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Doctrine de saint Thomas d’Aquin sur le baptême. Quatrième leçon

publié dans la doctrine catholique le 30 mars 2018


Le baptême

4ème leçon

De la nécessité du baptême

 

 

De la nécessité du baptême. C’est l’objet du chapitre 16ème  du catéchisme du Concile de Trente. C’est l’objet de la question 68 de la IIIa pars de la Somme de saint Thomas : « Ceux qui reçoivent le baptême ».

 

Le catéchisme attire tout d’abord l’attention des fidèles  sur l’importance de cette  question : de la nécessité du baptême.  De la réception du baptême, NSJC en a fait une loi absolue, « si rigoureuse que ceux qui ne seraient pas régénérer en Dieu par la grâce de ce Sacrement, ne viendraient au monde que pour leur malheur et leur perte éternelle, que leur parents fussent d’ailleurs chrétiens ou païens ». C’est pourquoi on ne peut  absolument pas  laisser ignorer aux fidèles cette loi.

 

Cette loi trouve sa vérité, son fondement  dans la phrase de NSJC : « Si quelqu’un n’est pas régénéré par l’eau et par l’Esprit, il ne peut entrer dans le Royaume de cieux »  (Jn 3 5). C’est ce texte qu’utilise saint Thomas dans le « sed contra » de l’article 1 de la question 68.

 

C’est dire combien ce sacrement est nécessaire pour la vie éternelle.

Dans cet article 1, sain Thomas se pose la question : « Tous les hommes sont-ils tenus de recevoir le baptême?   Les adultes comme les petits.

Voici son argumentation. Il est fondé sur l’universalité du salut dans le Christ. Le Christ est notre unique Sauveur. Saint Pierre l’a affirmé un jour devant le Sanhédrin : « Il n’y a pas d’autre nom par lequel nous puissions être sauvé ». Saint Thomas utilise l’enseignement de saint Paul aux Romains : (Rm 5, 12) : « De même que par la faute d’un seul ce fut la condamnation pour tous les hommes, de même par la justice d’un seul, c’est pour tous les hommes la justification qui donne la vie. » (Rm 5 12)  Le Christ est bien l’unique moyen sans lequel le salut est impossible. Les Apôtres sont formels :  nul ne peut trouver le salut que par le Christ. Or le baptême est le moyen nécessaire qui nous incorpore au Christ  en devenant un de ses membres; c’est ce que dit S. Paul (Ga 3, 27) : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ » .  « Il est donc évident que tous sont tenus au baptême, et que sans lui il ne saurait y avoir de salut pour les hommes ».

Le Père Pègues résume ainsi cet article 1er de la question 68 de la tertia pars : «Est-ce que tous les hommes sont tenus de recevoir le Baptême ? »

« Oui, répond-il, tous les hommes sont tenus, de façon, la plus absolue à recevoir le Baptême : de telle sorte, quand il s’agit des adultes, que, si, pouvant le recevoir, on ne le reçoit pas en effet, il est impossible d’être sauvé. Et cela, parce que c’est pas le Baptême que nous sommes incorporés à Jésus-Christ : or, depuis le péché d’Adam, nul, parmi les hommes, ne peut être sauvé que s’il est incorporé au Christ (68 1 et 2)

Le baptême est le moyen nécessaire de cette incorporation au Christ, seul source de salut. Le baptême est le moyen de  cette incorporation. Et nul ne peut refuser le moyen qui mène au salut : le baptême.

Et saint Thomas dans le ad primum donne des précisions particulièrement utile sur la foi et le baptême.

La baptême n’a pas toujours existé…alors quid du salut des anciens avant la venue du Christ ? Voici la réponse qu’il faut garder en mémoire :

« Jamais les hommes ne purent être sauvés, même avant la venue du Christ, s’ils ne devenaient membres du Christ, car  » il n’y a aucun autre nom qui ait été donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés  » (Ac 4, 12). Avant la venue du Christ les hommes étaient incorporés au Christ par la foi à sa venue future, foi dont le  » sceau  » était la circoncision (Rm 4, 11). Avant l’institution de la circoncision, c’était par la foi seule, dit S. Grégoire, que les hommes étaient incorporés au Christ, foi accompagnée d’offrandes et de sacrifices, par lesquels les anciens Pères professaient leur foi.

