Le mystère de la Résurrection du Seigneur (2)
publié dans la doctrine catholique le 31 mars 2018
Dimanche de la Résurrection
2018
La Résurrection
Vainement les ennemis de Jésus avaient espéré que sa mort leur donnerait quelque répit (Mat., XXVII, 62-66). A peine fut-il dans la tombe qu’ils se rappelèrent ses prédictions. N’avait-il pas annoncé qu’au troisième jour, il ressusciterait ; qu’il ne leur accordait qu’un signe, celui de Jonas enseveli trois jours dans les flots pour en sortir plein de vie ; qu’un temple mystérieux serait détruit et réédifié en trois jours ?
Ces souvenirs les assaillirent dans la nuit, et leur trouble fut tel, que nous les voyons dès l’aube assemblés de nouveau.
C’était pourtant le lendemain de la Parascève, fait remarquer saint Matthieu, au matin du grand sabbat de la Pâque. Mais tout cédait à leurs terreurs, le repos sacré lui-même, et ils bravèrent le sacrilège de conférer avec un païen dans ce jour solennel.
Pontifes et pharisiens allèrent ensemble chez Pilate : « Seigneur, dirent-ils, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, pendant qu’il vivait encore : Après trois jours, je ressusciterai. Ordonnez donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que ses disciples ne viennent le dérober et ne disent au peuple : « Il est ressuscité d’entre les morts ». « Car cette dernière erreur serait pire que la première ».
Pilate leur dit : « Prenez des gardes ; allez, gardez-le comme vous l’entendez ». Ils allèrent donc, et pour empêcher qu’on n’ouvrit le sépulcre, ils en scellèrent la pierre et y posèrent des soldats romains.
Tandis que les sanhédrites prenaient ainsi leurs sûretés contre Jésus, le commun des Juifs avait abandonné le Calvaire pour ne songer qu’aux cérémonies de la Pâque.
Durant ce jour que se passa- t-il dans le cœur des disciples ? Pour eux aussi tout n’était-il pas fini, leurs rêves dissipés, leur abattement d’autant plus profond que l’attente avait été vive et légitime ? Nous serions curieux de connaître les entretiens d’hommes si cruellement déçus. Nous serions curieux aussi d’entendre leurs plaintes et leurs regrets. Mais l’Évangile se tait sur les angoisses qu’ils éprouvèrent. Il ne marque que leur fidélité à la Loi (Luc, XXIII, 56) : « Selon le commandement, dit-il, le repos du sabbat fut gardé. »
Toutefois si l’on attendait plus rien du Maître enseveli, on l’aimait toujours. Les dernières à quitter son tombeau, les femmes qui l’avaient suivi de Galilée, furent les premières à y retourner, ayant hâte d’embaumer le Seigneur avec plus de soin que n’avait fait Nicodème. La plupart d’entre elles, après le crucifiement, avaient eu le temps de préparer la myrrhe et les aromates ; revenues plus tard du Calvaire, Marie Magdeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, ne purent acheter leurs parfums qu’au soir du lendemain, après le repos sacré ; mais au milieu de la nuit suivante toutes étaient prêtes, et elles se levèrent pour accomplir leur pieux devoir.
Il faisait sombre encore quand, devançant le premier jour de la semaine, elles sortirent de la ville (Joan, XX, 1) (Marc, XVI, 1-3) : « Qui, nous ôtera la pierre de l’entrée du sépulcre ? » se disaient-elles. A entendre ces paroles, il semble que Marie Magdeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé, nommées par saint Marc, se trouvent seules en ce moment, car toutes réunies les saintes femmes n’auraient point désespéré de remuer la porte du tombeau. Leurs compagnes suivaient sans doute, mais de loin.
Les trois Galiléennes étaient encore à quelque distance du jardin, quand tout à coup la terre trembla sous leurs pieds (Mat. XXVIII, 2-4). L’ange du Seigneur descendit des cieux, et s’approchant, roule la pierre qui fermait le sépulcre. Il était déjà vide, car Jésus était ressuscité avant l’aurore et sans éclat. L’ange s’assit sur la pierre ; son visage était plus brillant que l’éclair, ses vêtements d’une blancheur de neige ; les gardes en sont tellement saisis, qu’ils tombent comme morts, et bientôt s’enfuient à la ville.
