Préface du dernier ouvrage de M. l’Abbé Aulagnier – La grande histoire de la Messe interdite, signée le 18 novembre 2020
publié dans 40ème anniversaire sacerdotal, couvent saint-paul, la doctrine catholique, magistère de benoît XVI, magistère du pape François, nouvelles de chrétienté, un disciple le 18 novembre 2022
Le dernier ouvrage de notre regretté abbé Aulagnier a été publié le 20 mars 2021 mais la préface a été écrite et signée le 18 novembre, en la fête de la Dédicace des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul à Rome, date à laquelle il tenait particulièrement.
Nous partageons avec vous aujourd’hui cette préface.
LA GRANDE HISTOIRE DE LA MESSE INTERDITE
FAITS ET DOCUMENTS
Préface
Je voudrais dédier ce livre « La Grande Histoire de la Messe Interdite » à la mémoire de Mgr Lefebvre, le fondateur de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). J’ai reçu le sacerdoce de ses mains, le 17 octobre 1971, au séminaire d’Ecône, dans la petite église de Riddes. Tout mon sacerdoce, jusqu’en 2003, s’est déroulé dans cette société sacerdotale. Toute ma vie spirituelle fut influencée par Mgr Lefebvre, ses ouvrages et son action. Je souhaite, par ce livre, lui exprimer ma reconnaissance. Mgr Lefebvre fut pour moi un modèle. Sa doctrine était claire, limpide. Il avait un enthousiasme discret mais persuasif. Il était un homme de doctrine et un homme d’action.
Ce seront les deux idées que je voudrais développer dans cette préface.
Mgr Lefebvre était un homme de doctrine
Toute sa vie sacerdotale et épiscopale fut centrée sur Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce n’est pas pour rien qu’il prit comme devise épiscopale « Credidimus caritati » : « Nous avons cru à la Charité ». C’est dans cet amour du Christ que se trouve l’unité de sa pensée. C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il lui voua toute sa vie, qu’il se dévoua totalement, au service du sacerdoce et fit tout pour en sauver la grandeur.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il aima la Messe catholique, « la Messe de toujours » comme il aimait l’appeler. Elle renouvelle, d’une manière sacramentelle, le sacrifice du Golgotha. Comme saint Paul, Mgr Lefebvre ne voulut connaître que le Christ et « le Christ crucifié », notre Sauveur.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il aima la doctrine du Christ-Roi. C’est bien en effet lors de sa Passion qu’éclata la doctrine de la Royauté du Christ. « Es-tu Roi ?», lui demanda Pilate. Oui ! Tu le dis : « Je suis Roi ». Il est Roi parce que Seigneur et Maître de toutes choses, Créateur de tout. « Tout a été fait par Lui et rien de ce qui est, n’a été fait sans Lui » (Jn 3). Il est Roi aussi parce que Rédempteur. Il a acquis ce titre par son sang. Sur le bois de la Croix, il sera déclaré « le Roi des Juifs ». La Croix est son trône. Quel trône ! Et c’est parce que Mgr Lefebvre aima la Croix du Christ qu’il aima confesser cette royauté et la défendre envers et contre tous.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il se dressa contre la fausse liberté religieuse. S’Il est Roi, toutes les nations lui doivent soumission, obéissance et doivent conformer leurs législations à sa Loi et rendre le culte public à la seule vraie religion, celle du Christ Jésus. Je « suis la Voie, la Vérité et la Vie ». En dehors de Lui et de la Religion Révélée, il n’y a qu’erreur. Or l’erreur peut être seulement tolérée mais ne dispose d’aucun droit dans la cité. Mais pour confesser cela, il faut aimer Notre Seigneur Jésus-Christ et sa vérité.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ qu’il se dressa contre tout libéralisme, contre tout laïcisme athée, contre tout naturalisme. Il crut vraiment à l’enseignement de Notre Seigneur Jésus-Christ sur la « Vigne » et sur « le Sarment » (Jn 15). Pour que le sarment porte du fruit, il faut qu’il soit uni à la vigne, autrement il est coupé, il sèche et on le brûle. Le baptême d’eau, de sang ou de désir est au cœur de toute chrétienté, de toute politique.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ et qu’il comprit qu’en Lui seul était la vie éternelle qu’il se dressa contre l’œcuménisme et le dialogue interreligieux. Il vit en ces pratiques nouvelles une attitude dangereuse pour la foi des fidèles. Il se fondait sur l’enseignement de nombreux Papes, Pie IX, saint Pie X, Léon XIII, Benoît XV, Pie XI, Pie XII. Il l’écrivit, avec Mgr de Castro Mayer du diocèse de campos au Brésil.
