogieux. L’estime qu’il porta à ce prélat allemand, spécialiste de liturgie, peut être difficilement plus grande!

 

§2 : Mais lisons sa préface. Elle n’est pas longue :

 

« Klaus Gamber

« L’intrépidité d’un vrai témoin ».

 

Un jeune prêtre me disait récemment : « Il nous faudrait aujourd’hui un nouveau mouvement liturgique ». C’était là l’expression d’un souci que, de nos jours, seuls des esprits volontairement superficielles pourraient écarter. Ce qui importait à ce prêtre, ce n’était pas de conquérir de nouvelles et audacieuses libertés : quelle liberté ne s’est-on pas déjà arrogée ? Il sentait que nous avions besoin d’un nouveau commencement issu de l’intime de la liturgie lorsqu’il était à l’apogée de sa véritable nature, lorsqu’il ne s’agissait pas de fabriquer des textes, d’inventer des actions et des formes, mais de redécouvrir le centre vivant, de pénétrer dans le tissu proprement dit de la liturgie, pour que l’accomplissement de celle-ci soit issu de sa substance même. La réforme liturgique, dans sa réalisation concrète, s’est éloignée toujours davantage de cette origine. Le résultat n’a pas été une réanimation mais une dévastation.

 

D’un côté, on a une liturgie dégénérée en « show », où l’on essaye de rendre la religion intéressante à l’aide de bêtises à la mode et de maximes morales aguichantes, avec des succès momentanés dans le groupe des fabricants liturgiques, et une attitude de recul d’autant plus prononcée chez ceux  qui cherchent dans la liturgie non pas le « shomaster » spirituel, mais la rencontre avec le Dieu vivant devant qui tout « faire » devient insignifiant, seule cette rencontre étant capable de nous faire accéder aux vraies richesses de l’être.

 

De l’autre côté, il y a  la conservation des formes rituelles dont la grandeur émeut toujours, mais qui, poussée à l’extrême, manifeste un isolement opiniâtre et ne laisse finalement que tristesse.

 

Certes, il reste entre les deux tous les prêtres et leurs paroissiens qui célèbrent la nouvelle liturgie avec respect et solennité, mais ils sont remis en question par la contradiction entre les deux extrêmes, et le manque d’unité interne dans l’Eglise fait finalement paraître leur fidélité, à tort pour beaucoup d’entre eux, comme une simple variété personnelle de néo conservatisme.

 

Parce qu’il en est ainsi, une nouvelle impulsion spirituelle est nécessaire pour que la liturgie soit à nouveau pour nous une activité communautaire de l’Eglise et qu’elle soit arrachée à l’arbitraire des curés et de leurs équipes liturgiques »

 

On ne peut pas « fabriquer » un mouvement liturgique de cette sorte ( de cette manière) – pas plus qu’on ne peut « fabriquer » quelque chose de vivant -, mais on peut contribuer à son développement en s’efforçant d’assimiler à nouveau l’esprit de la liturgie et en défendant publiquement ce qu’on a ainsi reçu.

 

Ce nouveau départ a besoin de « pères » qui soient des modèles, et qui ne se contentent pas d’indiquer la voie à suivre. Qui cherche aujourd’hui de tels « pères » rencontrera immanquablement la personne de Mgr Klaus Gamber, qui nous a malheureusement été enlevé trop tôt, mais  qui peut-être, précisément en nous quittant, nous est devenu véritablement présent dans toute la force des perspectives qu’il nous a ouvertes.

 

Justement parce qu’en nous quittant il échappe à la querelle des partis, il pourrait, en cette heure de détresse, devenir la « père » d’un nouveau départ. Gamber a porté de tout son cœur l’espoir de l’ancien mouvement liturgique. Sans doute, parce qu’il venait d’une école étrangère, est-il resté un « outsider » sur la scène allemande, où l’on ne voulait pas vraiment l’admettre ; encore récemment une thèse a rencontré des difficultés importantes parce que  le jeune chercheur avait osé citer Gamber trop abondamment et avec trop de bienveillance. Mais peut-être que cette mise à l’écart a été providentielle, parce qu’il a forcé Gamber à suivre sa propre voie et qu’elle lui a évité le poids du conformisme.

 

Il est difficile d’exprimer en peu de mots ce qui, dans la querelles des liturgistes, est vraiment essentiel et ce qui ne l’est pas. Peut-être que l’indication suivante pourrait être utile. J.A. Jungmann, l’un  des vraiment grands liturgistes de notre siècle, avait défini en son temps la liturgie, telle qu’on l’entendait en Occident en se la représentant surtout à travers la recherche historique, comme une « liturgie fruit d’un développement  » ; probablement aussi par contraste avec la notion orientale qui ne voit pas dans la liturgie le devenir et la croissance historiques, mais seulement le reflet de la liturgie éternelle, dont la lumière, à travers le déroulement sacré, éclaire notre temps changeant de sa beauté et de sa grandeur immuables. Les deux conceptions sont légitimes et ne sont en définitive pas inconciliables.

 

Ce qui s’est passé après le Concile signifie toute autre chose : à la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication organique du vivant – par une fabrication, produit banal de l’instant.

 

Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est opposé à cette falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources. En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a montré les formes multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en homme qui voyait l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le fruit de ce développement le reflet intangible de la liturgie éternelle, laquelle n’est pas l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement à mûrir et à s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel élan » (p6-8)

 

Il est difficile, oui !  d’exprimer en si peu de mots pareil éloge. C’est ce prêtre, cet historien, ce savant, ce liturgiste, ce vrai témoin et amoureux de l’histoire, cet « authentique voyant »  que Benoît XVI a étudié, qu’il prend pour maître en liturgie. Il va s’en inspirer, bien normalement, pour « former sa propre pensée en matière liturgique et entreprendre la restauration liturgique dans l’Eglise.

 

Je pense pouvoir dire que ce Motu Proprio est le premier moment d’une grande réforme. Du moins je le souhaite tant la liturgie est au cœur de la vie ecclésiale.

 

Les évêques qui semblent vouloir s’attacher, « s’arque bouter » à la Nouvelle Messe, devraient bien étudier la pensée de Mgr Gamber. Le pape n’en restera pas à une simple juxtaposition des « rites »…Du moins j’ose l’espérer. Il est vrai que les pressions diverses doivent s’exercer… En sens contraire.

 

§3 : La pensée de Mgr Klaus Gamber : les deux formes, – l’ancien et le nouveau rite –  doivent subsister paisiblement côte à côte.

 

Mgr Klaus Gamber exprime sa pensée sur la question de la coexistence des deux formes du rituel de la messe,  qui fait l’objet du Motu Proprio « Summorum pontificum »,  dans le chapitre 7 du livre «  La Réforme liturgique en question ». (Ed Sainte Madeleine)

 

Face au problème liturgique dans l’Eglise, voici la solution  qu’il suggère

 

« Le ritus romanus et le ritus modernus devraient être tous deux considérés comme légitimes ».

 

Cette affirmation a été écrite par Mgr Gamber entre 1974 et 1978.

 

Il revient sur cette idée à la fin du livre au chapitre intitulé : « En guise de Conclusion ». Il s’exprime là d’une manière particulièrement forte : « Nous ne pouvons que prier et espérer que l’Eglise romaine reviendra à la tradition et autorisera à nouveau partout la liturgie de la messe vieille de bien plus de mille ans. Pourquoi deux formes, l’ancien et le nouveau rite,  ne pourraient-elles pas subsister paisiblement côte à côte. Comme en Orient où il y a plusieurs rites ou liturgies ; et même en Occident, aujourd’hui encore, où il y a des rites particuliers comme à Milan. Sans parler du fait qu’actuellement presque chaque curé modèle la messe à sa guise. Mais de toute façon il faudra que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours…Il faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine, pas seulement pour les prêtres et les laïcs âgés, incapables de s’adapter, mais comme forme primaire de la célébration de la messe. Il faut qu’il redevienne la norme de la foi et le signe de l’unité des catholiques dans le monde entier, un pôle fixe pour un temps déboussolé et en perpétuel changement » (p. 95-96)

 

Voilà ce que notre auteur écrivait en 1974, 1978.

 

§4 : 1974- 1978 : le règne de la « tyrannie »

 

C’était pourtant l’époque où régnait une véritable « tyrannie » dans l’Eglise contre les prêtres et les laïcs qui voulaient rester fidèles à la messe « tridentine ».

 

Il fallait une particulière force d’âme,  fondée sur la vérité, pour demander que la messe tridentine puisse être encore célébrée dans l’Eglise et dire qu’elle n’avait nullement été abrogée dans les formes canoniques et qu’elle ne pouvait pas l’être en raison de son aspect immémorial.

 

Le pape Paul VI, le 24 mai 1976, avait engagé toute son « autorité pontificale » pour que soit uniquement célébrée, dans l’Eglise et toutes les communautés,  la Nouvelle Messe.  Il le disait aux membres du Consistoire, le  24 mai 1976 : « … Plusieurs fois, directement ou par l’intermédiaire de nos collaborateurs et d’autres personnes amies, nous avons appelé l’attention de Mgr Lefebvre sur la gravité de ses attitudes, l’inconsistance et souvent la fausseté des positions doctrinales sur lesquelles il fonde ces attitudes et ces initiatives, et le dommage qui en résulte pour l’Église entière.

C’est donc avec une profonde amertume, mais aussi avec une paternelle espérance, que nous nous adressons une fois de plus à ce confrère, à ses collaborateurs et à ceux qui se sont laissé entraîner par eux. Oh ! certes, nous croyons que beaucoup de ces fidèles, au moins dans un premier temps, étaient de bonne foi : nous comprenons aussi leur attachement sentimental à des formes de culte et de discipline auxquelles ils étaient habitués, qui pendant longtemps ont été pour eux un soutien spirituel et dans lesquelles ils avaient trouvé une nourriture spirituelle. Mais nous avons le ferme espoir qu’ils sauront réfléchir avec sérénité, sans parti pris, et qu’ils voudront bien admettre qu’ils peuvent trouver aujourd’hui le soutien et la nourriture auxquels ils aspirent dans les formes renouvelées que le concile Vatican II et Nous-mêmes avons décrétées comme nécessaires pour le bien de l’Église, pour son progrès dans le monde contemporain, pour son unité. Nous exhortons donc, encore une fois, tous ces frères et fils, nous les supplions de prendre conscience des profondes blessures que, autrement, ils causent à l’Église. De nouveau, nous les invitons à penser aux graves avertissements du Christ sur l’unité de l’Église (cf. Jn 17, 21 sq) et sur l’obéissance due au pasteur légitime qu’il a mis à la tête du troupeau universel, comme signe de l’obéissance due au Père et au Fils (cf. Le 10, 16). Nous les attendons le cœur grand ouvert, les bras prêts à les étreindre : puissent-ils retrouver, dans l’humilité et d’édification, pour la joie du peuple de Dieu, la voie de l’unité et de l’amour ! »

 

Malgré cela, Mgr Gamber affirme qu’il « faut qu’à l’avenir le rite plus que millénaire de la messe soit conservé dans l’Eglise catholique romaine…comme rite primaire de la célébration de la messe ».

 

« Rite millénaire dans l’Eglise catholique…Rite primaire de la célébration de la messe »…J’aurais aimé trouver ces expressions dans le Motu Proprio de Benoît XVI en son article I §1. Mais peu importe,  l’idée s’y trouve et c’est l’essentiel.

 

Elle s’y trouvait déjà dans le  livre du cardinal Ratzinger: « le sel de la terre », livre d’entretien sur la liturgie avec Peter Seewald.

 

§5 : La pensée du cardinal Ratzinger.

 

1-Le « sel de la terre ».

 

Ce dernier lui pose la question de la reviviscence de l’ancien rite : « Est-il possible, pour lutter contre cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur l’ancien rite ? »

 

Le Cardinal lui répond :

 

« Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux  ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin. » (p. 172-173).

 

2-« Voici quel est notre Dieu »

 

On retrouvera la même idée dans l’un de ses  derniers livres: « Voici quel est notre Dieu ». A la page 291, il écrit : Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique est traité comme un lépreux ; c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par là tout le passé de l’Eglise… J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux r »conciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable » (p 291).

 

§6 : Benoît XVI : le Motu Proprio « « Summorum pontificum »

 

Et c’est ainsi que le pape Benoît XVI reprend, quelques années plus tard, deux ans après son accession au trône pontifical, tout naturellement,  cette idée de la légitime célébration de l’ancienne messe dans l’Eglise.

 

Ce sont  les 5 premiers articles du Motu Proprio.  Il affirme tout d’abord la libre célébration des deux rites, un qu’il appelle rite « extraordinaire », celui de Jean XXIII, l’autre qu’il appelle le rite « ordinaire », celui de Paul VI. –  Mgr Gamber lui parlait, nous l’avons dit, du « ritus romanus » pour la messe de Jean XXIII et du « ritus modernus » pour celui de Paul VI –  J’aurais préféré, vous dis-je,  retrouver ces expressions de Mgr Gamber.

 

« Article 1 §2 : « Il est donc permis de célébrer la sacrifice de la messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise ».