Mais depuis la venue du Christ, c’est encore par la foi que les hommes sont incorporés au Christ (Ep 3, 17) : « Le Christ habite dans vos cœurs par la foi. » Mais la foi à une réalité présente s’exprime par un signe autre que celui qui la manifestait quand cette réalité était encore à venir; de même que c’est par des mots différents que l’on exprime le présent, le passé et le futur. Ainsi, bien que le sacrement de baptême lui-même n’ait pas toujours été nécessaire au salut, la foi, dont le baptême est le sacrement, a toujours été indispensable.

C’est donc que pour être sauvé, il faut avoir reçu nécessairement le baptême !

Mais peut-on être sauvé sans le baptême ?

C’est l’article 2 de la question 68. Elle est importante. Elle nous apporte des nuances :

Peut-on être sauvé sans le baptême?

 

Deux cas sont possibles :

1-Celui qui refuse le baptême et ne veut pas être bapêtisé, il méprise ce sacrement (s’il a l’usage du libre arbitre). Dès lors « Ceux à qui le baptême fait défaut de cette façon ne peuvent parvenir au salut, puisque ni sacramentellement, ni spirituellement, ils ne sont incorporés au Christ qui seul peut nous sauver ».

2-Mais on peut n’être pas baptisé de fait, mais en avoir le désir. C’est le cas de celui qui désire être baptisé, mais qui par accident est surpris par la mort avant d’avoir pu recevoir le baptême. Celui-là, sans avoir reçu de fait le baptême, peut parvenir au salut, à cause du désir du baptême, qui procède de la foi  » qui agit par la charité », et par laquelle Dieu, dont la puissance n’est pas liée aux sacrements visibles, sanctifie intérieurement l’homme. Ainsi S. Ambroise dit-il de Valentinien qui mourut catéchumène : « Celui que je devais régénérer, je l’ai perdu, mais lui n’a pas perdu la grâce qu’il avait demandée. »

C’est pourquoi le Père Pègues peut répondre comme il le fait à la question :

« Ne suffit-il pas de la foi et de la charité pour être incorporé à Jésus-Christ par la grâce et par suite être sauvé ?

« Sans doute, répond-il. Mais la foi ne peut être sincère et la charité ou la grâce ne peut se trouver dans l’âme si on les sépare, par sa faute du Baptême que est le sacrement de la foi et qui est destiné à produire dans l’âme la première grâce qui nous unit à Jésus-Christ ». (68 2)

Après ces généralités très importantes sur la nécessité du baptême pour tous, le catéchisme du Concile de Trente, aborde le problème du baptême des enfants.

Doivent-ils être baptisés ?

Saint Thomas n’aborde cette question importante qu’à la fin de son traité, à l’article 9.

Le catéchisme du Concile de Trente enseigne que la loi du baptême ne concerne pas seulement les adultes, mais même les petits. Il écrit : Et cette loi ne regarde pas seulement les adultes, l’autorité et les témoignages de Pères établissent qu’elle atteint même les petits enfants, et que l’Eglise l’a reçue de la tradition apostolique.

Cette référence à la tradition apostolique  est déjà pour le Catéchisme du Concile de Trente un argument péremptoire.

Mais le catéchisme multiplie les arguments.

Il invoque en premier lieu l’attitude de NSJC vis-à-vis des enfants durant sa vie publique :

Comment aurait-il pu refuser  aux enfants « le sacrement et la grâce du baptême »  lui qui aimait tant les enfants : « Laissez les petits enfants et ne les empêcher pas de venir à moi, parce que le Royaume de cieux est pour ceux qui leur ressemblent » (Mt 19 14) ; lui qui les embrassait, les bénissait et leur imposait les mains.

