Une pastorale plus audacieuse. Le silence des témoins ?
publié dans nouvelles de chrétienté le 3 avril 2010
A la suite du Concile, et dans l’obstination à vouloir ne toucher en rien à son « esprit » ni à sa lettre, il faut bien constater que si l’on en reste là, « si on ne bouge pas », eh bien, La Croix elle-même en a pris acte, « les églises vont continuer à se vider ». C’est pourquoi plusieurs diocèses, semble-t-il, sont à la recherche de « quelques idées audacieuses en termes (sic) d’annonce de la foi ».
Si l’on tend l’oreille, on entendra souvent des propos de ce genre, accueillis d’emblée avec faveur : « Personnellement, à la notion de
transmission de la foi, je préfère celle de témoignage. » Avec l’explication :
« Ce sont nos gestes quotidiens qui parlent le mieux de nos convictions. »
Il est vrai que les gestes quotidiens et le comportement habituel sont un témoignage qui cautionne la parole du témoin. A condition qu’il
ne se taise pas. C’est par la parole, par la juste parole (fides ex auditu)
que se transmet la foi en trois Personnes qui sont un seul Dieu, la foi
dans le Fils de Dieu qui est vrai Dieu et vrai homme, la foi en la présence
actuelle de Jésus au milieu de son peuple, dans l’eucharistie de tous
les tabernacles du monde.
La foi ne résulte pas d’un choix, comme on choisirait parmi d’autres
une opinion ou un parti, elle est un don gratuitement reçu, le plus souvent
par le baptême des nouveaunés, et cette vertu de foi, qui est l’une des trois vertus théologales c’est-à-dire : ayant Dieu lui-même pour objet), s’entretient, s’affermit et se développe par une instruction religieuse. La crise de la foi et la « sécularisation » des anciennes nations chrétiennes ont pour racine la défaillance générale de l’instruction religieuse à la suite la seconde guerre mondiale.
Certes, cette défaillance de l’instruction religieuse a été en quelque
sorte entraînée dans le grand courant de désintellectualisation et de
désintégration culturelle qui marque la seconde moitié du XXe siècle. Mais l’Eglise avait en elle tout ce qu’il fallait pour demeurer réfractaire à ce puissant courant et pour le dominer. Elle a au contraire imaginé en France de se mettre à l’école de ce courant, et ainsi, elle a fait durablement exploser, avant même le Concile, le catéchisme des enfants baptisés. On retrouvera dans La Documentation catholique du 3 avril 1983 une extraordinaire déclaration de Mgr Vilnet, alors président de l’épiscopat français. Le passage décisif de cette déclaration est d’ailleurs cité à la page 95 de l’Histoire du catéchisme 1955-2005. Le président Vilnet y reconnaissait qu’« au lendemain de la dernière guerre mondiale » a eu lieu « une prise en compte [par l’épiscopat] des méthodes pédagogiques nouvelles
» qui ont « donné le jour à des livres de catéchèse plus adaptés à la psychologie de l’enfant ». Une prise en compte des méthodes pédagogiques
nouvelles ! Justement ce qu’il fallait éviter et combattre, dans l’ordre naturel et dans l’ordre surnaturel : ces « méthodes nouvelles » s’inspiraient du fameux « plan Langevin-Wallon », ouvertement marxiste-léniniste, dont l’influence est à l’origine du complet désastre de l’« Education nationale
». Il n’est pas sûr que les commissions et comités de l’épiscopat soient
enfin guéris de leur ébahissement moutonnier devant les « méthodes
nouvelles » d’une société apostate.
« Les églises vont continuer à se vider » ? – Elles se vident avant tout
par manque de prêtres, et cette absence tragiquement croissante est
une conséquence directe de l’explosion du petit catéchisme pour enfants
baptisés. Il y a toutes sortes de vocations sacerdotales, il en existe
de tardives et d’exceptionnelles, rien n’est impossible à Dieu ; cependant
la voie la plus fréquente, la plus normale, est aussi la plus traditionnelle,
que le catéchisme du concile de Trente a non pas inventée mais codifiée : c’est le catéchisme romain, c’est-à-dire les trois connaissances nécessaires au salut et les quatre parties obligatoires du catéchisme catholique, la quatrième étant l’explication des sacrements. Le retour du petit catéchisme traditionnel pour enfants baptisés, quand il sera effectif, verra vingt ans plus tard une nouvelle efflorescence de vocations sacerdotales et religieuses, comme on le voit déjà au sein des familles et des écoles traditionnelles.
JEAN MADIRAN (dans Présent du vendredi 2 Avril 2010)