 

C’est un droit purement et simplement affirmé. Ce n’est pas une « concession ». C’est un droit. Il n’est plus nécessaire de recourir préalablement à une quelconque autorité, celle du Saint Siège ou de l’ordinaire, comme le demandait les derniers documents en la matière : « Quattuor abhinc annos » » ou « Ecclesia Dei addflica ». A ce titre, ces textes sont purement et simplement abolis. C’est l’article 1 § 2 qui l’affirme : «Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition typique du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Eglise. Mais les conditions établies par les documents précédents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont » abolies

 

C’est clairement repris dans l’article 2 : « Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son ordinaire ». Qu’on se le dise !

 

Ce droit vaut pour tout prêtre diocésain, pour tout prêtre religieux, pour tous instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical. C’est l’article 3 : « Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou « communautaire », célébrer dans leurs oratoires propres la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière ou tout l’Institut ou Société veut avoir de telles célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, cette façon de faire doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et statuts particuliers ». Ici, Le R.P. de Blignière qui s’était exprimé sur ce sujet, dans « Sedes Sapientiae », sa revue,  au nom des tous les Instituts de droit pontifical dépendant d’« Ecclesia Dei » trouve, là,  entière satisfaction. Et le pape François aurait bien du relire cet article 3 du Motu Proprio avant d’exercer sa pression « mortifaire » contre la société religieuse des Franciscains de l’Immaéculée…(Voir l’historique de cette triste affaire dans mon site ITEM)

 

L’article 5 va préciser ce droit et son exercice pour les paroisses. Voici sa formulation :

 

Art. 5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la Messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Evêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Eglise.

§ 2. La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires mais les dimanches et les jours fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.

§ 3. Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou au prêtre qui demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.

§ 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.

§ 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, appartient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus ».

 

§7 : Distinction des deux rites

 

Dans le chapitre 7,  du livre « La Réforme liturgique en question », Mgr Klaus Gamber affirme que les deux formes du rite, qu’il appelle « ritus romanus » et « ritus modernus »  – expressions que j’aurais aimé, encore une fois, retrouver dans l’ article 1 § 1 – doivent être nettement distinguées l’une de l’autre. « Ils devront être nettement distingués l’un de l’autre comme deux rites indépendants, et cela de telle manière que le missel romain utilisé jusqu’ici, ainsi que les autres livres liturgiques (rituel et pontifical), soient à nouveau imprimés et autorisés sous leur forme préconciliaire. Les modifications du rite de l’après Concile ne devraient être valable que pour le rite modernus. En font partie, entre autres, le changement dans les paroles de la consécration qui a scandalisé de nombreux prêtres, les nouvelles prières eucharistiques, ainsi que la nouvelle distribution des lectures, qui, de toute façon, étant donné ses insuffisances, devra être remplacée par une autre, meilleure ». ( p. 75). C’est l’idée, nous l’avons vu, du cardinal  Stickler

 

Cette idée importante est clairement reprise d’une manière implicite  par le Motu Proprio, « Summorum pontificum ». Le pape prend bien soin, en effet, de les distinguer. L’un n’est pas l’autre, même s’ils expriment, dit-il,  la même « lex credendi » de l’Eglise. A voir ! C’est tout l’objet du § 1 de l’article 1 : «  Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».

 

Cette stricte distinction des deux formes rituelles avait été également suggérée à Jean-Paul II par la commission de neuf  cardinaux en 1986. (Voir plus haut).  Ils avaient suggéré en effet au Pape un certain nombre de propositions – que l’on retrouve tout à fait dans le Motu Proprio de Benoît XVI – insistant beaucoup aussi sur cette distinction des deux rites.  M de Saventhem, président honoraire d’Una Voce Internationale, les avait ainsi résumées :

 

«  Les normes de 1986 : en été 1986, une commission de huit cardinaux de Curie fut constituée ad hoc pour contrôler si l’indult de 1984 était susceptible de fonctionner. Elle trouva qu’en pratique, il s’était montré « peu secourable » et présenta des recommandations détaillées pour une nouvelle réglementation pour toute l’Eglise. La teneur de ces recommandations peut se résumer de la façon suivante :

1-    Dans les offices du rite romain, l’honneur qui lui est dû (debita honor) doit être accordé à la langue latine. Les évêques doivent donc prendre soin que les dimanches et jours fériés  soit célébrée au moins une messe en langue latine dans chaque localité importante de leur diocèse. Cependant les lectures pourront être dites en vernaculaire.

2-    Pour leurs messes privées tous les prêtres peuvent, en tout temps, employer la langue latine

3-    Pour chaque messe célébrée en langue latine, avec ou sans fidèles présents, le célébrant a le droit de choisir librement entre le missel de Paul VI(1970) et celui de Jean XXIII(1962)

4-    Si le célébrant choisit le missel de Paul VI, il doit s’en tenir aux rubriques du dit missel.

5-    Si le célébrant choisit le missel de Jean XXIII, il est tenu d’employer les rubriques du dit missel, mais il peut : -employer soit la langue latine, soit la langue vulgaire pour les lectures et – puiser dans les Préfaces et les prières du Propre de la messe supplémentaires, contenues dans le missel de Paul VI et introduire des « preces universales »(intercessions)

6-    Le calendrier liturgique pour les fêtes sera celui du missel choisi par le célébrant ».

 

Mgr Gamber insiste lui aussi beaucoup sur cette stricte distinction à maintenir  entre les deux rites. Pour quelle raison ? La « continuité des formes de la messe » en est la raison première et fondamentale. Il écrit: « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel comme on l’a malheureusement fait jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe dont nous avons plusieurs fois parlé dans les exposés qui précèdent. Tandis que si l’on laisse inchangé l’ancien rite et si l’on continue à l’utiliser à côté du nouveau – mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte » (p. 76)

 

Toutefois Mgr Gamber ne se serait pas exprimé sur ce sujet de la distinction des rites, ce me semble, de la même manière que Benoît XVI. Mgr Gamber, en effet, écrit : « La forme de la messe actuellement en vigueur ne pourrait plus passer pour le rite romain au sens strict mais pour un rite particulier ad experimentum. Seul l’avenir montrera si ce nouveau rite pourra un jour s’imposer de façon générale et pour une longue période. On peut supposer que les nouveaux livres liturgiques ne resteront pas bien longtemps en usage, car les éléments  progressistes de l’Eglise auront entre temps certainement développé de nouvelles conceptions concernant l’ « organisation » de la célébration de la messe, s’ils ne l’ont déjà fait…La célébration versus populum, injustifiable du point de vue tant historique que théologique et sociologique, devrait être peu à peu à nouveau éliminée » (p 76)

 

Je pense que les «discussions », lors de la mise au point du Motu Proprio,  ont été fortes sur ce sujet et explique – peut-être, la formulation de l’article 1 §1 – et qu’elles sont pour une part la raison du retard dans la publication de ce texte. Le pape a dû concéder beaucoup, lui,  le disciple de Mgr Gamber…C’est un simple avis personnel…

 

§8 : Les lectures en langue vernaculaire

 

L’article 6 du Motu Proprio parle des lectures pouvant être faites, dans le rite de Jean XXIII en langue vernaculaire, alors qu’il est célébré avec le peuple. Il est dit : « Dans les Messes selon le Missel du B. Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent aussi être proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le Siège apostolique ».

 

Mgr Gamber est sur sujet également très clair. Il va tout à fait en ce sens : « Quant au ritus romanus, on songera à un enrichissement de la messe selon l’esprit du Concile Vatican II, par l’adoption d’un plus grand nombre de préfaces propres empruntées au trésor des anciens sacramentaires romains. Cependant l’adoption de ces suppléments devra rester provisoirement ad libitum, c’est-à-dire soumise à la libre décision du prêtre célébrant. Afin de mettre plus en relief les temps liturgiques, toutes les petites fêtes des saints pourraient être célébrées que sous forme de mémoire. Mais on doit considérer comme allant de soi de nos jours que les lectures, y compris celles du ritus romanus, soient en général proclamées dans la langue du pays ». (p 76)

 

§9 : Les raisons de cette coexistence des « rites »

 

Et si vous  cherchez pourquoi Mgr Gamber souhaite le maintien du rite « antique », vous trouverez  trois raisons qui seront explicitement reprises par Benoît XVI dans sa lettre de présentation du Motu Proprio aux évêques. Voici ces trois raisons exposées dans son chapitre 7.

 

a- La première raison : le maintien du rite romain, dans sa forme ancestrale et solennelle assurera plus facilement, demain, l’unité du culte et de  l’Eglise. Nous retrouvons le texte précédemment cité. Cette idée est très importante et dans la pensée de Mgr Gamber et dans la pensée de Benoît XVI

 

Mgr Gamber écrit : « Il est sans intérêt de faire subir au ritus romanus traditionnel, comme on l’a malheureusement fait  jusqu’ici, les expériences actuelles (et il faut considérer que la plupart des innovations en sont). Sinon on perdrait un élément important, cette continuité des formes de la messe… » – C’est une idée qui est également essentielle dans la pensée de Benoît XVI – « Tandis que,  si on laisse inchangé l’ancien rite et si on continue à l’utiliser à côté du nouveau  – mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte ». (76)

 

Cette continuité des formes de la messe…comme le dit Mgr Gamber est une idée très chère, vous dis-je, à Benoît XVI. Il l’exprima très  clairement dans la préface du livre que nous analysons. Il écrit, – reprenons cette idée tant elle importante pour l’avenir de la liturgie  – «  Ce qui s’est passé après le Concile signifie toute autre chose : à la place de la liturgie fruit d’un développement continu, on a mis une liturgie fabriquée. On est sorti du processus vivant de croissance et de devenir pour entrer dans la fabrication. On n’a plus voulu continuer le devenir et la maturation organiques du vivant à travers les siècles, et on les a remplacés – à la manière de la production technique – par une fabrication organique du vivant – par une fabrication, produit banal de l’instant. Gamber, avec la vigilance d’un authentique voyant et avec l’intrépidité d’un vrai témoin, s’est opposé à cette falsification et nous a enseigné inlassablement la vivante plénitude d’une liturgie véritable, grâce à sa connaissance incroyablement riche des sources. En homme qui connaissait et aimait l’histoire, il nous a montré les formes multiples du devenir et du chemin de la liturgie ; en homme qui voyait l’histoire de l’intérieur, il a vu dans le développement et le fruit de ce développement le reflet intangible de la liturgie éternelle, laquelle n’est pas l’objet de notre faire, mais qui peut continuer merveilleusement à mûrir et à s’épanouir, si nous nous unissons intimement à son mystère. La mort de cet homme et prêtre éminent devrait nous stimuler ; son œuvre pourrait nous aider à prendre un nouvel élan »

 

Il faut bien retenir cette idée et sa formulation :

 

b- La deuxième raison : éviter le risque d’un schisme.

 

« Bien des problèmes pourraient être résolus, nous dit encore Mgr Gamber,  dans l’Eglise par la stricte séparation entre le rite romain et la nouvelle liturgie en langue vulgaire du ritus modernus et par la possibilité ainsi offerte aux fidèles d’utiliser les deux formes de messe. Mais surtout cela diminuerait le risque d’un schisme important, les légitimes réclamations d’innombrables catholiques  – près de la moitié de ceux qui pratiquent encore – en faveur de la célébration traditionnelle de la liturgie étant satisfaites, sans que soit pour autant négligé le désir des autres d’avoir une messe « actuelle » (p. 77)

 

Cette idée est amplement développée dans la lettre explicative du pape Benoît XVI aux évêques. Il la présente même comme « la raison positive » de sa décision. Il leur écrit en effet : « J’en arrive à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passe nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »

 

Et le pape de citer en conclusion de cette idée la nécessité d’ouvrir largement son cœur à tous. Plus de sectarisme ! C’est l’enseignement de saint Paul  aux Corinthiens. Il le fait sien. Il veut que les évêques  le fassent leur. Et ainsi en donnant à ceux qui le veulent la possibilité de recourir à l’usage ancien, on assurera plus facilement l’unité de tous.

 

c- La troisième raison : diversité des cultes et unité de l’Eglise.

 

Mgr Gamber expose une troisième idée qui sera largement reprise et développée par Benoît XVI : la diversité des cultes ne nuit pas à l’unité de l’Eglise. Bien au contraire !

