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Commentaire des psaumes du bréviaire romain Matines du dimanche Psaume 10 ( N°12)

publié dans couvent saint-paul le 2 décembre 2018


Commentaire des psaumes du bréviaire romain

De Matines du dimanche

Psaume 10

« In Domino confido : quomodo dicitis animae meae : Transmigra in montem sicut passer »

« Je me confie au Seigneur: comment dites-vous à mon âme : Emigrez sur la montagne comme un passereau ».

Le psalmiste affirme tout d’abord sa confiance en Dieu : « In Domino confido ». Il se confie dans  Seigneur, il reçoit de Dieu sa « sécurité ». Les psaumes expliqués plus haut en donne la justification : car, finalement, par sa toute-puissance,  Dieu sait abaisser les impies et élever les pauvres. Celui qui, aujourd’hui,  dans le Nouveau Testament, récite ce psaume, a plus de raison encore que dans l’Ancien Testament, de mettre sa confiance en Dieu puisqu’il a, dans son regard filial,  le beau sermon sur la Montagne, le sermon des Béatitudes et le très beau dogme du jugement final lors de la Résurrection des corps à la fin des temps, où le « juste » sera loué et exalté à la droite du Père. Celui qui croit au Seigneur a toutes les  raisons de se confier en Dieu : Il est le Toute-Puissance ; c’est de plus l’enseignement du Christ et de l’Eglise. Il n’est donc point de « tremblement » pour ceux qui se confie en Dieu.

Et c’est pourquoi il y a une totale « ardeur » (St Thomas), une grande ténacité dans sa confiance. C’est le sens de son exclamation, assez espiègle, je trouve,   lorsqu’il dit : « Comment dites-vous à mon âme », « comment pouvez-vous dire à mon âme : émigrez sur la montagne comme un passereau » qui fuit au plus petit bruit…Pourriez-vous penser que Notre Dame, au pied de la croix, totalement abandonnée à la volonté divine, « Stabat Mater dolorosa », eut pu fuir, son Fils agonisant sur la croix. « Comment pouvez-vous me dire : partez « émigrez sur la montagne comme un passereau »? Non je suis là et j’y reste ! « quomodo dicitis animae meae : Transmigra in montem sicut passer » « comment dites-vous à mon âme : Emigrez sur la montagne comme un passereau ». Oui ! Quelle audace ! Mais aussi quelle ardeur dans la confiance !

Ces paroles, nous dit saint Thomas, peuvent convenir aussi bien à David,  dans un sens historique ou littéral qu’au Christ lui-même, en sa Passion, d’un point de vue mystique, qui se  confie à son Père : « Je remets mon esprit entre vos mains ».  Mais ces paroles « Emigrez sur la montagne comme un passereau »  peuvent nous convenir à nous même dans un sens moral.

Saint Thomas, comme du reste saint Bruno, dans son commentaire sur les psaumes, interprètent cette strophe, et cette « montagne » comme un appel des « hérétiques » à les suivre dans leur doctrine hérétique.

Saint Bruno écrit : « Transporte-toi sur la montagne comme un passereau ? En voici l’interprétation : « Vous hérétiques qui voulez nuire à mon âme i.e. au salut de mon âme, Comment i.e. pour quelle raison me dites-vous : Transporte toi i.e. migre de la bassesse de ton avis sur la Montagne, i.e. la haute subtilité de notre avis. Toi, dis-je qui es maintenant comme un passereau i.e. inconstant et vacillant devant nos arguments, comme le passereau tremble au bruit ». (Commentaire des psaumes de saint Bruno Ed Sainte Madeleine. p. 114)

De la même manière, Saint Thomas écrit : « au sens moral, il s’agit du fidèle qui dit aux hérétiques: Je me confie dans le Seigneur, possédant sa foi: Comment donc vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c’est-à-dire le Christ que les hérétiques ont cru posséder ? »

En latin nous avons : « in domino confido, tenens ejus fidem: quomodo ergo vos haeretici, dicitis, transmigra, ad nos, in montem, id est Christum quem crediderunt habere haeretici? ».

