La destruction de l’Institut Jean Paul II
publié dans nouvelles de chrétienté le 2 août 2019
blog de Jeanne Smits
Stanisław Grygiel, philosophe ami de Jean-Paul II, dénonce la destruction de l’Institut Jean-Paul II
Posted: 01 Aug 2019 03:06 AM PDT
Le grand vaticaniste Aldo Maria Valli vient d’interviewer le Pr Stanisław Grygiel, grand ami de Jean-Paul II, sur la destruction de l’Institut Jean-Paul II sur la famille et le mariage. Je vous propose ici une traduction de travail intégrale de cet entretien paru sur le blog d’Aldo Maria Valli, Duc in altum. – J.S.
***
Entretien avec de Stanisław Grygiel :
On ne rénove pas sa maison en la détruisant. »
Chers amis de Duc in altum, je suis particulièrement heureux de vous offrir aujourd’hui une interview exclusive du Professeur Stanisław Grygiel, philosophe polonais, grand ami de Saint Jean Paul II et jusqu’à récemment, avant son éloignement, professeur à l’Institut Théologique Pontifical fondé par le Pape Wojtyła lui-même. Une vaste interview, dans laquelle le professeur Griygiel évoque les événements dans lesquels il a été impliqué, mais où il explique surtout ce qui constitue, selon lui, la nature de la crise actuelle de l’Eglise. Il prononce des paroles très claires : « L’Eglise d’aujourd’hui a besoin d’un Moïse qui, porté par la colère du Dieu miséricordieux, à qui il parle dans la montagne, va passer par le feu et par l’épée tous ces veaux d’or adorés par le peuple – avec l’autorisation de tant de pasteurs – pour y chercher le bonheur. »
*
Professeur Gygiel, vous avez parlé de « pragmatisme théologique » par rapport à la théologie dominante actuelle. Qu’entendez-vous par cette expression et quels sont les objectifs d’un tel pragmatisme ?
Le principe marxiste de la pensée est le suivant : la praxis précède et détermine le logos, c’est-à-dire de la vérité. Elle a ainsi bouleversé non seulement la vie intellectuelle du monde occidental, mais aussi la vie de l’Église catholique. Je me souviens des années 1966-67 passées à l’Université Catholique de Louvain en Belgique et de nombreuses leçons de théologie et de philosophie faites selon ce principe. Il en est résulté une théologie pragmatique et une pastorale tout aussi pragmatique, qui ont commencé non pas avec la Personne du Christ, mais avec la description sociologique des différents comportements des hommes. Si la majorité divorce, alors… Beaucoup de théologiens et, malheureusement, beaucoup de pasteurs de l’Église catholique également, oublient de parler avec le Fils du Dieu vivant. Ils manquent de foi, dans le sens où ils manquent de confiance en la Personne du Christ et, par conséquent, de foi en l’homme.
L’Union soviétique, ne parvenant pas à conquérir l’Europe occidentale par des moyens militaires, a essayé de pénétrer la mentalité des intellectuels, afin de pouvoir la soumettre aux ordres des seigneurs de ce monde. Elle a parfaitement réussi, comme on le voit aujourd’hui, alors que nous vivons les conséquences désastreuses de cette action astucieuse des agents communistes et de leurs « idiots utiles » occidentaux.
Nous savons que vous avez été exclu, avec d’autres enseignants, de l’Institut Jean-Paul II sur le mariage et la famille. Au-delà de votre cas particulier, qu’enseigne cette affaire ? Pourquoi cette révolution ?
Je ne peux pas cacher la douleur que m’a provoqué le fait que l’Institut fondé par Saint Jean Paul II ait été démantelé il y a deux ans. Le licenciement des professeurs est un acte conforme à cette décision. Donc cela ne me surprend pas. Je regrette seulement la confusion dans laquelle sont tombés les élèves et dans laquelle ils se sentent perdus. Quelqu’un s’en rendra compte un jour. Saint Jean Paul II a préparé avec ferveur et passion les premiers professeurs pour cette grande mission. Quelques mois avant la fondation de l’Institut, il nous a invités dans son appartement pour méditer avec nous sur la situation dans laquelle se trouvait non seulement l’Église mais aussi le monde. Il voulait créer un Institut dans lequel la théologie naîtrait de l’expérience morale de la personne humaine et du Verbe divin où la vérité de l’homme a été pleinement révélée. Il n’est donc pas étonnant qu’à cette époque, nous ayons médité en priant et prié en méditant. Devant Dieu et devant l’homme qui brûle de lui, comme le buisson sur la montagne dans le pays de Moriah, nous devons nous agenouiller. Sinon, nous ne comprendrons pas « l’univers et l’histoire » (cf. Redemptor hominis, 1).
