L’avortement: où en est-on?
publié dans regards sur le monde le 25 mars 2019
Avortement : nouvelle offensive contre la clause de conscience
Que reste-t-il de la loi Veil ?
Nous pourrions dire : tout et rien.
Tout, en ce sens que le respect inconditionnel de la vie commen çante ayant été, de fait, abrogé , l’abandon de ce principe subsiste entraînant la banalisation de cet acte funeste.
Rien, car toutes les mesures « dissuasives » ont disparu les unes après les autres, sous des gouvernements de gauche et de droite: entretien préalable au cours duquel des alternatives à l’avortement étaient proposées, le délai de réflexion, la notion de « détresse » justifiant aux yeux du législateur la dépénalisation du « crime abominable » parce que perpétré par la personne même qui était chargée de la protection de l’enfant à naître (Jean-Paul II), le non-remboursement. Puis il y eut l’ouverture aux mineures sans autorisation parentale.
Le 26 novembre 2014, quarante ans après le début des débats parlementaires sur la loi Veil,
l’Assemblée nationale a adopté à une très large majorité (143 députés pour, 7 voix contre, dont 5 députés UMP : Xavier Breton, Jean-Frédéric Poisson, Nicolas Dhuicq, Olivier Marleix, Yannick Moreau, ainsi que l’UDI Jean-Chris tophe Fromantin et Jacques Bompard, élu de la droite nationale, ) la proposition de résolution visant à réaffirmer « le droit fondamental à l’IVG en France et en Europe. » Alors que, dans son préambule, la loi Veil affirmait le « droit à la vie. »
A cela, il faut ajouter des lois répressives contre les opposants, avec le délit d’entrave à l’avortement puis, récemment, d’entrave numérique et le passage du délai de 12 à 14 semaines de grossesse pour pratiquer cette « opération. »
De ce champ de ruines, il ne reste donc que la clause de conscience du personnel médical, c’est donc celle-là que la gauche, les féministes et une partie de la droite libérale voudraient abolir. En vain pour l’instant, mais pour combien de temps ? La plus récente offensive a eu lieu à l’Assemblée nationale la se
maine dernière. Des députés PS et de la France insoumise ont défendu, avec le soutien du PCF, un amendement au projet de loi santé pour supprimer la clause de conscience « spécifique à l’IVG ». Sylvie Tolmont (PS) a fait valoir que cette clause était « superfétatoire » et confortait l’idée que l’IVG était
« un acte à part. » Sur ce point, elle a raison ! C’est un bien acte à part puisqu’il ne s’agit pas d’ un traitement médical, la fécondité n’étant pas une maladie, c’en est même le contraire ! Pour Caroline Fiat, de la France insoumise, « cette clause de conscience »
mise « pour faire passer la loi Veil de 1975 n’a plus lieu d’exister. »
Il est exact que l’ordre des médecins à l’époque, n’a accepté la loi qu’à la condition de laisser aux médecins qui ne voulaient pas violer le serment d’Hippocrate la liberté d’invoquer la clause de conscience.
La supprimer, « c’est une belle occasion 44 ans après de prolonger la belle œuvre de Simone Veil », a ajouté le député mélenchoniste.
Ce qui est pour le moins paradoxal que de « prolonger » la loi en la contredisant ouvertement sur ce point ! D’autant
que deux décennies après la promulgation de sa loi et devant son évolution, Simone Veil a déclaré : «Je le dis avec toute ma conviction :
l’avortement doit rester l’exception , l’ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu’il perde ce ca-
ractère d’exception, sans que la so ciété paraisse l’encourager ? »
Cette évolution, les opposants à sa loi l’avaient annoncée dès 1975, sans qu’elle en tienne compte. Une fois le principe du respect de la vie abandonné, tous les obstacles n’ont plus de consistance.
Le gouvernement, par la voix du ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a refusé cet amendement… pour l’instant. Car ses arguments sont inconsistants et conjoncturels. Elle a jugé que cela allait « compliquer le parcours des femmes », et que cela « n’améliorera pas l’accès à l’IVG. » « La clause de conscience permet d’afficher quelque part clairement les intentions », a-t-elle observé. « Donc ça va éviter aux femmes de prendre rendez-vous avec des médecins qui éventuellement peuvent leur faire perdre du temps s’ils sont contre l’IVG et qu’ils ne sont pas dans la clause de conscience avec l’obligation de trouver un médecin » prêt à la pratiquer. Au lieu de s’appuyer sur le principe éthique à savoir que l’on ne peut demander à aucun praticien – ni à aucun homme d’ailleurs – d’agir contre sa conscience (d’autant que s’il est catholique il encourt l’excommunication automatique) elle donne un argument pratique que l’on peut aisément réfuter. Il suffirait de demander au médecin d’indiquer dans sa salle d’attente, sur ses ordonnan ces, sa carte de visite, voire à la Sécuri
té sociale, qu’il ne pratique pas d’avortement pour éviter de « faire perdre du temps » aux femmes.
A notre avis, elle refuse parce qu’elle craint l’ire de certains médecins au moment où elle a besoin d’eux pour appliquer la nou-velle loi santé. Quand cela sera fait, elle donnera son feu vert à l’abrogation de la clause de conscience, hélas !
(Source le bulletin André Noël)