Une analyse du document de l’épiscopat français au Motu Proprio de Benoît XVI Le 18 janvier 2021
publié dans nouvelles de chrétienté le 20 janvier 2021
L’Episcopat français, Mgr Rivière et le Motu Proprio de Benoît XVI.
« Un monde à part, une Église parallèle se dessine », dit pathétiquement le document des Evêques de France en réponse aux 9 questions du Vatican sur le Motu Proprio de Benoît XVI.
C’est précisément ce que me répondait Mgr Rivière alors que je l’avais visité voulant m’installer à Verovres, village natale de sainte Marguerite Marie Alacoque, dans le diocèse d’Autun.
Pour prêcher les exercices de saint Ignace, prédication que m’avait confiée M l’abbé Laguérie en 2016, dans le cadre de l’Institut du Bon Pasteur, il me semblait nécessaire d’installer cette œuvre dans une propriété propre. On m’indiqua une propriété à acheter à Verosvres même, village natale de saint Marguerite Marie. J’ai visité cette grande propriété. Elle pouvait, de fait, bien convenir, d’autant que j’étais attaché à cette sainte pour bien des raisons. J’avais fait une retraite d’élection à Paray le Monial, en 1964, prêchée par le Père Roustant, dans une maison juste en face de la chapelle des apparitions. De plus la Providence permit que je reçoive le sacerdoce un 17 octobre 1971, date de la fête de cette grande sainte de la miséricorde. J’ai donc pris rendez-vous auprès de Mgr Rivière, l’évêque du diocèse d’Autun. Il m’a reçu très aimablement, m’a écouté sans m’interrompre pendant une bonne heure. En conclusion, il me dit ; « je vous répondrai dans trois semaines ». Il tint parole. Malheureusement sa réponse fut négative. Il invoqua la raison, celle-là même que les évêques de France viennent de donner au Vatican dans leur document de synthèse au Motu Proprio de Benoît XVI (18 janvier 2021).
Je me suis permis de lui présentait une supplique, bien argumentée, me semble-t-il. Je n’ai reçu ni accusé de réception ni réponse. Je vous en donne aujourd’hui le texte. Je l’ai gardé jusqu’ici par devers moi. L’heure est venue, me semble–t-il de la publier. Elle me parait être une belle réponse au document épiscopal sur les neuf questions romaines liturgiques d’une importance fondamentale.
Le maintien de la liturgie « antiquior », peut-elle créer dans un diocèse « une église parallèle » ?
Voilà la question à laquelle je veux répondre.
Lettre à Mgr Benoît Rivière
Monseigneur,
J’ai bien reçu votre lettre du 26 juin me donnant votre réponse négative à l’installation de l’Institut du Bon Pasteur (IBP) dans votre diocèse à Verosvres par la création de ce que Benoît XVI appelait une « oasis » de chrétienté.
Il me semble devoir et pouvoir faire une instance auprès de votre autorité. Les trois raisons invoquées me semblent être en effet contestables. La première et la troisième raison me semblent un peu contradictoires. Soit le projet m’est personnel, soit il engage l’Institut du Bon Pasteur. Je vous confirme bien que j’agis dans ce projet au nom de l’Institut du Bon Pasteur, Institut qui a été fondé par le pape Benoît XVI, en 2006 et qui est donc une œuvre parfaitement catholique, qui plus est de droit pontifical. Ce qui est une garantie de catholicité. Quelle crainte légitime pourrait nourrir votre « presbyterium » et le peuple de Dieu qui est sous votre responsabilité ? Ne doit-on pas tout faire au contraire pour faciliter l’unité de l’Eglise et de ses membres ? Cette volonté d’union n’est-elle pas la volonté expresse des Souverains Pontifes et particulièrement des trois derniers papes, Jean-Paul II, Benoît XVI et le pape François. Votre décision d’exclure l’IBP en refusant son installation dans votre diocèse ne facilite en rien cette union, mais bien au contraire fomente la division et cherche à perpétuer des conflits qui n’ont que trop duré. Ce qui est parfaitement dommageable. Je suis un homme, certes, attaché à mes idées qui, je l’espère sont romaines, mais aussi un homme de concorde. Vous manquez une belle occasion !
Mais je m’arrêterais surtout à votre deuxième raison : « les limites liturgiques consistant à ne pas célébrer le rite selon la forme ordinaire risquent, à terme, de voir émerger comme des petites églises « parallèles ».
Cette crainte ne fut pas celle de Jean-Paul II lorsqu’il publia son MP Ecclesia Dei ni de Benoit XVI dans son MP Summorum Pontificum, ni des cardinaux Castrillon Hoyos dans son discours du 24 mai 2003 ni du cardinal Stikler, dans ses nombreuses interventions publiques, ni du cardinal Canizarez dans son discours de 2002 à Rome. Tous ces cardinaux, sans oublier le cardinal Ratzinger, ont soutenu la « politique liturgique » des derniers pontifes qui veulent la célébration de la messe tridentine dans l’Eglise. La chose me parait importante. Permettez-moi de retenir un peu longtemps votre attention sur ce sujet tant l’affaire est d’importance pour moi et l’IBP. Je vous montrerai que votre décision n’épouse pas la volonté des Pontifes.
Je ferai tout d’abord allusion à la création par le Pape Jean Paul II en 2001-2002 de l’Administration Apostolique saint Jean Marie Vianney, au Brésil, dans le diocèse de Campos.
Deux documents majeurs doivent retenir notre attention en cette affaire.
– la lettre du Pape intitulée Ecclesiae Unitas, du 25 décembre 2001,
– et le décret du Cardinal Re, du 18 janvier 2002.