C’est parce qu’il aima Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’il aima Rome qui est « précisément « le Christ continué dans le temps » (Sainte Jeanne d’Arc). C’est à Rome où il fit ses études qu’il puisa la doctrine romaine, qui fut toute sa sagesse. Sur Rome, il tint des propos particulièrement édifiants. « A nous aussi de garder cette Tradition romaine voulue par Notre Seigneur Jésus-Christ comme il a voulu que nous ayons Marie pour Mère ». C’est la dernière phrase de son « Itinéraire spirituel » qu’il nous laissa comme son testament. Il nous façonna une âme romaine !
Il soutint cette doctrine dans toute son action missionnaire. Il ne fut pas seulement un homme de doctrine, il fut aussi, comme le demanda saint Pie X, dans son encyclique « E supremi apostolatus », un homme d’action. Il unira son action à sa pensée. Il réalisa, dans son action, sa pensée romaine. Il ne fut pas un homme libéral ni utopique, mais réaliste.
Réaliste, il le fut dans tous les domaines de sa pensée.
Sur le sacerdoce
Aimant le sacerdoce, il fit tout ce qu’il fallait pour le défendre. Déjà en Afrique, au Gabon, il fut supérieur du séminaire des Pères du Saint-Esprit. Il fut directeur du séminaire de théologie de Mortain, en France, maison des Spiritains. Au séminaire français à Rome, dès 1994, lors de la dernière année du Concile Vatican II, il venait souvent nous soutenir, nous, séminaristes en difficulté avec la direction du séminaire parce que « traditionalistes ». Lorsqu’il nous adressait la parole, comme Père Conciliaire, le sujet de ses conférences n’était pas le Concile comme le faisait tous les autres Évêques, mais bien uniquement le sacerdoce. C’est là que j’ai commencé à apprécier sa pensée sacerdotale. Lorsque mes confrères furent refusés à « la tonsure » parce que trop « conservateurs », il s’occupa d’eux, et en homme réaliste, les confia au RP Théodocios, résidant au diocèse de Gênes, sous la protection du Cardinal Siri. Lorsqu’il constata qu’il n’était plus possible, vraiment, de recevoir une bonne formation sacerdotale à Rome, et qu’il fut libre de la direction de sa Congrégation des Pères du Saint-Esprit, ayant démissionné, il décida de faire une fondation en la ville de Fribourg en Suisse, près de l’université des dominicains, jouissant encore de la présence de quelques bons professeurs, le Père Spicq, en Écriture Sainte, le Père Nicolas en dogme… Il serait lui-même le directeur de sa fondation.
J’ai assisté moi-même à la réunion où il prit la décision de rencontrer l’Évêque du lieu, Mgr Charrière. Il n’aurait rien fait, à cette époque, sans l’autorisation épiscopale. Il respectait toujours le droit de l’Église pour lui demander l’autorisation de créer un « convict sacerdotal ». J’étais en permission militaire, étant venu à Fribourg pour visiter le Cardinal Journet et lui demander conseil. Ce devait être juste après les fêtes pascales de 1969.
Cette réunion eut lieu dans la bibliothèque privée de M le professeur Faÿ, rue du Vieux Fribourg. Il y avait outre le professeur et Mgr Lefebvre, le RP Marie Dominique Philippe, le RP Abbé d’Hauterive, un représentant du ministère confédéral de l’éducation, M. l’Abbé Pierre Piquet, séminariste romain et votre serviteur. La conversation portait sur la situation du sacerdoce, l’absence de formation spirituelle, la trop grande liberté accordée dans les séminaires. Toutes les personnes présentes encourageaient Mgr Lefebvre à faire quelque chose pour le sacerdoce, pour sauver la formation sacerdotale. C’est suite à cette longue réunion, qui s’est tenue dans cette belle pièce du Professeur Faÿ dominant la vallée de la Sarine, que Mgr Lefebvre décida d’aller visiter l’Evêque de Fribourg. Il le connaissait bien car il l’avait invité à Dakar pour visiter ses prêtres au Sénégal.