La tradition apostolique est l’argument, vous dis-je utilisé par le Concile et le Concile alors de citer l’exemple de saint Paul et de saint Pierre. De saint Paul qui baptisa un jour une famille toute entière. « Or n’est-il pas assez naturel de supposer que les enfants qui faisaient partie de cette famille furent également purifiés par cette eau salutaire » (p 172)

Le catéchisme invoque l’exemple de la circoncision. Elle était imposée à tous les enfants mâles le huitième jour de leur naissance. Or la circoncision est la figure du baptême, pourquoi ne serait-il pas imposé aux enfants au plutôt. ?

Voici ensuite l’argument théologique. Les enfants sont touchés par le péché originel. La preuve : ils sont mortels. Or la mort est entrée dans le monde par le péché d’Adam. Il faut qu’ils en soient purifiés. Ils le seront par la réception du baptême.

Le Catéchisme reprend purement et simplement l’argument de saint Thomas  développé  dans l’article 9 : « L’Apôtre dit aux Romains (5, 17) : « Si par le péché d’un seul la mort a régné par un seul (c’est-à-dire par Adam) à plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus Christ. » Or les enfants, par le péché d’Adam, contractent le péché originel : on le voit à ce qu’ils sont soumis à la mortalité qui, par le péché du premier homme, est passée à tous les autres, dit l’Apôtre au même endroit. Aussi, et à plus forte raison, les enfants peuvent-ils par le Christ recevoir la grâce qui les fera régner dans la vie éternelle. Mais le Seigneur lui-même a dit (Jn 3, 5) : « Nul, s’il n’est rené de l’eau et de l’Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Aussi est-il nécessaire de baptiser les enfants; puisqu’à leur naissance ils encourent par Adam leur condamnation, il faut qu’en renaissant ils reçoivent du Christ leur salut.

Le catéchisme alors d’en tirer les conséquences : il faut baptiser les enfants et les enseigner dans la foi et la pratique des vertus et cela dès le plus jeune âge :

(p 173) : « C’est pourquoi les pasteurs enseigneront qu’il est de toute nécessité de baptiser les enfants et ensuite de les former peu à peu dès l’âge le plus tendre, et par les préceptes de la Religion chrétienne, à la pratique de la vraie piété et là il cite un argument repris par Saint Thomas à la fin de son article 9 : « Il convient aussi de baptiser les enfants pour que, nourris dès l’enfance dans la vie chrétienne, ils y persévèrent avec plus de fermeté, selon ce que disent les Proverbes (22, 6) : « Le jeune homme, une fois engagé dans sa voie, ne la quittera pas, même devenu vieux. » Et c’est la raison que donne Denys dans le texte cité ».

Mais cette pratique, même si elle a la tradition apostolique en sa faveur, n’en reste pas moins étonnante car :

« Chez celui qui reçoit le baptême est requise, comme on l’a dit, l’intention de recevoir le sacrement. Or les enfants, qui n’ont pas l’usage de leur libre arbitre, ne peuvent avoir cette intention. Il semble donc qu’ils ne peuvent pas recevoir le sacrement de baptême ». C’est la première objection que se fait saint Thomas..

«  Le baptême, comme on l’a dit plus haut, est le sacrement de la foi. Mais les enfants n’ont pas la foi, puisqu’elle consiste, dit S. Augustin  » dans la volonté de ceux qui croient ». On ne peut pas dire non plus qu’ils sont sauvés par la foi des parents, puisque parfois les parents sont infidèles, et que leur infidélité pourrait perdre leurs enfants. Il semble donc que les enfants ne peuvent pas être baptisés ». C’est la deuxième objection que se fait saint Thomas.

«  on ne peut pas non plus de les interroger, puisqu’ils ne comprennent pas. Donc il ne faut pas les baptiser ». C’est la troisième objection.