Ces deux documents accordent aux prêtres de cette administration apostolique, dans les églises dont ils ont la charge, la facultas de célébrer la sainte messe dans le rite dit de Saint Pie V.
Ce sont des textes historiques
D’abord la lettre du Pape :
« On confirmera (confirmabitur) à l’administration apostolique la faculté de célébrer l’eucharistie et la liturgie des heures selon le rite romain et la discipline liturgique codifiée par notre prédécesseur Saint Pie V, avec les adaptations introduites par ses successeurs jusqu’au bienheureux Jean XXIII. ».
Les prêtres de cette Administration, un quasi diocèse, pourront dire exclusivement, dans leur administration, la messe tridentine, alors que les prêtres diocésains restaient fidèles dans le diocèse à la messe nouvelle. Le pape ne craignait pas pour ces prêtres le « risque, à terme, de voir émerger comme des petites églises parallèles ».
Il faut citer aussi l décret du Cardinal Re :
« La facultas est accordée à l’administration apostolique de célébrer la sainte eucharistie, les autres sacrements, la liturgie des heures et les autres actions liturgiques selon le rite romain et la discipline liturgique de Saint Pie V, avec les adaptations que ses successeurs ont introduites jusqu’au bienheureux Jean XXIII. »
Ainsi, là, à Campos, pour les prêtres dans les églises de leur Administration Apostolique, est reconnu, affirmé, le droit de dire la messe dans le rite codifié par Saint Pie V.
C’est un droit ferme – solidement reconnu – un droit définitif, un droit inhérent, si l’on peut s’exprimer ainsi, à cette Administration nouvelle. Elle a été créée par Rome à cet effet – pour créer un cadre juridique propre où l’on puisse dire la messe traditionnelle : c’est leur « particularité ». C’est aussi celle de l’IBP.
Ce droit ne dépend en rien de l’évêque territorial, ni de son avis, ni de son approbation ou de son refus, comme c’était le cas dans l’Indult de 1984. Ce droit est la propriété de cette Administration. Cette Administration Apostolique personnelle – sa gestion, sa vie, ses droits, ses devoirs – leur défense, leur application – est confiée (comittitur) à la seule autorité de Mgr Rangel et de ses successeurs « comme à son ordinaire propre ». De la même manière Benoit XVI a reconnu à l’IBP ce même droit. Il ne partageait, vous le voyez, pas votre crainte frileuse…
La législation en matière liturgique, au sujet de la messe de Paul VI a considérablement évoluée, depuis le Consistoire de 1976 à nos jours…. Il faut en tenir compte…Ce que ne fait pas ou peu l’épiscopat français…
Voilà, ici, à Campos, à l’IBP l’aboutissement logique d’une évolution constatée (depuis 17 ans, depuis le 13 juillet 1988, depuis le fameux discours du Cardinal Ratzinger à l’épiscopat chilien, suite aux sacres faits par Mgr Lefebvre à Écône) : la hiérarchie romaine veut la restauration de la messe tridentine…Pourquoi ne vous lui porteriez pas votre aide ?
Les autorités – du moins certaines et pas des moindres – sur ce sujet liturgique, capital à la vie de l’Église et du peuple chrétien, ont manifesté une claire intention en faveur de la messe traditionnelle : voilà qui est nouveau, formidablement nouveau…
Des critiques vraies de la nouvelle messe, ont pu être lues sous la plume de cardinaux… Cela doit être pris en compte aussi par vous, si vous voulez être un homme libre.
On a lu. On a médité. On a entendu les appels du Cardinal Ratzinger
Ceux-ci : « Il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970 » (cf. Voici quel est notre Dieu, p. 291).
Il ne suffit pas de dire. Il faut faire. Il le fit avec le cardinal Castrillon Hoyos, avec la volonté formelle de Jean-Paul II lors de la création de l’Administration saint Jean Marie Vianney…le 25 décembre 2001 puis confirmé le 18 janvier 2002.
Pourquoi ne pourrait-on pas jouir de cette exclusivité aussi dans votre diocèse. Votre diocèse ne serait-il pas sous la juridiction de Rome…
Il faut encore citer ses paroles: « Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie ou qui la pratique est traité comme un lépreux ».
Il est clair qu’il faut que cet ostracisme cesse. C’est une claire volonté de Rome… Serions-nous toujours pour vous, Monseigneur « des lépreux »…Non ! Votre accueil du 19 juin le prouve… Dès lors Rome ne pouvait mieux faire que de reconnaître la « pleine communion à l’Église catholique et romaine » des pères de Campos, Eglise qu’ils servaient depuis si longtemps déjà. Elle les a pris dans son sein, comme Benoît XVI nous a pris en le sien…avec notre messe tridentine…dont il nous reconnaissait le droit…Pourquoi voulez-vous nous exclure…N’aimeriez-vous pas l’apostolat romain. Votre accueil aurait-il été pure hypocrisie ? Ne seriez-vous pas ultramontain. Resteriez-vous un évêque gallican…Je n’ose le croire.
Le cardinal Ratzinger disait encore : le refus de la liturgie ancienne est « comme un mépris de tout le passé de l’Église » (id. p. 291).
Rome reconnaît – par le droit à la messe tridentine – que l’on peut rester fidèle « au passé de l’Église » tout en étant « membre de l’Église Catholique ». Et l’on ne pourra plus faire la guerre à ces prêtres pour la seule raison qu’ils veulent rester fidèles à la messe de « toujours ». Croyez-vous vraiment que de tels prêtres, avec l’amour de l’Eglise au cœur, seraient prêts à faire « émerger comme des petites églises « parallèles »?
Si vous les accueillez dans votre diocèse, ils seront prêts à manifester leur attachement public à l’Église.
