Le denier de saint Pierre
publié dans regards sur le monde le 30 décembre 2019
Où va l’argent du Denier de Saint Pierre ?
Normalement et logiquement, c’est en la fête des saints apôtres Pierre et Paul, le 29 juin, qu’est effectuée la collecte di-te du denier de Saint-Pierre mais, curieusement, dans notre pays, c’est le 1er dimanche du mois de mars. Les fidèles sont alors appelés à verser leur « obole en faveur du pape. » Cet argent doit servir à venir en aide aux « diocèses pauvres, instituts religieux démunis, et fidèles confrontés à de graves difficultés. » C’est une cagnotte à la disposition du souverain pontife qu’il est censé utiliser pour « aider les pauvres » ; c’est ainsi que la collecte est présentée aux catholiques.
Or, seulement 10% des sommes récoltées vont à ces pauvres ou à des œuvres charitables. Ce sont les experts de la Cosea qui l’ont révélé après un examen des comptes. La Cosea est la commission d’enquête créée en 2013 par le pape Fran-çois dès son élection au trône de Pierre pour faire la lumière sur les comptes obscurs du Vatican. Au terme d’un travail rendu difficile par les réticences de l’entourage du saint Père, les analystes financiers ont conclu que sur 10€ de dons qui entrent, 6 sont utilisés pour renflouer les comptes des différents dicastères (les ministères) du Saint-Siège, 2€ consolident le fonds qui af-fiche une provision de 400 millions €, et seulement 2€ vont effectivement aux pauvres.
Ce qu’il faut bien appeler un détournement de fonds au détriment des plus démunis est dû aux finances catastrophi-ques de l’Etat du Vatican au bord de la faillite.
Quand on parle des « richesses du Vatican, » celles-là sont constituées d’un im-portant patrimoine immobilier – mal géré suivant les spécialistes – et d’œuvres d’art mais point de liquidités disponibles car c’est un Etat qui ne lève pas d’impôts.
La situation s’est aggravée depuis l’avènement du pape François. Chaque année, le bud-get enregistre un déficit d’environ 25 millions € et le système de retraite accuse un déficit de financement de 800 millions €.
Deux sources de financement importantes commencent à se tarir, en provenance de deux églises « riches » : l’Allema-gne et les Etats-Unis. Les dons diminuent mais pour des motifs différents et contradictoires.
Outre-Rhin où le progressisme, à l’aval de l’épiscopat, trouve que François ne va pas assez vite ni assez loin dans ses réformes, refusant toujours notamment de conférer le sacerdoce aux femmes.
Chez l’Oncle Sam, c’est le contraire : on n’apprécie guère la liberté prise avec la doctri-ne traditionnelle sur le mariage, par la permission donnée aux divorcés remariés de communier, mais aussi sa croisade inces-sante contre le capitalisme et son laxisme à l’égard d’un islam dont il mésestime le danger.
Une partie du Denier de saint Pierre sert donc à renflouer autant que faire se peut le tonneau des Danaïdes des finances vati-canes.
Mais une autre est investie afin de rapporter des intérêts dans des placements qui ne sont pas toujours judicieux, les bénéfices étant aléatoires. François ne le nie pas et pour cause : ce sont les experts nommés par lui qui le disent. Il répond : « Quand l’argent arrive, je fais quoi? Je le mets dans un tiroir? Non, ce serait de la mauvaise gestion. Je cherche à faire un investissement. »
Il est pour le moins paradoxal que le souverain pontife qui dénonce le capitalisme financier et les spéculateurs tous les matins participe lui-même à ce système et ce au détriment des pauvres. Les placements financiers ne pouvant pas toujours être bénéficiaires l’argent perdu à la Bourse est celui qui aurait dû aller aux plus démunis.
Cet argent que donnent les fidèles mais qui va à une autre destination fait songer à ce qui se passait, en France, dans les années 70 : à l’insu des donateurs, 30% de la quête annuelle au profit du Secours catholique étaient prélevés par l’épiscopat pour financer ses services. Les plus anciens s’en souviennent : une vigoureuse campagne de Pierre Debray, président du Ras-semblement des Silencieux de l’Eglise, mit fin à ce détournement de fonds.
(Source: le Buelletin d’André Noël)