A la première objection, Saint Thomas répond en usant d’un argument analogique : l’enfant dans le sein de sa mère est à sa mère comme l’enfant à baptiser est à l’Eglise. L’enfant dans le sein de mère ne  se nourrit pas par lui-même mais par sa mère. Ainsi en est-il de l’enfant aux fonds baptismaux : il ne reçoit pas le salut par lui-même –il n’a pas encore l’usage de la raison- mais par « les actes de l’Eglise » qui veut son baptême. Voici l’argument de saint Thomas : « La régénération spirituelle opérée par le baptême ressemble à la génération charnelle en ceci : dans le sein maternel les enfants ne se nourrissent pas eux-mêmes, mais sont alimentés par la nourriture que prend leur mère; ainsi les enfants qui n’ont pas l’usage de la raison, comme s’ils étaient dans le sein de la Mère Église, reçoivent-ils le salut, non par eux-mêmes, mais par les actes de l’Église. » La Mère Église, dit S. Augustin, prête aux enfants sa bouche maternelle pour qu’ils soient abreuvés des saints mystères, puisqu’ils ne peuvent encore croire pour la justice avec leur propre cœur, ni confesser la foi pour le salut avec leur propre bouche. Mais si l’on a raison de les appeler fidèles parce qu’ils professent d’une certaine manière leur foi par la bouche de ceux qui les portent, pourquoi ne les appellerait-on pas aussi pénitents, puisque par la bouche de ceux qui les portent on les entend renoncer au diable et au monde?  » Et pour la même raison, on peut dire qu’ils ont l’intention de recevoir le baptême, non pas certes par un acte d’intention personnelle, puisqu’il leur arrive parfois de s’y opposer et de pleurer, mais par l’acte de ceux qui les présentent ».

A la deuxième objection, celle tiré de la foi que les enfants n’ont pas encore, Saint Thomas reprend, me semble-t-il, le même argument : les enfants son t portés par les actes de l’Eglise, par la communion des saints. Il cite saint Augustin : «  S. Augustin dit : « Dans l’Église du Sauveur les petits enfants croient par les autres ».

Le catéchisme de Trente reprend purement et simplement l’argument thomiste. Il écrit : « On ne peut douter que les enfants, au moment où ils reçoivent le Baptême, ne reçoivent en même temps le don mystérieux de la Foi ; non pas qu’ils croient par l’adhésion de leur intelligence, mais parce qu’ils sont comme revêtus et imprégnés de la Foi de leurs Parents, si leurs Parents sont croyants, ou s’ils sont infidèles, de la Foi de toute la société des Saints. (C’est la parole même de Saint Augustin). Car on peut dire avec vérité que les enfants sont présentés au Baptême par tous ceux qui désirent les y voir présenter, et dont la charité les fait admettre dans la Communion du Saint-Esprit ».

A la réponse de la troisième objection, nous avons le même principe de  réponse : les enfants sont portés par la foi de tous qui leur permettent de répondre aux interrogations. « De même qu’à son baptême l’enfant croit non d’une foi personnelle, mais par une foi des autres, de même il est interrogé, non lui-même, mais en la personne des autres, et ceux qui sont interrogés confessent la foi de l’Église en son nom; il est agrégé à cette foi par le sacrement de la foi. Quant à la « bonne conscience », l’enfant l’acquiert en lui-même, non pas encore en acte, mais en habitus, par la grâce sanctifiante ». On peut résumer l’argument du catéchisme en utilisant l’expression : « dans l’intention de l’Eglise » (Art 9 ad primum)

La conclusion est claire : « Il faut donc engager fortement les Fidèles à porter leurs enfants à l’Eglise, et à les faire baptiser avec les cérémonies consacrées, dès qu’ils pourront le faire sans danger. Les enfants n’ont pas d’autre moyen de salut que le Baptême. Ce serait une faute, et une faute grave, de les laisser dans la privation de la grâce de ce Sacrement plus longtemps que la nécessité ne l’exige. Et il ne faut pas oublier que la faiblesse de leur âge les expose à une infinité de périls mortels ». On voit l’importance que le Catéchisme porte à cette question de la nécessité du baptême pour les enfants.

