Synode sur l’Amazonie
publié dans nouvelles de chrétienté le 10 juillet 2019
Synode sur l’Amazonie: une critique de l’Instrumentum Laboris du cardinal Walter Brandmüller
Introduction
On peut vraiment trouver étonnant que, contrairement aux assemblées précédentes, cette fois le synode des Évêques s’intéresse exclusivement à une région du monde où la population représente à peine la moitié de celle de la ville de Mexico, soit 4 millions d’habitants. Ce qui contribue d’ailleurs à éveiller des soupçons quant aux véritables intentions qui sont à l’oeuvre en coulisses. Mais il faut surtout se demander quels sont les concepts de religion, de christianisme et d’Église qui sont à la base de l’Instrumentum Laboris publié récemment. C’est ce que nous allons examiner en nous appuyant sur des extraits du texte.
Pourquoi un synode dans cette région ?
Avant tout, on est en droit de se demander pourquoi un synode des évêques devrait se pencher sur des thèmes qui – comme c’est le cas pour les trois quarts de l’Instrumentum laboris – ne concernent que marginalement les Évangiles ou l’Église. De toute évidence, il s’agit de la part du synode des évêques d’une ingérence agressive dans les affaires purement temporelles de l’état et de la société du Brésil. On pourrait se demander ce que l’écologie, l’économie et la politique ont à voir avec le mandat et la mission de l’Église.
Et par-dessus tout : en quoi un synode ecclésial des évêques est-il compétent pour formuler des déclarations dans ces domaines ?
Si le synode des évêques s’aventurait vraiment sur ce terrain, il sortirait alors de son rôle et ferait preuve alors d’une présomption cléricale que les autorités civiles seraient en droit de rejeter.
Sur les religions naturelles et l’inculturation
A cela, il faut garder en tête un autre élément que l’on retrouve à travers tout l’Instrumentum Laboris : l’évaluation très positive que l’on fait des religions naturelles, y compris des pratiques de guérison indigènes et tout ce qui s’en suit, y compris des pratiques et des rites mythico-religieux. Dans le contexte de l’appel à l’harmonie avec la nature, on y parle même de dialogue avec les esprit (n° 75).
Ce n’est pas seulement l’idéal du « bon sauvage » tel que Rousseau et les Lumières l’ont esquissé que l’on compare ici à l’homme européen décadent. Ce courant de pensée se poursuit bien plus loin dans le temps, jusqu’au tournant du 20e siècle où il culmine en une idolâtrie panthéiste de la nature. Herman Claudius (1913) a composé l’hymne du Mouvement des Travailleurs Socialistes : « Quand nous marchons côte à côte… », dont un couplet dit ceci : «Verts bouleaux et vertes graines, voyez comment la vieille Mère Nature sème à pleines mains, avec un geste de supplication pour que l’homme devienne sien… ». Il est intéressant de noter que ce texte a été ensuite recopié dans le livre de chants des Jeunesses hitlériennes, probablement parce qu’il correspondait au mythe national-socialiste du sang et du sol. Cette proximité idéologique est remarquable. Ce rejet antirationaliste de la culture « occidentale » qui insiste sur l’importance de la raison est caractéristique de l’Instrumentum Laboris, qui parle respectivement au n° 44 de « la Terre-Mère » et du « cri des pauvres et de la terre » (n° 101).
Par conséquent, le territoire – c’est-à-dire les forêts d’Amazonie – y est même déclaré être un locus theologicus, une source singulière de la révélation de Dieu. Il y aurait en son sein les lieux d’une épiphanie où se manifeste la réserve de vie et de sagesse pour la planète, une vie et une sagesse qui parle de Dieu (n° 19). Entretemps, la régression qui en découle du Logos au Mythos est érigée en modèle de ce que l’Instrumentum Laboris qualifie d’inculturation de l’Église. Le résultat est une religion naturelle recouverte d’un mince vernis chrétien.
La notion d’inculturation y est ici virtuellement dénaturée, étant donné qu’on lui fait dire le contraire de ce que la Commission Théologique Internationale a présenté en 1988 et de ce qu’a enseigné avant elle le décret Ad Gentes de Vatican II sur l’activité missionnaire de l’Église.
Sur l’abolition du célibat et l’introduction d’un sacerdoce féminin
Il est impossible de masquer que le « synode » vise surtout à mettre en œuvre deux projets auquel on tient beaucoup et qui n’ont jamais été mis en œuvre jusqu’à présent : l’abolition du célibat et l’introduction d’une prêtrise féminine – en commençant d’abord par le diaconat féminin.
Quoi qu’il en soit, il s’agit de « tenir comtpe du rôle central que les femmes jouent aujourd’hui dans l’Église amazonienne » (n° 129 a3). D’une manière similaire, il s’agit à présent «d’ouvrir nouveaux espaces qui s’ouvrent pour la création les nouveaux ministères adaptés à ce moment historique. Il est temps d’écouter la voix de la région amazonienne… » (n° 43).