Trop éloignées du tombeau pour voir ce qui se passait, les saintes femmes hésitent un instant, mais rassurées par le silence, elles entrent dans le jardin, et, s’enhardissant à lever les yeux, voient la pierre écartée ; elle est grande. Cela frappe leurs regards (Marc, XVI, 4).
A cette vue, Magdeleine s’élance vers Jérusalem : plus de doute, le tombeau du Maître est violé, son corps à l’abandon (Joan, XX, 2). Elle court, elle appelle ses amis : Jean, le bien-aimé ; Pierre, qui, dans la demeure de celui-ci, pleure peut-être, près de Marie sa faute et la mort de Jésus : « Ils ont enlevé le Seigneur du sépulcre, et nous ne savons ce qu’ils en ont fait ».
Les disciples y volent, mais ne trouvent plus Marie, mère de Jacques, ni Salomé ; elles venaient de s’enfuir, « transportées d’épouvante et de joie » tout ensemble (Marc, XVI, 8).
Restées seules après le départ de Magdeleine, les deux femmes étaient entrées dans l’intérieur du tombeau. Elles y trouvent un ange assis au côté droit de la grotte ; son aspect est celui d’un jeune homme vêtu de blanc. Elles frémissent à sa vue, et la crainte enchaîne leur langue, mais il les rassure : « Ne craignez rien, dit-il ; je le sais, vous cherchez Jésus de Nazareth qui fut crucifié : il est ressuscité, il n’est plus ici ; venez et voyez le lieu où on l’avait mis. Hâtez-vous d’annoncer à Pierre et aux disciples qu’il est ressuscité des morts ; il sera devant vous en Galilée ; c’est là que vous le verrez, selon qu’il vous a prédit ; je vous en avertis d’avance ! »
Les deux femmes sortent du sépulcre, partagées entre le bonheur et l’effroi ; mais bientôt la crainte l’emporte, et elles s’enfuient, n’osant redire ce qu’elles venaient de voir et d’entendre.
Cependant les deux apôtres sont parvenus au jardin (Joan, XX, 3-10). Tous deux couraient ensemble, mais Jean arrive le premier. Redoutant de pénétrer dans le tombeau, il se penche pour regarder à l’intérieur et n’aperçoit que les linges posés à terre. Pierre le rejoint enfin, entre sans hésiter, et voit non seulement ces bandelettes, mais le suaire qui enveloppait la tête de Jésus roulé à part dans un coin. Rassuré, Jean le suit et partage son admiration. Dans la tombe vide, nulle trace de violence ; les étoffes n’avaient été ni enlevées, ni abandonnées à la hâte, mais pliées avec soin. A ce signe, les yeux des apôtres s’ouvrent ; ils croient alors ce qu’une connaissance plus profonde de l’Ecriture leur eût d’abord révélé : « qu’il fallait que le Christ ressuscitât des morts, » (Luc, XXIV, 12). Ils retournent à leurs demeures pleins de joie, admirant en eux-mêmes ce qui était arrivé.
Les saintes femmes et les deux apôtres avaient cru sur le témoignage de l’ange, mais il était réservé à Marie de Magdala d’apercevoir la première Jésus ressuscité (Joan, XX, 11-18).
Revenue au tombeau, elle se tenait dehors pleurant, et tout en pleurant elle se baisse pour regarder au fond : elle y vit deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l’un à la tête, l’autre aux pieds : « Femme, dirent-ils, pourquoi pleurez-vous? – C’est qu’ils ont enlevé mon Seigneur, répondit-elle, et je ne sais où ils l’ont mis ». Et ayant dit ces mots elle se retourne, aperçoit un homme, et l’entend qui disait : « Femme, pourquoi pleurez-vous? Qui cherchez-vous? » C’est le jardinier, pense-t-elle ; peut-être a-t-il pris le corps pour le soustraire aux outrages : « Seigneur, répondit-elle, si vous l’avez enlevé, dites-moi où vous l’avez mis : j’irai et je l’emporterai ». Jésus ne répondit qu’un mot : « Marie ! » et Magdeleine reconnait la voix qui l’avait tant de fois consolée. Elle se précipite aux pieds de Jésus : « Maître ! » s’écrie-t-elle, et, dans le transport de sa joie, elle cherche à saisir le corps transfiguré qu’elle n’avait plus revu depuis le Calvaire. Jésus l’arrête, car il la voyait trop attachée à son humanité. « Ne me touche pas, dit-il, car je ne suis pas encore monté à mon Père ; mais va trouver mes frères et dis-leur : Je monte à mon Père et à votre Père, à mon Dieu et à votre Dieu ».