 

« On pourrait objecter que la solution proposée ici de deux rites utilisés parallèlement pourrait troubler l’unité ecclésiale dans les paroisses. On répondra à cela, que dans l’ensemble de l’Eglise et surtout en Orient, il y a eu de tout temps plusieurs rites reconnus par Rome. Cela ne saurait donc être vraiment grave si, dans l’Eglise romaine également, deux formes de messe cœxistaient côte à côte – au moins pour un certain temps. Mais si seulement il n’y en avait actuellement que deux ! Pour l’instant il y a comme on sait, d’innombrables rites, nombres de prêtres « arrangeant » la messe entièrement à leur guise. Il ne peut donc être vraiment question d’unité de rite » (p 78)

 

La conférence à Rome de 1998

 

Le cardinal Ratzinger reprenait en tous points cette idée dans la conférence qu’il adressait en 1998 aux membres des communautés « Ecclesia Dei » venus à Rome pour fêter les dix ans du Motu Proprio du même nom. Il leur disait : « Il faut encore examiner l’autre argument, qui prétend que l’existence de deux rites peut briser l’unité. Là, il faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé, et qu’ils se sont retirés seulement lentement suite à l’unification de l’espace de vie en Europe. Jusqu’au concile existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de Braga, le rite des Chartreux et des Carmes, et le plus connu : le rite des dominicains, – et peut-être d’autres rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé, que les dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute, que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette richesse d’avoir plusieurs traditions diverses. En outre, il faut dire ceci : l’espace libre, que le nouvel Ordo Missae donne à la créativité, est souvent élargi excessivement, la différence entre la liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, célébrée en des endroits divers, est souvent plus grande que celle entre une liturgie ancienne et une liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres liturgiques prescrits. Un chrétien moyen sans formation liturgique spéciale a du mal à distinguer une messe chantée en latin selon l’ancien Missel d’une messe chantée en latin selon le nouveau Missel ; par contre, la différence entre une liturgie célébrée fidèlement selon le Missel de Paul VI et les formes et les célébrations concrètes en langue vulgaire avec toutes les libertés et créativités possibles, – cette différence peut être énorme ! »

 

La lettre de Benoît XVI aux évêques.

 

Benoit XVI reprend de nouveau l’argument dans sa lettre aux évêques, tout en donnant un autre motif.  Il leur dit :

« En second lieu, au cours des discussions sur ce Motu Proprio attendu, a été exprimée la crainte qu’une plus large possibilité d’utiliser le Missel de 1962 puisse porter à des désordres, voire à des  fractures dans les  communautés paroissiales. Cette crainte ne me parait pas non plus réellement fondée. L’usage de l’ancien Missel présuppose un : minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. De ces éléments préalables concrets découle clairement le fait que le nouveau Missel restera certainement la forme ordinaire du Rite Romain, non seulement en raison de normes juridiques, mais aussi à cause de la situation réelle dans lesquelles se trouvent les communautés des fidèles ».

 

Cette petite étude montre réellement la parenté de pensée entre Benoît XVI et Mgr Klaus Gamber en matière liturgique. Il suivra celui qu’il nous propose comme « maître » en liturgie.

 

§10 : Et l’autre messe ?

 

Une chose, toutefois,  me laisse perplexe, c’est la doctrine exposée en l’article I § 1 du Motu Proprio. Le pape écrit : «  Le Missel romain promulgué par Paul VI est l’expression ordinaire de la « lex orandi » de l’Eglise catholique de rite latin. Le Missel romain promulgué par S. Pie V et réédité par le B. Jean XXIII doit être considéré comme l’expression extraordinaire de la même « lex orandi » de l’Eglise et en raison de son usage vénérable et antique doit jouir de l’honneur qui lui est dû. Ces deux expressions de la « lex orandi » de l’Eglise n’induisent aucune division de la « lex credendi » de l’Eglise ; ce sont en effet deux mises en œuvre de l’unique rite romain ».

 

Et il poursuit dans sa lettre d’accompagnement aux évêques : « Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. …Evidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ».

 

Il faut ici certainement préciser comme le fait, du reste, Jean Madiran, dans son  troisième article dans Présent sur le Motu Proprio, qu’ « il y a  deux manières licites de s’en tenir à la messe traditionnelle en excluant l’autre messe, sans que ce soit une exclusion « par principe ».

Premièrement, on peut exclure l’autre messe en vertu de la règle propre d’une communauté ou d’un institut.

Secondement, il faut bien comprendre qu’exclure l’autre messe par principe, ce serait l’exclure comme hérétique, schismatique ou blasphématoire. Or les opposants à l’autre messe les plus représentatifs (que j’ai cités hier, le Père Clamel, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer, l’abbé Dulac, Louis Salleron….ndlr) n’ont point contesté, ils ont même explicitement reconnu sa licéité (avec un doute cependant pour certains… ndlr) et sa validité quand elle est célébrée conformément à son texte officiel. Même dans ce cas, on peut la refuser si ce n’est point par principe mais par exemple pour des raisons pastorales ».

 

Ainsi nous pouvons en rester à la messe traditionnelle.

 

§11 : Mais doit-on reconnaître « la valeur et la sainteté » de la nouvelle messe » comme nous le demande Benoît XVI ?

 

En lisant Mgr Gamber on peut en douter.

Ses critiques sont nombreuses. J’en recueille quelques-unes.

 

« Nos messes sont-elles devenues plus attirantes pour les fidèles depuis le Concile ? La liturgie renouvelée a-t-elle contribué à augmenter le sens de la foi et de la piété ? A peine semble-t-il. Le peu de temps écoulé depuis l’introduction en 1969 du nouveau ordo missae a suffi à révéler que nos églises se vidaient de plus en plus, que le nombre de nos prêtres et de nos religieux diminuait de plus en plus et ce dans des proportions effrayantes. Certes les causes en sont multiples. Néanmoins la réforme liturgique n’a pas été capable de stopper cette évolution négative ; il est probable qu’elle n’a pas peu contribué à l’entretenir »(p 44)

Alors peut-on parler de « valeur » et de « sainteté » de la nouvelle messe ?

 

Ou encore : « Les rites d’ouvertures dotés, surtout dans la version allemande du missel, de nombreuses « prescriptions de choix possibles » ouvrent une porte toute grande à l’arbitraire du prêtre célébrant. Quel bavardage les fidèles ne doivent-ils pas subir par endroits dès le début de la messe ! Tout comme c’est plus d’une fois le cas aujourd’hui dans les communautés protestantes » (p. 45-46).

Peut-on parler alors de sainteté et de valeur de la nouvelle messe ?

 

Ou encore : « Les trois nouveaux canons constituent eux, une rupture complète avec la tradition. Ils ont été nouvellement composés d’après des modèles orientaux et gallicans et représentent, au moins de par leur style, un corps étranger dans le rite romain » (p 49)

Mais où est donc la « valeur » et la « sainteté » de la nouvelle messe ?

 

Ou encore : « La modification, ordonnée par Paul VI, des paroles de la consécration et de la phrase qui suit, utilisées dans la liturgie romaine depuis plus de 1500 ans, n’avait pas été prévue par le Concile et n’était d’aucune utilité pour la pastorale. La traduction de « pro multis » par « pour tous » qu’on ne trouve dans aucun texte liturgique ancien, est douteuse et a même scandalisé » (p. 50)

Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté » ?

 

Ou encore, « Du point de vue du rite, on est frappé de voir qu’on ait pu retirer sans raison les mots mysterium fidéi insérés dans les paroles de la consécration depuis environ VI siècle, pour leur conférer une utilisation nouvelle : ils deviennent un appel du prêtre après la consécration. Une appel de cette sorte : Mysterium fidei ! n’a certainement jamais été en usage à l’acclamation de l’assemblée : « Nous proclamons ta mort… » ne se trouve que dans quelques anaphores égyptiennes. Elle est en revanche étrangère aux autres rites orientaux et à toutes les prières eucharistiques occidentales, et ne cadre pas non plus avec le style du canon romain. En outre elle représente une rupture abrupte dans le discours : alors qu’on s’adresse à Dieu le Père, voici qu’on s’adresse brusquement au Fils » (p 50)

Ou donc est « la valeur » et la sainteté » d’un tel rite ?

 

Ou encore : « Les réformateurs voulaient visiblement une liturgie nouvelle, se différenciant de l’ancienne tant pas son esprit que par ses formes extérieures, et non plus un culte répondant davantage aux besoins de la pastorale moderne, comme le Concile l’avait souhaité. Liturgie et foi vont de pair. C’est pourquoi on a créé un nouveau rite correspondant largement aux tendances de la nouvelle théologie (moderniste). Comme jusqu’ici la liturgie respirait en tout l’esprit des vérités de foi traditionnelles et celui de l’ancienne piété, elle ne pouvait pas subsister sous la forme qui était la sienne. On supprima donc beaucoup de choses et on introduisit de nouveaux rites, de nouvelles prières et de nouveaux chants, ainsi que des lectures bibliques qu’il n’est pas rare de voir amputées intentionnellement des passages ne convenant pas à la théologie moderne, comme ceux qui rapportent les paroles d’un Dieu juge et qui châtie » (p 84)

Et vous voulez parler de « valeur » et de « sainteté ».

 

Ou encore : « La liturgie reste une patrie, même quand elle continue à se développer. Et elle n’a cessé de se développer au cours de l’histoire presque bi-millénaire de l’Eglise. Mais ce qui est capital, c’est que jamais il n’y eut cette rupture avec la tradition que nous vivons maintenant d’une manière si effrayante, et cela au moment où, en outre, on remet presque tout en question dans l’Eglise »(p. 92-93)

Ou donc est la sainteté ?

Alors on comprend que pour  Mgr Gamber «  il faudrait que le nouveau rite soit amélioré par rapport à celui qui se pratique de nos jours » (p 96) C’est ce que devrait faire Benoît XVI, dans une prochaine étape

En attendant,  quant à moi, comme le RP  Calmel, « je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missae de Paul VI.

Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, (Paul VI) et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril 1969. C‘est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique. Et j’estime de mon devoir de prêtre de refuser de célébrer la Messe dans un rite équivoque.

Si nous acceptons ce rite nouveau, qui favorise la confusion entre la Messe catholique et la Cène protestante – comme le disent équivalemment deux Cardinaux et comme le démontrent de solides analyses théologiques (1) – alors nous tomberons sans tarder d’une Messe interchangeable (comme le reconnaît du reste un pasteur protestant) dans une Messe carrément hérétique et donc nulle. Commencée par le Pape, puis abandonnée par lui aux églises nationales, la réforme révolutionnaire de la messe ira son train d’Enfer. Com­ment accepter de nous rendre complices ?

Vous me demanderez : en maintenant, envers et contre tout, la Messe de toujours, avez-vous réfléchi à quoi vous vous exposez ? Certes. Je m’expose, si je peux dire, à persévérer dans la voie de la fidélité à mon sacerdoce, et donc à rendre au Souverain Prêtre, qui est notre Juge Suprême, l’humble témoignage de mon office de prêtre. Je m’expose encore à rassurer des fidèles désemparés, tentés de scepticisme ou de désespoir. Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe co­difié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes es­pèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe menson­gère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu’un repas religieux où l’on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants. – Ne pas consentir à collaborer à l’instauration révolutionnaire d’une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Coeur de Jésus, dérivée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C’est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.

Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint Père. J’affirme cependant que tout Pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d’auto­rité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d’être catholique. « La Messe, écrit-il dans son Ordo Missae, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti ­pris ce qui fait catholique la Messe catholique, à jamais irréductible à la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial; le mémorial est de telle nature qu’il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s’y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI . De même, dans la Messe catholique, le prêtre n’exerce pas une présidence quelconque ; marqué d’un caractère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quel­que pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.

La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la Messe catholique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité ponti­ficale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d’amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c’est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui imposa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidélité et d’amour que je serai jugé par le Juge Su­prême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de res­ter fidèle jusqu’à la mort à la Messe catholique, véritable et sans équivoque.

TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.

§12 : Conclusion :

On se souviendra, aussi, avec bonheur  de ces belles réflexions du Père Calmel : “Si vous mettez la main dans certains engrenages, le corps entier sera broyé. Le Novus Ordo Missae peut se comparer à un engrenage implacable, exactement calculé pour broyer la messe, et, avec la messe, le prêtre. Banni le latin. Repoussé le canon ou règle invariable de la consécration. Encouragées les prières eucharistiques peu consistantes, notamment le canon express. Fini le rite odorant et fixe pour recevoir la communion. En somme la messe démantelée de part en part, dans toutes les prières, dans toutes les attitudes ; aussi bien du côté du prêtre que du côté des fidèles ; la messe abandonnée, dans la pratique, à l’arbitraire de chacun. Et vous voudrez, avec cela, que la consécration, qui certes est conservée, continue d’être faite dans un contexte approprié à son mystère ! Vous voudriez que la messe demeure stable, infailliblement valide ; vous voudriez qu’elle ne devienne pas n’importe quoi ! Autant vouloir l’impossible.  Autant dire : pendant l’orage, ne vous abritez d’aucune manière, mais quand même ne soyez pas mouillés ! Il est vrai que les novateurs s’imaginent qu’après Vatican II il fera toujours beau dans la sainte Eglise, que les orages ne viendront plus nous éprouver. Vue intéressante sans doute, dont la seule faiblesse est de manquer de réalisme ». (Publiés dans Le sel de la Terre n° 12 bis p 148)

 

 

Annexe : Une lettre du cardinal Antonio Cañizares Llovera
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements,

 

Salutation aux organisateurs et participants.

C’est pour moi une grande joie d’adresser à vous tous, à l’occasion du cinquième anniversaire du commencement du Ministère Pétrinien de notre bien aimé Benoît XVI, ma cordiale salutation et mes encouragements.

Je remercie l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre de l’initiative de célébrer à cette date ce colloque sur le Motu Proprio « Summorum Pontificum » ; je remercie aussi les conférenciers pour leur participation et leur travail, ainsi que les participants pour leur intérêt et leur soutien.

