Les vertus familiales
publié dans couvent saint-paul le 18 janvier 2020
Prédication pour le 2ème dimanche après l’Epiphanie.
Les noces de Cana
Les vertus familiales
MBCF,
Dimanche dernier, nous avons médité sur les vertus de la Sainte Famille et nous avons pu admirer quelques-unes de ses vertus. Tout d’abord, l’adoration de Notre Dame, sa promptitude dans le service se hâtant près de sa cousine Elizabeth pour lui porter secours. Nous avons contemplé aussi sa joie exprimée tout particulièrement dans le chant de son Magnificat. Nous avons pu voir que cette joie avait pour objet le plan salvifique de Dieu, son mystère de l’Incarnation rédemptrice, mystère qui fait naître en elle, la Charité, qui est le principe de sa joie. Nous l’avons vu contemplant : « Elle méditait toutes ces choses dans son cœur ». A cette lumière, j’affirme que l’on ne peut réaliser son salut, sauver son âme et celles de ses enfants sans avoir ce sens du « recueillement », ce sens du « silence ». Il faut savoir s’arracher au bruit, à l’agitation. Il faut s’avoir s’asseoir… et laisser sa pensée se perdre en Dieu… « je l’avise et il m’avise » disait le paysan au saint Curé d’Ars. Nous avons admiré la promptitude de l’obéissance de saint Joseph, cherchant dans l’énergie de sa résolution, et la fidélité à l’ordre angélique, à sauver l’enfant Jésus, cherchant à sauver la « Vie »…
Et c’est ainsi que cette après-midi, 19 janvier 2020, de nombreuses familles chrétiennes défilent à Paris pour défendre la vie familiale et sauver la vie, la vie étant un don de Dieu, la vie, fruit du respect de la loi de la Création, de la loi du Seigneur.
Mais il me semble que l’on pourrait poursuivre notre méditation sur la famille et ses vertus en méditant ce passage de l’épître aux Romains dont l’Eglise nous propose la lecture en ce dimanche du miracle de Cana. Ce n’est pas sans raison, du reste, que l’Eglise a choisi ce passage le jour même où elle nous fait contempler Jésus bénissant, de sa présence, l’institution familiale et manifestant à tous sa divinité par le miracle du changement de l’eau en vin..
« Nous avons des dons différents, nous dit saint Paul, selon la grâce qui nous a été accordée ».
Les premiers dons, dont il parle, me semblent plutôt concerner le clergé…Mais très vite, dans cette énumération, les dons concernent aussi la famille, et le père, et la mère, et les enfants.
Le père, tout d’abord.
Le père doit être animé de la « sollicitude ». « Qui praeest in sollicitudine ». Cette expression concerne, me semble-t-il, particulièrement le père. « La sollicitude pour celui qui préside ». En effet « praeesse », « praeest » du verbe praeesse veut dire « être à la tête de… », « être le premier » et de là « commander, diriger », « être le guide, l’instigateur ». Tous ces termes désignent le chef, le père de famille. Il doit avoir de la sollicitude pour tous, pour son épouse d’abord, pour ses enfants ensuite. De la sollicitude, c’est-à-dire de la préoccupation, du souci, de l’inquiétude…Mais plus exactement de l’attention, de la vigilance. Il est comme celui qui est « aux aguets ». Voilà le père de famille. Voilà saint Joseph auprès de Notre Dame, de l’enfant Jésus. La sollicitude est à l’opposé de « l’indifférence », de la « nonchalance ». Dans les litanies de saint Joseph, l’Eglise nous le fait acclamer par cette expression fabuleuse : « defensor sedule Christi ». « Défenseur zélé du Christ ». « Sedule » veut dire « servir avec zèle, avec empressement », « être empressé », « être assidu auprès de… » . Tel doit être le père. C’est une belle vertu qui prend sa source dans un cœur paternel et ainsi cette « sollicitude » du père est comme un beau fleuve au cours tranquille.
« Qui miseretur in hilaritate »
« de joie pour celui qui exerce la miséricorde ».
Je vois là, plutôt la qualité, le « don » de la mère. La mère, c’est la miséricorde. « Miseretur » : c’est avoir de la « compassion », de la « pitié ». C’est aussi savoir « s’attendrir ». Ce sont les manifestations du cœur de l’épouse, de la mère de famille. Et cette miséricorde doit s’exercer dans la joie. La joie serait-elle le fruit de la miséricorde en acte, de la charité en acte ?je pencherai assez pour cette explication. Elle est celle de saint Thomas. De sorte que cette miséricorde, cette charité s’exprime dans la joie. C’est pourquoi cette miséricorde, cette charité s’exprimerait nécessaire dans la joie, avec la joie. La mère, l’épouse doit être « joyeuse ». Voilà une belle qualité dans la famille. La mère est comme le disait Pie XII, « le rayon de soleil de la famille », le « paradis de l’enfant ». Mais vous permettrez aussi, je pense, que j’attire votre attention sur le mot latin : « in hilaritate ». « Hilaritas », ce mot en français a donné « hilarité ». Ce n’est donc pas une petite joie. C’est la « gaieté ». C’est « l’enjouement ». Ce n’est pas une joie retenue. Elle doit s’exprimer à l’extérieur.
« Dilectio sine similatione »
« Que la charité soit sans déguisement ».
Le contraire est odieux. Que la charité, en famille, soit vraie, franche. La charité est le ciment des relations fraternelles et conjugales. Mais le mot « dilectio » n’exprime pas seulement l’amour. C’est un mot très riche, plein de nuances admirables. J’ai eu un professeur d’Ecriture Sainte, à Fribourg, le père Spicq, qui a passé sa vie d’exégète à expliquer ce mot : « dilectio ». Ce mot connote une nuance religieuse. En quel sens ? Cette dilection est faite de « respect », « d’honneur », « d’estime ». Ce n’est pas une vulgaire tendresse. C’est un amour de noblesse. Cette « dilection » va se traduire en « gratitude » et « désintéressement ». Il se spécifie par la « stabilité » et sa « durée ». Elle est « dynamique » et se prouve ». Cette dilection engendre la joie. Telle doit être la dilection de l’époux pour l’épouse et vice versa, des enfants entre eux et envers leurs parents.
C’est du reste ce que précise saint Paul un peu plus loin dans son texte. Cette dilection doit être faite « d’honneur et d’égard ». Il demande que la dilection soit la caractéristique des relations fraternelles, familiales. Et encore un peu plus loin, il précise « prévenez-vous d’égards réciproques ». C’est dire équivalemment que cette charité est faite d’ « estime ». Du reste, comment manifester de la charité sans avoir de l’estime pour la personne aimée. C’est impossible.
Je passe et j’arrive à cette belle vertu : « Servez le Seigneur ». « Domine servientes ». Voilà une des grandes qualités de la famille chrétienne : « le service du Seigneur » qui s’exprime tout particulièrement le dimanche par la participation à la Sainte Messe. « Servir», c’est être dévoué à… » Mais c’est aussi « dépendre de… », « obéir », « se plier, se conformer ». C’est aussi « être utile à… ». Ce fut la grande qualité de Notre Dame. « Je suis la servante du Seigneur ». Elle a obéi à la parole de l’Ange, elle s’est conformée à la Parole de l’Ange, elle fut totalement dépendante à la Parole de Dieu. Service prompt, respect de la loi du Seigneur. Fidélité à sa Seigneurie, à ses commandements. Elle fut admirative du mystère de Dieu qu’elle servit fidèlement. Qu’il en soit ainsi de nous.
Voilà, MBCF, un beau tableau, me semble-t-il, de la famille chrétienne.