Ecoutez cet autre phrase du cardinal Ratzinger: « j’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance qui s’oppose aux réconciliations nécessaires de l’Église sans raison valable » (p.291) ou avec des raisons bien légères C’est moi qui l’ajoute suite à la lecture de votre lettre. Non ! Monseigneur veuillez œuvrer en faveur de cette « nécessaire réconciliation » même dans votre diocèse.
Et nous voilà avec une « Administration Apostolique personnelle Saint Jean-Marie Vianney » clairement érigée, forte de ses droits et de son règlement, pouvant célébrer, en toute liberté, la messe de toujours. Et nous voilà en France avec l’Institut de Bon Pasteur fort de ces mêmes droits conférés par Rome, mais exclus des diocèses français…Quelle contradiction ! Quel drame !
Mais les choses ont évoluées à Rome…Ce qui, hier, fut cause de division, « la messe dite de Saint Pie V », est, aujourd’hui, accepté paisiblement dans l’Église de Campos: ce qui permettra alors de cultiver « des liens d’étroite unité avec le presbyterium du diocèse de Campos ». Ce fut la volonté de Rome…Aujourd’hui pourquoi ne pas tenter l’expérience avec le presbyterium d’Autun. C’est la même volonté qui s’exprime ici et là. Rome est au cœur !
L’unité de l’Église est aussi un bien qui est cher à tout cœur catholique… Elle doit être voulue sans cesse et cultivée…
Voilà ainsi 28 prêtres (à l’époque) de l’Église Catholique qui ne pourront plus être considérés comme « des lépreux » – à éviter – ce qu’ils furent pendant 30 ans et plus.
Voilà reconnue légitime, la célébration de la Sainte Messe dans le rite de toujours dans les églises de « ce quasi-diocèse ».
Rome le reconnaît aujourd’hui pour ses 28 prêtres et s’engage formellement à le respecter – à le faire respecter. Le Pape s’y est engagé formellement dans sa lettre du 25 décembre 2001. Pourquoi donc ne le feriez-vous pas dans votre diocèse ? C’est une pratique aujourd’hui très romaine. Vous ne seriez pas seul. Vous seriez avec Rome. Comment être plus fort ? Qui pourrait être contre vous !
Me permettriez-vous encore d’évoquer cette belle messe célébrée dans le rite saint Pie V par le cardinal Castillon Hoyos, à l’autel majeur de sainte Marie Majeur, le 24 mai 2003, une grande messe grégorienne avec diacre et sous-diacre, selon le rite dit « tridentin » ou « de Saint Pie V ». Tous les cardinaux de la Curie Romaine y furent invités. Quatre ou cinq purent se libérer et y assistèrent dont le Cardinal Stickler. Cette messe fut célébrée en la fête de Notre Dame, auxiliatrice des chrétiens J’y ai vu un signe de Dieu…
Ce fut une messe célébrée en l’honneur de Notre Dame et en reconnaissance, une messe dite Salve sancta parens excepté l’oraison, la secrète et la postcommunion propres.
Elle fut célébrée par le Cardinal Castrillon Hoyos, préfet de la Congrégation du clergé et président de la Commission Pontificale Ecclésia Dei, au nom du Souverain Pontife, Jean-Paul II.
Plus qu’un geste, la célébration de cette messe à Sainte-Marie-Majeure fut un acte, « un acte historique », « en direction des traditionalistes, certes, mais surtout en direction de l’être historique de l’Église, de son patrimoine sacré reçu en dépôt, de sa liturgie dont nous sommes les héritiers. C’est à ce titre, surtout, que nous nous en sommes profondément réjouis.
Car cet acte fut un acte de respect, d’honneur et de justice.
Un acte de respect
Par cette célébration, le Pape Jean-Paul II a voulu redire le respect que tous, nous devons accorder à « l’être historique de l’Église, à ses coutumes légitimes et immémoriales », au « patrimoine religieux reçu en héritage », à ce rite, à cette « tradition légitimement constituée » dira Jean Paul II dans son Ecclesia de Eucharistian n°46. Ce sont là ses titres de gloire, raison de notre respect dû. Et pourquoi ne pas donner cet acte de respect par vous et dans votre diocèse. Vous seriez remarqué par Rome en lui portant main forte dans sa volonté clairement exprimée, en recevant l’Institut du Bon Pasteur, connu pour sa fidélité à la messe tridentine?
Cette messe du 24 mai 2003 fut un acte d’honneur. Oui ! « L’Église de Rome, Mater et Magistra omnium ecclesiarum, mère et maîtresse de toutes les Églises diocésaines, a rendu, son honneur à la messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le Missel Romain de saint Pie V. Et je ne crains pas d‘écrire que Rome a rendu son honneur à une messe offensée et presque entièrement recouverte par trente-trois années de dénigrements, de diffamations, de mépris, d’interdictions abusives et de persécutions ecclésiastiques.
Avec l’honneur à nouveau rendu, est venue aussi la justice. C’est dit : la messe traditionnelle a « droit de cité » dans l’Église, a déclaré le Cardinal Castrillon Hoyos. Nous le savions. Mais officiellement, dans l’Église, on ne le disait plus depuis trente-trois ans sinon quelques cardinaux dont le Cardinal Ratzinger et le Cardinal Stickler. Nous avons analysé leurs discours…
Ce respect, cet honneur, cette justice seront confirmés, très bientôt, par le Pape Benoît XVI, l’ancien Cardinal Ratzinger. Comment ne pourrait-il pas réaliser ce qu’il a enseigné des années durant… ce qu’il a, en collaboration avec le Cardinal Castrillon Hoyos, réglé pour les Pères de Campos, et pour l’Institut du Bon Pasteur, lorsqu’il fut nommé par le collège cardinalice, « Successeur de Pierre » ?