Ici saint Thomas identifie clairement  la « Montagne » au Christ,  la montagne étant le symbole du Christ, lui-même étant en vrai, la parole de Dieu. « Après avoir, à plusieurs reprises et en diverses manières, parlé autrefois à nos pères par  les Prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’il a établi héritier de toutes choses, et par lequel il a aussi créé le monde ». (Hb 1 1-2)

En effet la « montagne » est le lieu de la révélation par excellence. La « montagne de Dieu » ou Horeb, dans le Sinaï est une terre Sainte où Moïse fut appelé (Ex 3 1-5), que Dieu rendit sacrée par le don de sa Loi (Ex 24 12-18) et la présence de sa Gloire.  Or le Christ n’est pas venu abolir la Loi mais l’accomplir et la parfaire…Et c’est ce Christ qui est, nous dit saint Paul aux Hébreux « le rayonnement de la gloire » de Dieu (Hb 1 3). C’est encore là que monte Elie  (1Roi 19 8) ; il voulait entendre Dieu lui parler. La « montagne » est le lieu de la Parole ! Tous les prophètes aimaient s’asseoir et prier au sommet des Montagnes : Moïse, au Sinaï, (Ex 17 98), Elie  ou Elisée, au mont Carmel (1 R 18 42). La montagne est le lieu du culte, du sacrifice par excellence.  Gédéon,  Samuel, Salomon (1 R 3-4), tous sacrifient avec le peuple sur les « hauts lieux » (13 2). N’est-ce pas sur le mont du Golgotha que le Christ Seigneur offrit son sacrifice ? Et quelle parole ! C’est sur le mont Moriah (Gen 22 3) qu’Abraham sacrifia son fils, Et Dieu, par son Ange, se fit entendre. « Abraham ! Abraham ! » C’est sur le mont Sion que le Temple de Jérusalem, lieu du sacrifice, est édifié. Jésus aimait se retirer sur la montagne pour prier. (Mt 14 2) La Transfiguration eut lieu sur une montagne. Et Dieu se fit entendre : « Voici mon Fils bien aimé en qui je me complais ! Ecoutez-le » C’est sur une montagne que Jésus enseigne sa loi. C’est sur la montagne que Jésus confère à ses disciples ses pouvoirs divins… (Mt 28 16). Et comme le dira saint Pierre : les écritures s’accomplirent sur « la Montagne Sainte » (2 Pet 1 16-19)

Si la « montagne » dans la Bible est si riche de sens, si elle est symbole du Christ, on comprend que saint Thomas puisse interpréter cette phrase du psalmiste : « comment dites-vous à mon âme : Emigrez sur la montagne comme un passereau », comme suit : « au sens moral, il s’agit du fidèle qui dit aux hérétiquesJe me confie dans le Seigneur, possédant sa foi: Comment donc vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c’est-à-dire le Christ que les hérétiques ont cru posséder ? »

« Le Christ que les hérétiques ont cru posséder » : pour moi, cette strophe trouve son sens, entre autres, dans  l’hérésie protestante.

Dans  l’hérésie protestante. S’il y a une hérésie qui a prêché cette « émigration » vers eux, « vers la montagne » : « Emigre sur la montagne comme un passereau », c’est bien le protestantisme. Luther a cru « posséder le Christ et son Evangile ». Il a cherché à dévoyer la chrétienté. Il n’a cessé de « crier » « que la loi est faite pour nous réduire en esclavage, mais le Christ nous a débarrassés de ses entraves ». C’est cela, pour lui, le « véritable Evangile ». Désormais, avec lui et son interprétation nouvelle de l’Evangile, il suffit de croire : « Pecca fortiter, sed fortiter crede ». (lettre à Mélanchton, le 1er août 1521). Il osera même écrire d’une manière impérative : « le chrétien ou baptisé qui même s’il le veut ne peut perdre son salut par n’importe quel péché, s’il continue de croire. Aucun péché en effet ne peut le condamner que l’incrédulité »  (etiam volens non potest perdere suam salutem, quantiscumque peccatis nisi nolit credere » (1520 De captiv. Babyl.) En cela se résume sa thèse de la justification par la seule foi.