Dans le cœur du Saint-Père et au centre de ses préoccupations comme pasteur de l’Eglise se trouve la connaissance profonde du mystère de la Liturgie et le désir qu’elle soit célébrée et vécue par l’Eglise entière avec délicatesse et ferveur, et qu’ainsi Elle engendre et communique ce dynamisme surnaturel, désir du Christ Lui-même, afin que le témoignage de tous les catholiques soit unanime et efficace pour transformer les réalités de notre monde.

Le Motu Proprio « Summorum Pontificum » doit se comprendre dans cette vision d’ensemble de l’enseignement et des actes du Saint Père, et jamais comme quelque chose d’isolé ou de simplement anecdotique destiné à quelques-uns pour des situations particulières. Favoriser l’accès à la forme liturgique officielle du  Rite Romain jusqu’à la réforme souhaitée par le Concile Vatican II, n’est pas une concession à la nostalgie ou à l’intégrisme, c’est plutôt, un pas pour favoriser la Communion Ecclésiale et une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».

L’intérêt suscité par la célébration de la « forme extraordinaire » du Rite Romain, notamment parmi les jeunes qui ne l’ont pourtant jamais connue, dépasse certainement la simple curiosité ou l’admiration esthétique. Au contraire, il est probable qu’il s’agisse, pour une bonne partie de nos jeunes, de satisfaire à une soif et que pour cela soit nécessaire des « langages » qui soient « différents » et qui nous poussent vers de nouvelles frontières, imprévisibles pour beaucoup de pasteurs de l’Eglise. Je ne crois pas que ce soit une question à confondre ou à analyser en considérant les idéologies intégristes.

Il est évident que ces initiatives pastorales de notre Saint-Père le Pape Benoît XVI, pour être fructueuses, doivent être accompagnées d’une intense activité de formation, et d’un approfondissement théologique, historique, pastoral, juridique et spirituel, à la lumière du trésor de la Liturgie Catholique et des enseignements des Pères et des Saints Pasteurs de l’Eglise tout au long des siècles. J’espère, et je m’en réjouis par avance, que des initiatives comme le présent Colloque aideront sans nul doute à contribuer à cette formation.

A tous, une fois de plus, organisateurs, conférenciers et participants, j’adresse mon affectueuse salutation et ma Bénédiction.

Du Vatican, le 20 avril 2010

+ Antonio Card. Cañizares Llovera
Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin
et la Discipline des Sacrements

 

Mon commentaire.

 

Le cardinal Antonio Card. Cañizares Llovera, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, adressa, le 20 avril 2010, aux autorités de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, une lettre dans laquelle il se réjouissait du colloque que l’Institut organisait à cette date à Rome dans le cadre de l’anniversaire des cinq ans de pontificat de Benoît XVI. Le thème du colloque portait sur la liturgie et plus particulièrement sur le Motu Proprio du Pape « Summorum Pontificum »,.

Il les en félicitait et les en remerciait: « Je remercie l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre de l’initiative de célébrer à cette date ce colloque sur le Motu Proprio « Summorum Pontificum ».

Il ne pouvait que se féliciter de la tenue de ce colloque étant donné le sujet choisi : la liturgie.

Il rappelle tout au début de sa lettre que la liturgie est au cœur de la pensée du Pape. C’est une de ses « préoccupations majeurs » : « Dans le cœur du Saint-Père, écrit-il, et au centre de ses préoccupations comme pasteur de l’Eglise se trouve la connaissance profonde du mystère de la Liturgie et le désir qu’elle soit célébrée et vécue par l’Eglise entière avec délicatesse et ferveur ». Le pape, lui-même, l’affirmait alors qu’il recevait, il y a quelques semaines des évêques brésiliens. La liturgie est au cœur du « ministère pétrinien », leur disait-il. Il le répétait devant Mgr Léonard, à la tête des évêques belges en visite « ad limina »: « La Constitution Sacrosanctum concilium souligne que c’est dans la liturgie que se manifeste le mystère de l’Église, dans sa grandeur et sa simplicité (cf. n.2). Il est donc important que les prêtres prennent soin des célébrations liturgiques, en particulier de l’Eucharistie, pour qu’elles permettent une communion profonde avec le Dieu Vivant, Père, Fils et Saint-Esprit. Il est nécessaire que les célébrations se déroulent dans le respect de la tradition liturgique de l’Église, avec une participation active des fidèles, selon le rôle qui correspond à chacun d’eux, s’unissant au mystère pascal du Christ ».

Après ces généralités importantes sur la liturgie, le cardinal aborde ensuite le sujet du Motu Proprio « Summorum Pontificum », objet de sa lettre et du colloque de l’Institut. Il donne le sens, le vrai sens de « Summorum Pontificum ». C’est un acte de gouvernement qui cherche à satisfaire le bien commun de l’Eglise. En conséquence, il ne doit pas être compris comme un « acte isolé » de Benoît XVI ; ni non plus comme une simple action « anecdotique ». Il n’est pas non plus un acte pour satisfaire une « situation particulière », ni une simple « concession à la nostalgie ou à l’intégrisme ». Non ! Cet acte relève du magistère pétrinien de Benoît XVI qui a en charge le bien commun de l’Eglise : « Le Motu Proprio « Summorum Pontificum » doit se comprendre dans cette vision d’ensemble de l’enseignement et des actes du Saint Père ».

Et si il a pour but immédiat de « favoriser – pour ceux qui le souhaitent – l’accès à la forme liturgique officielle du Rite Romain jusqu’à la réforme souhaitée par le Concile Vatican II », jamais abolie dans l’Eglise, du moins dans le principe, son but ultime est double:

 -« c’est … un pas pour favoriser la Communion Ecclésiale »

-« et une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».

Le pape s’est en effet clairement exprimé sur son désir profond de favoriser, par cette mesure, l’unité ecclésiale. Il a toujours exprimé ce souci avant même de devenir Pape. Alors qu’il était encore cardinal, Préfet de la Congrégation de la doctrine de la foi, et qu’il recevait les communautés « Ecclesia Dei » à Rome, le 24 octobre 1998, il exprimait clairement que la liturgie ne peut pas être facteur de division. Quelle doit être au contraire facteur d’unité et qu’il faut cesser cette opposition contre le rite ancien de saint Pie V. Mais c’est surtout lors de la publication du Motu Proprio et de la lettre aux évêques qui l’accompagnait qu’il exprima ce souci d’unité. Il écrivait : « J’en arrive ainsi à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omission dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passé nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la trouver à nouveau. Il me vient à l’esprit une phrase de la seconde épître aux Corinthiens, où saint Paul écrit : « Nous vous avons parlé en toute liberté, Corinthiens ; notre cœur s’est grand ouvert. Vous n’êtes pas à l’étroit chez nous ; c’est dans vos cœurs que vous êtes à l’étroit. Payez nous de retour ;… ouvrez tout grand votre cœur, vous aussi » (2 Cor 6 11 13) Paul le dit évidemment dans un autre contexte, mais son invitation peut et doit aussi nous toucher, précisément sur ce thème. Ouvrons généreusement notre cœur et laissons entrer tout ce à quoi la foi elle-même fait place ».

La foi est le principe de l’unité. Mais la messe dite de saint Pie V est l’expression de la foi. Accueillez donc à bras ouverts ceux qui veulent garder cette liturgie, semble vouloir dire ici le pape Benoît XVI !

D’autant que – et c’est, à mon avis la grande nouveauté de cette lettre-, d’autant que la messe tridentine, celle « rénovée » et « réformée » par la volonté expresse des évêques du Concile de Trente, doit être considérée comme l’archétype du rite romain et qu’à ce titre, elle est « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».

Il faut mesurer l’importance de cette phrase pas assez soulignée, du moins à mon avis.

Affirmer cela, est absolument nouveau de la part du magistère de l’Eglise. Nous ne l’avions jamais encore entendu en quarante ans de « combat » inlassable, acharné – Combat bien légitime, malgré la désobéissance apparente ! – pour maintenir l’ancienne messe.

Bien au contraire.

Nous savions, depuis le 24 mai 1976, date d’un consistoire réuni à Rome par Paul VI, que le nouveau rite de la messe devait purement et simplement se « substituer » à la messe « de toujours », la remplacer ; qu’il n’était permis à aucun de penser et d’agir autrement. Nous savions que l’ordre était formel, qu’il engageait l’autorité suprême de l’Eglise ; que c’était selon son autorité suprême que Paul VI en avait décidée ainsi et qu’on ne pouvait aller contre.

Nous savions également que Rome, malgré tout, avait dû lâcher du lest et, sous la pression des traditionalistes – oui ! – avait dû, une première fois, « concéder », à certaines conditions, très restrictives, l’usage de la messe ancienne. Il fallait particulièrement ne pas entretenir de « relation » avec Mgr Lefebvre qui continuait à lancer la suspicion sur le nouveau rite. C’est l’objet de la lettre « Quattuor abhinc annos » de Jean-Paul II. Nous étions en 1984.

Nous savions également que cette même autorité, au fil du temps, avait dû encore élargir la « concession ». Les conditions étaient moins draconiennes. Il était même fait appel à la générosité des évêques en faveur de la messe tridentine, générosité que l’autorité romaine souhaitait plus large, voire très large. C’était le Motu Proprio de Jean Paul II, Ecclesi Dei adflicta.de 1988.

Toutefois, la législation liturgique était toujours en faveur de la messe nouvelle. Elle restait la norme, la loi fondamentale de l’Eglise en matière liturgique. Le cardinal Medina avait eu l’occasion de le rappeler aux prêtres de la Fraternité sacerdotale saint Pierre, lors de leur réunion générale à Rocca di Papa , près de Rome, du printemps 1999. Et puis Mgr Re, substitut de la Secrétairerie d’Etat, avait rappelé à M de Saventhem, président émérite d’UNA VOCE que la finalité du Motu Proprio de Jean-Paul II n’avait pas pour but de « pérenniser » l’ancienne messe mais seulement d’essayer d’apaiser le conflit pour le bien de l’Eglise. Il écrivait : « Les diverses dispositions prise depuis 1984 avaient pour but de faciliter la vie ecclésiale d’un certain nombre de fidèles, sans pérenniser pour autant les formes liturgiques ancienne. La loi générale demeure l’usage du rite rénové depuis le Concile, alors que l’usage du rite antérieur relève actuellement de privilèges qui doivent garder le caractère d’exception ».

Les choses s’amélioraient malgré le chemin difficile.

Mais la législation liturgique fit un bon formidable avec la création d’une administration apostolique dans le Diocèse de Campos, l’administration apostolique saint Jean Marie Vianney sous la direction d’un évêque, en l’occurrence Mgr Rangel. Ses prêtres brésiliens, nos amis, obtenaient de Rome pour la première fois depuis le 3 avril 1969, le droit exclusif de la messe tridentine et l’exemption en cette matière vis-à-vis de l’ordinaire du diocèse. Ils pouvaient installer, dans tout le diocèse, les paroisses qu’ils souhaitaient au rythme de leur zèle apostolique sans dépendre de l’autorisation préalable de l’évêque résidant ; il suffisait de l’en prévenir. Nous étions en janvier 2001. Pour la première fois, dans un diocèse de l’Eglise latine, le rite tridentin, latin et grégorien retrouvait sa légitimité, en droit. Ici, dans cette administration, un vrai diocèse, on ne pouvait plus dire que la loi générale de l’Eglise en matière liturgique était exclusivement en faveur de la messe nouvelle …puisqu’elle était dans ce diocèse en faveur du rite romain ancien. La nouveauté était grande. C’est pourquoi, pour ces deux raisons, le droit retrouvé de la messe et l’exemption affirmée, j’ai toujours pensé et le pense encore que Mgr Lefebvre aurait pris la balle au bond et aurait accepté la création d’une administration apostolique sous le nom de Fraternité sacerdotale saint Pie X. Il ne se serait pas encombré de discutions théologiques qui risquent de s’éterniser. Pourquoi, du reste, ne pas les mener une fois la normalisation canonique accomplie ? Rome le souhaitait.
Cette législation nouvelle équiparant les deux rites romains, n’était propre, il est vrai, qu’ au seul diocèse de Campos au Brésil, un petit diocèse… C’était sa faiblesse… Mais c’était une brèche formidable dans la législation « Médina ». Elle ne pouvait pas ne pas s’agrandir d’autant qu’à Rome, le Cardinal Ratzinger soutenu par le cardinal Stickler, ne cessaient de parler en faveur du retour de la messe tridentine dans l’Eglise pour tout prêtre. Elle ne pouvait rester la « chose » des seuls traditionalistes. Elle est un bien de l’Eglise. Il fallait lui redonner son universalité. Et c’est pourquoi ils ne comprenaient pas « l’intolérance » que leurs confrères dans l’épiscopat manifestaient encore en cette affaire liturgique, vis-à-vis d’un bien ecclésial, un trésor. On ne compte pas les livres pour l’un et les conférences pour l’autres qui défendaient la messe tridentine et fustigeaient les oppositions épiscopales.