J’avoue que je ne comprends pas pourquoi les exécuteurs de la décision du pape d’abolir l’Institut fondé par saint Jean Paul II parlent d’approfondir, d’élargir et d’élargir l’enseignement de Jean Paul II. On ne rénove pas une maison en la détruisant, y compris ses fondations. Il vaudrait mieux parler clairement et sans ambages selon le commandement de l’Évangile : « Mais que votre parole soit: Oui, oui; non, non. Ce qui est en plus de cela vient du Malin. » (Mt 5, 37).
Vous me demandez : pourquoi cette révolution ? Peut-être que les spécialistes de l’histoire en révéleront les raisons et les raisons. C’est Dieu, cependant, qui les jugera. Chaque révolution part de zéro et atteint son point de départ. Toujours et partout le révolutionnaire finit comme il commence : tel est le commencement, telle est la fin. Je vois la situation qui s’est créée aujourd’hui comme un moment du conflit permanent entre les deux visions de l’homme. Karol Wojtyła part de la Parole de Dieu et de l’expérience morale de la personne humaine. Pour lui, donc, les « catégories » fondamentales sont la vérité qui jaillit de l’acte de création et du mensonge que l’homme commet quand il « crée » ses propres vérités. C’est précisément pour cette raison que l’expérience de la personne humaine a un caractère moral, c’est-à-dire qu’elle consiste à vivre les actions comme bonnes ou mauvaises. Le « pragmatisme » est un déni total du « centre de l’univers et de l’histoire », c’est-à-dire le Fils du Dieu vivant.
L’Église catholique vit une période de confusion, marquée par de profondes divisions. Comment jugez-vous la situation ?
L’Église catholique, en s’ouvrant au monde, s’est trouvée dans la situation dans laquelle se trouve le monde postmoderne, marqué par le « pragmatisme ». La théologie et la philosophie postmodernes sont réduites à un jeu d’opinions (prédicats) et ne considèrent plus l’homme comme la magna quaestio de saint Augustin. La question du sens de la vie disparaît et sa place est prise par la question du bonheur comprise horizontalement.
Théologiens et philosophes pour qui la théologie et la philosophie ne sont rien de plus que des jeux d’opinion s’agenouillent non pas devant Dieu, mais devant leurs propres produits. En jouant leurs cartes, ils s’adorent eux-mêmes. Mais de cette façon, ils risquent de devenir victimes des tricheurs.
L’Église a aujourd’hui besoin d’un Moïse qui, porté par la colère du Dieu miséricordieux avec lequel il parle sur la montagne, mettra tous les « veaux d’or » au feu et à l’épée dans l’adoration desquels le peuple, avec la permission de tant de pasteurs, cherche le bonheur. L’Eglise d’aujourd’hui a besoin d’un Moïse qui, porté par la colère du Dieu miséricordieux, à qui il parle dans la montagne, va passer par le feu et par l’épée tous ces veaux d’or adorés par le peuple – avec l’autorisation de tant de pasteurs – pour y chercher le bonheur.
A la lumière de ce qui se passe à l’Institut Jean-Paul II, beaucoup ont l’impression que le magistère du Pape Wojtyła, surtout en ce qui concerne les questions de morale familiale, a fini au grenier, là où on met les choses dont on n’a plus besoin. Partagez-vous ce jugement ?
Je ne le partage pas, même si, humainement, cela semble être le cas. L’Église vit de la foi du peuple, dont chaque Pierre est le gardien. Les théologiens peuvent l’aider ou non à mieux comprendre cette foi, mais c’est lui qui est le garant de la fidélité de l’Église à la Parole du Fils du Dieu vivant. Les théologiens peuvent interrompre la Tradition et essayer de tout recommencer. Loin du principe sur lequel repose l’Évangile, ils peuvent inventer de nouvelles interprétations de l’Évangile lui-même pour le rendre acceptable dans le monde postmoderne. Mais tôt ou tard, le cœur de l’homme orienté vers l’Amour qui est Dieu se réveillera en criant qu’il ne peut plus vivre loin de la maison du Père.