Cette rencontre eut lieu le lendemain de notre réunion. L’autorisation lui fut donnée. En homme réaliste, il loua deux étages d’une pension salésienne, au 106 route de Marly. Fort de cet accord, il adressa à quelques séminaristes qui s’étaient fait connaître de lui, dont le jeune Tissier de Mallerais – qui lui fut présenté par le RP Luc Lefebvre, directeur de « la Pensée Catholique » -, et moi-même, une belle lettre où éclatait déjà tout son idéal sacerdotal. C’était une lettre pleine d’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ. « Il s’agit de faire de vous d’autres Christ ». Le prêtre n’est-il pas un alter Christus. C’était les premières paroles qu’il nous adressait sur le sacerdoce. Je n’ai pas mis longtemps à me décider… Les vacances arrivées et libéré de mes obligations militaires, en septembre 1969, je suis allé chercher mes affaires à Rome et revenais juste pour la rentrée des cours. Je fus accueilli par le jeune Bernard Tissier de Mallerais, ancien étudiant en sciences naturelles. Mgr Lefebvre était au milieu de nous… Quelle joie et quel honneur.
En cette année universitaire, 1969-1970, nous suivions les cours à l’université des Dominicains, soit en philosophie soit en théologie, selon nos niveaux respectifs. Nous étions neuf. Cette année fut difficile, Mgr Lefebvre était souvent malade, souvent absent. C’est le Père Guérard des Lauriers (OP[1]) qui venait le remplacer ou le RP Rivière, Père des Coopérateurs du Christ‑Roi. Quelques Pères ont proposé leur service, au fil de l’année, pour assurer la direction du séminaire : un ancien aumônier du collège de la Flèche présenté, je crois, par le Colonel Pellaboeuf, qui avait un fils au Convict. Il était bien « gentil » mais voulait nous faire quitter la soutane pour que nous nous adaptions mieux au milieu universitaire que nous fréquentions… Vous imaginez ! Les candidats séminaristes n’étaient pas non plus de niveau… Sur neuf, nous resterons à peine quatre à la fin de l’année… puis deux.
Constatant la faiblesse des caractères, Mgr Lefebvre décida de créer une « année de spiritualité ». Il ne craignait pas les nouveautés… Cette année de spiritualité se fit à Ecône, dans une maison des chanoines du Grand-Saint-Bernard qu’ils venaient de vendre et qui avait été achetée par un groupe de catholiques fervents, dont plusieurs étaient « chevaliers de Notre-Dame ». C’est un dimanche soir, alors que nous étions à la Chartreuse de la Valsainte, pour chanter les Vêpres avec les moines, que Mgr Lefebvre rencontra Maître Lauvey, avocat, membre du Conseil d’Etat du Valais. A la sortie des Vêpres, il lui rappela que la propriété d’Ecône était toujours à sa disposition. Quelques jours plus tard, Mgr Lefebvre me demanda de le conduire en Valais, auprès du groupe de propriétaires ; le Curé de Riddes, paroisse sur le territoire de laquelle se trouvait la maison d’Ecône, était présent, pour visiter la propriété. Nous avons eu un bon repas, joyeux, comme savent le faire les Valaisans. Au cours de ce repas, le frère de M. Pédroni prophétisa : « d’Ecône, on en parlera dans le monde entier ». Il ne se trompait pas…
Dès la décision prise, avec, là encore, l’autorisation de Mgr Adam, Évêque de Sion, Mgr Lefebvre se mit en quête du corps professoral. La rentrée était prévue pour octobre 1970. Il ne fallait pas perdre de temps. C’est M. l’Abbé Masson qui en fut le premier directeur. Il hésita entre M. l’Abbé Masson et M. l’Abbé Gottlieb, Monsieur l’Abbé Michel en fut l’économe, les religieuses de Pontcallec assureront les services divers, cuisine, linges… Il fallait réfléchir sur les matières à enseigner. Il ne craignit pas de demander conseils. Le 16 août 1970, alors qu’il était venu aimablement visiter mes parents, je le conduisis, avec la voiture de mon père, à Fontgombault. Nous sommes arrivés à l’heure du repas et nous