Sublime message, où le Sauveur annonçe à ceux qu’il venait de racheter que maintenant ils n’avaient plus d’autre Père que le sien, et qu’ils devaient détacher leur cœur de la terre, pour suivre par la foi Jésus dans les cieux.
Marie Magdeleine se lève et porte aux disciples cette parole : « J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’il m’a dit. » Mais ni Pierre, ni Jean n’étaient encore revenus près de ceux-ci ; Magdeleine les trouve donc dans le deuil et les larmes (Marc, XVI, 10, 11). En vain leur annonçe-t-elle que Jésus vivait et lui était apparu ; sa voix émue, son ardente conviction, le transport où l’avait jetée la vue de son Dieu demeurent impuissants : ils ne la croient point.
Pendant que la messagère du Christ recevait ce triste accueil dans Jérusalem, d’autres Galiléennes s’approchaient du tombeau (Luc, XXIV, 1-9). Elles venaient, à l’exemple des deux Maries et de Salomé, embaumer le corps du Seigneur, et amenaient avec elles, outre quelques disciples, Joanna, épouse de Chusa, l’intendant d’Hérode Antipas.
A la vue du sépulcre ouvert, elles pressent le pas, et étant entrées dans l’intérieur y cherchent vainement le corps de Jésus. Comme elles s’arrêtent consternées, deux anges paraissent tout à coup devant elles, couverts de robes étincelantes. Saisies d’effroi, elles baissent les yeux : « Pourquoi, dirent les anges, cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? Il n’est plus ici, il est ressuscité. Souvenez-vous de ce qu’il vous disait étant encore en Galilée : Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs et crucifié, et qu’il ressuscite au troisième jour ». Elles se rappellent de faite ces paroles du Maître et vont porter la nouvelle aux onze et à tous les disciples.
Mais comme elles étaient sur la route, Jésus lui-même leur apparait (Mat. XXVIII, 8-10). « Salut, » dit-il. Elles s’approchent en tremblant, lui baisent les pieds et l’adorent. » « Ne craignez rien, poursuivit le Seigneur, allez dire à mes frères qu’ils aillent en Galilée, c’est là qu’ils me verront ». Les saintes femmes obéissent et vont annoncer aux apôtres qu’elles ont vu et touché le corps ressuscité de Jésus (Luc, XXIV, 9-11) ; mais leurs paroles ne trouvent pas plus de crédit que celles de Magdeleine.
Ce qu’elles disaient leur parait une rêverie, et ils s’obstinent à ne pas croire.
La haine avait rendu par contre plus clairvoyants les ennemis de Jésus (Mat., XXVIII, 11-15). Avertis par quelques-uns des gardes de ce qui s’était passé, les grands prêtres appelent les anciens d’Israël, et tiennent conseil sur ce qu’il convient de faire pour ôter toute créance au prodige.
Le temps ne permettait pas d’imaginer quelque explication habile ; ils se contentent de réunir une grosse somme d’argent et de la donner aux soldats en leur disant : « Vous attesterez que ses disciples sont venus de nuit, et ont dérobé le corps pendant que vous dormiez ; et si le gouverneur vient à le savoir, nous l’apaiserons et nous vous mettrons en sûreté ». Les soldats, prenant l’argent, font ce qu’on leur disait, et de bouche en bouche, ajoute saint Matthieu, cette fable a eu cours parmi les Juifs jusqu’au jour présent.