La sagesse qui vient de Dieu demeure pour toujours. La stupidité qui vient de l’homme passe, laissant l’homme dépendre non pas de la vérité mais des vents. Un soir, le saint pape Jean-Paul II m’a remis entre les mains la lettre qu’un théologien moral mondialement connu, lui a écrite. Le théologien a demandé au Pape de changer l’éthique de la vie conjugale, sinon, selon ce théologien, l’Église perdrait ses fidèles. « Qu’en penses-tu ? » me demanda le Pape. J’ai répondu peut-être trop brusquement : « Il a écrit une chose stupide ». Le Pape m’a regardé et après quelques secondes il m’a dit : « C’est vrai, mais qui le lui dira ? »
Il est largement admis qu’Amoris laetitia représente une véritable rupture par rapport à l’enseignement précédent. Le professeur Seifert a même parlé d’une « bombe atomique » qui risque de détruire tout l’édifice moral catholique. Qu’en pensez-vous ?
N’étant pas théologien, je n’ai pas envie de juger. Je suis un simple croyant et en tant que tel, je peux et dois avouer que je ne me trouve dans ce texte qu’en partie. Mon expérience de l’amour est plus évangélique que sociologique et psychologique. Celui qui veut connaître la nature de la personne humaine, c’est-à-dire son être orienté vers Dieu, doit contempler les saints et surtout le Fils du Dieu vivant, devenu homme dans le sein de la Vierge Mère, Marie. Décrire les maladies matrimoniales et sexuelles n’est pas la réalisation du commandement qui dit « Allez dans le monde et prêchez l’Evangile ! »
En ces temps, je me rappelle souvent les paroles du Christ, selon lesquelles « quiconque » abandonne sa femme et prend une autre femme commet l’adultère (cf. Jn 2, 25). Il le dit de tout homme, sans exception. Il le dit parce qu’il sait ce qu’il y a à l’intérieur de l’homme. S’il est vrai qu’aujourd’hui, dans certains cas, il ne s’agit pas d’adultère, comme le disent certains théologiens, cela signifie que le Christ ne sait pas ce qui est à l’intérieur de l’homme. Il n’est donc pas Dieu. « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur terre ? » (Lc 18,8).
Ce document, s’il était plus court, serait plus expressif et peut-être plus clair et plus conforme aux paroles de l’Evangile : « Oui, oui – oui – non, non. » Au lieu de cela, une note de bas de page obscurcit tout son contenu.
Si vous deviez parler de Jean-Paul II à un jeune homme d’aujourd’hui, comment présenteriez-vous, en quelques mots, le saint pape ?
Jean-Paul II dirait à un jeune homme d’aujourd’hui les mêmes paroles qu’il a dites aux gens sur la place Saint-Pierre le jour de son intronisation : « N’ayez pas peur ! » Elle le conduirait à l’acte de création et à l’acte du Jugement dernier, car ce n’est qu’à la lumière du Principe et de la Fin que l’homme aperçoit la vérité, à laquelle il est orienté. Ensemble avec le jeune homme d’aujourd’hui, il contemplerait la beauté de l’Amour qu’est Dieu et chercherait à éveiller en lui l’amour pour que le jeune homme puisse croire en Dieu. Je pense que l’expérience de la beauté de la personne humaine, de la beauté de son amour, montre le chemin qui peut conduire un jeune aujourd’hui à Dieu. C’est peut-être pour cela que le malin essaie de porter un coup mortel à l’amour humain et à tous ceux qui, fascinés par lui, courageusement, sans crainte, révèlent sa vérité. Le malin espère (c’est son seul espoir) qu’en frappant l’amour divin-humain, il détruira le fondement du mariage et de la famille et, à la fin, celui de l’Église. La lettre de Sœur Lucie au Cardinal Carlo Caffarra en parle clairement et sans ambages.
Professeur, la famille chrétienne, fondée sur le mariage, a-t-elle un avenir ?
Tout homme, tout mariage, toute famille ont un avenir devant eux, à condition qu’ils soient attachés à la vérité. « La vérité te rendra libre », dit le Christ. La liberté qui est le fruit de l’adhésion vérité représente l’avenir auquel aspire le cœur humain. Il n’est pas nécessaire de défendre la vérité. La vérité se défendra toute seule. Ceux qui comptent sur les jeux et les calculs humains perdront tout, même s’ils ont apparemment déjà tout gagné. Les succès de ce monde ne sont pas ceux que recherchent les gens attachés à la vérité. Ils visent la victoire éternelle. C’est pourquoi ils y participent déjà aujourd’hui. La personne humaine peut être tuée, la communion dans laquelle elle vit peut parfois être détruite, mais la vérité ne sera jamais totalement détruite, car elle est invincible.
Propos recueillis sous la direction d’Aldo Maria Valli
© leblogdejeannesmits pour cette traduction de travail.