avons passé une bonne partie de l’après-midi. J’y étais avec le Père Maître des Novices du monastère ; il réfléchissait sur les sujets à enseigner : un cours sur le Magistère de l’Église. L’amour de Rome était frappant. Ce qu’il avait reçu du Père Le Floch au séminaire français, il voulait le donner à ses futurs prêtres : un cours de liturgie, un cours de doctrine, un cours de Patrologie, un cours sur la Messe… Il n’était pas question d’étudier ni la philosophie ni expressément la théologie. Il fallait donner une formation générale et étudier les caractères et la vocation des candidats. Et quand je pense que dans un séminaire le corps professoral voulut introduire « un cours de logique ». C’était dénaturer l’esprit que Mgr Lefebvre voulait introduire dans cette année de spiritualité.
Réaliste, il aimait le sacerdoce, et fit tout pour le sauver. Réaliste, il le fut dans tous les domaines de sa pensée.
Sur la sainte Messe
Il fut au cœur de la rédaction de l’étude que l’on appela le Bref Examen Critique, un ensemble de critiques doctrinales et liturgiques du Nouvel Ordo Missae de Paul VI. Mgr Tissier de Mallerais, dans son livre sur Mgr Lefebvre, a bien présenté son action en cette affaire. Il prit officiellement position pour la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, en mai ou juin 1971 dans une conférence qu’il fit d’abord à Ecône, au corps professoral et aux séminaristes, puis le lendemain, à Fribourg, pour les « théologiens ». Il ne craignait pas de donner de sa personne. Le sujet était important. La Messe est le bien le plus important de l’Église parce que le Sacrifice est le bien central de Notre Seigneur Jésus-Christ. Ce fut son « heure ». Le mystère de l’Incarnation est pour la Rédemption, parce que la Croix est pour le salut des âmes. Le sacerdoce se définit dans sa relation à la Sainte Eucharistie. Elle en est la raison. « Faites ceci en mémoire de moi ». Elle est son bien. Ainsi, défendre la Sainte Eucharistie, le Sacrifice eucharistique, c’est défendre le sacerdoce. « Toucher » à l’Eucharistie, c’est « toucher » au Sacerdoce. En modifier le sens, en faire plus un repas qu’un sacrifice, le sacrifice du Christ, c’est modifier le sens du sacerdoce. Mgr Lefebvre se dressa de toutes ses forces, on le comprend, contre cette réforme liturgique de Paul VI. Ce sera l’objet de ce livre.
Il fut au cœur de la lettre que les Cardinaux Ottaviani et Bacci adressèrent au Souverain Pontife, Paul VI. Ils concluaient que « cette réforme liturgique s’éloigne dans l’ensemble comme dans le détail de la doctrine catholique sur le saint Sacrifice de la Messe définie pour toujours par le Concile de Trente ». C’est lui qui alla la présenter à plusieurs Cardinaux pour en obtenir la signature… Réaliste dans son action, il ne craignit pas de s’opposer aux propos tenus par le Pape au Consistoire de juin 1974, où il voulait, rien moins, qu’interdire la célébration de « la Messe de toujours » parce qu’abolie. Comment interdire une coutume immémoriale dans l’Église ? Il y avait manifestement « un abus de pouvoir », « un abus de droit ». Mgr Lefebvre le fit remarquer très fortement. Saint Pie V, lui, en son temps, respecta, lors de sa « réforme », les rites qui pouvaient jouir d’une ancienneté de 200 ans d’existence dans l’Église. C’est ainsi que nous avons encore dans l’Église, les rites ambrosien, lyonnais, dominicain, cartusien…Une coutume immémoriale ne peut être abolie que par un ordre exprès… Ordre que l’on ne trouve nullement dans la constitution Missale romanum qui publia le Nouvel Ordo Missae. M. l’Abbé Dulac le fit remarquer à l’époque. Ses études doctrinales et canoniques étaient publiées dans « Itinéraires » et « le Courrier de Rome ». Mgr Lefebvre en encourageait fortement la diffusion et la lecture à ses séminaristes. C’est ce qu’il m’écrivait un jour.