Aussi à la question : « les enfants venus au monde et qui meurent sans recevoir le sacrement de baptême, peuvent-ils être sauvés ? Il faut répondre : non, les enfants venus au jour et qui meurent sans recevoir le sacrement de baptême, ne peuvent pas être sauvés : car il n’y a pour eux selon l’ordre établi par Dieu dans la société des hommes que ce moyen d’être incorporés à Jésus-Christ et de recevoir sa grâce sans laquelle il n’y a point de salut parmi les enfants d’Adam. (III 68 3)

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L’article 11 aborde un certains nombres de problèmes modernes, il est intéressant d’avoir les réponses de saint Thomas :

ARTICLE 11 : Peut-on baptiser les enfants qui sont encore dans le sein de leur mère?

Objections :

1. Le don du Christ est plus efficace pour notre salut que ne l’est le péché d’Adam pour notre damnation, dit S. Paul (Rm 5, 15). Mais les enfants sont, dès le sein de leur mère, condamnés à cause du péché d’Adam. Donc, et à plus forte raison, peuvent-ils être sauvés par le don du Christ, ce que fait le baptême. On peut donc baptiser les enfants dans le sein de leur mère.

2. L’enfant dans le sein de sa mère est quelque chose d’elle. Mais si l’on baptise la mère, tout ce qui est d’elle sera baptisé aussi. Il semble donc que si l’on baptise la mère, l’enfant qui est dans son sein sera baptisé aussi.

3. La mort éternelle est pire que la mort corporelle. Mais de deux maux il faut choisir le moindre. Donc, si un enfant dans le sein de sa mère ne peut être baptisé, il vaudrait mieux ouvrir la mère et en extraire l’enfant pour le baptiser, plutôt que de laisser l’enfant mourir sans baptême et aller à la mort éternelle.

4. Il arrive parfois qu’une partie seulement de l’enfant vienne d’abord, comme on le lit à propos de Thamar (Gn 38, 27) : « Lorsqu’elle accoucha, un des enfants étendit la main; la sage-femme y attacha un fil écarlate en disant : « Celui-ci est le premier. » Mais l’enfant retira sa main, et l’autre sortit. » Mais il arrive en pareil cas qu’il y ait péril de mort. Il semble donc qu’il faille baptiser la partie qui se présente, alors que l’enfant est encore dans le sein maternel.

Cependant : S. Augustin écrit « Personne ne peut renaître qui ne soit né d’abord. » Mais le baptême est une renaissance spirituelle. On ne peut donc baptiser quelqu’un avant qu’il sorte du sein maternel.

Conclusion :

Il est nécessaire au baptême que le corps du baptisé soit en quelque façon lavé dans l’eau, puisque le baptême, comme on l’a dit, est une ablution. Mais le corps d’un enfant, avant qu’il sorte du sein maternel, ne peut en aucune façon être lavé dans l’eau. A moins qu’on n’aille dire que l’ablution baptismale, qui lave le corps de la mère, atteint l’enfant qu’elle porte en son sein. Mais cela ne peut se faire, d’abord parce que l’âme de l’enfant, que le baptême est destiné à sanctifier, est distincte de l’âme de sa mère, – puis parce que le corps d’un enfant animé est déjà formé, et donc distinct du corps de sa mère. Ainsi le baptême que reçoit la mère ne rejaillit pas sur l’enfant. Aussi S. Augustin écrit-il contre julien : « Si le foetus appartenait au corps de la mère au point d’être considéré comme une partie d’elle-même, on ne baptiserait pas l’enfant dont la mère a été baptisée en cas de danger de mort au cours de sa grossesse. Comme néanmoins on baptise l’enfant, c’est donc que, même dans le sein de sa mère, il n’appartient pas au corps de celle-ci. »

Ainsi reste-t-il qu’en aucune manière on ne peut baptiser les enfants qui sont encore dans le sein maternel.

Solutions :

1. Les enfants dans le sein de leur mère ne sont pas encore venus à la lumière pour partager la vie des autres hommes. Aussi ne peuvent-ils être soumis à l’action de ceux-ci pour recevoir par leur ministère les sacrements qui leur donneraient le salut. Mais ils peuvent être soumis à l’action de Dieu, pour qui ils sont vivants, et par privilège recevoir la grâce de la sanctification, comme cela se voit pour les saints qui furent sanctifiés dans le sein de leur mère.