Les disciples d’Emmaüs – Jésus dans le Cénacle
Cependant la journée s’écoulait, et hormis Pierre et Jean, aucun disciple ne croyait encore à la résurrection du Maître. Vers le soir, deux d’entre eux sortirent de la ville et prirent le chemin d’Emmaüs, village situé à soixante stades vers le couchant (Luc, XXIV, 13-35). Le crucifiement, les prodiges du sépulcre, le bruit répandu par les femmes, faisaient l’objet de leur entretien. Pendant que leur esprit s’y perdait, Jésus s’approchant fait route à leurs côtés. Mais « leurs yeux étaient voilés, de sorte qu’ils ne le reconnurent point », et ils se taisent, croyant avoir affaire à un étranger.
« Que disiez-vous, demande le Seigneur, et que débattiez-vous si vivement sur la route ? » Les disciples le regardent avec une tristesse mêlée de défiance. « Etranger, dit l’un d’eux nommé Cléopas, seul dans Jérusalem ignores-tu donc ce qui s’y est passe en ces jours-ci ? – Quoi donc ? dit le Sauveur. – Mais Jésus de Nazareth, » répondent-ils, et tous deux, étonnés de son ignorance, rappelent à l’envi quel homme était ce Jésus, prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple. « Ne sais-tu pas que les princes des prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort, et l’ont crucifié ? Nous espérions qu’il délivrerait Israël ; cependant, après tout cela, voici déjà le troisième jour que ces choses ont été faites. Il est vrai que certaines femmes, qui sont des nôtres, nous ont fort effrayés. Etant allées avant le jour au sépulcre, elles n’ont point retrouvé son corps, et sont revenues nous dire que des anges leur ont apparu et leur ont dit qu’il était vivant. Quelques-uns de nous sont allés au sépulcre, et ont trouvé toutes choses comme les femmes avaient dit, mais pour lui ils ne l’ont point vu ».
C’était avouer qu’ils ne croyaient plus en Jésus et ne voyaient en lui qu’un prophète qui, après avoir brillé un instant, disparaissait comme tant d’autres ; n’espérant plus rien d’un homme mort, ils s’éloignaient tristement déçus : « O insensés et pesants de cœur, s’écria leur compagnon, qui ne pouvez croire ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses pour entrer dans sa gloire ? » Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur expliqua ce qui était dit de lui. Dans ce tableau où se trouve ébauchée la figure du Messie, il était facile à Jésus de montrer dépeintes, trait pour trait, sa passion, sa mort et sa résurrection. Mais seuls, que peuvent les livres saints, même commentés par une bouche divine ? Ils ne font luire aux yeux que les premiers rayons de la foi : pour éclairer et convaincre l’âme, il faut la grâce qui la pénètre.
Les trois voyageurs arrivent au bourg d’Emmaüs : Jésus feint de passer outre ; mais les disciples, enflammés par ce qu’ils venaient d’entendre, le forcent à s’arrêter : « Demeurez avec nous, dirent-ils, car il se fait tard et le jour est sur son déclin ». Jésus, cédant à leurs instances, entre dans la salle, où la place d’honneur lui est donnée, se met à table, prend du pain, le bénit, le rompit, et le donne à ses compagnons. Mais, entre les mains du prêtre éternel, le froment de la terre était devenue le pain des cieux ; en même temps, une grâce puissante opérait dans le cœur des disciples. Leurs yeux s’ouvrent enfin, ils reconnaissent Jésus, et bien qu’il disparaisse aussitôt, leur foi en sa résurrection n’en demeure pas moins ferme: « N’est-il pas vrai, se disent-ils l’un à l’autre, que notre cœur était tout brûlant en nous quand il nous parlait en chemin et nous découvrait le sens des Ecritures ? » Et se levant à l’heure même, ils retournent à Jérusalem pour faire part aux apôtres de ce qui s’était passé.
