Au sujet du Coronavirus
publié dans regards sur le monde le 4 mars 2020
Au fil du développement de l’épidémie du coronavirus en France (13 morts à ce jour face à 8 000 pour une banale grippe annuelle) de nombreux évêques de France se mobilisent. Mgr Aupetit, archevêque de Paris interdit la communion dans la bouche et Mgr Benoît-Gonnin, évêque de Beauvais, plus radicalement, suspend l’exercice du culte et la célébration de la messe dans son diocèse. Dans de nombreuses paroisses et lieux de culte les prêtres célébrant selon la forme extraordinaire du rite romain, et refusant de donner la communion dans la main, ont appelé leurs ouailles à une communion spirituelle. C’est peu de dire que cette consigne a été très mal accueillie par les fidèles présents. L’épidémie de coronavirus étant loin d’être encore stabilisée, du moins en France, la situation va devenir compliquée pour appliquer les nouvelles directives épiscopales sauf à vouloir absolument emplir les lieux de culte desservis par la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X.
Ont-ils encore la foi ?
Laurent Dandrieu a très justement noté dans un tweet : « Dans les temps où l’on avait la foi, en cas d’épidémie on emplissait les églises pour prier Dieu de nous en préserver. Aujourd’hui, on se calfeutre chez soi en espérant être assez chanceux pour s’en tirer. Et l’Eglise elle-même collabore à cette écœurante laïcisation ». Ce mouvement de laïcisation au sein même de l’Eglise est ancien. Ainsi le Rapport doctrinal adopté en novembre 1968 par l’épiscopat français enseignait : « Sans doute, et il faut en prendre conscience, un héritage païen venant du fond des âges a‑t-il sédimenté l’âme chrétienne dès sa naissance, et les séquelles de cet héritage sont loin d’être totalement disparues, même de notre rituel ; au scandale ou à la risée de l’homme moderne une partie, à vrai dire de plus en plus réduite de notre liturgie continue à demander à Dieu ce que le paysan demande à l’engrais, un salut cosmique qui fait de Dieu le suppléant de nos insuffisances. »
Effectivement dans les litanies des saints le peuple chrétien implorait : « A peste, fame et bello, libera nos domine, de la peste de la famine et de la guerre libérez-nous Seigneur ! » Jean Delumeau a recensé plus de cinquante saints, dont particulièrement Saint Roch et Saint Sébastien, invoqués au Moyen-Age pour lutter contre la peste, alors l’épidémie la plus meurtrière. Régulièrement, face à ces fléaux, les évêques appelaient le peuple chrétien à la pénitence et à la conversion pour obtenir de Dieu l’arrêt de l’épidémie. Ainsi le 12 novembre 994, alors qu’un terrible fléau (mal des Ardents : ergot de seigle) décime la population de Limoges, Guillaume IV, duc d’Aquitaine, les archevêques de Bordeaux, de Bourges, les évêques de Limoges, Clermont-Ferrand, du Puy, de Périgueux et Angoulême se sont retrouvés autour de la dépouille de Martial, premier évêque de Limoges, et ont imploré le ciel de mettre fin au mal. Saint-Martial entendit la prière de son peuple et des milliers de malades furent guéris ce jour-là.
Pas de consensus
Tout cela semble appartenir au passé. Les évêques d’aujourd’hui, à l’exception notable de Mgr Pascal Rolland, évêques de Belley-Ars, semblent avoir perdu tout bon sens. Mgr Rolland dénonce « l’épidémie de la peur » et, à rebours de la Vulgate officielle, rappelle justement que : « alors que les moyens sanitaires n’étaient pas ceux d’aujourd’hui, les populations chrétiennes se sont illustrées par des démarches de prière collective, ainsi que par le secours aux malades, l’assistance aux mourants et la sépulture des défunts. Bref, les disciples du Christ ne se sont ni détournés de Dieu ni dérobés au semblable. Bien au contraire ! » A propos de la déclaration des évêques de France en 1968 Jean Madiran observait déjà, avec sa sagacité coutumière, que leur « objection » contre les Rogations, aurait pu également être faite contre le Notre Père : « Ce que le paysan demande à l’engrais », messieurs, c’est le pain quotidien, ou comme vous dites : « aujourd’hui notre pain de ce jour ». Panem nostrum quotidianum da nobis hodie. Il ne suffira pas de supprimer les Rogations et leurs Litanies pour évacuer ce que vous nommez le « paganisme » : il faudra supprimer aussi le Pater, que nous avez déjà passé au laminoir de votre « traduction », mais qui résiste encore. »
Et les mosquées ?
Tout cela ne paraît pas très sérieux alors que le métro fonctionne toujours, que les lieux publics : gares, restaurants, hypermarchés … n’ont pas été fermés, etc. Il sera intéressant d’observer l’attitude de la communauté musulmane particulièrement bien représentée dans le département de l’Oise. Les mosquées seront-elles fermées pour la prière de ce vendredi ? Ce serait bien surprenant ! Quel signe du destin ce serait alors que dans un département français, qui plus est au cœur du domaine capétien qui allait donner naissance à la France, en 2020, le seul culte public célébré soit un office musulman et cela par la volonté de l’évêque du lieu. En cette année johannique le cri de Jeanne reste d’une brûlante actualité : « Evêque c’est par toi que je meurs. »
Enfin à l’occasion de ce carême qui commence espérons que le coronavirus sera l’occasion d’une grande croisade de prières et de pénitences lancée par les évêques de France pour le relèvement de la France et sa guérison, la libérant des maux matériels et immatériels qui mettent en cause son existence même et sa pérennité comme fille aînée de l’Eglise.
Jean-Pierre Maugendre