Ainsi, homme réaliste, fort de son bon droit, il resta attaché, sans crainte et sans reproche, à la Messe de toujours quoi qu’il lui en coûtât… Et il lui en coûtât beaucoup… Sans sa résistance opiniâtre, la Messe dite de saint Pie V n’existerait plus dans l’Église. Le Motu Proprio Summorum Pontificum n’aurait jamais vu le jour. Et lorsque je vois tant de belles personnalités, Cardinaux, Évêques, Pères Abbés… s’exprimer sur ce Motu Proprio sans jamais prononcer, une seule fois, le nom de Mgr Marcel Lefebvre, j’en suis stupéfait, étonné. (Cf. le colloque du 10ème anniversaire de Summorum Pontificum). C’est une véritable malhonnêteté intellectuelle, une véritable injustice. Il faut réparer. C’est ce que je veux faire en écrivant ce livre.
La pression se fit très forte alors contre son œuvre sacerdotale, contre son séminaire. Il fallait fermer ce séminaire que l’on appela « séminaire sauvage » (Mgr Etchegaray). L’épiscopat français s’y employa, aidé par le Secrétaire d’Etat, le Cardinal Villot et le Cardinal Garonne. Je démontrerai tout cela.
Une visite Canonique fut organisée. Elle a lieu le 11 novembre 1974. Elle est assurée par Mgr Déclin et Mgr Onchan. En attendant leur visite, le 11 novembre au matin, Mgr Lefebvre me dit : « J’aurais préféré mourir plutôt que de me trouver en opposition avec Rome ». Ces propos venaient d’un vrai cœur romain.
Au cours de la visite, ces prélats tinrent des paroles tellement scandaleuses que Mgr Lefebvre, en conscience, écrivit une déclaration : la Déclaration du 21 novembre 1974 où il affirma, en homme réaliste, son attachement à la Rome éternelle et son refus de la Rome moderniste et de ses réformes « toutes » imprégnées de l’esprit protestant et moderniste. C’était très absolu. Il ne voulut jamais en changer les termes, malgré les pressions. Et elles furent nombreuses de tous milieux, ecclésiastiques et laïcs. Il reconnut seulement l’avoir écrite un peu dans « l’émotion ». On le comprend. Les propos entendus étaient tellement scandaleux, rien moins que la négation de la virginité perpétuelle de Notre-Dame…
Homme réaliste, parfaitement cohérent avec sa pensée sur le sacerdoce et sur la Messe, il conférera, malgré l’interdiction qui lui en fut faite, l’ordination sacerdotale en juin 1976 à de nombreux diacres, persuadé, il l’affirma dans son homélie du jour, le 29 juin 1976, que cette interdiction n’avait pour raison que son attachement à la Messe tridentine… il ira jusqu’au bout de cet amour et de son bon droit… N’eût-il pas raison ? Le Pape Benoît XVI ne déclara-t-il pas, le 7 juillet 2007, 31 ans après, que cette Messe tridentine n’avait jamais été abolie et qu’il était donc bien légitime de la célébrer. L’interdire était, par conséquent, vraiment un abus de droit… Toutes les sanctions Canoniques qui s’en suivirent, étaient donc bien illégales, nulles de plein droit. Ce fut la position irréfragable du prélat… La Bulle Quo primum tempore n’a, de fait, jamais été abolie. Or elle reconnaissait un droit à tout prêtre de célébrer cette Messe dans toutes les églises catholiques sans risque d’encourir jamais la moindre sanction… Sa position était juste. Benoît XVI le reconnut en 2007. Ce sera l’objet de tout un chapitre.
