Contraception et avortement
publié dans la doctrine catholique le 22 mai 2010
Dialogue Dynamics
Mons. Jacques Suaudeau sur contraception et avortement
Bruxelles – 21 avril 2010
Monseigneur Jacques Suaudeau, directeur scientifique de l’Académie Pontificale pour la Vie, démontre les liens étroits entre mentalité contraceptive et mentalité abortive.
Le texte ci-dessous est une refonte, sous forme de questions-réponses, de deux présentations très documentées de Monseigneur Jacques Suaudeau sur les divers moyens de contraception et leur caractère le plus souvent abortif. A la précision technique de ce texte s’ajoute une précision doctrinale, toutes deux précieuses à toute personne de bonne volonté désireuse de s’informer avec exactitude et d’éclairer sa conscience à la lumière de la loi divine inscrite dans son cœur.
Dialogue Dynamics a jugé à la fois utile et urgent de mettre ce document à la disposition des éducateurs dans les pays en voie de développement. Ce texte est long mais est conçu comme document de référence pour les formateurs.
Monseigneur, commençons par une définition : qu’entend-on par « contraception » ?
On entend par « contraception » l’ensemble des moyens artificiels utilisés pour empêcher (contra), de façon plus ou moins temporaire, la conception (ception), c’est-à-dire la pénétration réussie d’un spermatozoïde dans un ovule (fécondation) au niveau de la trompe de Fallope. La contraception met volontairement un obstacle objectif à la fécondation, et le fait de manière temporaire, réversible. Il faut la distinguer de la continence périodique, dans laquelle les époux ne mettent aucun obstacle à la procréation, et qui est une méthode de « contrôle des naissances » non contraceptive.
Les contraceptifs empêcheraient donc la conception d’un enfant.
Ils ne font pas que cela. A côté des contraceptifs proprement dits, existent d’autres moyens techniques, généralement diffusés sous l’étiquette de contraceptifs, et qui agissent en empêchant non pas la conception, mais le développement initial de la grossesse, dans les jours suivant la fécondation : il s’agit donc de techniques abortives réalisant un avortement très précoce. On appelle ces techniques interceptives, lorsqu’elles « interceptent » l’embryon avant son implantation dans l’utérus. On les appelle contragestives, quand elles provoquent l’élimination de l’embryon à peine implanté.
Nous constatons d’emblée l’ambivalence fondamentale du terme « contraception », qui peut vouloir signifier en réalité un type précoce d’« avortement ». Merci de préciser quels contraceptifs appartiennent à la catégorie des « interceptifs », et lesquels sont « contragestifs ». Parmi les techniques interceptives se placent les progestatifs purs, en pilules, injections ou implants, les dispositifs intra utérins (stérilet ou IUD), et la contraception d’urgence ou post-coïtale. Au groupe des contragestifs appartiennent les vaccins antigonadotrophine chorionique (vaccin anti-hCG), les produits à activité antiprogestérone (RU486 ou mifepristone), les protaglandines.
L’invention et l’usage des contraceptifs est un phénomène récent dans l’histoire de l’humanité, ayant provoqué une révolution anthropologique dont on n’a pas fini de mesurer l’ampleur. Pouvez-vous nous en rappeler les étapes les plus marquantes ?
Même si l’usage du préservatif masculin remonte au XVIIème siècle, si Wilhelm Mensinga a mis au point un diaphragme pour servir de pessaire en 1880, et si Ernest Gräfenberg a inventé le stérilet en 1928, c’est l’introduction, en 1958, de la fameuse pilule œstroprogestative par Gregory Pincus qui marque le début de la contraception « moderne ». Elle a été mise en vente en 1960 aux Etats Unis sous le nom d’Enovid. Avec ce composé, le monde tenait enfin le moyen contraceptif apparemment idéal, tant attendu par les féministes de Margaret Sanger, qui devait libérer la femme et résoudre tous les problèmes du tiers-monde, du moins le croyait-on. Cette pilule, modifiée en 1962 pour la rendre plus acceptable des clientes (« ortho novum »), a connu un succès immédiat. En 1963 elle comptait déjà plus d’un million d’utilisatrices à travers le monde.
Les premiers contraceptifs oraux à avoir été mis sur le marché, en 1960, ont été des contraceptifs « oestroprogestatifs », composés d’une association de deux hormones de synthèse, un oestrogène et un progestatif, chacune ayant un effet similaire à celle des hormones – oestrogène et progestérone respectivement – naturellement produits dans l’ovaire. Par la suite, on a développé un autre type de contraceptif, fait seulement d’un produit progestatif – ayant une action semblable à celle de la progestérone – et pouvant être administré sous forme de pilules, d’injections intramusculaires, ou d’implants sous cutanés. Le progestatif le plus utilisé pour une telle contraception est le Levonorgestrel, que l’on retrouve dans la « contraception d’urgence ».
Pourquoi la pilule a-t-elle eu, selon vous, un si grand succès ?
L’opinion mondiale a acclamé cette découverte comme une grande victoire de la science, mettant fin à la soumission de la femme à la nature et à ses lois. Cette découverte semblait de plus survenir au bon moment pour aider l’humanité à freiner une « surpopulation » dont on soulignait les dangers de façon dramatique.