Et de fait, nous le savons, Benoît XVI, deux ans après son élection au Magistère Suprême, publia le Motu Proprio Summorum Pontificum (7 Juillet 2007), donnant pour l’Eglise universel le droit pour tout prêtre en ordre canonique, de célébrer la messe tridentine.
Croyez-vous, Monseigneur, que le pape craignait que ceux qui choisiraient cette messe ancienne, soient tentés de créer des « églises parallèles » ? Croyez-vous que le pape aurait voulu fomenter des petits schismes dans l’Eglise ? Non pas !
Le pape rappelait simplement que le missel de saint Pie V « n’a jamais été juridiquement abrogé » et « par conséquent, il est toujours resté autorisé » ; pourquoi ne serait-il pas autorisé dans votre diocèse alors qu’il est autorisé pour l’Eglise universelle ?
De ce droit enfin reconnu, le pape en donne la raison : « Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise et de leur donner leur juste place », Pourquoi ne pas utiliser notre présence dans votre diocèse pour travailler en ce sens, main dans la main… ? Il donna cette raison, déjà comme cardinal dans son livre « le sel de la terre », livre d’entretien sur la liturgie avec Peter Seewald. A sa question : Est-il possible, pour lutter contre cette manie de tout niveler et de ce désenchantement de remettre en vigueur l’ancien rite ? »
Le Cardinal lui répond :
« Je suis certes d’avis que l’on devrait accorder beaucoup plus généreusement à tous ceux qui le souhaitent le droit de conserver l’ancien rite. On ne voit d’ailleurs pas ce que cela aurait de dangereux ou d’inacceptable. Une communauté qui déclare soudain strictement interdit ce qui était jusqu’alors pour elle tout ce qu’il y a de plus sacré et de plus haut, et à qui l’on présente comme inconvenant le regret qu’elle en a, se met elle-même en question. Comment la croirait-on encore ? Ne va-t-elle pas interdire demain ce qu’elle prescrit aujourd’hui ?…. Malheureusement, la tolérance envers des fantaisies aventureuses est chez nous presque illimitée, mais elle est pratiquement inexistante envers l’ancienne liturgie. On est sûrement ainsi sur le mauvais chemin. » (p. 172-173)
Seriez-vous vous aussi sur le mauvais chemin ?
On retrouvera la même idée encore dans l’un de ses derniers livres: « Voici quel est notre Dieu ». A la page 291, il écrit : Pour la formation de la conscience dans le domaine de la liturgie, il est important aussi de cesser de bannir la forme de la liturgie en vigueur jusqu’en 1970. Celui qui, à l’heure actuelle, intervient pour la validité de cette liturgie, ou qui la pratique est traité comme un lépreux ; c’est la fin de toute tolérance. Elle est telle qu’on n’en a pas connue durant toute l’histoire de l’Eglise. On méprise par là tout le passé de l’Eglise… J’avoue aussi que je ne comprends pas pourquoi beaucoup de mes confrères évêques se soumettent à cette loi d’intolérance, qui s’oppose aux réconciliations nécessaires dans l’Eglise sans raison valable » (p 291).
Votre raison invoqué – crainte de création « d’églises parallèles » – me parait, à moi aussi, incompréhensible et nullement valable !
Je me permets de vous rappeler l’Article 1 §2 : « Il est donc permis de célébrer le sacrifice de la messe suivant l’édition type du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la liturgie de l’Eglise ».
C’est un droit purement et simplement affirmé. Ce n’est pas une « concession ». C’est un droit. Il n’est plus nécessaire de recourir préalablement à une quelconque autorité, celle du Saint Siège ou de l’Ordinaire, comme le demandait les derniers documents en la matière : « Quattuor abhinc annos » » ou « Ecclesia Dei addflica ». A ce titre, ces derniers textes sont purement et simplement abolis. C’est l’article 1 § 2 qui l’affirme : «Il est donc permis de célébrer le Sacrifice de la Messe suivant l’édition typique du Missel romain promulgué par le B. Jean XXIII en 1962 et jamais abrogé, en tant que forme extraordinaire de la Liturgie de l’Eglise. Mais les conditions établies par les documents précédents Quattuor abhinc annos et Ecclesia Dei pour l’usage de ce Missel sont » abolies »
C’est clairement repris dans l’article 2 : « Pour célébrer ainsi selon l’un ou l’autre missel, le prêtre n’a besoin d’aucune autorisation, ni du Siège apostolique ni de son ordinaire ». Qu’on se le dise !
Ce droit vaut pour tout prêtre diocésain, pour tout prêtre religieux, pour tous instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical. C’est l’article 3 : « Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et de Sociétés de vie apostolique de droit pontifical ou de droit diocésain désirent, pour la célébration conventuelle ou « communautaire », célébrer dans leurs oratoires propres la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière ou tout l’Institut ou Société veut avoir de telles célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, cette façon de faire doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et statuts particuliers ». C’est bien notre cas, Monseigneur !
L’article 5 va préciser ce droit et son exercice pour les paroisses. Voici sa formulation :
Art. 5, § 1. Dans les paroisses où il existe un groupe stable de fidèles attachés à la tradition liturgique antérieure, le curé accueillera volontiers leur demande de célébrer la Messe selon le rite du Missel romain édité en 1962. Il appréciera lui-même ce qui convient pour le bien de ces fidèles en harmonie avec la sollicitude pastorale de la paroisse, sous le gouvernement de l’Evêque selon les normes du canon 392, en évitant la discorde et en favorisant l’unité de toute l’Eglise.
- 2.La célébration selon le Missel du bienheureux Jean XXIII peut avoir lieu les jours ordinaires mais les dimanches et les jours fêtes, une Messe sous cette forme peut aussi être célébrée.