Là, se justifie parfaitement cette strophe du psaume 10 : « Quoniam ecce peccatores intenderunt arcum paraverunt sagitas suas in pharetra, ut sagitent in obscuro rectos corde » « Car voici les pécheurs ont tendu leur arc ; ils ont préparé leurs flèches dans leur carquois, pour tirer dans l’ombre contre ceux qui ont le cœur droit »

Saint Thomas commente : « car voici que les pécheurs, c’est-à-dire les hérétiques, ont tendu un arc, c‘est-à-dire livré l’Écriture sainte entre leurs propres mains, comme ceux qui tendent un arc. Ils ont préparé leurs flèches, leurs paroles empoisonnées, dans un carquois, c’est-à-dire dans la mémoire ou la connaissance ». On dirait que saint Thomas avait comme en prémonition la connaissance de l’hérésie protestante…dominée par le subjectivisme, le libre examen…la libre interprétation de l’Ecriture Sainte.

Au diable, nous dit Luther, les œuvres.  Mais il s’oppose à l’enseignement explicite de saint Jacques. Je le rappelle pour vous. C’est tellement important face au luthérianisme : «  Que sert-il, mes frères, à un homme de dire qu’il a la foi, s’il n’a pas les œuvres? Est-ce que cette foi pourra le sauver? Si un frère ou une sœur sont dans la nudité et n’ont pas ce qui leur est nécessaire chaque jour de nourriture, et que l’un de vous leur dise « Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez  » sans leur donner et qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il?
Il en est de même de la foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est morte en elle-même. Mais on pourrait même dire :  » Tu as la foi, et moi, j’ai les œuvres.  » Montre-moi ta foi sans les œuvres et moi, je te montrerai ma foi par mes œuvres. Tu crois qu’Il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi…, et ils tremblent! Mais veux-tu te convaincre, ô homme vain, que la foi sans les ouvres est sans vertu? (C’est ce que dit explicitement Luther) Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les œuvres, lorsqu’il offrit son fils Isaac sur l’autel? Tu vois que la foi coopérait à ses œuvres, et que par les censures sa foi fut rendue parfaite. Et la parole de l’Ecriture s’accomplit :  » Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice « , et il fut appelé ami de Dieu. Vous voyez que l’homme est justifié par les œuvres, et non par la foi seulement. De même Rahab, la courtisane, ne fut-elle pas justifiée par les œuvres, quand elle reçut les envoyés de Josué et les fit partir par un autre chemin? De même que le corps sans âme est mort, ainsi la foi sans les œuvres  est morte
. (Jc 2 14-26) .

L’intention de l’hérétique « est mauvaise », car ils agissent pour percer dans l’ombre ceux qui ont le cœur droit », c’est-à-dire les justes. Ils agissent « dans l’ombre », c’est-à-dire avec fourberie, nous dit saint Thomas. Il nous donne une autre interprétation possible,   « Ou bien: « dans l’ombre »c’est-à-dire par les subtilités de la Sainte Écriture ».

De cette subtilité, Luther en était devenu maitre.

Luther allait en effet jusqu’à écrire : « je l’ai dit souvent et je le répète, il faut séparer la vie des saints d’avec la parole de Dieu qu’ils professent…Je ne saurais assez prêcher cela. Je parle ici des bonnes œuvres de saints, car le diable ne peut que prêcher des bonnes œuvres… (Que faisait donc Saint Jacques. Etait-il le diable ? ) Toujours le diable vient parler d’œuvres…C’est pourquoi, séparez les œuvres ou la vie d’avec la parole, autrement vous êtes perdus » (Ibidem) Ainsi, pour Luther la volonté signifiée de Dieu qui nous ordonne les œuvres, saint Jacques nous l’enseigne,  sont l’œuvre du diable. Dès lors la Loi des œuvres, pour Luther, est « diabolique ». Quelle audace !

