L’agonie de Jésus selon le récit de saint Marc
publié dans la doctrine catholique le 4 avril 2020
La Passion de Jésus-Christ
Son agonie
selon saint Marc
Mc 14 32-42
Le récit de saint Marc de l’agonie de Jésus est un récit très vivant et émouvant. On y perçoit l’écho direct du témoignage de saint Pierre. Il est reconnu en effet que saint Marc reprend dans son Evangile la prédication de Pierre. Il y a lieu de croire que Saint Pierre songea plus tard avec tristesse au drame de Gethsémani où lui et ses deux compagnons, Jacques et Jean avait fait si piètre figure. Jésus leur avait recommandé à Gethsémani la vigilance, la méfiance de Satan : « Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cibler comme le froment ». (Lc 22 31) Aussi saint Pierre pouvait bien dire à la communauté chrétienne le danger que représente le manque de vigilance et combien il nous laisse démuni contre les assauts du diable ; il se rappelait son sommeil coupable de Gethsémani et les reniements lamentables qui avaient suivi. Il parlait d’expérience ! C’est pourquoi on comprend les recommandations qu’il pouvait faire aux fidèles : « Soyez sobres, veillez ; votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rode autour de vous, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que vos frères dispersés dans le monde, endurent les mêmes souffrances que vous ». (1 Pt 5 8-9)
Notre but dans cette présentation de l’Agonie de Jésus dans l’évangile de saint Marc, n’est pas d’abord sémantique, l’étude des mots…Mais il s’agit de lire, en quelque sorte, autant que possible, dans l’âme de Jésus en ce moment, crucial entre tous, de son existence terrestre.
Nous parlerons d’abord de l’angoisse et de la prière de Jésus : Mc 14 32-36 ; puis nous commenterons les paroles adressées aux trois disciples, Pierre, Jacques et Jean : Mc 1437-42 ; puis nous comparerons les deux récits de Marc et de Matthieu, faisant ressortir les ressemblances et les différences.
Section 1 : L’agonie et la prière de Jésus Mc 14 32-36.
Nous voulons parler en premier lieu de l’intensité de l’angoisse éprouvée par Jésus., en second lieu de l’heure qu’il voudrait voir passer loin de lui et de la coupe qu’Il redoute de boire, enfin de la prière, une invocation : « Abba Père » et de la libre soumission de Jésus à la volonté de son Père.
- 1 l’intensité de l’angoisse éprouvée par Jésus.
Saint Marc nous dit qu’une fois arrivé à Gethsémani, Jésus « commença à être effrayé et angoissé ». « Commença » : il s’agit ici d’un tournant capital de l’existence terrestre du Christ. On retrouve ce verbe après la confession de saint Pierre à Césarée. Là, Saint Pierre, pour la première fois, au nom de tous les Apôtres, confesse la divinité du Christ, sa messianité – ce que toujours auparavant le Christ évitait de faire afin de ne pas encourager les fausses conceptions messianiques. Là, après cette confession messianique Jésus commença à dire ouvertement aux Apôtres stupéfaits que le Messie devait connaître des souffrances et une mort affreuse Mc 8 31. C’est qu’Il n’est pas seulement le Fils de l’homme transcendant de Daniel, mais encore le Serviteur souffrant d’Isaïe 53. C’est vraiment là le début d’une nouvelle période dans l’existence terrestre du Sauveur.
Là, dans la scène de Gethsémani, une troisième période s’ouvre, tout aussi nouvelle et opposée.
En effet depuis Césarée, Jésus n’avait cessé d’annoncer à ses Apôtres sa future Passion, et cela avec la plus grande fermeté, rejetant comme sataniques toutes les suggestions qu’on pouvait lui faire en en sens opposé : l’attitude Pierre : Mc 8 31 33, « Pierre voulant sui opposer, s’entend dire : « Arrière Satan tu m’es une occasion de scandale ».
Là tout à coup à Gethsémani Jésus se départit de cette fermeté : « il commença à être effrayé et angoissé par la perspective de la Passion ». . Il commença à être « effrayé ». Il est ébranlé par l’apparition d’un spectacle inopiné ou par un événement inattendu. C’est de l’effroi qu’il récent, de la stupeur. A Gethsémani tout se passe comme si quelque chose d’inattendu et de terrible s’était présentée à son esprit, provoquant en lui un choc. « Il est angoissé » par la solitude dans laquelle il se trouve, loin de son Père et par l’abandon trop réel de ses disciples les plus chers.
« Mon âme est triste » : Jésus est envahi par une douleur atroce : loin de son Père. On peut penser au Psaume 42 6-12, celui de la biche qui languit après l’eau vive, ainsi mon âme languit vers toi mon Dieu…. ». Ce psaume est la complainte du lévite qui souffre terriblement d’être exilé loin du Seigneur. A Gethsémani, le Christ ne se sent-il pas comme en exil loin de son Père ?
« Mon âme est triste jusqu’à la mort » : « Jusqu’à la mort » cette expression peut avoir un sens final : mon âme est tellement triste que je désire mourir. Ou un sens consécutif : mon âme est accablée d’une tristesse qui serait capable de me donner la mort. Ces nuances permettent de mieux essayer de saisir l’état d’âme du Sauveur en ce moment crucial de son existence. A Gethsémani, Jésus certes veut exécuter jusqu’au bout la volonté du Père sur lui. Mais la tâche à accomplir lui parait soudain tellement énorme et terrible que sa pauvre nature humaine ne peut que crier sa détresse et qu’il se demandera tout à l’heure si c’est bien cela que le Père lui demande.
« Triste jusqu’à la mort » i.e. triste au suprême degré, d’une tristesse mortelle.
« Et s’étant avancé un peu, il tombait à terre » : il se prosterna à terre. C’est l’attitude du serviteur demandant la remis de sa dette. Mt 18 26. Devant Dieu, c’est un geste d’adoration. Mais surtout il faut voir là à Gethsémani, l’acte de quelqu’un pris d’une détresse sans nom qui enlève toute force et projette la victime sur le sol : il tomba lourdement sur sa face. Pierre a vu Jésus en train de s’effondrer. On peut alors comprendre avec saint Paul « à quel grand prix nous avons été rachetés »(1 Cor 6 20 ; 7 23)
- 2 L’heure et la coupe que Jésus redoute.
L’heure : « Il pria pour que, s’il était possible, l’heure passa loin de lui ». (M14 15.
La coupe « Abba! Père ! Tout est possible ; éloigne de moi cette coupe. Mais non pas ce que je veux mais ce que toi, tu veux »
Ces deux mots « heure et coupe » sont d’une grande importance pour comprendre l’agonie du Christ.
L’heure c’est le temps du Christ : il va passer de ce monde à son Père au milieu de la tribulation.
La « coupe » ce sont les souffrances endurées par Jésus pour l’expiation des péchés de l’humanité. La « coupe » que le Christ redoute de boire est inséparable de « l’heure » du verset précédent qui est l’heure du jugement. Elle est inséparable de l’heure où le fils de l’homme est livré aux mains des pécheurs. C’est le Serviteur souffrant d’Is 53 où nous voyons le Serviteur souffrant accepter de subir le châtiment mérité des hommes coupables afin de les guérir et de les rétablir dans l’amitié de Dieu.
On a longtemps paré de ce chant du Serviteur souffrant dans notre commentaire du Pange Lingua. Je me permets de vous y renvoyer.