Arriva enfin le pontificat de Benoît XVI. A peine deux ans après son élection, en 2007, il universalise cette « législation camposienne ». Il donne à l’Eglise son Motu Proprio Summorum Pontificum et là, dans ce texte, abolissant toute législation antérieure, il permet de célébrer les deux rites ou, comme le dit le pape, les deux formes du rite romain, le rite « ordinaire » et le rite « extraordinaire ». Ces deux « rites » sont, dans l’église latine, mis sur un pied d’égalité juridique. C’est l’article 1 du Motu Proprio. Pour chaque messe célébrée en langue latine, avec ou sans fidèles présents, le célébrant a le droit de choisir librement entre le missel de Paul VI (1970) et celui de Jean XXIII( 1962).

Quel « combat » ne fallut-il pas mener pour en arriver là… ? La Providence l’a permis ainsi…

Mais la progression en faveur de la messe tridentine n’était pas finie…
En effet un progrès vient d’être encore franchi avec la lettre du cardinal Antonio Cañizares Llovera, du 20 avril 2010. Il affirme que favoriser l’accès à la forme liturgique officielle du Rite Romain jusqu’à la réforme souhaitée par le Concile Vatican II, c’est-à-dire, favoriser l’accès au rite tridentin …est « un pas pour favoriser », non seulement, « la Communion Ecclésiale », ce qui fut l’attitude du pouvoir ecclésial, mais c’est aussi un pas pour favoriser « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine ». Le rite tridentin n’est pas seulement légalisé dans l’Eglise latine, plus, il devient l’archétype de la liturgie romaine. C’est le sens de l’expression une aide pour « orienter » l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine » et ainsi la mieux « comprendre ».
Quel chemin parcouru depuis 1976…Nous sommes passés de l’interdiction de la messe de « toujours » à sa reconnaissance légale et universelle ; de sa reconnaissance légale et universelle à l’affirmation qu’elle est l’archétype de la liturgie romaine. Cette phrase « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine » veut dire cela ou ne veut rien dire.

Et s’il en est ainsi c’est parce, fort de l’axiome lex orandi, lex credenti, elle est l’expression parfaite de la doctrine catholique sur la messe, sommet de la liturgie de l’Eglise, telle que l’ont exprimée les pères du Concile de Trente principalement dans la session 21 ème de septembre 1562, dans ses chapitres doctrinaux et ses canons, face à la Réforme protestante.
Comme on le sait, « les apports théologiques de la messe tridentine constituent une réponse aux graves controverses du protestantisme » (card. Stickler) Mais cette session 21 ème ne fut pas seulement une réponse nécessaire à l’époque du protestantisme, mais elle reste également la référence pour l’Eglise de toujours et en particulier pour la réforme liturgique issue de Vatican II. Il ne peut en être autrement. La vérité est immuable. Et si l’on veut déterminer le vrai sens de cette réforme liturgique, il faut toujours chercher à s’éclairer de la lumière Concile de Trente et de la messe tridentine qui en est le reflet..

Cette messe est le phare. Aussi nous permettra-t-elle de mieux orienter toutes les réformes et de les bien comprendre.

Or on sait tout d’abord que, « dans le contexte de l’hérésie protestante, la messe de Saint Pie V porta l’accent sur la vérité majeure selon laquelle la messe est un sacrifice, ce qui fut établi par les discussions théologiques et les réglementations spécifiques du Concile » (Card. Stickler). On sait également qu’elle insista sur la notion de la présence réelle de NSJC dans l’Eucharistie, fruit du Sacrifice de la messe ainsi que sur le rôle spécifique du prêtre à l’autel comme représentant le Christ, comme « alter Christus ». On sait aussi que la messe tridentine insiste sur la place de l’autel, lieu du sacrifice renouvelé du Christ, insiste également sur son orientation, la messe devant être célébré « ad orientem », symbole du soleil levant que représente le Christ, Celui que nous devons adorer. Et toutes ces vérités ont entraînées, dans le rite tridentin, tout un symbolisme – le symbolisme liturgique – qui les expriment au mieux, comme les signes d’adoration, de génuflexions, comme la place de l’autel. Abandonner ce symbolisme est très grave. Par exemple « La toute nouvelle place de l’autel, dans le rite de Paul VI ainsi que la place du prêtre face à l’assemblée, interdites autrefois, deviennent aujourd’hui le signe d’une messe conçue comme réunion de la communauté ». C’est là une déficience théologique grave que la célébration commune de la messe tridentine permet de comprendre, d’orienter et de corriger. Il en est de même pour la langue liturgique qui est le latin. Ce principe pourtant affirmé par le Concile de Trente et le Concile Vatican II a été totalement détruit par la réforme liturgique de Paul VI. L’exception du vernaculaire admis par Trente et Vatican II est devenue dans la réforme de Paul VI une exclusivité. Ce qui entraîne de graves conséquences : la perte de l’unité externe au sein de l’Eglise catholique. Nous avons perdu cette possibilité de prier et de chanter ensemble même dans les grands rassemblements ecclésiaux.

Voilà autant de « déficiences théologiques » graves de la messe issue de Vatican II – ma liste ici n’est pas exhaustive – qui pourraient être corrigées, comprises et ainsi orientées, c’est-à-dire réformées par les « bienfaits théologiques de la messe tridentine ». C’est ce que disait déjà le cardinal Stickler dans sa conférence donnée à Fort Lee dans le New Jersey, le 20 mai 1995. La messe tridentine est vraiment l’archétype de la liturgie romaine. Voilà, me semble-t-il, le sens de cette phrase du cardinal espagnol : le Motu Proprio est « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
C’est manifestement nouveau. Rendons en grâce à Dieu ! Mais aimons toujours plus cette messe célébrée dans ce rite dit « extraordinaire ». Il l’est de fait !

 

Section 2 : Instruction sur l’application de Summorum Pontificum : « Universae Ecclesiae ».

 

Dans cette section, vous trouverez :

-le texte de l’Instruction « Universae Ecclesiae » qui est, comme son nom l’indique « une instruction », i.e. une explication, une  interprétation du MP Summorum Pontificum de Benoît XVI du 7-7-7 ;

-un commentaire de ce texte émanant de Rome, du Vatican ;

-une réaction du professeur Luc Perrin,  professeur à la fac de Strasbourg ;

-une réaction de M l’abbé de Tanouarn ;

– une réponse de votre serviteur sur le problème encore ici évoqué dans ce texte de la Commission Ecclesiae Dei, de la « légitimité » de la nouvelle messe. Je m’arrêterai uniquement sur ce point. Je reconnais l’intérêt de ce texte qui, de fait, précise des points litigieux comme le problème du « groupe stable » des fidèles. Il n’est pas nécessaire que les membres de ce groupe soient de la même paroisse, ni du même diocèse…

 

A- L’Instruction.

 

I. Introduction

 

1. La Lettre apostolique Summorum Pontificum, donnée motu proprio par le Souverain Pontife Benoît XVI le 7 juillet 2007 et entrée en vigueur le 14 septembre2007, arendu plus accessible la richesse de la liturgie romaine à l’Église universelle.

2. Par ce Motu Proprio, le Souverain Pontife Benoît XVI a promulgué une loi universelle pour l’Église, avec l’intention de donner un nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie romaine en vigueur en 1962.

3. Après avoir rappelé la sollicitude des Souverains Pontifes pour la sainte liturgie et la révision des livres liturgiques, le Saint-Père reprend le principe traditionnel, reconnu depuis des temps immémoriaux et à maintenir nécessairement à l’avenir, selon lequel « chaque Église particulière doit être en accord avec l’Église universelle, non seulement sur la doctrine de la foi et sur les signes sacramentels, mais aussi sur les usages reçus universellement de la tradition apostolique ininterrompue. On doit les observer non seulement pour éviter les erreurs, mais pour transmettre l’intégrité de la foi, car la règle de la prière de l’Église correspond à sa règle de foi ».

4. Le Souverain Pontife évoque en outre les Pontifes romains qui se sont particulièrement donnés à cette tâche, notamment saint Grégoire le Grand et saint Pie V. Le Pape souligne également que, parmi les livres liturgiques sacrés, le Missale Romanum a joué un rôle particulier dans l’histoire et qu’il a connu des mises à jour au cours des temps jusqu’au bienheureux Pape Jean XXIII. Puis, après la réforme liturgique qui suivit le Concile Vatican II, le Pape Paul VI approuva en 1970 pour l’Église de rite latin un nouveau Missel, qui fut ensuite traduit en différentes langues. Le Pape Jean Paul II en promulgua une troisième édition en l’an 2000.

5. Plusieurs fidèles, formés à l’esprit des formes liturgiques antérieures au Concile Vatican II, ont exprimé le vif désir de conserver la tradition ancienne. C’est pourquoi, avec l’indult spécial Quattuor abhinc annos publié en 1984 par la Sacrée Congrégation pour le Culte divin, le Pape Jean Paul II concéda sous certaines conditions la faculté de reprendre l’usage du Missel romain promulgué par le bienheureux Pape Jean XXIII. En outre, avec le Motu Proprio Ecclesia Dei de 1988, le Pape Jean Paul II exhorta les Évêques à concéder généreusement cette faculté à tous les fidèles qui le demandaient. C’est dans la même ligne que se situe le Pape Benoît XVI avec le Motu Proprio Summorum Pontificum, où sont indiqués, pour l’usus antiquior du rite romain, quelques critères essentiels qu’il est opportun de rappeler ici.

6. Les textes du Missel romain du Pape Paul VI et de la dernière édition de celui du Pape Jean XXIII sont deux formes de la liturgie romaine, respectivement appelées ordinaire et extraordinaire : il s’agit de deux mises en oeuvre juxtaposées de l’unique rite romain. L’une et l’autre forme expriment la même lex orandi de l’Église. En raison de son usage antique et vénérable, la forme extraordinaire doit être conservée avec l’honneur qui lui est dû.

7. Le Motu Proprio Summorum Pontificum s’accompagne d’une lettre du Saint-Père aux Évêques, publiée le même jour que lui (7 juillet 2007) et offrant de plus amples éclaircissements sur l’opportunité et la nécessité du Motu Proprio lui-même : il s’agissait effectivement de combler une lacune, en donnant un nouveau cadre normatif à l’usage de la liturgie romaine en vigueur en 1962. Ce cadre s’imposait particulièrement du fait qu’au moment de l’introduction du nouveau missel, il n’avait pas semblé nécessaire de publier des dispositions destinées à régler l’usage de la liturgie en vigueur en 1962. En raison de l’augmentation du nombre de ceux qui demandent à pouvoir user de la forme extraordinaire, il est devenu nécessaire de donner quelques normes à ce sujet. Le Pape Benoît XVI affirme notamment : « Il n’y a aucune contradiction entre l’une et l’autre édition du Missale Romanum. L’histoire de la liturgie est faite de croissance et de progrès, jamais de rupture. Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste ».

8. Le Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de son munus propre – régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église – et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle. Il se propose :

a) d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ;

b) de garantir et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent, étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles qui en sont les principaux destinataires ;

c) de favoriser la réconciliation au sein de l’Église.

 

II. Les missions de la Commission pontificale Ecclesia Dei

 

9. Le Souverain Pontife a doté la Commission pontificale Ecclesia Dei d’un pouvoir ordinaire vicaire dans son domaine de compétence, en particulier pour veiller sur l’observance et l’application des dispositions du Motu Proprio Summorum Pontificum (cf. art. 12). 10.

§ 1. La Commission pontificale exerce ce pouvoir, non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et confirmées par le Pape Benoît XVI, mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique, au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio.

§ 2. Les décrets par lesquels la Commission pontificale exprime sa décision au sujet des recours pourront être attaqués ad normam iuris devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique.

10. § 1. La Commission pontificale exerce ce pouvoir, non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et confirmées par le Pape Benoît XVI (cf. Motu Proprio Summorum Pontificum, art. 11-12), mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique, au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio.

§ 2. Les décrets par lesquels la Commission pontificale exprime sa décision au sujet des recours pourront être attaqués ad normam iuris devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique.

11. Après approbation de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, il revient à la Commission pontificale Ecclesia Dei de veiller à l’édition éventuelle des textes liturgiques relatifs à la forme extraordinaire du rite romain.

 

III. Normes spécifiques

 

12. À la suite de l’enquête réalisée auprès des Évêques du monde entier et en vue de garantir une interprétation correcte et une juste application du Motu Proprio Summorum Pontificum, cette Commission pontificale, en vertu de l’autorité qui lui a été attribuée et des facultés dont elle jouit, publie cette Instruction, conformément au canon 34 du Code de droit canonique.

 

La compétence des Évêques diocésains

13. D’après le Code de droit canonique, les Évêques diocésains doivent veiller à garantir le bien commun en matière liturgique et à faire en sorte que tout se déroule dignement, pacifiquement et sereinement dans leur diocèse, toujours en accord avec la mens du Pontife romain clairement exprimée par le Motu Proprio Summorum Pontificum. En cas de litige ou de doute fondé au sujet de la célébration dans la forme extraordinaire, la Commission pontificale Ecclesia Dei jugera.

14. Il revient à l’Évêque diocésain de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect de la forme extraordinaire du rite romain, conformément au Motu Proprio Summorum Pontificum.