Le psalmiste s’exprime ainsi parfaitement lorsqu’il dit : « Quoniam quae perfecisti, destruxerunt : justus autem quid fecit ? » « Car ce que vous aviez établi, ils l’ont détruit, mais le juste qu’a-t-il fait ? »

« ce que vous aviez établi, ils l’ont détruit ». Luther, avec son libre examen détruisit en effet l’enseignement de saint Jacques qui, au nom de Dieu, écrit entre autre : « C’est pourquoi, rejetant toute souillure et toute excroissance de méchanceté, recevez avec douceur la parole qui a été entée en vous, et qui peut sauver vos âmes. Mais efforcez-vous de la mettre en pratique, et ne vous contentez pas de l’écouter, en vous abusant vous-mêmes par de faux raisonnements. Car, si quelqu’un écoute la parole et ne l’observe pas, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir le visage qu’il tient de la nature : à peine s’est-il considéré, qu’il s’en est allé, oubliant aussitôt quel il était. Celui, au contraire, qui fixe son regard sur la loi parfaite, la loi de liberté, et qui l’y tient attaché, n’écoutant pas pour oublier aussitôt, mais pratiquant ce qu’il a entendu, celui-là trouvera son bonheur en l’accomplissant. Si quelqu’un s’imagine être religieux sans mettre un frein à sa langue, il s’abuse lui-même et sa religion est vaine. La religion pure et sans tache devant notre Dieu et Père, n’est pas autre qu’avoir soin des orphelins et des veuves dans leur détresse, et se préserver pur des souillures de ce monde » (Jac 1 25-27).

Luther écrira à l’opposé : « il n’est pas de scandale plus grand, plus dangereux, plus venimeux que la bonne vie extérieure manifestée par une conduite pieuse et par de bonnes œuvres. C’est la porte cochère qui mène à la damnation ». Et cela vaut aussi pour les saints. C’est pourquoi, dans le protestantisme, il n’y a pas de saints et leurs Temples sont vides.  Tous les hommes se valent devant Dieu : « Il faut dépouiller cette vieille erreur d’appeler saints, les apôtres Pierre et Paul et de s’imaginer qu’ils ont été sans péché ». On pourrait multiplier de telles citations.

Oui ! Vraiment ce que Dieu a établi, les hérétiques le détruisent par « leur action injuste ». (St Thomas).

En somme, toute « l’originalité » de la pensée de Luther consiste à avoir fait de la justification quelques chose de subjectif et non d’objectif. Pour le catholique, il faut pour être justifié remplir les conditions intérieures et extérieures qui ne permettent pourtant jamais à l’homme d’avoir de son état de grâce, plus qu’une certitude morale ou une grande probabilité. Le Père Garrigou-Lagrange le dit explicitement dans un de ses ouvrages. On se souvient de la réponse de sainte Jeanne d’Arc à ses Juges : « Êtes-vous en état de grâce ». C’était un piège ! Sa réponse est magnifique: « si j’y suis que Dieu m’y garde. Si je n’y suis pas que Dieu m’y mette ». Pour le luthérianisme, la justification se réalise par la seule conviction intérieure que l’on est justifié, indépendamment de tout empêchement extérieur. « Si l’on pouvait commettre l’adultère, en croyant que l’on est justifié, ce ne serait pas un obstacle à la présence de la grâce en nous ». « Même si l’on pêche évidemment, il faut croire que Dieu n’y prend pas garde et cela suffit ». Avec une telle doctrine immorale, étonnez-vous que l’Allemagne ait connu, au temps de Luther, une crise morale épouvantable …