Un des thèmes favoris des promoteurs de la contraception était alors que la diffusion de sa pratique devait contribuer à la diminution du nombre des avortements volontaires, en particulier chez les adolescentes. Ce thème revint souvent dans les débats qui précédèrent et suivirent la publication de l’Encyclique Humanae Vitae (25 juillet 1968) de Paul VI. Les partisans de la contraception faisaient valoir le fait que la pilule était le moyen idéal pour régler les naissances, qu’elle offrait de nombreux avantages par rapport aux méthodes dites « naturelles » de contrôle de ces naissances, à commencer par son efficacité, et qu’elle offrait même quelques avantages sur le plan moral puisqu’elle permettait aux couples de vivre leur union conjugale de façon sereine, sans l’épée de Damoclès d’une grossesse non désirée suspendue au dessus de leur tête.
On constate que certains de ces arguments sont encore toujours utilisés aujourd’hui…
Des divers arguments présentés à cette époque en faveur de la contraception, c’est celui de la prévention des avortements qui a le mieux résisté à l’usure du temps, et qui continue d’être régulièrement présenté, en particulier dans les pays européens qui se trouvent confrontés avec le problème toujours plus préoccupant chez eux de la promiscuité juvénile. Mais l’argument est également régulièrement repris par les mouvements en faveur du contrôle des populations dans le monde, sous l’impulsion du FNUAP. A les en croire, des milliers de femmes mourraient dans les pays pauvres par suite des complications d’avortements illégaux, et il y aurait une véritable obligation morale pour les gouvernements de ces pays à diffuser les diverses méthodes contraceptives dans leurs populations, afin de réduire le nombre des grossesses non désirées et donc des avortements.
La diffusion de la connaissance et de l’emploi des contraceptifs sont ainsi présentés non seulement comme acceptables sur le plan moral et social – en dépit de leurs conséquences démographiques négatives – mais encore comme relevant d’un véritable impératif éthique. On demande toujours plus de contraception, soit chez les jeunes, dans les pays riches, soit chez les femmes en âge fécond, dans les pays en développement.
Mais de plus en plus de jeunes l’utilisent maintenant dans les pays en voie de développement. Ne vivons-nous pas déjà, depuis quelques années, la mondialisation de la révolution sexuelle occidentale ?
Le FNUAP (Fond des Nations Unies pour la Population) et l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) avaient donné la priorité au développement de la contraception dans les pays les plus pauvres, afin de limiter la croissance démographique de ces pays. Selon cette philosophie, les pauvres n’ont pas droit à l’enfant. La contraception proposée était simple, vétérinaire : il s’agissait soit de dispositifs intra utérins, soit de progestatifs purs en implants sous cutanés (Norplan). Ces deux organismes avaient une conception réductrice du « consentement informé » en matière de contraception, et traitaient de façon assez cavalière les femmes ainsi stérilisées temporairement. Il s’en suivit, dans les populations concernées, un rejet d’une telle contraception, considérée comme un vestige de l’ère coloniale. Ce qui avait été chassé par la porte revient toutefois aujourd’hui par la fenêtre, mais sous la forme plus distinguée, et plus élitiste de la contraception orale oestroprogestative. Ainsi, dans ces pays, les femmes jeunes, ayant un certain bagage intellectuel, et un revenu appréciable, fascinées par le « modèle libéral » de la femme occidentale, entrent dans l’optique de la « libération de la femme » féministe qui a ouvert le monde à la « révolution sexuelle ». Ce qui avait été initialement rejeté par une saine réaction d’attachement aux valeurs de la famille et de la vie, devient maintenant accepté dans ce qu’il faut bien appeler une capitulation volontaire et individualiste.
Nous savons à quel point la position de l’Église a été critiquée depuis Humanae Vitae. Mais l’Eglise n’a-t-elle pas été prophétique dans son refus de la contraception ?
De fait, on accuse l’Eglise d’insensibilité vis-à-vis des dilemmes moraux de notre époque, et même de favoriser l’avortement par son refus intransigeant de la contraception hormonale, ainsi que le rappelle Jean Paul II, dans Evangelium Vitae : « Il est fréquemment affirmé que la contraception, rendue sûre et accessible à tous, est le remède le plus efficace contre l’avortement. On accuse aussi l’Eglise catholique de favoriser de fait l’avortement parce qu’elle continue obstinément à enseigner l’illicéité morale de la contraception » (Ev.Vitae.13). Toutefois, à la lumière de l’expérience accumulée en ce domaine depuis trente ans, des études de population et d’une meilleure connaissance des effets biologiques des contraceptifs, on peut s’interroger, avec le Saint Père, sur le bien fondé de cet argument promotionnel.
En effet, cinquante ans après l’introduction de la première pilule contraceptive, la réalité des faits montre que la contraception, loin de faire reculer l’avortement, est devenue elle-même toujours davantage abortive. C’est dans le fonctionnement même de la « pilule » que l’avortement a ses entrées.
Que voulez-vous dire ?
Au départ on présentait la « pilule » comme un pur « anti-ovulant », suspendant en quelque sorte le fonctionnement de l’ovaire d’une manière moralement acceptable. On disait que ce que la nature faisait spontanément lors de la grossesse ou des périodes de lactation pouvait bien se pratiquer par le moyen de la prise d’hormones – éléments « naturels » – en vue du bien de l’humanité.