- 3.Le curé peut aussi autoriser aux fidèles ou au prêtre qui demandent, la célébration sous cette forme extraordinaire dans des cas particuliers comme des mariages, des obsèques ou des célébrations occasionnelles, par exemple des pèlerinages.
- 4. Les prêtres utilisant le Missel du bienheureux Jean XXIII doivent être idoines et non empêchés par le droit.
- 5. Dans les églises qui ne sont ni paroissiales ni conventuelles, il appartient au Recteur de l’église d’autoriser ce qui est indiqué ci-dessus».
Voilà qui est clair ! Il n’y a plus place pour l’ostracisme à l’égard de la messe tridentine.
Ne craignez rien, Monseigneur, je vais en venir à la Nouvelle Messe…Car ces deux rites doivent rigoureusement être distingués. L’un n’est pas l’autre. Ils ne doivent être mélangés ! Le pape Benoit XVI en donnera les raisons Elles seront précisées par le cardinal Canizares.
L’article 6 du Motu Proprio parle des lectures pouvant être faites, dans le rite de Jean XXIII en langue vernaculaire, alors qu’il est célébré avec le peuple. Il est dit : « Dans les Messes selon le Missel du B. Jean XXIII célébrées avec le peuple, les lectures peuvent aussi être proclamées en langue vernaculaire, utilisant des éditions reconnues par le Siège apostolique ».
Et si vous cherchez pourquoi Benoît XVI veut le maintien de la messe « antiquior », vous en trouverez les raison dans sa lettre de présentation du Motu Proprio aux évêques. Voici les trois raisons :
a- La première raison : le maintien du rite romain, dans sa forme ancestrale et solennelle assurera plus facilement, demain, l’unité du culte et de l’Eglise. Cette raison d’unité vient en premier dans la pensée du Pape…. Elle est pour vous, Monseigneur !le maintien de la Messe ancienne n’est pas la raison de la désunion !
Mgr Gamber , le liturge qui a tellement influencé Benoît XVI écrit dans son livre : La « réforme liturgique en question : – « , si on laisse inchangé l’ancien rite et si on continue à l’utiliser à côté du nouveau – mais comme quelque chose de vivant et non comme une pièce de musée ! -, on aura gardé à toute l’Eglise, telle qu’elle se manifeste à travers les différents peuples, un élément important pour l’avenir : l’unité du culte ». (76)
Je prie, Monseigneur, pour que vous soyez sensible à cet argument…
b- La deuxième raison : éviter le risque d’un schisme.
Cette idée est amplement développée dans la lettre explicative du pape Benoît XVI aux évêques. Il la présente même comme « la raison positive » de sa décision. Il leur écrit en effet : « J’en arrive à la raison positive qui est le motif qui me fait actualiser par ce Motu Proprio celui de 1988. Il s’agit de parvenir à une réconciliation interne au sein de l’Eglise. En regardant le passé, les divisions qui ont lacéré le corps du Christ au cours des siècles, on a continuellement l’impression qu’aux moments critiques où la division commençait à naître, les responsables de l’Eglise n’ont pas fait suffisamment pour conserver ou conquérir la réconciliation et l’unité ; on a l’impression que les omissions dans l’Eglise ont eu leur part de culpabilité dans le fait que ces divisions aient réussi à se consolider. Ce regard vers le passé nous impose aujourd’hui une obligation : faire tous les efforts afin que tous ceux qui désirent réellement l’unité aient la possibilité de rester dans cette unité ou de la retrouver à nouveau »
Et le pape de citer en conclusion de cette idée la nécessité d’ouvrir largement son cœur à tous. Plus de sectarisme ! C’est l’enseignement de saint Paul aux Corinthiens. Il le fait sien. Il veut que les évêques le fassent leur. Et ainsi en donnant à ceux qui le veulent la possibilité de recourir à l’usage ancien, on assurera plus facilement l’unité de tous.
Monseigneur, je vous prie, revenez sur votre décision. Vous ne pouvez pas résister à l’avis du Pape ni de saint Paul. Autrement, j’ose vous dire que vous vous excluez vous-même de l’Eglise. Peut-on être d’Eglise contre le Pape et contre l’Apôtre des nations ?
c- La troisième raison : diversité des cultes et unité de l’Eglise.
Contrairement à ce que vous pensez, c’est l’argument qui soutint votre troisième raison : la diversité des cultes ne nuit pas à l’unité de l’Eglise. Bien au contraire !