2. Les organes internes de la mère sont quelque chose d’elle par la continuité et l’union d’une partie matérielle avec le tout. Mais l’enfant dans le sein de sa mère est quelque chose d’elle par le lien qui attache l’un à l’autre deux corps distincts. Le cas n’est donc pas le même.

3. On ne doit pas faire le mal pour qu’en sorte le bien », dit S. Paul (Rm 3, 8). Il n’est donc pas permis de tuer la mère pour baptiser son enfant. Cependant, si la mère est morte et que l’enfant vive encore dans son sein, il faut l’ouvrir pour baptiser l’enfant.

4. A moins qu’il y ait péril de mort, il faut attendre, pour donner le baptême, que l’enfant soit entièrement sorti. S’il y avait danger de mort imminente, et que sorte la première la tête, qui est le siège du sentiment, il faudrait baptiser l’enfant. Et il n’y aurait pas à le rebaptiser ensuite, s’il vient à naître entièrement. Il faudrait faire de même, en cas de péril imminent, quelle que soit la partie du corps qui se présente. Cependant, comme la perfection de l’homme ne réside en aucune partie comme dans la tête, certains tiennent qu’à cause du doute il faut, l’accouchement achevé, et quelle que soit la partie du corps qui a reçu l’eau, que l’enfant soit baptisé ainsi  » Si tu n’es pas baptisé, je te baptise. »

Je résume : Peut-on, dans un péril de mort, baptiser les enfants qui sont dans le sein de leur mère ?

Non !  Même dans un péril de mort, on ne peut pas baptiser les enfants qui sont dans le sein de leur mère ; car jusqu’à ce qu’ils soient venus au monde, ils n’appartiennent pas à la société des hommes, de telle sorte qu’ils soient soumis à leur action  pour la réception des sacrements en vue du salut ; et l’on doit, dans ce cas s’en remettre à Dieu et au privilège de son action selon qu’il peut lui plaire de l’exercer (III 68 11 ad 1um)

 

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Quant aux adultes, qu’en est-il pour eux qui ont l’usage de leur raison ?

Quant aux adultes qui ont le parfait usage de leur raison et qui sont nés de parents infidèles, la conduite à tenir est toute différente que celle que l’Eglise tient à l’égard des enfants.

Premièrement : Il faut les instruire d’abord des vérités de la foi  chrétienne, et puis les exhorter, les exciter, les inviter avec la plus grande ardeur à l’embrasser. S’ils se convertissent au Seigneur, on les avertira de ne pas différer à recevoir le baptême au-delà du temps prescrit par l’Eglise. Car il est écrit : « ne tardez pas à vous convertir au Seigneur et ne différez pas de jour en jour ». Il faut leur apprendre que la conversion complète ne se trouve que  dans la régénération baptismale.

Le catéchisme de Trente explique cette disposition de l’Eglise à leur égard :

« Plus ils viendront tard au Baptême, plus longtemps aussi ils demeureront privés de l’usage et de la grâce des autres Sacrements, qui sont l’âme, en quelque sorte, de toute la Religion chrétienne, puisque le Baptême seul ouvre les portes qui conduisent jusqu’à eux » .

S’ils tardaient par leur faute : « ils renonceraient également aux avantages immenses que ce premier Sacrement renferme. C’est qu’en effet l’eau salutaire du Baptême efface et détruit les taches et les souillures de tous les péchés commis auparavant, en même temps qu’elle orne notre âme de cette Grâce divine dont le secours et la force nous font désormais éviter le mal et conserver la justice et l’innocence, — deux choses dans lesquelles se résume toute la Vie chrétienne, comme il est facile de le voir ».

Deuxièmement :  l’Eglise n’ pas l’habitude de « donner le Baptême aux adultes aussitôt après leur conversion. Elle veut au contraire qu’on le diffère un certain temps ».