Pourtant, dès les années 50, on s’était déjà rendu compte que le mécanisme de l’action si effective du combiné œstroprogestatif ne pouvait se résumer à la seule prévention de l’ovulation. On sait aujourd’hui que les contraceptifs oraux combinés ont au moins trois points d’impact dans l’organisme, sur chacune des trois étapes conduisant au développement de l’enfant dans le sein de la mère :
- ils coagulent la glaire cervicale et freinent – sans l’empêcher totalement – la remontée des spermatozoïdes du vagin vers l’utérus.
- ils bloquent l’ovulation : l’œuf ne se forme pas dans l’ovaire. Cependant cette suppression n’est pas totale (il y a « échappement ovulatoire » dans 5% des cas), et certaines fécondations restent possibles (1,25% des cycles) ;
- ils empêchent le développement de la muqueuse de l’endomètre qui demeure sévèrement atrophié, incapable de recevoir un œuf fécondé. Ceci entraîne un avortement précoce par non-implantation de l’embryon.
D’après ce que vous dites, la pilule n’empêcherait pas toujours l’ovulation.
Les premières pilules contraceptives livrées sur le marché dans les années 60 contenaient de très fortes concentrations d’œstrogènes et de progestatifs et agissaient certainement en bloquant l’ovulation. Cependant, vue l’incidence des effets secondaires désagréables et des complications – thromboemboliques et hypertensives en particulier – entraînées par de tels dosages, la teneur en œstrogène et en progestatif des pilules contraceptives combinées a été progressivement réduite. Il a résulté de cet allégement des dosages une suppression moins complète de l’activité ovarienne. Avec les pilules actuelles, des ovulations sont, de fait, vérifiées en dépit de la contraception, à raison de une sur dix ou douze cycles étudiés. De tels « échappements » ovulatoires permettent à une fécondation de se faire, sous pilule, s’il y a rapports sexuels dans les cinq jours suivant l’ovulation.
La prise de certaines médications conjointement aux contraceptifs (en particulier psychotropes et antibiotiques) et les affections gastro-intestinales (gastro-entérites, diarrhées diverses) peuvent, de plus, interférer sur l’effectivité de l’anti-ovulation assurée par les composés ingérés. Hansen et Lundvall ont retrouvé une telle interférence chez 21 femmes sur 70 ayant demandé un avortement en dépit de l’utilisation sans faille de la contraception orale.
Les 5% de cas d’ovulation malgré la prise de contraception dont vous avez parlé aboutissent-ils toujours à une grossesse ?
Le chiffre de 5% dépasse largement le nombre de grossesses non désirées qui adviennent sous contraception orale œstro-progestative (une par an pour cent femmes). On doit donc admettre que la différence correspond à des avortements précoces, indétectables par la femme qui prend la pilule contraceptive, et provoqués par cette pilule. C’est l’action du contraceptif sur la muqueuse de l’utérus (endomètre) qui rend compte de cette différence, et donc de ces avortements précoces.
La pilule a-t-elle d’autres effets en ce qui concerne l’ovulation ?
Elle a probablement aussi, par suite de son composant progestatif, une action sur la trompe de Fallope, dans le sens d’un ralentissement de la progression de l’œuf fécondé. Elle modifierait la motilité et les secrétions des trompes de Fallope, faisant ainsi d’une part obstacle au passage des spermatozoïdes, ce qui est un effet contraceptif, et d’autre part à la descente de l’œuf fécondé, ce qui est un effet abortif. L’œuf ralenti dans sa progression deviendrait ainsi trop vieux et ne pourrait se développer en embryon. Il ne s’implanterait pas et mourrait. Un transport retardé peut aussi être cause d’une implantation de l’embryon dans la muqueuse tubaire, provoquant une grossesse extra-utérine. Il semble de fait y avoir une fréquence anormale de grossesses extra-utérines chez les personnes ayant recours aux pilules à faible dosage.
Et la pilule aurait aussi un effet sur l’endomètre ?
L’impact des contraceptifs oraux œstro-progestatifs sur l’endomètre a été longtemps sous-estimé. Il paraît aujourd’hui essentiel. C’est le composé progestatif de la pilule qui est ici en cause. Sa présence dès le début du traitement contraceptif, dans les pilules « combinées », modifie l’évolution ordinaire de l’endomètre utérin, nécessaire à l’implantation de l’œuf fécondé, et inhibe de ce fait la nidation. Elle a un rôle abortif. La forte suppression de la réceptivité endométriale par les contraceptifs oraux œstroprogestatifs rend certainement compte, en partie, de leur efficacité dans la prévention du développement de l’embryon.
C’est cette action sur l’endomètre que l’on appelle l’effet « interceptif » de la pilule : les embryons dont le contraceptif n’a pu empêcher la naissance au niveau de la trompe utérine sont « interceptés » en quelque sorte dans l’utérus, parce que celui-ci a été transformé en un milieu hostile à la vie. Ces embryons ne peuvent « arriver au but », c’est-à-dire se nider dans la muqueuse utérine, tel un ballon qui verrait soudain la cage du but disparaître devant lui, ou un vaisseau spatial qui ne retrouverait plus la planète qu’il devait atteindre et se perdrait, son équipage tué par les radiations cosmiques.
La pilule est donc abortive…
Sa forte suppression de la réceptivité endométriale – qui rend compte de son efficacité – n’est plus du domaine de la contraception, mais de celui de l’avortement précoce.
