La République ou la France?
publié dans regards sur le monde le 24 février 2020
La République ou la France ?
Le général De Gaulle en son temps avait fustigé le mantra que constituait à ses yeux la référence incessante à l’Europe. « Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant « l’Europe ! », « l’Europe ! », « l’Europe ! », mais cela n’aboutit à rien et cela ne signifie rien. » expliquait-il à Michel Droit lors d’un entretien le 14 décembre 1965. Sans doute n’est-il pas incongru de penser que le défunt guide eut été passablement contrarié de voir son successeur marteler, ad nauseam, d’un air martial, sans sauter comme un cabri, concédons-le, toutes les trois phrases : la République, la République, la République…Plus que de l’analyse, le discours du président de la République à Mulhouse, sur « le séparatisme musulman » le 18 février dernier a semblé relever de l’exorcisme et de l’incantation.
Le poids des mots
Convenons que l’exercice n’était pas facile. Il s’agissait de rassurer ceux que trouble, perturbe, inquiète la présence de plus en plus nombreuse, visible, pesante de populations étrangères à nos modes de vie ancestraux sans cependant, comme ils disent, stigmatiser l’Islam. L’innovation a d’abord était sémantique. Ce qu’il faudrait condamner, ce n’est pas l’Islam, bien sûr, ni même l’Islamisme, on s’en doutait, mais l’islamisme radical. La prochaine étape sera, sans doute, l’appel à la condamnation unanime de l’Islamisme radical intégriste. La vie est difficile quand on ne veut pas voir les choses telles qu’elles sont !
Le Président de la République a condamné avec force ce qu’il appelle l’Islam politique. Mais où et quand l’Islam n’a‑t-il pas été politique ? Jamais ! Tariq Ramadan ne cesse de répéter que l’Islam est un système englobant qui recouvre tous les aspects de la vie sociale. Un Islam non politique est un oxymore, une contradiction dans les termes. Accordons à Tariq Ramadan que s’il n’est sans doute pas un spécialiste de Paul Ricoeur il sait certainement mieux qu’Emmanuel Macron ce qu’est l’islam. C’est fou le nombre de koufars, mécréants- non musulmans, qui se sentent la mission d’expliquer aux musulmans ce qu’est le vrai islam !
L’inconsistance de la République
Dans l’esprit du Président de la République la dite République serait le remède à tous nos maux, le serpent d’airain vers lequel lever les yeux pour être sauvés. La difficulté est que si le serpent d’airain était bien visible il semble bien plus difficile de définir ce qu’est la République. De quelle République parle-t-on ? De celle qui interdisait de « cracher par terre et de parler breton » ou de celle qui par le biais des ELCO (Enseignement de la Langue et de la Culture d’Origine) mués en EILE (Enseignements internationaux de Langues Etrangères) souhaite que les populations d’origine étrangères puissent rester fidèles à leurs racines nationales. De celle qui, en 1920, condamnait pénalement l’avortement et la contraception ou de celle qui en 2020 promeut et subventionne ces deux pratiques.
Dans le geste et le verbe macroniens l’invocation de la République clôt les débats. Il y a, pour notre Président, une dimension sacrale dans ce mot. C’est à la fois Dieu confiant à Moïse le décalogue sur le mont Sinaï et Jupiter régnant sur les dieux. Res publica locuta est, causa finita est. La République a parlé, la cause est entendue. Cependant ce qu’a oublié notre Jupiter capitolin c’est qu’il est de l’essence du sacré d’être figé. Ce n’est pas pour rien que le mot hiératique signifie à la fois : qui concerne les choses sacrées et d’une raideur majestueuse, figée. Depuis deux siècles et plus nous en sommes à cinq Républiques, avec quelques intermèdes : Empire, Restauration Etat Français, et la constitution de la Vème République a subi 24 révisions ! Quelle est la bonne République aussi stable, digne de confiance, de respect, voire de vénération que le furent les Tables de la loi ?
Emmanuel Macron n’aime pas la France
Le discours présidentiel se perd en circonlocutions pour ne pas appeler un chat un chat et occulter la réalité : un Islam identitaire et offensif est en train de prendre une place de plus en plus importante dans la société française, imposant ses modes de vie et ses croyances à des populations qui y sont étrangères. Mais à quelle identité faudrait-il rattacher ces populations ? Est-ce que l’identité française c’est essentiellement l’égalité homme-femme et l’obligation pour un homme de serrer la main des femmes, voire de leur faire la bise. L’argumentation est pitoyable quand on est l’héritier de Charlemagne et de saint Louis, de Louis XIV et de Napoléon, le maître d’un pays qui a bâti les cathédrales, le château de Versailles et celui de Chambord, qui a donné au monde des chefs d’œuvre artistiques en littérature, peinture, architecture, etc. sans équivalents. A de brefs intervalles Emmanuel Macron a parlé de la France. Subrepticement. Honteusement. Logiquement. On ne peut pas, en même temps, accuser la France de crimes contre l’humanité, à propos de son action colonisatrice en Afrique, et en vanter les mérites et chanter les grandeurs. Il y a des limites au déni du principe de non contradiction.
Le discours de Mulhouse et les, modestes, actions annoncées auront, encore une fois, l’effet d’un cataplasme sur une jambe de bois car elles semblent pensées par un homme étranger à la réalité charnelle de la France. Notons enfin qu’on ne peut s’empêcher de sourire, un peu jaune, lorsque revient régulièrement dans la bouche présidentielle le refrain nos enfants. De la part d’un homme qui s’est mis volontairement en situation de ne pas avoir de descendance la formule est étrange.
Jean-Pierre Maugendre