Le « Ratzinger belge »
publié dans nouvelles de chrétienté le 19 janvier 2010
Le « Ratzinger belge »
Mgr André-Mutien Léonard, nouveau primat
Il ne s’appellera plus « André-Mutien », mais « André-Joseph » : Mgr Léonard, le nouveau primat de Belgique, dont la nomination pressentie a été officialisée lundi par le Vatican, accolera à son prénom comme il l’avait fait dans son actuel diocèse de Namur le nom du saint patron du lieu. L’Eglise est la famille de Dieu et s’inscrit dans un héritage.
Héritage : c’est le « problème » que pose la nomination de Mgr Léonard (nouvel archevêque de Bruxelles-Malines et bientôt sans doute cardinal et à ce titre deuxième personnage de la Belgique, après le roi, selon l’ordre protocolaire) : il est réputé conservateur. Presque traditionaliste. Par rapport au cardinal Danneels, dont il prend la succession, il est vrai que le contraste est saisissant. Si celui-ci veut croire, pour minimiser l’énorme pas que le pape Benoît XVI fait franchir à la très progressiste Eglise de Belgique : « Nous avons le même amour pour l’Eglise, nos ADN sont différents ; (…) ce n’est pas parce que le menu est servi par un autre que le menu a changé », il est clair que le style de Mgr Léonard est différent. Qu’est-ce qui le distingue du cardinal ? « Je sais par conviction personnelle, par expérience, qu’on gagne à montrer avec clarté ce qu’être chrétien implique. » Si ce n’est pas une critique feutrée de l’« ouverture » tant aimée du Cardinal… Et apparemment le style de l’homme séduit : sur les 70 séminaristes que compte le royaume, 30 sont dans le diocèse de Namur.
La presse belge a multiplié les articles parlant d’« inquiétude », d’appels au dialogue avec un homme donné d’emblée comme incapable de s’y engager. Un prêtre de Namur explique avec dépit que « Mgr Léonard se voit comme le successeur des apôtres », qu’il est « la voix de son maître », Rome…
Mgr Léonard est haï par une frange de l’Eglise belge et par les médias pour avoir ouvert la porte à des mouvements comme l’Opus Dei ou le Chemin néocatéchuménal. Dans son diocèse, la Fraternité Saint-Pierre a pu obtenir un ministère et le nouveau primat de Belgique ne rechigne pas à célébrer selon la « forme extraordinaire ».
On lui en veut surtout pour ses déclarations sur la recherche sur les embryons, le mariage homosexuel et l’euthanasie, tous légaux en Belgique, si bien que Laurette Onkelinx, ministre de la Santé, s’est empressée de se dresser contre Mgr Léonard, décrit comme un « danger pour la santé publique » par son intervieweur :
« Mgr Danneels avait une parole d’ouverture, de tolérance, et on pouvait s’y retrouver. Mgr Léonard a déjà contesté régulièrement les décisions du Parlement. Sur le sida : il conteste l’utilisation du préservatif alors que des gens en meurent tous les jours. Il est contre l’avortement et l’euthanasie… Le choix du Pape pourrait remettre en cause ce compromis qui permet de vivre les uns avec les autres dans le respect de chacun. »
Même son de cloches au PS belge où l’on insiste pour que Mgr Léonard « respecte les décisions démocratiques prises par les institutions de notre pays » en notant que les droits et devoirs que se donnent les hommes démocratiquement priment sur les traditions et prescrits religieux, « sans aucune exception ».
Mgr Léonard a déjà riposté, rapporte RTBF, en indiquant que dans un pays démocratique il est légitime de contester des lois, sans quoi comment la « classe ouvrière » pourrait-elle s’élever contre des lois qu’elle juge injustes ? Mgr Léonard, lui, se réserve le droit de prendre la défense du mariage naturel, par exemple. Mais ses priorités, a-t-il aussi précisé dans la presse, portent sur la formation de nouveaux prêtres et – en continuité avec son prédécesseur, dit-il avec finesse – sur la liturgie, qui se doit d’être « soignée, fidèle à la grande tradition de l’Eglise et digne de Dieu et des hommes et des femmes qui y participent », toujours davantage « priante et adorante ».
Une « continuité » qui laisse songeur, d’autant que l’on attribue à Mgr Danneels un « cadeau de départ », une décision de toute dernière minute qui prive l’évêché de Malines – et donc Mgr Léonard – de sa traditionnelle voix au chapitre à la nouvelle Académie Louvain…
La question de l’homosexualité agite beaucoup les médias belges qui rappellent les réponses de Mgr Léonard rapportées par Télémoustique en 2007 : « Les homosexuels ont rencontré un blocage dans leur développement psychologique normal, ce qui les rend anormaux. Je sais bien que dans quelques années, je risquerai la prison en affirmant cela, mais ça pourrait m’offrir un peu de congés ! »
Par la suite, Mgr Léonard avait précisé que ces propos avaient été incorrectement retranscrits en ce sens qu’il n’a pas qualifié les personnes homosexuelles d’anormales mais le comportement homosexuel… « Demandez à Freud », avait-il répondu dans une très longue interview au média néerlandophone Knack, en 2006. Ajoutant à de fortes paroles son « respect » pour les personnes : « On n’a jamais le droit de confondre un jugement sur l’homosexualité avec la condamnation des homosexuels. »
Mgr Léonard a trois frères, tous prêtres. Il n’a jamais connu son père : né le 6 mai 1940, il a été baptisé le jour de l’invasion de la Belgique, le 10 mai. Six jours plus tard, son père, mobilisé au service des télécommunications, est mort dans un bombardement allemand. A cinq ans, le jeune enfant savait déjà qu’il serait prêtre, parce qu’il aimait la liturgie, trouvait la prière belle et voulait être « près du Seigneur ».
Et son anneau épiscopal ? « Cet anneau symbolise le fait que je dois aimer mon diocèse et mes gens comme un mari aime sa femme. »
JEANNE SMITS
Article extrait du n° 7013
du Mercredi 20 janvier 2010