Faute de disposer de marqueurs biologiques fiables et faciles d’emploi afin de détecter la présence de l’embryon avant son implantation, on ne peut dire objectivement quel est le pourcentage d’avortements précoces ainsi entraînés par la contraception œstro-progestative. Une comptabilité approximative, par déduction, nous mène à estimer qu’une femme qui utiliserait la pilule œstro-progestative comme contraceptif pendant 15 ans détruirait ce faisant, sans le savoir, environ deux embryons. Même en réduisant ce chiffre de moitié pour tenir compte de la prévention de la fertilisation réalisée par le mucus cervical, il n’en est pas moins important, eut égard au nombre de femmes qui sont sous contraception œstro-progestative (4 millions pour la seule France).
A part les contraceptifs oraux œstroprogestatifs tels que la pilule, quels autres types de contraceptifs existe-t-il aujourd’hui ?
Les contraceptifs progestatifs ont pris une place progressivement croissante dans le contrôle de la fertilité féminine. Ils ont l’avantage de ne pas entraîner les malaises et les complications associés à l’usage de la pilule œstro-progestative, et de pouvoir être pris durant la période de lactation, sans danger pour l’enfant. Il s’agit :
– de la minipilule, ou pilule à faible dosage ;
– des contraceptifs injectables, trimestriels (Depo-Provera) ;
– des contraceptifs en implants sous-cutanés (Norplant).
Mais ces produits sont-ils encore véritablement des contraceptifs ? Il y a là un grave problème de définition. La contraception se dit en effet de l’empêchement de la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde. Or les progestatifs, qui ont une action qui reproduit celle de l’hormone naturelle Progestérone, n’ont que peu ou pas d’action inhibitrice de l’ovulation. Ils empêchent le développement d’un embryon en agissant ailleurs, principalement sur le col utérin et sur l’endomètre.
Quel sont les mécanismes d’action de ces progestatifs ?
Les progestatifs agissent :
- en inhibant en partie les mécanismes de l’ovulation ;
- en coagulant le mucus cervical : certains spermatozoïdes peuvent tout de même arriver à remonter du vagin vers les trompes en passant cette barrière. La très haute fréquence de grossesses extra-utérines oblige à admettre que, dans la « contraception » progestative, la fécondation continue d’avoir lieu ;
- en perturbant la motilité des trompes de Fallope ;
- en rendant la muqueuse utérine non réceptive à l’embryon : cette action sur l’endomètre utérin est prédominante. Les progestatifs interférent avec le développement cyclique normal de l’endomètre et empêchent ainsi la nidation de l’œuf. L’utérus sous progestatifs serait en quelque sorte « en sommeil », incapable de recevoir l’embryon.
Qu’est-ce que la mini-pilule ?
Les progestatifs administrés par voie orale, à faible dose, et en traitement continu, ont reçu le nom de « microprogestatifs » ou « minipilule » à cause de leur contenu plus faible en stéroïdes. On emploie la mini-pill en cas de problèmes de dysovulation (anomalie de l’ovulation). Elle entraîne moins de complications que la pilule classique, mais est moins efficace. La minipilule a pour inconvénients une irrégularité des cycles, des saignements, aménorrhées, œdèmes, mastodynies. Son effectivité dans la prévention de la grossesse est liée à la dose de progestatif employée, elle même limitée par l’accroissement des saignements vaginaux. Du moment que la minipilule ne bloque l’ovulation que dans un nombre partiel des cas, et que c’est son effet sur l’endomètre qui prévaut, la minipilule est un abortif à effet intercep¬tif. Elle laisse se faire la fécondation dans un nombre non négligeable de cas, tout en rendant la nidation de l’embryon impossible. La femme prenant la minipilule pourrait subir, sans s’en douter, un avortement par an.
Comme la conception n’est pas en fait empêchée par la mini-pilule, mais que c’est l’accueil de l’embryon qui est altéré, l’embryon, dont la course elle-même est modifiée par l’action de la progestérone sur la motricité tubaire, peut aller s’implanter en des lieux différents de son lieu habituel d’implantation. La grossesse tubaire finit toujours par un avortement, avec mort de l’embryon et risque grave pour la santé maternelle.
Un deuxième type de contraceptif progestatif est le contraceptif injectable. Comment fonctionne ce type de contraceptif ?
Les injections trimestrielles sont des préparations à base de progestatifs, administrées tous les trois mois. Leur action est du même type que celle de la « mini-pilule » : ce sont des abortifs par interception. Le progestatif est libéré lentement du point d’injection et exerce une action contraceptive, rendant le mucus imperméable aux spermatozoïdes, mais surtout abortive, en altérant fortement l’endomètre utérin, le rendant inapte à l’accueil de l’embryon. De plus, celui-ci est transporté dans la trompe à une vitesse anormale. L’ovulation peut également être inhibée, mais ceci n’est pas constant.
Quels sont les contraceptifs injectables les plus utilisés ?
Les plus connus et les plus utilisés sont le DMPA et le NET-EN, qui contiennent, l’un et l’autre, une seule hormone, un progestatif (progestogen).
- Le DMPA (dépôt medroxyprogesterone acetate), synthétisé en 1954, a été d’abord utilisé, en tant que stéroïde injectable, pour différentes thérapies, dont le traitement du cancer du col utérin et du cancer du rein, avant qu’on ne s’aperçoive, dans les années soixante, de son puissant effet contraceptif. Baptisé « the Shot » par ses diffuseurs, il a été mis sur le marché sous le nom de Depo-Provera en 1967. Injecté intramusculairement à la dose de 250 mg, il empêche de façon très effective (100%) toute grossesse durant trois mois. Il permet donc une contraception efficace chez les femmes qui ne veulent pas, ou ne peuvent pas prendre un contraceptif oral tous les jours.