Ce retard n’entraîne point pour eux les dangers qui menacent les enfants, ainsi que nous l’avons dit plus haut. Comme ils ont l’usage de la raison, le désir et la résolution de recevoir le Baptême, joints au repentir de leurs péchés, leur suffiraient pour arriver à la grâce et à la justification, si quelque accident soudain les empêchait de se purifier dans les Fonts salutaires.

Pourquoi ce retard dans la réception du baptême ?  

Le Catéchisme nous en donne plusieurs raisons qui sont purement et simplement celles que saint Thomas expose dans l’article 3 de la question 68 :

« Ces retards ont bien leur utilité.

1-     Puisque l’Eglise est chargée de veiller, et avec la plus grande sollicitude, à ce que personne ne s’approche de ce Sacrement par un esprit de dissimulation et d’hypocrisie, elle connaît et apprécie mieux, en différant le Baptême, la sincérité de ceux qui le demandent. Voilà pourquoi les anciens Conciles avaient décrété que les Juifs qui se convertiraient à la Foi catholique, resteraient pendant plusieurs mois au rang de simples Catéchumènes, avant d’être admis à recevoir le Baptême.

2-     D’un autre côté ce retard permet d’instruire les Adultes d’une manière plus parfaite des règles de la Vie chrétienne, et des principes de la Foi dont ils doivent faire profession.

3-     Enfin on rend à ce Sacrement tout l’honneur qu’il mérite, en le recevant d’une manière solennelle, et avec les cérémonies de l’Eglise, aux fêtes de Pâques et de la Pentecôte ».

Cependant il y a quelquefois des raisons graves et même nécessaires de ne pas différer le Baptême aux Adultes, par exemple s’ils se trouvent en danger de mort, ou s’ils sont parfaitement instruits des Mystères de la Foi. C’est ce que firent Saint Philippe et le prince des Apôtres. Saint Philippe baptisa le serviteur de la reine d’Ethiopie, et Saint Pierre le centurion Corneille, l’un et l’autre sans aucun retard, et dès qu’ils eurent déclaré qu’ils étaient prêts à embrasser la Foi.

Voici le texte de saint Thomas dans l’article 3 :  « Quant aux adultes, ils peuvent avoir le secours du seul baptême de désir, comme nous l’avons dit à l’Article précédent. Par conséquent, il ne faut pas leur conférer le sacrement dès leur conversion, mais il faut leur imposer un certain délai. D’abord par prudence, pour que l’Église ne se laisse pas tromper par ceux qui viendraient avec des sentiments feints (1 Jn 4, 1) : « Ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour voir s’ils viennent de Dieu. » Pour les candidats au baptême, cette épreuve consistera à examiner leur foi et leur conduite pendant un certain temps. – Ensuite, cela est nécessaire pour le profit des candidats eux-mêmes; ils ont besoin de quelque délai pour être pleinement instruits de la foi, et pour s’exercer aux devoirs de la vie chrétienne. – Enfin cela est nécessaire pour le respect que nous devons aux sacrements; si les candidats sont admis au baptême lors des solennités majeures de Pâques et de la Pentecôte, ils reçoivent le sacrement avec plus de dévotion.

Ce délai peut être supprimé pour deux raisons. D’abord quand ceux qui doivent être baptisés paraissent parfaitement instruits dans la foi et aptes au baptême; ainsi Philippe baptise immédiatement l’eunuque, et Pierre, Corneille et ses compagnons (Ac 8, 36 et 10, 47). – Ensuite en cas de maladie ou de danger de mort. Aussi le pape Léon Il, dit-il : « Ceux que pressent le danger de mort, la maladie, un siège, la persécution ou le naufrage, doivent être baptisés en tout temps. » Si pourtant quelqu’un qui attend l’époque fixée par l’Église est surpris par la mort et empêché de recevoir le baptême, il est sauvé, comme nous l’avons dit « à travers le feu ». Et il y aurait cependant péché à différer le baptême au-delà du temps fixé par l’Église, sans raison et sans autorisation des supérieurs ecclésiastiques. Mais ce péché peut comme les autres être effacé par la contrition qui tient lieu du baptême, nous l’avons dit »

 

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