Cette « pure doctrine de la foi » purement subjective, Luther, après 15 siècles d’erreur dans l’Eglise, l’avait enfin retrouvée. Il était « avec le Christ sur la « montagne », croyant le posséder : « Comment donc vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c’est-à-dire le Christ que les hérétiques ont cru posséder ? »…Et cette doctrine  consistait à dire que les œuvres ne sont ni nécessaires ni obligatoires au salut, et que si on les fait, c’est parce que la foi les produit spontanément ou encore pour être agréable à Dieu qui veut que nous les fassions « sans que cela ne serve de  rien devant lui, puisqu’on possède déjà ses trésors par la foi ». Ainsi Luther, ce réformateur de l’Eglise, a voulu donner au monde une doctrine nouvelle et inconnue jusque-là et substituer son autorité à celle de l’Eglise. « Comment donc vous, hérétiques, dites-vous: Émigre, vers nous, sur la montagne, c’est-à-dire le Christ que les hérétiques (croyaient)  posséder ? »…

Ainsi, vous le voyez le « libre examen » ou la « sola scriptura » interprétée librement,   est au cœur de la  doctrine luthérienne.

Malgré cette activité subversive et conquérante de l’hérétique, le juste reste confiant. Et le psalmiste, nous dit saint Thomas, en expose d’abord la raison, «  le motif de la confiance » : « Dominus in templo sancto suo. Dominus in caelo sedes eius » « Le Seigneur est dans son Temple; le Seigneur a son trône dans le ciel ». Cette confiance a pour raison, la toute-puissance de Dieu. Ce qu’exprime les mots « Temple » et « Ciel ». Mais aussi, nous dit Saint Bruno, parce que le Temple exprime les fidèles. Et il est comme Seigneur, i.e. « il est en eux de telle façon qu’il domine, qu’il gouverne afin qu’ils ne soient pas trompés » (p 115).

Il exprime cette même confiance du juste, « en d’autres termes » (St Bruno)   dans la strophe suivante : « Oculi eius in pauperem respiciunt : palpebrae eius interrogant filios hominum » «  Ses yeux regardent le pauvre, ses paupières examinent les enfants des hommes ».

C’est-à-dire : nul ne peut être soustrait au jugement de Dieu. C’est le sens de cette strophe, nous dit saint Thomas. «  Personne ne peut en être soustrait, car le Seigneur voit la disposition du pauvre et de l’impie, du pécheur et du juste », du fidèle et de l’hérétique. Quelle consolation ! Voilà tout le commentaire de saint Thomas sur cette expression : « Les yeux du Seigneur sont plus lumineux que le soleil, ils regardent toutes les voies des [hommes], et la profondeur de l’abîme, et ils observent attentivement les cœurs des hommes. » – « Toutes les voies des hommes sont à découvert devant ses yeux; le Seigneur pèse les esprits », c’est-à-dire les pensées ou les âmes, selon la Glose; et c’est pourquoi il dit: Ses yeux observent le pauvre, pour avoir compassion de lui: « Aie pitié de moi, Seigneur, car je suis dans la détresse. » Et aussi: « Le Seigneur est mon protecteur; en lui mon cœur a espéré. » Pour le protéger même en l’éprouvant: « Les yeux du Seigneur sont sur les justes. » Et aussi: « Sur cette voie où tu marcheras, je fixerai mes yeux sur toi. »

De plus, nulle crainte à avoir, car Dieu, dit encore saint Thomas, « examine avec soin ». C’est le sens de l’expression : « Ses paupières interrogent les enfants des hommes ». Non seulement avec soin, mais il examine aussi avec équité. C’est ce que veut dire le psalmiste lorsqu’il ajoute : « Le Seigneur examine le juste et l’impie ; or celui qui aime l’iniquité haït son âme ». On pourrait ici tout de suite ajouter : et il connaitra la sentence et « la condamnation », ce qui sera affirmer plus loin.

« or celui qui aime l’iniquité haït son âme ». Mais n’est-ce pas là ce que recherche le monde moderne dans sa négation de Dieu et son refus de son Christ ? N’est-ce pas là l’« iniquité »  moderne : l’apostasie ? Elle aura son  châtiment !