- Le NET-EN (norethisterone oenanthate) ou Norigest a une action, une efficacité, et des effets secondaires identiques à ceux du DMPA.
Quels sont leurs effets secondaires ?
Le Depo-Provera a fait parler de lui car il a été montré que son usage prolongé entraînait une perte de la densité osseuse. Cette perte ne serait que partiellement réversible. Il est donc recommandé de ne pas l’utiliser plus de deux années consécutives. Il ne conviendrait en fait de l’utiliser que si les autres méthodes de contrôle des naissances ne conviennent pas à la personne intéressée. L’inconvénient principal des contraceptifs injectables est de causer des saignements irréguliers, imprévisibles, un fait commun à tous les contraceptifs par progestatifs seuls (comme le Norplant et la mini-pill). De plus, la fertilité prend en moyenne 13 mois pour redevenir normale après la dernière injection de Depo-Provera. Enfin, le Depo-Provera entraînerait un risque accru de cancer, cancer du sein et cancer du col en particulier, du moins chez l’animal. Les statistiques effectuées chez les personnes ayant recours à ce mode de contraception ne semblent cependant pas confirmer un tel risque.
Des mesures ont-elles été prises pour réduire ces effets secondaires ?
Pour pallier à cet inconvénient des hémorragies, on a proposé de modifier ces contraceptifs injectables en associant au progestatif un œstrogène. On a ainsi développé le HRP112 ou CycloProvera ou CycloFem et le HRP102 ou Mesigyna. Ces composés doivent être injectés tous les mois. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les deux sont très effectifs, les effets secondaires sont moindres, et la fertilité retourne plus vite à la normale après arrêt de ces composés qu’après arrêt du DMPA et du NET-EN. Ces deux composés ont été largement testés.
Les contraceptifs injectables sont donc utilisés à des fins de contrôle démographique.
Le Depo-Provera est devenu un symbole des « politiques de contrôle de population » dans les discussions qui tournent autour du « family planning », les uns vantant son efficacité comme contraceptif en particulier dans le cadre de ces « politiques », les autres soulignant les risques d’un produit qui est très spécifiquement administré aux plus pauvres, dans les pays en voie de développement. Le fait est que des abus ont été régulièrement signalés, caractérisés par des campagnes d’injections orchestrées par certains ministères de la santé, sans que les femmes soumises à ces injections soient bien informées de leur effet.
Existe-t-il des contraceptifs injectables plus récents ?
Le dernier en date de ces contraceptifs injectables combinés est le Lunelle (Pharmacia Corp.), qui a été approuvé par la FDA (Food and Drug Administration) en Octobre 2000. Ce composé, qui s’administre en injections intramusculaires mensuelles contient estrogène et progestin, et a une action comparable à celle des contraceptifs oraux combinés, avec aussi les mêmes effets secondaires. Son intérêt est qu’il ne rend plus nécessaire la prise quotidienne de la pilule.
Avec la mini-pilule et les contraceptifs injectables, vous avez aussi mentionné les implants. De quoi s’agit-il ?
Les partisans des politiques de contrôle des populations, dans la mouvance du néomalthusianisme, ont cherché très tôt un contraceptif qui puisse être utilisé dans les pays en voie de développement, de façon massive, dirigée, économique, et sans nécessité de répétition, dans le cadre de « programmes gouvernementaux de santé reproductive ». En d’autres termes, il s’agissait de développer un contraceptif de longue durée, efficace si possible sur plusieurs années, qui puisse être administré en une fois à des personnes plus ou moins informées, personnes qui, très probablement, ne seraient pas demandeuses de ce produit s’il devait être proposé une seconde fois. C’est le World Population Council qui a développé le concept d’implants sous-cutanés de progestatifs en 1966 montrant qu’un matériel physiologiquement actif pouvait diffuser de façon uniforme, constante et lente au travers de la paroi d’une capsule de silicone.
Quel est le mécanisme de fonctionnement des implants ?
Les implants sous-cutanés sont des capsules en silastic, téflon ou autre polymère contenant des microcristaux d’un progestatif, ou d’un œstrogène associé à un progestatif à lente émission. L’implant est biodégradable (mais des implants non biodégradables sont à l’étude). Les hormones entrent en circulation au fur et à mesure que les capsules sont absorbées par l’organisme. La libération d’hormones se fait à un taux constant, à la différence de ce qui advient avec les injections-dépôts où la libération d’hormone est élevée au début et diminue ensuite progressivement.
Le mode d’action des implants sous-cutanés est semblable à celui des injections-dépôts : il s’agit, là aussi, d’abortifs à action interceptive qui agissent en altérant la structure et le trophisme de l’endomètre en sorte que l’embryon ne réussisse pas à s’implanter et que la grossesse s’achève rapidement par un avortement. Dans leurs effets collatéraux on note des pertes hématiques intermenstruelles répétées, provoquées par la libération continue dans le sang de petites quantités du progestatif.
Quand les implants de progestatifs ont-ils commencé à être utilisés ?