Le Pape Benoît XVI, alors encore cardinal Ratzinger soutenait cette idée dans la conférence qu’il adressait en 1998 aux membres des communautés « Ecclesia Dei » venus à Rome pour fêter les dix ans du Motu Proprio du même nom. Il leur disait : « Il faut encore examiner l’autre argument, qui prétend que l’existence de deux rites peut briser l’unité. Là, il faut faire une distinction entre le côté théologique et le côté pratique de la question. Pour ce qui est du côté théorique et fondamental, il faut constater que plusieurs formes du rite latin ont toujours existé, et qu’ils se sont retirés seulement lentement suite à l’unification de l’espace de vie en Europe. Jusqu’au concile existaient, à côté du rite romain, le rite ambrosien, le rite mozarabe de Tolède, le rite de Braga, le rite des Chartreux et des Carmes, et le plus connu : le rite des dominicains, – et peut-être d’autres rites encore que je ne connais pas. Personne ne s’est jamais scandalisé, que les dominicains, souvent présents dans nos paroisses, ne célébraient pas comme les curés, mais avaient leur rite propre. Nous n’avions aucun doute, que leur rite fût catholique autant que le rite romain, et nous étions fiers de cette richesse d’avoir plusieurs traditions diverses. En outre, il faut dire ceci : l’espace libre, que le nouvel Ordo Missae donne à la créativité, est souvent élargi excessivement, (Il reprendra cette idée dans son conférenc’e à Fontgombault), la différence entre la liturgie selon les livres nouveaux, comme elle est pratiquée en fait, célébrée en des endroits divers, est souvent plus grande que celle entre une liturgie ancienne et une liturgie nouvelle, célébrées toutes les deux selon les livres liturgiques prescrits. Un chrétien moyen sans formation liturgique spéciale a du mal à distinguer une messe chantée en latin selon l’ancien Missel d’une messe chantée en latin selon le nouveau Missel ; par contre, la différence entre une liturgie célébrée fidèlement selon le Missel de Paul VI et les formes et les célébrations concrètes en langue vulgaire avec toutes les libertés et créativités possibles, – cette différence peut être énorme ! »
Il reprend de nouveau l’argument dans sa lettre aux évêques, tout en donnant un autre motif. Il leur dit : « En second lieu, au cours des discussions sur ce Motu Proprio attendu, a été exprimée la crainte qu’une plus large possibilité d’utiliser le Missel de 1962 puisse porter à des désordres, voire à des fractures dans les communautés paroissiales. Cette crainte ne me parait pas non plus réellement fondée. L’usage de l’ancien Missel présuppose un : minimum de formation liturgique et un accès à la langue latine ; ni l’un ni l’autre ne sont tellement fréquents. De ces éléments préalables concrets découle clairement le fait que le nouveau Missel restera certainement la forme ordinaire du Rite Romain, non seulement en raison de normes juridiques, mais aussi à cause de la situation réelle dans lesquelles se trouvent les communautés des fidèles ».
J’en arrive, Monseigneur à l’autre Messe, celle que vous me reprocher de ne pas célébrer…Quelle est mon attitude. Celle-là même exprimée par le pape toujours dans sa lettre d’accompagnement aux évêques. Il écrit
« . …Evidemment, pour vivre la pleine communion, les prêtres des communautés qui adhèrent à l’usage ancien ne peuvent pas non plus, par principe, exclure la célébration selon les nouveaux livres. L’exclusion totale du nouveau rite ne serait pas cohérente avec la reconnaissance de sa valeur et de sa sainteté ».
Il faut ici certainement préciser qu’« il y a deux manières licites de s’en tenir à la messe traditionnelle en excluant l’autre messe, sans que ce soit une exclusion « par principe ».
Premièrement, on peut exclure l’autre messe en vertu de la règle propre d’une communauté ou d’un institut. C’est mon cas, Monseigneur, de par l’ordre du Pape. Seriez-vous contre ?
Secondement, il faut bien comprendre qu’exclure l’autre messe par principe, ce serait l’exclure comme hérétique, schismatique ou blasphématoire. Je n’ai jamais soutenu une telle affirmation. Les opposants « à l’autre messe » les plus représentatifs, le Père Calmel, Mgr Lefebvre, Mgr de Castro Mayer, l’abbé Dulac, mes maîtres, n’ont point contesté, ils ont même explicitement reconnu sa validité quand elle est célébrée conformément à son texte officiel. Même dans ce cas, on peut la refuser si ce n’est point par principe mais par exemple pour des raisons pastorales.
Et je vais me permettre de vous les donner en m’inspirant toujours des autorités de l’Eglise.
Ainsi nous pouvons en rester à la messe traditionnelle et je m’en tiens, comme le RP Calmel le disait, « je m’en tiens à la messe traditionnelle, celle qui fut codifiée, mais non fabriquée, par saint Pie V, au XVIe siècle, conformément à une coutume plusieurs fois séculaire. Je refuse donc l’Ordo Missae de Paul VI. Pourquoi ? Parce que, en réalité, cet Ordo Missae n’existe pas. Ce qui existe c’est une Révolution liturgique universelle et permanente, prise à son compte ou voulue par le Pape actuel, (Paul VI) et qui revêt, pour le quart d’heure, le masque de l’Ordo Missae du 3 avril 1969. C‘est le droit de tout prêtre de refuser de porter le masque de cette Révolution liturgique…Tout prêtre en effet qui s’en tient au rite de la Messe codifié par saint Pie V, le grand Pape dominicain de la Contre-Réforme, permet aux fidèles de participer au Saint Sacrifice sans équivoque possible ; de communier, sans risque d’être dupe, au Verbe de Dieu incarné et immolé, rendu réellement présent sous les saintes espèces. En revanche, le prêtre qui se plie au nouveau rite, forgé de toutes pièces par Paul VI, collabore pour sa part à instaurer progressivement une Messe mensongère où la présence du Christ ne sera plus véritable, mais sera transformée en un mémorial vide ; par le fait même le Sacrifice de la Croix ne sera plus réellement et sacramentellement offert à Dieu ; enfin la communion ne sera plus qu’un repas religieux où l’on mangera un peu de pain et boira un peu de vin ; rien d’autre comme chez les protestants. Ne sont-ce pas des raisons pastorales suffisantes ? NB Et j’ai bien peur que la messe chrismale célébrée cette année à Versailles fut plus une commémoration que le renouvellement du sacrifice de la Croix du Seigneur…Alors – Ne pas consentir à collaborer à l’instauration révolutionnaire d’une Messe équivoque, orientée vers la destruction de la Messe, ce sera se vouer à quelles mésaventures temporelles, à quels malheurs en ce monde ? Le Seigneur le sait dont la grâce suffit. En vérité la grâce du Cœur de Jésus, dérivée jusqu’à nous par le Saint Sacrifice et par les sacrements, suffit toujours. C’est pourquoi le Seigneur nous dit si tranquillement : celui qui perd sa vie en ce monde à cause de moi la sauve pour la vie éternelle.
