On s’est bien moqué de nous sur le « consubstantiel »
publié dans nouvelles de chrétienté le 6 mars 2010
Dans le numéro 7045 de vendredi 5 mars2010 , on lit, entre autres , l’article de jean Madiran:
Depuis plus de quarante ans, les catholiques qui le dimanche vont à
la messe en français n’y ont jamais entendu le mot « consubstantiel » ;
ils risquent de complètement ignorer le drame, toujours en cours, de
son remplacement par l’expression : « de même nature ». C’est à leur intention que nous rappelons cet exemple tellement significatif de l’abdication catholique devant les exigences abusives de la modernité.
La messe célébrée en français, on l’a sans doute oublié, est antérieure à la promulgation par Paul VI, en 1969, d’une messe
nouvelle. Les premières réclamations et protestations contre la suppression du « consubstantiel au Père », remplacé dans le Credo en français par un insuffisant « de même nature que le Père », sont en effet de l’année 1967.
« De même nature » n’est pas en soi une expression hérétique ; c’est
une expression qui ne dit rien : un fils est évidemment de même nature
que son père. Mais inscrire « de même nature » à la place de «consubstantiel » manifeste, au moins en apparence, une intention hérétique ; et en fait, c’est supprimer une affirmation que les trois Personnes divines ne sont qu’un seul Dieu.
On n’a connu alors en langue française aucune désapprobation publique énoncée par une notabilité ecclésiastique, à la seule exception du (futur) cardinal Journet qui, le 1er avril 1967, écrivait dans L’Echo des paroisses vaudoises et neuchâteloises : « A une époque où, de l’aveu de tous les chrétiens sérieux, protestants et catholiques, la démythologisation
fait courir au christianisme l’un de ses plus grands dangers, où le dogme de la divinité du Christ est comme mis entre parenthèses, où l’on renonce, à la suite de Bultmann, à parler de “Jésus- Dieu” pour parler du “Dieu de Jésus”,
on peut regretter que le mot béni de “consubstantiel” n’ait pas
été retenu par les traducteurs du Credo. On peut espérer que la version
“de même nature”, qui ne va pas à dissiper les équivoques, n’est que provisoire. » Ce supposé « provisoire » est toujours installé, quarante-trois
ans plus tard, dans la messe en français comme dans la traduction
française du Catéchisme de l’Eglise catholique (1992 et 1998) et de
son Compendium (2005).
La première réclamation publique fut en 1967 celle d’une pétition
de laïcs. Elle eut pour premiers signataires, leurs noms méritent d’être rappelés, Louis Salleron, Henri Massis, Gustave Thibon, François Mauriac, Roland Mousnier, Jacques de Bourbon- Busset, Pierre de Font-Réaulx,
Stanislas Fumet, Maurice Vaussard, Daniel Villey.
Le cardinal Lefebvre, président et tête doctrinale supposée de l’assemblée plénière de l’épiscopat français, y répondit le 27 juillet
1967 que cette pétition « ressemblait trop à une défiance à l’égard
de la rectitude doctrinale de la hiérarchie », et que celle-ci ne veut
pas avoir « l’air de céder à une pression ». Le Cardinal était partisan
de « ne dramatiser en aucune façon une question qui, à l’heure
actuelle, a bien perdu de son importance » (sic !). Toutefois « on
envisage de donner au consubstantiel, dans une nouvelle édition, une
traduction qui ne laisse place à aucune équivoque », « on va chercher
pour une nouvelle édition une traduction plus précise ». Il y a eu en effet plusieurs « éditions nouvelles », notamment du « Missel des Dimanches » qui est réédité chaque année. Mais aucune correction du « de même
nature ». Quarante-trois ans plus tard, l’épiscopat français est toujours en
recherche d’« une traduction plus précise », qui « ne laisse place à
aucune équivoque ». Il n’a pas encore trouvé. Il n’a pas trouvé que la traduction plus précise et sans équivoque du latin « consubstantialem » est
justement, tout simplement, le mot français « consubstantiel », maintenu
hors la loi dans l’Eglise de France depuis quarante-quatre ans.
Au jugement plus haut cité du (futur) cardinal Journet, on ajoutera
utilement la consultation des deux classiques qui font référence
sur la question : Etienne Gilson, aux pages 120 à 130 de son ouvrage : La société de masse et sa culture (Vrin 1967) ; et Louis Salleron, aux pages 22 à 29 de son ouvrage : La nouvelle messe (Nouvelles Editions Latines 1970, seconde édition 1976).
JEAN MADIRAN