La querelle liturgique se rallume à Port Marly
publié dans nouvelles de chrétienté le 10 octobre 2019
La querelle liturgique se rallume à Port-Marly
Depuis trois années, en raison de travaux effectués dans l’église paroissiale du Port-Marly (78), la communauté qui y assiste régulièrement à la messe célébrée selon la forme extraordinaire du rite romain a migré dans la chapelle des franciscaines à Saint-Germain-en-Laye. L’obtention, à l’époque, d’un lieu de culte pour cette communauté n’avait pas été une opération simple, l’évêché de Versailles mettant une bonne volonté moyenne à trouver une église disponible (cf. notre rubrique de juin 2016 : La guerre liturgique se rallume en France).
Selon le numéro 714 de la lettre d’Oremus du 2 octobre 2019, Mgr Aumônier aurait décidé que la communauté réintégrant Port-Marly devrait laisser la place, soit le dimanche matin, soit le dimanche soir, à une célébration selon le nouvel Ordo et qu’il ne serait pas question qu’une célébration de la messe traditionnelle perdure à Saint-Germain-en-Laye avec les desservants habituels de cette communauté, soit les chanoines de l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre.
L’argument avancé est que les habitants de Port-Marly qui le souhaitent auraient droit à la célébration de la messe conciliaire dans leur église et non dans un bâtiment profane et miteux de l’autre côté de la Nationale. Il existerait une demande en ce sens, ce qui semble effectivement crédible.
Les faits
Transplantée à Saint-Germain-en-Laye, la communauté du Port-Marly n’a guère souffert, numériquement, de ce déménagement. Mieux que de longs discours ce fait manifeste la détermination et la générosité des paroissiens transplantés.
Un nombre non négligeable d’habitants de Saint-Germain-en Laye a découvert, ou redécouvert, la messe traditionnelle, s’y est attaché et souhaite le maintien d’une célébration dominicale dans la ville. Depuis douze années, une telle demande existe et n’a jamais reçu de réponse positive…
Les quatre messes dominicales célébrées dans l’église des franciscaines sont pleines à craquer. En réduire le nombre, créant une saturation artificielle de l’espace disponible dans l’église Saint-Louis du Port-Marly, à l’occasion de ce « retour », serait une manœuvre pour le moins indélicate.
Les points de clivage
L’observateur extérieur à l’Église ne peut que rester pantois devant un tel spectacle. Comment concilier les appels incessants à l’accueil de l’autre, au dialogue inter-religieux, à la prise en compte, jusque dans les jardins du Vatican, de rites païens et cet ostracisme contre des catholiques dont le seul tort est de vouloir prier comme leurs pères le firent pendant des siècles ?
L’argument de la prise en compte des demandes des Marlyportains souhaitant bénéficier d’un office liturgique réformé est très fragile. Pourquoi leurs demandes seraient-elles plus recevables que celles des fidèles demandant, en vain, depuis des années la célébration de la messe traditionnelle dans leur église paroissiale ?
Il s’agirait ensuite, argument ancien, de ne pas nuire à l’unité de la paroisse. L’alternative est malheureusement simple. Soit la réforme liturgique conciliaire est dans la continuité de la tradition de l’Église et la cohabitation des deux formes ne peut en aucun cas nuire à l’unité de la paroisse puisqu’il s’agit, au fond, entre les deux formes du rite romain de la même réalité. Soit, effectivement, il s’agit de deux réalités différentes et il serait alors utile d’expliquer les raisons et les modalités de cette discontinuité.
Le fond des choses
Il est bien évident que cette querelle liturgique est sous-tendue par de nombreux non-dits.
Mgr Brouwet, aujourd’hui évêque de Lourdes, alors prêtre au diocèse de Nanterre avait parlé de la messe traditionnelle et de « tout ce qui va avec ». Ce qui « va avec », c’est la prédication, un enseignement, le catéchisme, un certain rapport à Dieu et au monde, des dévotions, des actes de piété, etc. Toutes pratiques et croyances généralement peu partagées dans les églises paroissiales ; raisons pour lesquelles beaucoup de catholiques ont voté avec leurs pieds, quittant des lieux dans lesquels le culte rendu à Dieu était trop souvent devenu, selon l’expression de Benoît XVI, « une autocélébration de la communauté ».
Plusieurs livres de sociologie ont paru récemment (Comment notre monde a cessé d’être chrétien de Guillaume Cuchet, Une contre-révolution catholique de Yann Raison du Cleuziou) qui font tous le même constat : plus les milieux sont traditionnels, « observants », mieux ils transmettent la foi. Ce constat est un désaveu cinglant des choix pastoraux menés par l’épiscopat français depuis cinquante années.
Beaucoup d’évêques de France voient dans la simple existence de la messe traditionnelle dans leur diocèse un échec et une menace. Un évêque d’un diocèse rural déclarait ainsi récemment au supérieur d’une communauté Ecclesia Dei : Un jour vous serez installés dans le diocèse, c’est écrit dans les chiffres. Cependant ce ne sera pas par moi mais par mon successeur. Peut-on savoir pourquoi ? Cet évêque croit-il, ou non, que l’absence de prêtre dans une paroisse peut être une cause de perte des âmes ? Si oui, qu’attend-il pour fournir au plus tôt, aux brebis de son troupeau, les pasteurs que la Providence lui envoie ? Si non pourquoi est-il évêque ?
Pour beaucoup de clercs, le salut des âmes et l’angoisse des parents pour transmettre l’intégrité du dépôt de la foi à leurs enfants semblent passer après les petits calculs politiciens et les susceptibilités d’amour propre.
Conclusion
Il est à craindre que Mgr Aumônier ne sous-estime grandement la détermination et la combativité des paroissiens du Port-Marly. Ils n’ont pas tous lu de savantes études sociologiques sur la déchristianisation. Cependant, tous observent dans leurs familles et chez leurs amis les ravages de l’indifférentisme, de l’athéisme et de l’immoralité parmi ceux qui, obéissant sagement à leurs évêques, ont suivi le courant dominant de l’aggiornamento post conciliaire. « Humiliés et offensés » depuis des décennies, ces catholiques, par nature pacifiques, ont fait le choix, volontaire et parfois crucifiant, de quitter leurs paroisses. Ce n’est pas pour revenir, aujourd’hui, à la case départ.
Jean-Pierre Maugendre