Plusieurs types de progestatifs encapsulés et placés intra-dermiquement furent expérimentés cliniquement dans les années 70. Mais les effets collatéraux de ces progestatifs (hémorragies, grossesses extra-utérines) étaient tels que ce furent finalement les implants sous dermiques relâchant le levonorgestrel qui furent choisis. C’est le Population Council lui-même qui développa ces implants sous le nom de Norplant, pour les essais cliniques du produit avant toute commercialisation.
Le Norplant a commencé à être testé cliniquement dès 1974, mais il a mis longtemps avant de recevoir sa première approbation dans un pays. C’est la Finlande, où est produit le Norplant, qui fut la première à l’accueillir, en 1983. Il fut ensuite successivement approuvé par la Suède (1985), l’Indonésie, l’Equateur, la République Dominicaine et la Thaïlande (1987), avant d’être enregistré et diffusé dans de très nombreux pays (60 aujourd’hui). L’utilisation du Norplant a été approuvée aux Etats Unis en 1990. Le produit est distribué en Grande Bretagne depuis 1993.
Pouvez-vous nous expliquer plus en détails comment fonctionne le Norplant et quel est son degré d’efficacité ?
Le système Norplant consiste en six bâtonnets contenant chacun 36 mg de levonorgestrel encapsulé dans une enveloppe de silicone souple. Ces bâtonnets sont insérés en éventail sous la peau de la face interne du bras, ce qui se fait par une petite intervention sous anesthésie locale. La libération du levonorgestrel est maximale durant le premier mois d’utilisation, puis s’abaisse progressivement. Ils continueraient d’être efficaces au delà de cinq ans. Le taux de grossesse durant les trois premières années d’utilisation ne dépasse pas 0.5%, mais monte à 1.6% au cours de la quatrième année. Il est de 3% à six ans, de 4.3% à 7 ans. Le Population Council et la compagnie qui manufacture le produit conseillent d’enlever l’implant au bout de cinq ans d’utilisation.
Les implants sont-ils, eux aussi, abortifs ?
On a avec le Norplant le même mode d’action (abortif par interception) qu’avec les autres contraceptifs progestatifs purs (mini-pill, et injectables). Le Norplant supprime l’ovulation de façon très irrégulière : durant la première année d’utilisation, 11.1 % des cycles apparaissent en fait ovulatoires, et l’incidence de ces cycles ovulatoires augmente par la suite, au fur et à mesure que la diffusion du levonorgestrel diminue pour atteindre 45%. Ce n’est donc pas cette action inhibitrice de l’ovulation qui explique l’efficacité du Norplant. Peu de chose est connu sur son action sur le mucus cervical. Par contre, l’effet du Norplant sur l’endomètre utérin est très nette, avec des perturbations histologiques observées dans près de 90% des cas. Après 3-12 mois d’exposition au Norplant, 50% des femmes présentent un endomètre trop fin pour pouvoir être biopsié. Le Norplant agit donc comme un abortif, empêchant la nidation de l’embryon. On a aussi les mêmes effets secondaires avec le Norplant (saignements) qu’avec les autres progestatifs non combinés.
Le Norplant est-il très utilisé aujourd’hui ?
La diffusion du Norplant s’est heurtée à différentes difficultés qui en ont fait restreindre l’emploi aux pays pauvres, en voie de développement :
- il faut placer six bâtonnets de 34 millimètres de long sous-cutanés, ce qui est important et comporte des risques d’infection et d’intolérance locale.
- Le Norplant entraîne des saignements vaginaux importants, voire de véritables hémorragies, qui le font rejeter des patientes. Une grande partie des utilisatrices demandent à en être libérées au cours des deux premières années suivant l’implantation, le plus souvent à cause des hémorragies provoquées par le progestatif.
- Pour rétablir la fertilité il faut enlever les bâtonnets, ce qui nécessite une intervention médicale. En théorie l’ablation pourrait se faire en cinq minutes, mais la réalité montre qu’elle prend une moyenne de vingt minutes, et peut durer une heure si la personne qui effectue ce geste n’en a pas l’habitude. De plus, la fertilité est lente à revenir.
- A cause de ses propriétés androgéniques, Le Norplant occasionne acné et prise de poids.
- D’autres effets collatéraux désagréables peuvent se manifester, sous forme de maux de tête, de changements d’humeur, de douleurs abdominales. Ces différents effets collatéraux s’atténuent avec la durée d’utilisation.
Y a-t-il eu, comme pour les injections, des formules améliorées de contraceptif par implant ?
Une autre forme du Norplant, le Norplant II a été développée en parallèle, pour permettre une meilleure diffusion du produit actif et donc réduire le nombre d’implants. Le levonorgestrel s’y trouve mêlé à de la silicone en proportion de 1/1 et placé dans une capsule de silicone moitié moins épaisse que dans le Norplant. Deux bâtonnets seulement de 4.4cm de long sont implantés, et ils sont censés diffuser la même quantité de levonorgestrel que le Norplant, durant le même temps. Le taux d’échecs du Norplant II serait inférieur à 1%. L’implant est prévu pour un usage de trois ans. Les effets secondaires sont les mêmes que ceux du Norplant. Le Norplant II est plus facile à enlever que le Norplant.
Un autre implant, le Capronor, a été développé plus récemment. Il contient aussi du levonorgestrel, mais la capsule qui entoure le produit est du poly (E-caprolactone), biodégradable. Les essais cliniques du produit ont montré que l’ovulation se produisait fréquemment en dépit du contraceptif. Tous les cycles sont ovulatoires chez les femmes porteuses du Capronor longueur 2.5cm. La suppression de l’ovulation se ferait par contre à 80% chez les femmes porteuses du Capronor 4cm. L’intérêt du Capronor est qu’il se retire plus facilement que le Norplant.