 

Le coetus fidelium

 

15. Un coetus fidelium pourra se dire stable (stabiliter exsistens), au sens où l’entend l’art. 5 § 1 de Summorum Pontificum, s’il est constitué de personnes issues d’une paroisse donnée qui, même après la publication du Motu Proprio, se sont réunies à cause de leur vénération pour la liturgie célébrée dans l’usus antiquior et qui demandent sa célébration dans l’église paroissiale, un oratoire ou une chapelle ; ce coetus peut aussi se composer de personnes issues de paroisses ou de diocèses différents qui se retrouvent à cette fin dans une église paroissiale donnée, un oratoire ou une chapelle.

16. Si un prêtre se présente occasionnellement avec quelques personnes dans une église paroissiale ou un oratoire en souhaitant célébrer dans la forme extraordinaire, comme le prévoient les articles 2 et 4 du Motu Proprio Summorum Pontificum, le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église acceptera cette célébration, tout en tenant compte des exigences liées aux horaires des célébrations liturgiques de l’église elle-même.

 

17. § 1. Dans chaque cas, le curé, le recteur ou le prêtre responsable de l’église prendra sa décision avec prudence, en se laissant guider par son zèle pastoral et par un esprit d’accueil généreux.

§ 2. Dans le cas de groupes numériquement moins importants, on s’adressera à l’Ordinaire du lieu pour trouver une église où ces fidèles puissent venir assister à ces célébrations, de manière à faciliter leur participation et une célébration plus digne de la Sainte Messe.

18. Dans les sanctuaires et les lieux de pèlerinage, on offrira également la possibilité de célébrer selon la forme extraordinaire aux groupes de pèlerins qui le demanderaient, s’il y a un prêtre idoine.

19. Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle.

 

Le sacerdos idoneus

 

20. Les conditions requises pour considérer un prêtre comme « idoine » à la célébration dans la forme extraordinaire s’énoncent comme suit :

a) tout prêtre qui n’est pas empêché par le droit canonique, doit être considéré comme idoine à la célébration de la Sainte Messe dans la forme extraordinaire ;

b) il doit avoir du latin une connaissance de base qui lui permette de prononcer correctement les mots et d’en comprendre le sens ;

c) la connaissance du déroulement du rite est présumée chez les prêtres qui se présentent spontanément pour célébrer dans la forme extraordinaire et qui l’ont déjà célébrée.

21. On demande aux Ordinaires d’offrir au clergé la possibilité d’acquérir une préparation adéquate aux célébrations dans la forme extraordinaire. Cela vaut également pour les séminaires, où l’on devra pourvoir à la formation convenable des futurs prêtres par l’étude du latin, et, si les exigences pastorales le suggèrent, offrir la possibilité d’apprendre la forme extraordinaire du rite.

22. Dans les diocèses sans prêtre idoine, les Évêques diocésains peuvent demander la collaboration des prêtres des Instituts érigés par la Commission pontificale Ecclesia Dei, soit pour célébrer, soit même pour enseigner à le faire.

23. La faculté de célébrer la Messe sine populo (ou avec la participation du seul ministre) dans la forme extraordinaire du rite romain est donnée par le Motu Proprio à tout prêtre séculier ou religieux. Pour ces célébrations, les prêtres n’ont donc besoin, selon le Motu Proprio Summorum Pontificum, d’aucun permis spécial de leur Ordinaire ou de leur supérieur.

 

La discipline liturgique et ecclésiastique

 

24. Les livres liturgiques de la forme extraordinaire seront utilisés tels qu’ils sont. Tous ceux qui désirent célébrer selon la forme extraordinaire du rite romain doivent connaître les rubriques prévues et les suivre fidèlement dans les célébrations.

25. De nouveaux saints et certaines des nouvelles préfaces pourront et devront être insérés dans le Missel de 1962, selon les normes qui seront indiquées plus tard.

26. Comme le prévoit le Motu Proprio Summorum Pontificum à l’article 6, les lectures de la Sainte Messe du Missel de 1962 peuvent être proclamées soit seulement en latin, soit en latin puis dans la langue du pays, soit même, dans le cas des Messes lues, seulement dans la langue du pays.

27. En ce qui concerne les normes disciplinaires liées à la célébration, on appliquera la discipline ecclésiastique définie dans le Code de droit canonique de 1983.

28. De plus, en vertu de son caractère de loi spéciale, le Motu Proprio Summorum Pontificum déroge, dans son domaine propre, aux mesures législatives sur les rites sacrés prises depuis 1962 et incompatibles avec les rubriques des livres liturgiques en vigueur en 1962.

 

La Confirmation et l’Ordre sacré

 

29. La permission d’utiliser la formule ancienne pour le rite de la confirmation a été reprise par le Motu Proprio Summorum Pontificum (cf. art. 9 § 2). Dans la forme extraordinaire, il n’est donc pas nécessaire d’utiliser la formule rénovée du Rituel de la confirmation promulgué par le Pape Paul VI.

30. Pour la tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat, le Motu Proprio Summorum Pontificum n’introduit aucun changement dans la discipline du Code de droit canonique de 1983 ; par conséquent, dans les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le profès de voeux perpétuels ou celui qui a été définitivement incorporé dans une société cléricale de vie apostolique est, par l’ordination diaconale, incardiné comme clerc dans l’Institut ou dans la Société, conformément au canon 266 § 2 du Code de droit canonique.

31. Seuls les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei ainsi que ceux dans lesquels se maintient l’usage des livres liturgiques de la forme extraordinaire peuvent utiliser le Pontifical romain en vigueur en 1962 pour conférer les ordres mineurs et majeurs

 

Le Bréviaire romain

 

32. Les clercs ont la faculté d’utiliser le Bréviaire romain en vigueur en 1962 dont il est question à l’article 9 § 3 du Motu Proprio Summorum Pontificum. Celui-ci doit être récité intégralement et en latin.

 

Le Triduum sacré

 

33. S’il y a un prêtre idoine, le coetus fidelium qui adhère à la tradition liturgique précédente peut aussi célébrer le Triduum sacré dans la forme extraordinaire. Au cas où il n’y aurait pas d’église ou d’oratoire exclusivement prévu pour ces célébrations, le curé ou l’Ordinaire prendront les mesures les plus favorables au bien des âmes, en accord avec le prêtre, sans exclure la possibilité d’une répétition des célébrations du Triduum sacré dans la même église.

 

Les rites des Ordres religieux

 

34. Il est permis d’utiliser les livres liturgiques propres aux Ordres religieux et en vigueur en 1962.

 

Pontifical romain et Rituel romain

 

35. Conformément au n. 28 de cette Instruction et restant sauf ce qui est prescrit par le n. 31, l’usage du Pontifical romain et du Rituel romain, ainsi que celui du Cérémonial des Évêques en vigueur en 1962 sont permis.

 

Au cours de l’audience du 8 avril 2011 accordée au Cardinal Président de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le Souverain Pontife Benoît XVI a approuvé la présente Instruction et en a ordonné la publication.

Donné à Rome, au siège de la Commission pontificale Ecclesia Dei, le 30 avril 2011, en la mémoire de saint Pie V.

William Cardinal Levada Président

Monseigneur Guido Pozzo Secrétaire

 

 

B- Note de synthèse du Vatican de l’instruction

 

Du Vatican :

 

L’Instruction sur l’application du Motu proprio « Summorum Pontificum » (du 7 juillet 2007, entré en vigueur le 14 septembre 2007) a été approuvée par le Pape Benoît XVI le 8 avril dernier et est datée du 30 avril, mémoire liturgique de Saint Pie V, Pape. L’Instruction, reprenant les premiers mots du texte latin, s’intitule « Universae Ecclesiae » et émane de la Commission Pontificale « Ecclesia Dei », à qui le Pape avait confié – entre autre – la tâche de veiller sur le respect et l’application du Motu proprio. C’est pourquoi, elle porte la signature de son Président, le Card. William Levada, et de son Secrétaire, Mgr. Guido Pozzo.

Le document a été envoyé à tous les évêques la semaine dernière. Nous rappelons que « les instructions… explicitent les dispositions des lois, expliquent et fixent leurs modalités d’application » (CIC, can. 34). Comme il est dit au n.12, l’Instruction est promulguée « en vue de garantir la correcte interprétation et la juste application » du Motu proprio « Summorum Pontificum ». Il était naturel qu’après la loi contenue dans le Motu Proprio, suive l’Instruction sur son application. Le fait que cela advienne aujourd’hui, plus de trois ans après, s’explique facilement si l’on se souvient que dans la Lettre du Pape accompagnant le Motu Proprio, il disait explicitement aux évêques: « Je vous invite à écrire au Saint-Siège, trois ans après l’entrée en vigueur de ce Motu Proprio. Si de sérieuses difficultés apparaissent vraiment, des voies seront recherchées pour trouver une solution« . L’Instruction porte donc aussi en soi le fruit de la vérification triennale de l’application de la loi, qui avait été prévue depuis le début.

Le document est présenté dans un langage simple et de lecture facile. Son Introduction (nn.1-8) rappelle brièvement l’histoire du Missel Romain jusqu’à la dernière édition de Jean XXIII, en 1962, et au nouveau Missel approuvé par Paul VI en 1970, suite à la réforme liturgique du Concile Vatican II, et confirme le principe fondamental selon lequel il s’agit de « deux formes de la Liturgie Romaine, définies respectivement ordinaria et extraordinaria : il s’agit de deux usages du seul Rite romain, qui se placent l’un à côté de l’autre. L’une et l’autre forme sont l’expression de la même lex orandi de l’Eglise. Par son usage vénérable et ancien, la forma extraordinaria doit être conservée avec l’honneur qui lui est dû » (n. 6).

La finalité du Motu proprio est aussi confirmée, s’articulant sur les trois points suivants: a) offrir à tous les fidèles la Liturgie Romaine dans son usage le plus ancien, considérée comme un précieux trésor à conserver; b) garantir et assurer réellement, à ceux qui le demandent, l’usage de la forma extraordinaria; c) favoriser la réconciliation au sein de l’Eglise (cf n. 8).

Une Section du document (nn. 9-11) rappelle brièvement les devoirs et les pouvoirs de la Commission « Ecclesia Dei », à qui le Pape « a conféré le pouvoir ordinaire vicarial » en la matière. Cela implique, entre autre, deux conséquences très importantes. D’abord, celle-ci peut décider des recours qui lui sont présentés contre d’éventuelles mesures d’évêques ou d’autres ordinaires, qui semblent contraires aux dispositions du Motu proprio (avec toujours la possibilité de faire ensuite un recours contre les décisions de la Commission près le Tribunal suprême de la Signature Apostolique). En outre, il revient à la Commission, avec l’approbation de la Congrégation pour le Culte Divin, de s’occuper d’une éventuelle édition des textes liturgiques pour la forma extraordinaria du Rite romain (dans la suite du document on espère, par exemple, l’insertion de nouveaux saints et de nouvelles préfaces).

La partie proprement normative du document (nn. 12-35) contient 23 brefs points sur les différents thèmes.

La compétence des Evêques diocésains est confirmée pour la réalisation du Motu proprio, rappelant qu’en cas de controverses sur la célébration dans la forma extraordinaria, c’est la Commission « Ecclesia Dei » qui tranchera.

Clarification est apportée quant au concept de coetus fidelium (c’est-à-dire « groupe de fidèles ») stabiliter existens (« stable ») qui désirent de pouvoir assister à la célébration dans sa forma extraordinaria. Laissant toutefois à la sage évaluation des pasteurs le nombre de personnes nécessaires pour le constituer, il est précisé que celui-ci ne doit pas être nécessairement constitué de personnes appartenant à une seule paroisse, mais peut être composé de personnes provenant de différentes paroisses voire de différents diocèses. L’Instruction, tenant toujours compte du respect des exigences pastorales plus larges, propose un esprit d’ »accueil généreux » envers les groupes de fidèles qui demandent la forma extraordinaria ou des prêtres qui demandent de célébrer occasionnellement dans cette forme avec quelques fidèles.

Une précision très importante est apportée (n. 19) selon laquelle les fidèles qui demandent la célébration dans sa forma extraordinaria « ne doivent en aucune façon soutenir ou appartenir à des groupes qui se disent contraires à la validité ou légitimité de la forma ordinaria » et/ou à l’autorité du Pape comme Pasteur Suprême de l’Eglise universelle. Cela irait, en effet, en contradiction manifeste avec la finalité de « réconciliation » du Motu proprio lui-même.

D’importantes indications sont aussi données sur le « prêtre idoine » à célébrer dans la forma extraordinaria. Naturellement celui-ci ne doit pas avoir d’empêchement d’un point de vue canonique, suffisamment bien connaître le latin et le rite à célébrer. C’est pourquoi les évêques sont encouragés à permettre, dans les séminaires, une formation adéquate à cette fin, et il est possible de recourir, en cas de manque de prêtres idoines, à la collaboration des prêtres des Instituts érigés par la Commission « Ecclesia Dei » (qui utilisent normalement la forma extraordinaria).

L’Instruction confirme que tout prêtre séculier ou religieux a l’autorisation de célébrer la Messe « sans peuple » dans la forma extraordinaria s’il le souhaite. Ainsi, s’il ne s’agit pas de célébration avec le peuple, les religieux individuels n’ont pas besoin de l’autorisation de leurs supérieurs.

