Avons-nous le même Dieu que les Musulmans?
publié dans la doctrine catholique le 6 mars 2019
Avons-nous le même Dieu que les musulmans ?
SOURCE – FSSPX Actualités – 5 mars 2019
D’après le concile Vatican II, les musulmans « adorent avec nous le même Dieu ». C’est ce qu’affirme la Constitution dogmatique Lumen gentium du 21 novembre 1964 : « le dessein de salut englobe aussi ceux qui reconnaissent le Créateur, et parmi eux, d’abord, les musulmans qui, en déclarant qu’ils gardent la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, qui jugera les hommes au dernier jour. » (n°16).
Cette idée est devenue un lieu commun du dialogue interreligieux, mais laisse à bon droit perplexe : les musulmans prient Allah, parfois dans d’anciennes églises chrétiennes, mais pas vraiment « avec nous » et on peut douter qu’il s’agisse du « même Dieu ». Car pour nous, catholiques fils de l’Eglise et rachetés par le Sang du Rédempteur, Dieu est Jésus-Christ, tandis qu’il ne l’est vraiment pas pour eux. Et pourtant il y a une apparence de vérité dans l’affirmation conciliaire, puisque les musulmans revendiquent comme leur la révélation faite à Abraham. Cette révélation est authentique et valable pour tous. Celui qui s’adresse au « Dieu qui a parlé à Abraham » semble bien parler au vrai Dieu.
Une approche biaisée
Cette captatio benevolentiae ou façon d’aborder de manière positive et bienveillante une religion d’infidèles, illustre la pratique courante de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux depuis le Concile. Elle consiste à mettre en avant la fécondité propre des « éléments de salut » présents dans les autres religions – croyance en un Dieu unique, foi en Jésus-Christ, sacrements valides, etc. – pour faire progresser le dialogue avec les différents interlocuteurs. Dans quelle direction ? Pour les chrétiens non catholiques, il s’agit d’avancer vers la « pleine communion » ou de réinventer l’unité de l’Eglise, comme si celle-ci n’existait plus. Pour les autres, il s’agit davantage de travailler à la paix mondiale et à la justice sociale, comme le montre le document sur la « Fraternité humaine » signé le 4 février 2019 à Abou Dabi par le pape François et le grand Imam d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayyeb.
Autrefois l’oraison liturgique pour la propagation de la foi demandait « que toutes les nations vous connaissent, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ », pour que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». Ce qui implique le désir que tous adoptent la vraie foi catholique, car il ne s’agissait pas tant des « autres » religions que des « fausses » religions, qui sont autant d’impasses qui, en ignorant le vrai Dieu tel qu’Il s’est fait connaître aux hommes, les écartent de la voie du salut.
Un langage ambigu
A supposer que, malgré une approche aussi consensuelle, l’intention de faire parvenir toutes les nations à la connaissance de Jésus-Christ soit toujours la même, il faut tout de même se demander si le langage est exact. Peut-on vraiment dire que les musulmans et les catholiques « adorent le même Dieu » ?
L’adoration est la prière adressée à Dieu pour reconnaître sa perfection souveraine de créateur. Mais c’est d’abord une prière, donc une manière de s’adresser à quelqu’un, à un être personnel. Il est donc requis de se faire de cette personne, en l’occurrence l’être suprême ou Dieu, une idée suffisamment exacte. En premier lieu, cela suppose de le reconnaître pour une personne, ce qui n’est pas le cas de la doctrine bouddhiste. Il faut encore qu’il s’agisse de la bonne personne ; autrement ce serait se tromper d’interlocuteur et parler dans le vide. Comme lorsque l’on compose un faux numéro de téléphone…
Alors quelle idée de Dieu est nécessaire et suffisante pour ne pas se tromper d’adresse ? Si l’on parle à l’être suprême, personnel, créateur et Providence, alors sans doute il s’agit bien d’une vraie prière, que Dieu ne manquera pas d’écouter. Mais si cet acte religieux de prière procède d’une doctrine qui exclut farouchement le dogme de la sainte Trinité ainsi que celui de l’Incarnation, on s’adresse formellement à quelqu’un qui n’est pas le vrai Dieu. Il y a erreur sur la personne.
La formulation adoptée par le Concile est donc ambiguë et trompeuse. Encourager en privé un non chrétien à prier le Dieu créateur, voilà qui est sans doute judicieux pour le disposer à embrasser la vraie foi. Mais entretenir publiquement cette attitude, c’est ce qui scandalise les fidèles en leur faisant croire, soit que l’islam n’exclut pas les dogmes fondamentaux de la foi catholique, soit que les articles de foi sont accessoires, et que donc toutes les fausses religions, avec les erreurs qui les caractérisent, sont des moyens de salut à peu près indifférents. C’est abandonner les droits de la vraie religion et manquer à l’élémentaire charité de la vérité que l’on doit porter aux infidèles comme aux incroyants.
L’abandon de l’esprit missionnaire
Mgr Marcel Lefebvre disait sans autre diplomatie : « Les doutes sur la nécessité et la nature de la conversion de toute âme entraînent la disparition des vocations religieuses, la ruine de la spiritualité traditionnelle dans les noviciats, l’inutilité des missions. » (Réponse à l’enquête du cardinal Ottaviani, 20 décembre 1966).
Le message de sympathie adressé par le Concile à l’Islam autant que les marques de respect envers une fausse religion (cf. déclaration Nostra Aetate, 28 octobre 1965, n°3), les égards envers Mahomet qui reste un faux prophète qui asservit des millions de croyants dans les ténèbres de l’erreur en les tenant éloignés de la vraie foi, voilà qui ne correspond guère à l’esprit de l’Eglise, qui n’est autre qu’un esprit de vérité et de sainteté.
Quant à la foi en Abraham, saint Paul explique aux Hébreux qu’elle conduit à Jésus-Christ, qui seul obtient ce qui était promis (He 11, 39). Déjà en son temps, le Christ Lui-même reprenait les Juifs pour leur incrédulité à le reconnaître comme Messie (Jn 8, 58). Puisse l’Esprit-Saint sanctifier et convertir tous les cœurs droits enfermés dans les ténèbres de l’erreur !