Je reconnais sans hésiter l’autorité du Saint Père. J’affirme cependant que tout Pape, dans l’exercice de son autorité, peut commettre des abus d’autorité. Je soutiens que le Pape Paul VI commet un abus d’autorité d’une gravité exceptionnelle lorsqu’il bâtit un rite nouveau de la Messe sur une définition de la Messe qui a cessé d’être catholique. « La Messe, écrit-il dans son Ordo Missae, est le rassemblement du peuple de Dieu, présidé par un prêtre, pour célébrer le mémorial du Seigneur. » Cette définition insidieuse omet de parti pris ce qui fait catholique la Messe catholique, à jamais irréductible à la Cène protestante. Car dans la Messe catholique il ne s’agit pas de n’importe quel mémorial; le mémorial est de telle nature qu’il contient réellement le Sacrifice de la Croix, parce que le corps et le sang du Christ sont rendus réellement présents par la vertu de la double consécration. Cela apparaît à ne pouvoir s’y méprendre dans le rite codifié par saint Pie V, mais cela reste flottant et équivoque dans le rite fabriqué par Paul VI . De même, dans la Messe catholique, le prêtre n’exerce pas une présidence quelconque ; marqué d’un caractère divin qui le met à part pour l’éternité, il est le ministre du Christ qui fait la Messe par lui ; il s’en faut de tout que le prêtre soit assimilable à quelque pasteur, délégué des fidèles pour la bonne tenue de leur assemblée. Cela, qui est tout à fait évident dans le rite de la Messe ordonné par saint Pie V, est dissimulé sinon escamoté dans le rite nouveau.
La simple honnêteté donc, mais infiniment plus l’honneur sacerdotal, me demandent de ne pas avoir l’impudence de trafiquer la Messe catholique, reçue au jour de l’Ordination. Puisqu’il s’agit d’être loyal, et surtout en une matière d’une gravité divine, il n’y a pas d’autorité au monde, serait-ce une autorité pontificale, qui puisse m’arrêter. Par ailleurs la première preuve de fidélité et d’amour que le prêtre ait à donner à Dieu et aux hommes c’est de garder intact le dépôt infiniment précieux qui lui fut confié lorsque l’évêque lui imposa les mains. C’est d’abord sur cette preuve de fidélité et d’amour que je serai jugé par le Juge Suprême. J’attends en toute confiance de la Vierge Marie, la Mère du Souverain Prêtre, qu’elle m’obtienne de rester fidèle jusqu’à la mort à la Messe catholique, véritable et sans équivoque.
TUUS SUM EGO, SALVUM ME FAC.
Je voudrais approfondir, Monseigneur, en utilisant un récent discours du cardinal Antonio Canizares, Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements qu’il adressa le 20 avril 2010 aux membres du Congrès organisé à Rome par les Chanoines du Christ-Roi. Il leur rappelait le vrai sens du Motu proprio de Benoît XVI. Le Pape l’a écrit, dit-il, pour « favoriser l’accès à la forme liturgique officielle du Rite Romain jusqu’à la réforme souhaitée par le Concile Vatican II ».Pourquoi ne voudriez-vous vous aussi favoriser dans votre diocèse une telle pratique liturgique. Il affirma que ce MP n’était nullement, « une concession à la nostalgie ou à l’intégrisme », Mais que c’était « plutôt, un pas pour favoriser la Communion Ecclésiale ». C’est clairement dit…Alors ! Pourquoi allez contre ? Pourquoi ne pas vouloir jouer le jeu. Vous dites vouloir agir librement. En êtes-vous bien sûr. Ne subissez-vous pas la pression de votre presbyterium, mieux encore la pression de l’épiscopat dans son ensemble qui est très réticent à la politique liturgique de Benoît XVI.. Il serait dangereux, peut-être pour vous de vous désolidariser de cet épiscopat ? Le courage n’est pas la chose la mieux partagé dans le clergé ?
Le cardinal ajoute une ultime raison de ce MP : c’est surtout « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
Voilà ! C’est une affirmation d’une importance formidable. Si vous avez eu la patience de me suivre jusque-là, ce qui me réjouirait, vous comprendrez pourquoi je veux m’en tenir à la messe tridentine pour « orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
Ce sentiment vous surprendrait… ?
C’est pourtant parfaitement romain. C’est pourtant ce qui m’anime et justifie ma position. Est-ce possible, pensez-vous peut-être. Je vais vous le démontrer.
Ma fidélité à la messe tridentine n’est pas une « simple curiosité » ni une simple admiration esthétique. Ni un attachement à une « idéologie intégriste » le penser serait faux et insultant !
Cet acte de Benoît XVI n’est pas une simple « concession à la nostalgie ou à l’intégrisme ». Non ! Cet acte relève du magistère pétrinien de Benoît XVI qui a en charge le bien commun de l’Eglise : « Le Motu Proprio « Summorum Pontificum » doit se comprendre dans cette vision d’ensemble de l’enseignement et des actes du Saint Père », dit le cardinal. -« c’est au contraire un pas pour favoriser la Communion Ecclésiale ». J’en ai donné un suffisant développement.
Mais «c’est une aide, nous dit le cardinal, pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
Cette ultime remarque est fondamentale. ce qui me fait dire que dans la pensée de Benoît XVI telle que la présente le cardinal le rite tridentine est l’archétype de la réforme liturgique. C’est pourquoi elle est « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
Affirmer cela, est absolument nouveau de la part du Magistère ressent de l’Eglise. Nous ne l’avions jamais encore entendu en quarante ans de « combat » inlassable, acharné – Combat bien légitime, malgré la désobéissance apparente ! – pour maintenir l’ancienne messe.