Suivent – toujours en ce qui concerne la forma extraordinaria – des normes relatives aux règles liturgiques et à l’usage des livres liturgiques (comme le Rituel, le Pontifical, le Cérémonial des évêques), à la possibilité d’utiliser la langue locale pour les lectures (en complément de la langue latine, ou aussi comme alternative dans les « Messes lues »), à la possibilité pour les clercs d’utiliser le Bréviaire d’avant la réforme liturgique, à la possibilité de célébrer le Triduum Sacré dans la Semaine Sainte pour les groupes de fidèles demandant l’ancien rite. En ce qui concerne les ordinations sacrées, l’usage des livres liturgiques plus anciens est permis seulement dans les Instituts qui dépendent de la Commission « Ecclesia Dei ».

Ce texte, une fois lu, donne l’impression d’un grand équilibre, qui entend favoriser – selon l’intention du Pape – l’usage serein de la liturgie précédant la réforme de la part de prêtres et de fidèles qui en ressentent le sincère désir pour leur bien spirituel; et qui entend garantir la légitimité et l’effectivité d’un tel usage dans la mesure du possible. En même temps, le texte est animé par la confiance en la sagesse pastorale des évêques, et insiste fortement sur l’esprit de communion ecclésiale qui doit être présent chez tous – fidèles, prêtres, évêques – afin que la finalité de réconciliation, ainsi présente dans la décision du Saint-Père, ne soit pas empêchée ou freinée, mais favorisée et atteinte.

 

C- Luc Perrin – Le Forum Catholique : « Pas loin du statu quo et un recul même sur un point sensible… »-

SOURCE – Luc Perrin – le Forum Catholique – 13 mai 2011


[Message de Luc Perrin en réponse à la publication de l’instruction sur l’application de la Lettre apostolique Summorum Pontificum]

 

Très peu d’avancées : le flou, en effet, persiste quant aux recours à la PCED même si on insiste un peu plus sur eux. Une des restrictions sur les groupes stables est levée (origine géographique) mais rien sur le nombre. La levée pour les religieux du veto du supérieur, plus théorique que pratique comme chacun sait ; idem pour les diocésains avec l’art. 23 qui ne fait que confirmer leur droit et réprouver un empiètement des évêques en certains diocèses. La chicane sur la connaissance d’agrégé de lettres classiques du latin est levée également (art. 20) : quelques diocèses anti-tradis fanatiques aux USA avaient usé de ce prétexte.

La grande avancée annoncée, l’enseignement dans les séminaires (art. 21), est annulée par la formule mise en incise : « si les exigences pastorales le suggèrent ». Il est facile de deviner qu’en France et de multiples pays sans doute les « exigences pastorales » ne suggéreront rien …

Et le recul annoncé est bien là : l’ordination des prêtres diocésains est bien exclue par l’article 31
« Seuls les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie
apostolique qui dépendent de la Commission pontificale Ecclesia Dei
ainsi que ceux dans lesquels se maintient l’usage des livres
liturgiques de la forme extraordinaire peuvent utiliser le Pontifical
romain en vigueur en 1962 pour conférer les ordres mineurs et majeurs. »
Les ordinations effectuées par Mgr Rey seront donc sans suite, ce qui est très dommageable quant au principe. L’ordination de prêtres diocésains pour la Forme extraordinaire est ainsi découragée.
Le paradoxe est grand d’ailleurs puisqu’on pourra continuer, heureusement, à ordonner des évêques selon la forme de 1962.

En gros le statu quo va continuer à moins que la PCED se mette vraiment à « juger » (art. 13).
On apprend incidemment qu’une « grande enquête » a été réalisée au préalable auprès des évêques dans le monde. Le long délai et le peu de progrès du texte final y trouvent sans doute leur explication …

 

 

D- Le commentaire de M l’abbé de Tanouarn dans metablog du 13 mai 2011 : Un petit pas de plus

par l’abbé Guillaume de Tanoüarn

 

Un journée sans pouvoir communiquer : c’était un vendredi 13 !

Je profite de ce qu’apparemment tout est remis en place sur Blogspot, Google ayant fait le nécessaire, pour dire quelques mots de Universae Ecclesiae, l’instruction sur la Lettre apostolique Summorum pontificum. Elle était attendue cette instruction. On peut dire que Benoît XVI a souhaité donner à ses collaborateurs les moyens d’aller jusqu’au bout de la logique libératrice du Motu proprio.

Jusqu’au bout ?

Disons que les pouvoirs de la Commission Ecclesia Dei sont précisés : « le Motu Proprio Summorum Pontificum, est-il écrit constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de sa fonction propre – régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église – et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle » (n°8). Vous l’avez compris : le Motu proprio n’est pas seulement un acte de tolérance vis-à-vis de quelques traditionalistes attardés (mais dont le nombre s’accroît comme le remarquent conjointement les auteurs du document et Jean Marie Guesnois dans le Figaro ces jours-ci). Il est un magistère remarquable. L’Instruction n’hésite pas à citer Grégoire le Grand et Pie V comme le fit le Motu proprio en 2007.

Bref, il s’agit, avec cette Instruction de graver le Motu proprio dans le marbre : plus moyen de faire machine arrière.

Il s’agit aussi d’en faciliter la mise en application « large et généreuse ». Jusqu’à maintenant, le rôle de la Commission vaticane Ecclesia Dei, énoncé au n°11 et 12 de la Lettre apostolique, et qui devait être une instance de recours administratif en cas de blocage, n’avait pas été précisé dans les faits. La Commission n’intervenait pas de façon juridique. Elle reçoit ce pouvoir explicitement de Benoît XVI aujourd’hui – pouvoir d’accueillir un recours administratif qu’ont tous les dicastères, mais qui, dans son cas, n’était pas clairement octroyé : « La Commission pontificale exerce ce pouvoir, non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et confirmées par le Pape Benoît XVI (cf. Motu-Proprio Summorum Pontificum, art. 11-12 : voilà pour le passé), mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique, au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio ». Et voilà pour le présent. D’une certaine façon, c’est vrai, Universae Ecclesiae n’ajoute rien. Universae Ecclesiae précise. Il n’y a plus possibilité de ruser ou de finasser avec la lettre de Summorum pontificum. C’est la Commission Ecclesia Dei qui est ici chargée de l’interprétation en cas de litige et, s’il le faut de la mise en œuvre d’une solution généreuse. Quelle charge !

D’autant que la situation de la liturgie traditionnelle n’est pas simple. Les fidèles reçoivent ici explicitement un droit, dans la mesure où ils s’organisent en groupes stables (même s’ils proviennent de paroisses différentes) à voir leur demande accueillie.

On me dira : les fidèles ont le droit d’attaquer un acte administratif de l’évêque, d’après le texte (n°10 a). Mais si l’évêque garde le silence. S’il ne produit aucun acte, il ne peut pas y avoir d’arbitrage de la Commission…
J’ai un ami canoniste de haute volée. Il m’a répondu sans hésiter : le silence administratif est un acte administratif…

Ce qui est clair c’est que, dans les cas les plus difficiles, il faudra de bons avocats-conseils : pas de faute de procédure, ça ne pardonne pas !

Il reste vrai qu’une procédure administrative donne raison en général au détenteur de l’autorité (voir le cas récent de l’abbé Michel de Thiberville). Mais, contrairement à d’autres instances comme la Congrégation du Clergé ou même le dicastère pour le culte divin, il faut souligner que les circonstances politiques au cours desquelles se trouvent rappelés et fixés les pouvoirs de la Commission Ecclesia Dei sont exceptionnels. Chaque décision (surtout les premières) sera médiatisée. Bref le peuple de Dieu, organisé démocratiquement en groupes stables, ainsi que le prévoit la Lettre apostolique, pourrait retrouver, à la faveur des circonstances, un lambeau de contre-pouvoir, non ? Qu’en pense Golias ? M’est avis que cela peut tourner à la petite révolution, une révolution pas méchante comme la révolution du jasmin, une révolution de velours… Le pape avait des choses à donner à la Fraternité Saint Pie X. Elle ne l’a pas voulu. A qui donnera-t-il ce qu’il voulait donner, quelle que soit la forme sous laquelle il fera ces dons-encouragements ?

Il faut reconnaître tout de même que dans ce système, les diocèses sont favorisés au détriment des communautés Ecclesia Dei, surtout celles qui sont composées de séculiers (FSSP ICRSP IBP etc.). Restent à encourager tous les évêques vraiment pontifes, faiseurs de ponts, qui acceptent ces communautés dans leur diocèse.

Au chapitre du passif, il y a cette interdiction d’ordonner les prêtres diocésains selon le rite traditionnel : cela donne une vraie spécificité aux Communautés ED. Notez d’ailleurs qu’il y a toujours moyen de tourner ce genre de clause. Je suis sûr que, dans certains cas, si un évêque en fait la demande à la Commission pour tel de ses sujets, il ne va pas obtenir un refus.

Je voudrais insister sur un point : l’article 19 sur lequel Nicolas Senèze dans La Croix insiste lourdement, comme s’il avait besoin de compenser quelque chose, me semble capital : « Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle ».

J’ai tout de suite remarqué le mot « légitimité » accolé au mot « validité » pour ajouter quelque chose. A ma connaissance, j’ai été le premier à l’employer et cela a fait, sur le FC au temps où XA n’avait pas peur de la contradiction, un beau grabuge. Je gage qu’aujourd’hui on va pouvoir dire que la liturgie rénovée est légitime, sans avoir à s’excuser. J’en suis ravi.

Qu’ajoute le terme de légitimité au terme de validité ? Il signifie que l’on n’a pas le droit d’étudier un rite de manière purement liturgique, sans tenir compte de la dimension ecclésiologique de la liturgie. La res et sacramentum du sacrement de l’eucharistie c’est l’unité de l’Eglise dans le Christ, ne l’oublions pas ! Alors un rite pourra être en lui-même plus ou moins bon, criticable, bonifiable, et parfois formellement condamnable. N’empêche ! S’il est promulgué par le pape, pasteur universel, « dont c’est la fonction propre de régler et d’ordonner la sainte liturgie de l’Eglise » (Universae Ecclesiae n°8)… ce rite est… non seulement valide, mais légitime.

Je me réjouis de l’utilisation de ce terme de « légitimité » dans cette instruction. Etre catholique, c’est reconnaître l’autorité du pape dans le domaine de définition de son pouvoir. Le Successeur de Pierre a pouvoir sur la liturgie. On ne peut nier la légitimité, la validité juridique d’une de ses réformes sans nier son autorité et ainsi détruire l’Église – ce qui est le propre du schisme.

Je crois que l’on n’a jamais le droit de sacrifier les principes de l’ecclésiologie universelle, qui sont les conditions d’existence à travers les siècles de l’Église catholique, aux principes de la théologie sacramentaire, fussent-ils solidement établis. Comme disait Pascal, « il faut tenir les deux bouts de la chaîne ». Sacrifier l’Église à la messe ou la messe à l’Église, cela n’a pas de sens. Lorsque je parle de l’Église, je précise que je parle de l’Église universelle (le « seul bercail » de Jean 10, qui ne va pas sans l’unique Pasteur), je ne parle pas de sa petite Église à soi ! C’est si facile de construire pour un temps sa petite Église !

Je n’attaquerai personne nommément : qui se sent morveux se mouche. Quant à moi je n’ai pas l’habitude de cracher dans la soupe qui m’a nourrie. Il y a eu des moments cornéliens dans la crise de l’Église. Grâce à Benoît XVI et à son magistère liturgique, le dilemme se dénoue.

 

E- Note personnelle sur le problème de la « légitimité » du NOM:

 

Le problème de la « légitimité » de la Nouvelle Messe se trouve de nouveau expressément évoqué dans le § 19 de la 3ème  partie du document, partie intitulée: « Les normes spécifiques » dans la partie relative  à la définition du « Coetus fidelium ».

 

Voici le texte du §19 en français : « Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle ».

En latin nous avons : «  Christifideles celebrationem secundum formam extraordinariam postulantes, auxilium ne ferant neque nomen dent consociationibus, quae validitatem vel legitimitatem Sanctae Missae Sacrificii et Sacramentorum secundum formam ordinariam impugnent, vel Romano Pontifici, Universae Ecclesiae Pastori quoquo modo sint infensae ».

Le « sint infensae » me semble bien traduit : « qui s’opposent » au Pontife.

Le « impugnent » me parait traduit très faiblement  en français. Il est traduit par ceux  « qui nient » Cela me semble faible. « Impugno » est un verbe de combat, un verbe très fort : il se traduit par « attaquer, assaillir, assiéger ». Le  verbe « pugno » est également très dur :   c’est «  se battre à coup de point ; se donner  des coups, lutter corps à corps ; combattre à main armée ; en venir aux mains ; livrer bataille.

Sous ce rapport, nous pourrions faire remarquer que notre opposition à la liturgie nouvelle n’est pas de ce genre…

Il est vrai aussi que  ce verbe peut avoir une signification plus douce : « être en opposition, en désaccord ; soutenir ou débattre une opinion ; discuter ». Là, sous ce rapport, la traduction serait bonne « ceux qui nient ».