Jacques Maritain a écrit sur ce sujet une de ses plus belles pages dans son livre Antimoderne : « A vrai dire, depuis le déclin du moyen âge, l’histoire moderne est-elle autre chose que l’histoire de l’agonie et de la mort de la  Chrétienté (qui a pris naissance sur le mont du Golgotha).  Saint Vincent Ferrier, au couchant du 14ème siècle, annonçait la fin du monde et ressuscitait des morts en confirmation de sa parole : n’est-ce pas plus précisément la fin du monde chrétien qu’il annonçait ? Jeanne d’Arc, si elle a réussi à délivrer la France, a échoué dans sa mission de rappeler la terre au respect du Droit chrétien. Désormais l’animal raisonnable va s’appuyer sur lui-même, la pierre d’angle ne sera plus le Christ. L’esprit d’indépendance absolue, qui, en définitive, porte l’homme à revendiquer pour lui-même l’aséité, (NB être par soi-même)  et qu’on peut appeler l’esprit de la révolution anti-chrétienne, s’introduit victorieusement en Europe avec la Renaissance et la Réforme, il soustrait à l’ordre chrétien ici la sensibilité esthétique et toutes les curiosités de l’esprit, là la spiritualité religieuse et la volonté et vise à remplacer partout le culte des Trois Personnes divines par le Culte du Moi humain. Réprimé au XVII siècle, lancé au XVIII et au XIX siècle à la conquête de l’univers, servi avec persévérance et habileté par la contre église-maçonnique, il réussit à écarter Dieu de tout ce qui est centre de pouvoir ou d’autorité dans le peuple…En trois grandes étapes, Luther, Descartes, Kant – l’homme s’isole de la vie surnaturelle (qui n’est plus qu’un manteau de dissimulation) et devient sourd à l’Enseignement révélé, – il se soustrait à Dieu par antithéologie et à l’être par idéalisme, _ il se replie sur soi, s’enferme comme un tout-puissant dans sa propre immanence, fait tourner l’univers autour de sa cervelle, s’adore enfin comme étant l’auteur de la vérité par sa pensée et l’auteur de la loi par sa volonté. La « Science » qu’il construit pour se soumettre l’univers matériel interdit à sa raison l’accès des réalités supérieures ; puis dans l’idée d’évolution dont Goethe notait déjà les attraits pernicieux, dans le mobilisme intégral et la philosophie du pur Devenir cette raison même se corrompt, et il doute que ce qui est, soit. Ici encore nous sommes à un terme, et la dissolution bouddhiste qui menace très sérieusement l’intelligence occidentale semble bien l’indice d’un point de chute. Ce long drame spirituel n’est pas moins effrayant que le drame de l’histoire visible. Si l’intelligence des peuples, devenue rachitique et puérile, n’est plus apte qu’à l’idéologie mystique  – ad fabulas autem convertentur – alors les pseudo-prophètes peuvent venir, ils auront devant eux des âmes incapables de discernement » (Antimoderne p. 198-200)

C’est à lire à genou !

« Celui qui aime l’iniquité hait son âme » parce que Dieu ne pourra pas ne pas « châtier » et le  punir au titre de sa justice.

« Pluei super peccatores laqueos : ignis, et sulphur et spiritus procellarum pars callicis eorum » « Il fera pleuvoir des pièges sur les pécheurs, le feu et le souffre, et le vent des tempêtes sont la part de leur calice ».

Toutes ces épreuves font penser au déluge que Dieu envoya pour châtier les péchés des hommes. « Yahvé vit que la méchanceté des homes était grande sur la terre et que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal » (Gen 6 5)

« Quoniam justus dominus, et justicias dilexit ; aaequitatem vidit vultus eius » « Car le Seigneur est juste et il aime la justice ; son visage contemple l’équité »

« Aussi ne faut-il rien attendre de lui en dehors de la justice »: « C’est moi qui fais miséricorde, droit et justice sur la terre ». C’est la conclusion sobre de saint Thomas dans son commentaire de ce psaume. Que le monde moderne prenne garde… !

 

 

 

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