Un nouvel implant contraceptif de longue durée, l’ »Implanon », a été développé par la compagnie hollandaise Organon. Il a été introduit en Indonésie en 1998. Il vient d’être introduit sur le marché européen. Il consiste en un noyau central d’ethylene vinylacetate (EVA) servant de véhicule à un progestatif, le 3-keto-desogestrel, placé dans une enveloppe d’EVA, sur le modèle du Norplant 2. Comme le 3-keto-desogestrel est plus puissant que le levonorgestrel, l’implant peut être réduit à un bâtonnet unique de 4cm de long, deux millimètres de diamètre, qui maintient une concentration suffisante de produit actif pour empêcher les grossesses durant au moins deux ans. L’insertion et l’ablation du bâtonnet se font comme pour le Norplant. Les essais cliniques ont montré que l’on avait avec ce produit les mêmes effets secondaires gênants qu’avec le Norplant (saignements), mais qu’il semblait entraîner moins d’acné et moins de prise de poids, car le 3-keto-desorgestrel est moins androgénique que le levonorgestrel. Il serait efficace à 100% dès le lendemain de l’implantation, et durant trois ans. Une fonction reproductrice normale serait retrouvée moins d’une semaine après le retrait de l’implant.
Le système des implants est-il, lui aussi, employé dans les politiques de contrôle démographique ?
Le Norplant a été au centre d’un débat éthique important, lié à la façon dont il a été promu par les organismes militant pour le planning familial en vue de limiter les naissances dans les pays pauvres. Le fait que le Norplant ait été testé cliniquement dans les seuls pays en voie de développement, et que la nature réelle du produit n’ait pas toujours été indiquée aux patientes chez qui les bâtonnets étaient implantés lui a donné dès le départ mauvaise réputation. L’aspect souvent coercitif ou les abus de confiance qui ont marqué par la suite les campagnes d’implantation du Norplant, toujours dans les pays pauvres, joint aux problèmes liés à l’implantation des bâtonnets, aux hémorragies rencontrées par les patientes et aux difficultés rencontrées par les femmes qui voulaient se les faire retirer, ont contribué à accroître cette mauvaise réputation.
Et dans les pays développés, quelle a été son utilisation ?
Hoeschst Marion Roussel, distributeur du Norplant en Grande Bretagne, l’a retiré de la vente dans ce pays en Octobre 1999, d’une part à cause de sa mévente dans ce pays, et d’autre part à cause d’une recommandation faite par la British Medical Association aux gynécologues de ne pas proposer le Norplant comme contraceptif. En fait, après une vague initiale d’accueil plutôt positif dans ce pays, en réponse au lancement officiel du produit, a succédé une vague de critique de plus en plus forte, au fur et à mesure que s’accumulaient les plaintes des utilisatrices. Aux Etats Unis, il y aurait eu près de 4.000 actions en justice de la part d’utilisatrices qui ont expérimenté différents problèmes avec ce contraceptif.
Vous nous avez expliqué le fonctionnement des contraceptifs oraux œstroprogestatifs comme la pilule, et des contraceptifs progestatifs comme la mini-pilule (ou pilule à faible dosage) et les contraceptifs injectables et en implants. Parlez-nous maintenant des autres moyens de contraception utilisés aujourd’hui.
Le stérilet (IUD, intra uterine device, DIU, dispositif intra utérin) est le moyen contraceptif le plus utilisé dans les pays en voie de développement, et dans les programmes de planning de l’OMS. En 1987 on estimait que 84.5 millions de femmes l’utilisaient dans le monde. 5% des femmes britanniques entre 16 et 49 ans étaient porteuses d’un stérilet en 1999 (Office for National Statistics, 1999). Le stérilet est utilisé par 19% des couples dans le monde, 24% pour les pays sous développés.
Quelle est l’histoire du stérilet ?
L’idée de recourir au stérilet a été suggérée par la constatation d’un phénomène connu depuis la plus haute antiquité : un corps étranger, placé dans l’utérus, empêche la poursuite d’une grossesse. On raconte que les Arabes et les Turcs plaçaient des galets dans l’utérus des chamelles pour empêcher qu’elles deviennent enceintes au cours des longues traversées de désert.
Le premier dispositif intra-utérin proprement dit fut conçu en 1909 par un physicien allemand, Richard Richter. Il était fait d’intestin de ver à soie, et avait la forme d’un anneau. Mais la première tentative importante de contraception par dispositif intra-utérin fut l’œuvre du médecin berlinois Ernest Gräfenberg. Celui-ci utilisa d’abord de l’intestin de ver à soie, lié en forme d’étoile pour confectionner ses dispositifs. Comme ils étaient trop facilement expulsés, Gräfenberg développa ensuite des anneaux spiralés faits en argent, ou en un alliage de cuivre, de zinc et de nickel. Ces « anneaux de Gräfenberg » furent largement utilisés dans les années 30. Cependant ces anneaux provoquaient fréquemment douleurs et saignements, pouvaient être expulsés, ou perforer l’utérus. La principale complication qu’ils provoquaient était l’apparition d’endométrites et de salpingites (inflammation des trompes de Fallope) sévères, récurrentes, chez de nombreuses patientes, et plusieurs morts s’en suivirent. Le travail de Gräfenberg fut condamné pour cette raison par les obstétriciens et les gynécologues, et par l’ensemble de la profession médicale.