Ce verbe a donné en français : pugnace, pugnacité (humeur batailleuse)

Mais tout au début du texte, il est dit que  ces fidèles qui veulent la messe extraordinaire, «  ne doivent jamais venir en aide », en latin « auxilium ne ferant », « ni appartenir à des groupe », en latin nous avons «  « neque nomen dent », ni qui donnent leur nom » à ces groupes qui nient…

Tout cela me fait penser un peu au « nullam partem » de la lettre « Quottuor  abhinc annos » de 1984…reprise en note dans le MP de 1988 « Eclesia Dei adflicta ».  Ne pouvaient bénéficier de l’indult concédé aux Evêques, « ceux qui gardaient des contacts », « qui étaient en relation »  avec la FSSPX et qui affirmaient que le NOM était ni  « valide » ni « orthodoxe ».

Ici, dans ce texte nous avons une claire allusion à la validité de la Nouvelle Messe ainsi qu’à sa « légitimité ».

Sur le mot « légitimité », je ferais une distinction. Le pape, dans sa fonction de Pontife suprême, a bien évidemment le droit de donner à l’Eglise une nouvelle liturgie. Ainsi le pape Paul VI pouvait très bien donner à l’Eglise le 3 avril 1969, une nouvelle messe. C’était téméraire mais c’était en son pouvoir…Sous ce rapport, ce nouveau rite est légitime. Il ressort bien de l’autorité du Pontife suprême. On respecte un point  fondamental de l’Ecclésiologie.

 

Mais cela ne lui donnait par pour autant le droit de signer, sans plus,  la Constitution « Missale Romanum » promulguant le nouveau rite de la messe. Car le texte doctrinal et explicatif des nouvelles rubriques – – l’institutio generalis – – publié dans cette constitution contenait le fameux article 7 qui, de l’opinion même du cardinal Journet, était hérétique. Or c’est à la lumière de ce fameux article 7 que la nouvelle messe a été élaborée. Certes, cet article 7 fut modifié, mais cela n’entraîna aucune modification dans la nouvelle messe.

 

Cela est-il légitime?

 

De plus, l’abbé  Dulac a démontré, à son époque, en juin 1969, que  cette nouvelle messe si elle n’était pas hérétique, si elle était donc « valide » selon les trois conditions requises à la validité d’un sacrement, était toutefois  « équivoque », ce qui, disait-il, est bien plus grave que l’hérésie. Il écrivait en 1975, dans « Le courrier de Rome » : « Nous avons été les premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du Nouvel Ordo Missae. C’était le 25 juin 1969, quelques jours après l’apparition, en France, de l’édition typique. Nous y sommes revenus bien des fois depuis cette date. Nos critiques étaient assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver le motif d’un refus.

 

« Mais jamais, nous n’avons dit que la nouvelle Messe était hérétique.

« Hélas ! Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque.

Elle est flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ».

« L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de poignard. L’équivoque agit à la manière d’un poison lent.

« L’hérésie attaque un article précis du dogme. L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.

« On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant. L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu.

« L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme. L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la certitude révélée

une opinion libre.

« L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi. L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A

côté même de la raison, de la logique.

« Eh bien, nous oserons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque. Il y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental ».

 

Alors je me pose la question : tout cela  peut-il être légitime?  Est-ce que le mal est légitime? Et quel mal ce nouveau rite n’a-t-il pas fait aux âmes, aux prêtres, à l’Eglise! Il a divisé l’Eglise. Il a vidé et vide les séminaires et les congrégations religieuses. Mgr Lefebvre disait ne pouvoir ouvrir et faire vivre un séminaire avec le nouveau rite. J’en suis personnellement convaincu. Il ne suffira pas de « sacraliser » le nouveau rite de Paul VI pour sortir de la crise ecclésiale, il faut soit le supprimer soit le réformer. On semble se diriger vers la « réforme ». Mais ce rite est-il seulement « réformable »?

 

Le cardinal Stickler, dans une conférence, citait en conclusion de son exposé une revue canadienne Precious Blood Banner où on pouvait lire : « Il apparaît toujours plus clairement que l’extrémisme des réformateurs postconciliaires a consisté, non pas à réformer la liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de son sol traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont déraciné » (p. 61).

Cela est-il légitime ? Cela est-il guérissable ? Déraciner une plante, elle crève…

 

Et puis il serait nécessaire pour que nous puissions changer d’avis que le Vatican réponde aux objections du « Bref Examen Critique » dont vous connaissez les conclusions. Il met, lui aussi, en cause la légitimité de cette réforme liturgique. Il ne suffit pas de nous enjoindre d’obéir. Faut-il encore nous donner  les réponses  à nos légitimes questions. Le droit canon lui-même nous encourage à cette défense, à cette mâle résistance. La morale ne peut pas prendre le pas sur le théologale. Il faudrait le rappeler aux bénédictins…

 

 

F- La réconciliation et le clergé diocésain.

Dans cette instruction, se trouve de nouveau affirmé le souhait vif du Pape de travailler à la réconciliation dans l’Eglise.

C’est clairement exprimé dans le § 8 : « Le Motu Proprio Summorum Pontificum constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de son munus propre – régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église – et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle.

Il se propose :

 

a) d’offrir à tous les fidèles la liturgie romaine dans l’usus antiquior, comme un trésor à conserver précieusement ;

b) de garantir et d’assurer réellement l’usage de la forme extraordinaire à tous ceux qui le demandent, étant bien entendu que l’usage de la liturgie latine en vigueur en 1962 est une faculté donnée pour le bien des fidèles et donc à interpréter en un sens favorable aux fidèles qui en sont les principaux destinataires

 

c) de favoriser la réconciliation au sein de l’Église.

 

Permettez-moi ces quelques remarques :

Cette réconciliation sera liturgique ou elle ne sera pas.

Cette réconciliation, outre le problème doctrinal, sera liturgique ou ne sera pas.
Elle doit donc s’initier dans les séminaires. Si l’on veut vraiment «parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise » comme le demande expressément Benoît XVI, il faut en prendre les moyens. La « réconciliation » passe nécessairement par la formation au séminaire. Il y faudra des générations. Au moins une dizaine d’années et plus. Il faut la vouloir. Aux séminaristes, il faut apprendre le sens des choses liturgiques ; il faut apprendre le latin. Benoît XVI le demande expressément. La liturgique, son ordre, son symbolisme demandent tout une étude, un apprentissage, une pratique. Les années de séminaires sont nécessaires à cette fin. Qui en prend les moyens ?

Le texte romain qui précise les résolutions du Motu Proprio Summorum Pontificum prévoit que les séminaristes apprennent la célébration de la messe aussi dans le rite « tridentin ». A la bonne heure ! Cela va dans le bon sens.

Si cela ne se fait pas, nous risquons d’avoir une juxtaposition de communautés, de prêtres. Ils chercheront à vivre dans l’amitié, une amitié retrouvée au niveau des diocèses, des doyennés. C’est important. Mais ce n’est ni essentiel ni suffisant. Le conflit relevant de la doctrine, il faut nécessairement restaurer l’enseignement de la théologie thomiste, le sens de la liturgie dans le clergé. Le pape Benoît XVI vient de le rappeler ce fameux texte romain.

Mais cette réconciliation sera difficile

Le travail de cette réconciliation entre les prêtres sera difficile. Pourquoi ?

Parce qu’il faut mesurer la crise qui touche l’Eglise. Elle est doctrinal et liturgique. Sur le plan liturgique, deux mondes s’affrontent : la liturgie tridentine, la liturgie « moderniste ». Elles sont incompatibles l’une à l’autre. Sur ce sujet, il me semble que M l’abbé Barthe l’exprime fort bien dans une synthèse difficilement dépassable, dans son dernier livre : « la messe à l’endroit », à la page 11et 12. Son expression est toujours un peu difficile. Je partage son jugement : nous assistons dans la liturgie moderne à une « déritualisation ». Venez assister à une messe chrismale et vous en serez convaincu ! Vous avez également un « pluralisme » rituel…Qu’est devenue dans bien des églises la messe de Paul VI ? Vous avez également « un aplatissement du symbolisme liturgique », l’envahissement d’une « pédagogie de monitions », bien évidemment « le retournement de l’autel, si possible placé au centre de l’assemblée, la mue du célébrant hiérarchique en acteur personnel ». Oui ! Ce sont là quelques caractéristiques de la liturgie moderne. « Tout a contribué, dit-il, à faire (bien gauchement d’ailleurs) du culte divin une sorte de théâtralité accordée à la modernité, et donc, à faire que la dramaturgie liturgique cesse largement d’être … une réprobation de ce monde ». Or la vraie « liturgie chrétienne au sein du monde moderne ne peut qu’être critique de ce monde ». C’est très juste. La liturgie classique est « théandrique ». Le monde moderne « anthropocentrique ». Le culte divin est louange et adoration de Dieu. Le monde moderne est replié sur lui-même. Ainsi « s’adapter à ce monde, c’est disparaître. Ce qui est advenu »….Dès lors, « l’aspect de rupture de l’univers rituel catholique par rapport à la modernité individualiste a ainsi largement disparu. La conciliation – d’autant plus maladroite qu’elle est par la force des choses partielle – avec la « culture » que cette modernité sécrète fait que le culte divin a cessé d’avoir la pleine force d’invitation à tout « restaurer dans le Christ » . C’est ainsi que le profane, d’une manière non totale, certes, mais cependant d’une manière assez massive, est entrée dans le sanctuaire. : « idéologiquement, par la refabrication de rites où le subjectif de la célébration du groupe centré sur lui-même s’impose sensiblement par un abandon de l’hiératisme rituel, de la langue sacrée, de la prière « vers le Seigneur », de l’adoration exprimée au moyen d’une gestuelle et d’un silence de prosternation. On a ainsi concédé à la société moderne une atténuation de ce qu’elle n’est plus en mesure d’entendre : la valeur de la messe comme sacrifice offert pour les péchés, la présence réelle du Christ sous les espèces eucharistiées, la différence/similitude du sacerdoce de l’Homme-Dieu exprimant précisément l’action du Christ-Tête ». (p. 11-12). Ces dernières valeurs, rappelées heureusement ici par l’abbé Barthe, sont essentielles à la doctrine catholique et parfaitement exprimée dans le rite tridentin. Oui ! Sa « gestuelle » et ses prières les expriment à la perfection. Elles sont de l’essence du sacrifice de la messe.

Ce sont bien, alors, deux mondes qui s’affrontent. Ils sont incompatibles, inconciliables. Cette critique n’est pas outrancière. Elle est juste. Voilà la réalité, même si elle ne s’exprime pas partout, dans les églises paroissiales, heureusement, dans toute cette acuité.

Les choses en sont là aujourd’hui. Une « cohabitation » avec cette liturgie moderne – qui n’est souvent plus la liturgie de Paul VI,- mais il faut reconnaître que toutes les initiatives étaient permises – est pour moi, impossible. Il faut procéder à l’arrêt de ce qui est devenu une vraie subversion. Il faut comme le dit M l’abbé Barthe, « subvertir cette idéologie d’ouverture ». Aussi est-il légitime de se poser la question de la simple possibilité de procéder à la « Réforme de la Réforme » voulue par le cardinal Ratzinger. La liturgie de Paul VI, ici décrite, est-elle seulement réformable ?

Et pourtant l’Eglise doit nécessairement restaurer sa tradition liturgique.
Il n’y aura pas de réconciliation profonde et donc d’unité des esprits et des cœurs dans le monde sacerdotal -ce qui est hautement souhaitable – sans la réforme liturgique. La réconciliation par la réforme liturgique doit être le maître mot aujourd’hui … dans l’Eglise.

Mais dans cette réforme qui aboutira à une vraie réconciliation, il faut avoir le sens du possible et, dans ce domaine liturgique, aller du mieux au bien. M l’abbé Barthe suggère, dans un premier temps, de retenir cinq points :
-« Réintroduire l’usage de la langue liturgique latine, spécialement par l’utilisation du chant grégorien ( kyriale, Pater, si possible chant des parties du propre de la messe),
-Distribuer la communion selon le mode traditionnel,
-User de la première prière eucharistique, si possible en latin, et sans trop élever la voix,
-Orienter la célébration vers le Seigneur au moins à partir de l’offertoire,
-User en silence de l’offertoire traditionnel.
Avec en parallèle, la célébration de « la forme extraordinaire », la forme tridentine, qui viendra tout naturellement s’intégrer dans une vie liturgique paroissiale animée de cette réforme et qui la soutiendra efficacement. Et voilà pourquoi Benoît XVI demande la célébration paroissiale du rite tridentin au milieu du rite « ordinaire ». (p. 96)

Voilà qui serait beaucoup. Voilà qui favoriserait réellement une réconciliation sacerdotale.
Voilà ce que veut le pape.

Mais je n’ai pas l’impression que l’instruction aille vraiment dans ce sens.
Il faut l’aider. Le temps fera son œuvre.

La FSSPX et ses nombreux prêtres, en s’insérant dans l’Eglise, tout en gardant bien sur la fidélité à la messe tridentine, à la doctrine, peut y contribuer…Que craignent-ils donc? Leurs évêques sont leur protecteur. Ils le montrent hautement.

 

 

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