Homme réaliste, il refusa toujours d’être considéré comme le « leader des traditionalistes ». Il avait horreur de cette « expression ». Il n’accomplissait que « sa fonction d’Évêque ». Ne voulant pas nous laisser « orphelins » sachant très bien que ses séminaristes ne trouveraient aucun Évêque de par le monde, qui accepterait de les ordonner – le Cardinal Villot ayant bien précisé qu’il ne fallait donner aucune lettre dimissoriale à la FSSPX qui, du reste, était censée ne plus exister – il décida de sacrer quatre des « nôtres ». Et si les « autres », ceux qui l’ont quitté, trouvèrent à l’époque des Évêques consécrateurs, ce n’était que dans un esprit d’opposition à son œuvre, pour les attirer plus facilement loin de lui. Il ne fallait entretenir aucune relation avec lui. « Nullam partem ». Ce « nullam partem », odieux de la lettre Quattuor abhic annos (1974) se retrouvait toujours dans les notes du Motu Proprio Ecclesia Dei adflicta (1988) pris par Jean-Paul II, à la suite des sacres (juillet 1988). Ces départs « ternirent » longtemps les communautés Ecclesia Dei adflicta. Je ne peux l’oublier. Mais que fait-il du droit, objectait-on ? Mais le salut des âmes n’est-elle pas la première loi de l’Église ! Et la Messe ancienne avait-elle été abolie ? Benoît XVI dit que « non ». Qui eu raison ? De plus, tous unis, comme en juin 1976, nous aurions été plus forts et nous aurions davantage obtenu de Rome. Mais on ne refait pas l’histoire… Tout ceci fait l’objet de plusieurs chapitres.
Oui ! Dans certains milieux de la Tradition, on regretta beaucoup ces sacres. Dom Pateau, Père Abbé de Fontgombault, les a même déclarés « sacres malheureux » (Rome, 14 septembre 2017). Non, c’est faux ! Je reste convaincu que les Sacres de 1988 et l’excommunication – injuste – qui s’en suivit, sont à l’origine de la réaction de Rome en matière liturgique. C’est seulement après ces sacres que les Cardinaux Ratzinger et Stickler tinrent, de fait, conférences, discours, homélies, livres, tous en faveur de la liturgie ancienne lançant l’idée de la « Réforme de la Réforme ». C’est le Cardinal Ratzinger qui donna le ton dès sa conférence au Chili en juillet 1988, devant l’épiscopat chilien. Il reprit cette idée devant les moines de Fontgombault. Je développe tout cela dans ce livre, et m’arrête même quelques instants sur l’attitude de Dom Gérard, Père Abbé du Barroux.
Par son action si ferme et si cohérente avec sa doctrine, Mgr Lefebvre faisait « reconnaître » et « respecter » les droits de Dieu sur la Messe. Il les mettait en œuvre. Il en assurait l’avenir… Il avait horreur du libéralisme.
L’œcuménisme, le dialogue interreligieux
Il était réaliste. Lorsque le Pape Jean-Paul II convoqua la réunion d’Assise en 1986, il ne craignit pas de s’élever contre cette décision. Il adressa, là encore, une très belle lettre, pour l’honneur de Notre Seigneur et pour l’honneur de la papauté. N’ayant pu obtenir une seule réaction, avec Mgr de Castro Mayer, honneur à lui, il écrivit une magnifique protestation de foi, la cérémonie accomplie. Mais il n’était pas nécessaire d’attendre la cérémonie pour réagir…
Voilà les idées essentielles que vous trouverez dans ce livre : La Grande Histoire de la Messe Interdite, Faits et Documents. Je reprends une partie du titre de l’œuvre de Jean Madiran, Histoire de la Messe interdite. Il publia deux petits tomes et le Bon Dieu l’appela dans son Eternité, l’œuvre inachevée. Je la reprends.
Je remercie les Éditions Ilion d’avoir accepté cette édition et d’en assurer avec énergie sa diffusion.
Abbé Paul Aulagnier, IBP
En la fête de la Dédicace des basiliques
Saint-Pierre et Saint-Paul à Rome,
Le 18 novembre 2020
[1] Ordo Fratrum Prædicatorum (Ordre des Dominicains)