On oublie cependant de mentionner que, dernièrement, Jean-Paul II aussi avait affirmé avec la plus haute autorité magistérielle qu’il n’est pas dans le pouvoir de l’Église de conférer les ordres sacrés aux femmes. En effet, en deux mille ans, l’Église n’a jamais administré le Sacrement de l’Ordre à une femme. La demande qui va aujourd’hui dans la direction opposée montre que le mot « Église » est maintenant employé comme un terme purement sociologique de la part des auteurs de l’Instrumentum Laboris, ce qui revient à nier le caractère sacramentel et hiérarchique de l’Église.
Sur la négation du caractère sacramentel et hiérarchique de l’Église
De la même manière – quoique sans s’y attader – le n° 127 renferme une attaque directe contre la constitution hiérarchique et sacramentelle de l’Eglise, quand on s’y demande s’il ne serait pas opportun de « reconsidérer la notion que l’exercice de la juridiction (le pouvoir de gouvernement) devrait être lié dans tous les domaines (sacramentel, judiciaire et administratif) et de façon permanente au sacrement de l’Ordre ». C’est à partir de cette vision erronée qu’ensuite (au n° 129) on appelle à la création de nouveaux offices qui correspondraient aux besoins des peuplades amazoniennes.
Cependant, c’est dans le domaine de la liturgie et du culte que l’idéologie d’une inculturation mal comprise s’exprime d’une manière particulièrement spectaculaire. Certains formes issues des religions naturelles y sont adoptées positivement. L’Instrumentum Laboris (n° 126e) ne se prive pas d’exiger que les « peuples pauvres et simples » puissent exprimer « leur (!) foi à l’aide d’images, de symboles, de traditions, de rites et d’autres sacrements » (!!).
On est très loin des enseignements de la Constitution Sacrosanctum Concilium et de ceux du decrét Ad Gentes sur l’activité missionnaire de l’Église, et cela démontre une compréhension purement horizontale de la liturgie.
Conclusion
Summa summarum : L’Instrumentum Laboris charge le synode des évêques et en définitive le Pape d’une grave violation du Depositum fidei, avec pour conséquence une autodestruction de l’Église ou bien la transformation du Corpus Christi mysticum en une ONG civile avec un mandat écologico-socialo-psychologique.
Après ces observations, plusieurs questions se posent : y a-t-il, surtout en ce qui concerne la structure sacramentelle et hiérarchique de l’Église, rupture décisive avec la tradition apostolique qui est constitutive de l’Église ou les auteurs ont-ils plutôt une notion du développement de la doctrine qui serait défendue théologiquement pour justifier les ruptures susmentionnées ?
Cela semble bien être le cas. Nous assistons à un nouvel avatar un Modernisme classique du début du 20e siècle. À l’époque, on a commencé par une approche résolument évolutionniste avant de soutenir l’idée qu’au développement de l’homme vers un niveau supérieur correspondrait également des niveaux de conscience et de culture supérieurs susceptibles de faire en sorte que ce qui était faux hier peut être vrai aujourd’hui. Cette dynamique évolutionniste est appliquée à la religion, c’est-à-dire à la conscience religieuse et à toutes ses manifestations dans la doctrine et dans le culte et naturellement aussi à la morale.
Cependant, cela présume d’une compréhension du développement du dogme qui serait en opposition totale avec la compréhension catholique authentique. Cette dernière conçoit le développement du dogme et de l’Eglise non pas comme un changement mais plutôt comme un développement organique du sujet qui demeure fidèle à sa propre identité.
C’est ce que les deux conciles du Vatican nous enseignent dans les constitutions Dei Filius, Lumen Gentium et Dei Verbum.
Il faut donc à présent affirmer avec force que l’Instrumentum Laboris contredit l’enseignement impérieux de l’Eglise sur des points essentiels et qu’il doit donc être considéré comme hérétique. Dans la mesure où le fait de la révélation divine y est remis en question, ou mal comprise, il faut en plus également parler d’apostasie.
Cela se justifie d’autant plus à la lumière du fait que l’Instrument Laboris recourt à une conception purement immanentiste de la religion et qu’il considère la religion comme étant le résultat et la forme d’expression de l’expérience spirituelle personnelle de l’homme. L’emploi de termes et de notions chrétiens ne peut masquer qe ceux-ci ne sont utilisés que comme des coquilles vides, malgré leur sens originel. L’Instrumentum Laboris pour le synode sur l’Amazonie constitue une attaque contre les fondements de la Foi, d’une manière qu’on aurait jamais cru possible jusqu’ici, et il doit donc être rejeté avec la plus grande fermeté.