Il faut donc reconnaître que le rite tridentin n’est pas seulement « légalisé » dans l’Eglise latine, mais plus encore, il devient l’archétype de la liturgie romaine. C’est le sens de l’expression une aide pour « orienter » l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine » et ainsi la mieux « comprendre ».
Quel chemin parcouru depuis 1976…Nous sommes passés de l’interdiction de la messe de « toujours » à sa reconnaissance légale et universelle ; de sa reconnaissance légale et universelle à l’affirmation qu’elle est l’archétype de la liturgie romaine. Le modèle. Cette phrase « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine veut dire cela ou ne veut rien dire.
Et s’il en est ainsi c’est parce, fort de l’axiome lex orandi, lex credenti, elle est l’expression parfaite de la doctrine catholique sur la messe, sommet de la liturgie de l’Eglise, comme le dit le Concile de Trente et comme le reprend le Concile Vatican II.
Comme on le sait, « les apports théologiques de la messe tridentine constituent une réponse aux graves controverses du protestantisme » (card. Stickler) et aux déficiences de la Nouvelle liturgie. Le Concile de Trente et sa messe tridentine qui en est le reflet est le phare, la lumière de toute liturgie dans l’Eglise. Aussi nous permettra-t-elle de mieux orienter toutes les réformes et de les bien comprendre.
Mais comment cela ?
On sait tout d’abord que, « dans le contexte de l’hérésie protestante, la messe de Saint Pie V porta l’accent sur la vérité majeure selon laquelle la messe est un sacrifice, ce qui fut établi par les discussions théologiques et les réglementations spécifiques du Concile » (Card. Stickler). On sait également qu’elle insista sur la notion de la présence réelle de NSJC dans l’Eucharistie, fruit du Sacrifice de la messe ainsi que sur le rôle spécifique du prêtre à l’autel comme représentant le Christ, comme « alter Christus ». On sait aussi que la messe tridentine insiste sur la place de l’autel, lieu du sacrifice renouvelé du Christ, insiste également sur son orientation, la messe devant être célébré « ad orientem », symbole du soleil levant que représente le Christ, Celui que nous devons adorer. Et toutes ces vérités ont entraînées, dans le rite tridentin, tout un symbolisme – le symbolisme liturgique – qui les expriment au mieux, comme les signes d’adoration, de génuflexions, comme la place de l’autel. Abandonner ce symbolisme est très grave. Par exemple « La toute nouvelle place de l’autel, dans le rite de Paul VI ainsi que la place du prêtre face à l’assemblée, interdites autrefois, deviennent aujourd’hui le signe d’une messe conçue comme réunion de la communauté ». C’est là une déficience théologique grave que la célébration commune de la messe tridentine permet de comprendre, d’orienter et de corriger. Il en est de même pour la langue liturgique qui est le latin. Ce principe pourtant affirmé par le Concile de Trente et le Concile Vatican II a été totalement détruit par la réforme liturgique de Paul VI. L’exception du vernaculaire admis par Trente et Vatican II est devenue dans la réforme de Paul VI, la réforme « bunignienne », une exclusivité. Ce qui entraîne de graves conséquences : la perte de l’unité externe au sein de l’Eglise catholique. Nous avons perdu cette possibilité de prier et de chanter ensemble même dans les grands rassemblements ecclésiaux.
Voilà autant de « déficiences théologiques » graves de la messe issue de Vatican II – ma liste ici n’est pas exhaustive – qui pourraient être corrigées, comprises et ainsi orientées, c’est-à-dire réformées par les « bienfaits théologiques de la messe tridentine ». C’est ce que disait déjà le cardinal Stickler dans sa conférence donnée à Fort Lee dans le New Jersey, le 20 mai 1995. La messe tridentine est vraiment l’archétype de la liturgie romaine. Voilà, me semble-t-il, le sens de cette phrase du cardinal espagnol : le Motu Proprio est « une aide pour orienter et mieux comprendre l’actuelle « forme ordinaire » de la Liturgie Romaine selon une « herméneutique de la continuité ».
C’est manifestement nouveau.
« Mais, veuillez bien le prendre en compte, Monseigneur, malgré ces derniers dires, jamais, nous n’avons dit que la nouvelle Messe était hérétique.
« Hélas ! Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque.
Elle est flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ».
« L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de poignard. L’équivoque agit à la manière d’un poison lent.
« L’hérésie attaque un article précis du dogme. L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.
« On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant. L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu.
« L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme. L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la certitude révélée une opinion libre.
« L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi. L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A côté même de la raison, de la logique.
« Eh bien, nous oserons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque. Il y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental ».
Voilà, excellence, les raisons pastorales de mon « non possumus ».Il est, légitime. Votre refus de ma présence pour cette raison ne l’est pas. Je vous l’exprime en toute franchise. Je souhaite que vous réexaminiez votre position. Si vous ne le faites, soyez assuré que je n’en resterai pas là et porterai l’affaire à Rome, à la Commission Ecclesia Dei, dont Benoît XVI a précisé les pouvoirs et les a considérablement élargis.
Abbé Paul Aulagnier
Assistant du Supérieur Général de l’Institut du Bon Pasteur
Je n’ai eu aucune réponse, vous dis-je. Mais je n’ai pas donné suite. La Providence ayant conduit mes pas à Thivierrs au Couvent saint Paul. Là, après avoir conclu l’affaire sur le plan juridique, je suis allé me présenter à l’évêque. Il me reçu gentiment. Mais finalement m’a fermé son cœur…Pourtant je prie tous les jours pour lui à la Messe. Il finira bien par me recevoir.