Son bon sourire n’illuminera plus nos Universités d’été.
Nous n’entendrons plus sa voix chaleureuse nous dire, après qu’il nous eût chaleureusement serré les mains, et comme si nous étions les seuls à compter à ses yeux : « Oh ! Comme je suis heureux de vous voir ! » Alors qu’il n’avait fait que reconnaître notre voix, étant aux trois quart aveugle…
Il ne sera plus, à la face du monde, la si parfaite incarnation de la belle devise : « fortiter ac suaviter, courageusement et avec douceur », témoin exigeant et sacrifié de la radicalité de l’Évangile. Parce que nous le trouvions toujours devant nous chaque fois que la vie de l’enfant à naître était en danger, nous croyions, naïvement, qu’il serait éternellement avec nous. Il nous a quittés et nous ne parvenons pas à le croire. Il nous manque déjà.
Le docteur Xavier Dor, fondateur de l’association SOS Tout-Petits est décédé ce 4 avril, victime du corona virus, « mal qui répand la terreur, mal que le ciel en sa fureur inventa pour punir les crimes de la terre ». (Jean de La Fontaine in Les animaux malades de la peste)
SOS Tout-Petits
Dès la promulgation de la loi Veil, en 1975, le docteur Dor, pédiatre puis embryologiste, s’était engagé dans la défense de la vie humaine innocente, fondant en 1986 l’association SOS Tout-Petits. Parmi la nébuleuse pro-vie le charisme propre de l’association était de se rendre dans les lieux où avaient lieu les avortements afin de discuter, et prier, avec les patientes et le personnel médical, tout en leur distribuant des médailles miraculeuses. Ce mode d’action étant pénalement non répréhensible fut votée en 1993 une loi ad hominem, dite loi Neiertz, instituant un délit d’entrave à l’avortement. Si les actions du docteur Dor étaient prioritairement visées, aujourd’hui déconseiller à qui que ce soit : une amie, une parente, etc. de recourir à l’avortement est passible de poursuites. Il en fallait plus pour décourager cette âme de feu, habitant un corps pourtant chétif et frêle. Le docteur Dor poursuivit son action, s’éloignant seulement un peu physiquement des centres d’avortement. Onze condamnations s’ensuivirent aboutissant à cinq mois de prison pour avoir présenté à une jeune femme qui venait d’avorter des chaussons de bébé. Insupportable violence de la layette ! Qui dira qu’il n’y a pas de justice en France et que les prisons sont engorgées ? A cette occasion le docteur Dor demanda, en décembre 1997, à bénéficier du droit d’asile à la nonciature à Paris. Il fut refoulé à l’issue d’une journée de présence.
Trois leçons
Le docteur Dor nous a appris trois choses essentielles.
Tout d’abord : « La conscience n’est pas la lumière, elle est l’œil qui regarde la lumière. » Il existe une réalité objective du bien et du mal. L’homme a la responsabilitéde rechercher cette réalité qui s’appelle la loi naturelle. Il n’a pas à décider de ce qui est bien et de ce qui est mal.
Ensuite, il est essentiel de bien distinguer le pécheur et le péché. Ce qu’il faut condamner c‘est le péché. Quant au pécheur il faut implorer pour lui la miséricorde de Dieu. Cette miséricorde, dont nous savons qu’elle est sans limites, mais pas sans conditions.
Enfin, le combat pour la défense de la vie humaine innocente revêt une dimension eschatologique. Ne sont pas en jeu que des forces naturelles. Ce combat met aux prises Satan lui-même avec la création. Ce que Satan hait en toute créature humaine, c’est qu’elle soit constituée à l’image de Dieu. Entraver la vie et son développement c’est ainsi réduire le nombre des élus appelés à partager la vision béatifique avec Dieu. Contre cette action proprement satanique il n’existe qu’un remède : « Cette sorte de démons ne se vainc que par la prière et la pénitence. » (Matt XVII,21)
Ses adversaires ont présenté le docteur Dor comme un ayatollah illuminé. Il n’y avait pas plus doux ni plus raisonnable que ce digne vieillard, très cultivé, d’une candeur désarmante qui nous a fait l’amitié et l’honneur de participer à quasiment toutes nos universités d’été depuis sa première venue en 1996. (Face à la culture de mort in Qui a peur du baptême de Clovis ?)
Le docteur Dor n’était pas un adepte de la langue de buis. A rebours de nombreux mouvements pro-vie toujours dans la surenchère sur leur positionnement « aconfessionnel et apolitique », il se voulait fièrement catholique et dénonçait, sans relâche, la franc-maçonnerie dans laquelle il voyait l’origine de toutes les législations diaboliques contre le respect de la loi naturelle : avortement, divorce, contraception, etc. Plusieurs fois il manifesta et pria devant le siège du Grand Orient de France, rue Cadet. Le docteur Dor n’était pas l’homme des « accommodements raisonnables » ni d’une honnête médiocrité mondaine mais un cœur ardent, toujours jeune de l’éternelle jeunesse de la vérité.
Un nouvel intercesseur
Nous confions, dans la prière et l’espérance, la belle âme du docteur Dor à la miséricorde de Dieu. En d’autres temps c’est à Notre-Dame de Paris que se fussent célébrées les funérailles de ce héraut de l’Evangile de la vie avec grand concours de peuple et foule de cardinaux, évêques et archevêques. Pour l’heure, plus modestement, nous nous réjouirions d’un communiqué de la conférence des évêques de France pour saluer la mémoire de ce bon et fidèle serviteur…
Si nous avons perdu, ici-bas, un ami et un maître nous ne doutons pas d’avoir gagné, au ciel, un protecteur et un intercesseur. Requiescat In Pace.
Jean-Pierre Maugendre