Ils trouvèrent les onze assemblés au cénacle et furent accueillis par ces paroles : « Le Seigneur est vraiment ressuscité ; il a apparu à Simon (Luc, XXIV, 31). » Et eux à leur tour racontent ce qui était arrivé dans la route et comment ils l’avaient connu à la fraction du pain. Mais leur parole n’obtint pas le même crédit que celle de Pierre (Marc, XVI, 12 , 13) ; ce voyageur cheminant avec eux, rompant le pain à leur table, n’était plus le Christ triomphant que Simon et les femmes avaient adoré. Loin de confirmer la foi naissante, ce nouveau témoignage ne contribua qu’à faire renaître le doute dans ces esprits mobiles ; et autour de la table où mangeaient les apôtres, l’incrédulité était grande encore, quand tout à coup Jésus apparut.
« La paix soit avec vous ! » dit-il. Leur premier sentiment est l’effroi (Joan, XX, 19). C’était bien le Seigneur qu’ils avaient devant les yeux ; ses traits, le son de sa voix, jusqu’à son salut accoutumé, tout empêchait de le méconnaître. Mais comment avait-il pu entrer sans bruit, les portes étant fermées par crainte des Juifs ? (Luc, XXIV, 36-13) N’était-ce pas un esprit ? Et ils s’épouvantent. Jésus les rassure : « C’est moi, dit-il, ne craignez point. Pourquoi vous troubler et raisonner ainsi dans vos cœurs ? Regardez mes pieds et mes mains ; c’est bien moi. Touchez et considérez qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’ai ». Et leur montrant ses pieds et ses mains percés, découvrant son côté, il leur fait contempler, toucher sa chair et ses blessures.
Saisis de joie et d’admiration, les apôtres demeuraient éperdus. Il fallait un dernier signe pour les convaincre : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » dit Jésus. Un morceau de poisson rôti et un rayon de miel se trouvaient sur la table. Il en mange, non qu’il eût faim, mais pour montrer que son corps ressuscité n’avait pas changé de nature. Prenant ensuite les restes, il les donne aux apôtres.
La paix ramenée dans les esprits, Jésus reproche aux siens la dureté de leur cœur, parce qu’ils n’avaient pas voulu croire ceux qui l’avaient vu ressuscité (Marc, XVI, 14). Mais aussitôt, reprenant sa compassion pour ces hommes grossiers, il ne songe plus qu’à relever leur courage par des promesses : « Paix à vous tous, dit-il de nouveau ; comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie » (Joan, XX, 21-23). Et soufflant sur eux en signe qu’il leur communiquait sa puissance : « Recevez l’Esprit-Saint ; les péchés que vous remettrez seront remis, ceux que vous retiendrez seront retenus ». Jamais autorité plus haute n’avait été conférée, car Jésus, par ces paroles, instituant le sacrement de pénitence, donnait à des hommes mortels le pouvoir de disposer des biens éternels, le droit d’ouvrir et de fermer les portes des cieux.
Or Thomas, l’un des douze, n’était pas avec eux quand Jésus apparut dans le cénacle (Jean, XX, 24-29). De tous c’était le plus enclin au doute ; aussi quand les disciples joyeux vinrent à lui et lui dirent : « Nous avons vu le Seigneur ! » il leur fit cette réponse : « Si je ne vois dans ses mains le trou des clous, et si je n’enfonce mon doigt à la place de ses clous et ma main dans son côté, je ne croirai pas ».
Et cependant, tout défiant qu’était Thomas, il n’en restait pas moins attaché au Maître qu’il pleurait, à ses frères dont il enviait la foi et le bonheur.
Huit jours plus tard nous le retrouvons avec eux, toujours incrédule et se consumant en regrets. Comme auparavant, les portes du cénacle étant closes, Jésus vint et se tint debout au milieu des disciples : « Paix à vous ! » dit-il, puis s’adressant à Thomas : « Mets ici ton doigt et vois mes mains, approche ta main et enfonce-la dans mon côté, et ne sois pas incrédule mais fidèle. – Mon Seigneur et mon Dieu ! » s’écria l’apôtre. Il ne demandait plus à toucher les plaies du Sauveur ; mais, prosterné à ses pieds, il l’adorait et implorait son pardon. Jésus, pour tout reproche, oppose à cette soumission tardive le mérite et le bonheur de tant d’âmes qui croiront en lui sans l’avoir vu : « Tu as cru, Thomas, parce que tu m’as vu : bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu! »