L’abdication catholique a aussi ses pancaliers (3)
publié dans regards sur le monde le 12 mars 2010
L’abdication catholique a aussi ses pancaliers (3)
Pour enfoncer le catholicisme français dans son abdication intellectuelle, il n’y a pas seulement les hiérarchies parallèles installées dans l’Eglise à travers comités et commissions anonymes : il y a aussi de braves gens, ce sont les pancaliers.
La fulgurance du terme de pancalier est due à La Varende, il a donc sa parfaite légitimité littéraire. C’est au moment le plus dramatique d’un de ses récits qu’il nous fait entendre le cri célèbre :
« A l’aide, les pancaliers ! »
Les pancaliers ne viennent pas à l’aide des combattants.
Ou plutôt ils ne poussent le dévouement, dans nos luttes civiles, que jusqu’à ramasser les blessés, quand ils sont à terre, et à les soigner.
Ils ne s’engagent pas dans le vrai combat. Ils ne vont point s’y « compromettre ». Ce n’est pas forcément par peur. C’est parce que finalement ils n’en sont guère. Le cœur n’y est pas.
Malgré ses lettres de noblesse, le terme de pancalier ne figure ni dans Le Petit ou le Grand Larousse, ni dans le Grand ou le Petit Robert. On verra s’il aura été retenu dans le troisième tome de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie, dont la parution semble prochaine. Littré pourtant le connaissait, mais seulement au pluriel, comme un substantif dénommant une « variété des choux frisés », et bizarrement synonyme, disait-il, de l’adjectif panathénaïque, ce qui demeure obscur.
Au vrai, le pancalier est bien un chou, c’est bien sûr dans La Varende que nous trouvons explications et précisions décisives sur « ces grands choux de l’Ouest, vous savez », et sur leur sens figuré désignant ceux qui manquent à l’appel : « Beaucoup manqueront. Il y a les pancaliers… Vous ne connaissez pas ? Ce sont les tièdes : de braves gens… sans bravoure. Une mollesse heureuse les affaiblit lentement et les réduit […]. On leur a donné ce nom par allusion à ces grands choux de l’Ouest, vous savez, dont les tiges font des cannes un peu épaisses, mais si légères ; dont le bouquet est fait de feuilles épanouies : des choux sans cœur, Monsieur. » (Man’ d’Arc, p. 60).
Les pancaliers aujourd’hui ne poussent pas l’extrémisme plus loin que la lecture d’un hebdomadaire comme Presse chrétienne ou d’un quotidien tel que Le Pomadin. Ils ont quelque sympathie pour le mouvement « pro-vie », à condition qu’il soit apolitique et areligieux, ce qui serait n’être rien, et qui fait penser au mot d’Etienne Gilson : « Les catholiques ne peuvent rien pour la France, parce que politiquement ils ne sont rien. »
C’est un comportement typiquement pancalier, celui de l’évêque réclamant que les profanations d’églises soient traitées au même titre que celles qui touchent les mosquées et les synagogues.
Et encore, la manière catéchétique de ne plus enseigner :
« Jésus est Dieu »,
mais, à la place :
« Pour nous catholiques, Jésus est Dieu. »
Une opinion parmi d’autres… Une variété des choux frisés…
JEAN MADIRAN
Article extrait de Présent n° 7050
du Vendredi 12 mars 2010
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