L’American Medical Association Committee on Contraceptives Practices marqua en 1937 son opposition totale à la contraception par méthodes intra-utérines. Les dispositifs intra-utérins furent condamnés en Europe, mais ils continuèrent d’être utilisés au Japon. Le développement du stérilet fut stoppé jusqu’à 1959, quand les premiers rapports attestant de leur sécurité et de leur effectivité parvinrent d’Israël et du Japon et que Le « Population Council » de New York s’embarqua sur un programme de recherche intensif qui aboutit au stérilet moderne, relativement bien ancré dans la cavité utérine et bien toléré.
Le développement du stérilet moderne dut beaucoup à la découverte des matières plastiques, car les dispositifs intra-utérins réalisés avec ces matières souples et élastiques pouvaient être pliées, introduits par un tube dans l’utérus, et se détendre une fois dans l’utérus. Les « Margulies coils »(1964) et les « Lippes loop »(1965) furent les premiers stérilets en polyéthylène ainsi réalisés. En 1969, J.A.Zipper et coll. montrèrent que l’addition de petites quantités de cuivre à un dispositif intra-utérin inerte augmentaient grandement son efficacité contraceptive.
Pouvez-vous nous décrire un stérilet ?
Toute une gamme de dispositifs intra-utérins, en matière plastique ou en argent, existe, de différentes formes. Ils sont insérés de façon non traumatique au travers du col utérin, dans la cavité utérine. Il en existe dans le commerce divers types qui se différencient par leur forme et les matériels qui les constituent. Certains sont seulement en plastique, de formes variées (en T, en patte d’oie) ; d’autres sont métalliques (cuivre ou autre), en forme de spirale autour du support de plastique. Les stérilets en T peuvent contenir dans leur bras horizontal une substance progestative, relâchée lentement dans la cavité utérine. Le progestatif, le cuivre et les autres métaux potentialisent l’action du stérilet en plastique. Lorsque le stérilet est introduit dans l’utérus, il se déploie dans la cavité à la façon d’un parapluie et s’ancre à la paroi, restant relié à l’extérieur par un mince fil en matière plastique qui permet de le retirer deux à cinq ans après son introduction.
Il arrive parfois que le stérilet ne réussisse pas à empêcher l’implantation de l’embryon et qu’une grossesse se développe : on peut alors retirer sous contrôle échographique le stérilet par une délicate traction sur sa « queue » et permettre à la grossesse de se poursuivre sans que l’enfant en subisse de dommage. Il est prudent dans ces cas de laisser le stérilet in situ et de ne l’extraire qu’après l’accouchement. Malheureusement, dans les deux cas, le risque d’avortement spontané au cours de la grossesse est bien plus élevé (autour de 50%) que dans les conditions normales (aux environs de 12%).
Quel est le mode d’action du stérilet ?
- Le stérilet ne s’oppose pas à la fécondation puisqu’on lui reproche d’être responsable de certaines grossesses extra-utérines.
- Il agit par un effet mécanique, toujours présent. L’introduction du stérilet entraîne au niveau de la muqueuse de la cavité utérine une réaction à un corps étranger. Le stérilet provoque probablement des contractions utérines et une irritation de l’endomètre qui rend l’utérus inapte à la nidation. On en déduit que le stérilet bloque la nidation de l’embryon, et agit donc comme un abortif.
- Le stérilet provoque une endométrite chronique. La réaction inflammatoire des tissus sur la zone au contact du stérilet libère des produits de décomposition cellulaire des globules blancs et des cellules endométriales qui exercent une action préjudiciable aux spermatozoïdes et à l’œuf fécondé qui ne réussit pas à s’implanter sur un endomètre « en désordre ».
- La présence du stérilet détermine en outre au niveau de l’endomètre la libération de prostaglandine qui augmente l’activité contractile des trompes et du corps utérin. Celle-ci d’une part retarde l’ascension des spermatozoïdes et d’autre part empêchent l’implantation de l’œuf fécondé.
- Les stérilets contenant du cuivre ont un effet supplémentaire, dû au métal. Le cuivre augmente la sécrétion de la muqueuse endométriale, et est responsable de sa plus grande fluidité. Cette fluidification empêche l’implantation du blastocyste (stade précoce du développement embryonnaire), qui tend à se laisser déporter le long des parois utérines sans réussir à prendre un contact stable avec elles. Il y aurait aussi une réduction de la sensibilité des cellules endométriales à l’action des œstrogènes. Le cuivre aurait enfin une action toxique sur les spermatozoïdes.
- Dans le cas des stérilets contenant des progestatifs, il s’ajoute à l’effet mécanique un effet hormonal. Au bout de 18 heures suivant l’insertion du stérilet dans l’utérus on voit apparaître des altérations caractéristiques au niveau de l’endothelium utérin, avec atrophie glandulaire marquée et réaction déciduale superficielle, cependant que les couches profondes subissent les modifications d’un cycle normal. L’atrophie endométriale superficielle empêche l’implantation du blastocyste. Là encore il s’agit de la potentialisation de l’action abortive du dispositif intra utérin.
- L’embryon qui n’a pas réussi à s’implanter est expulsé avec la menstruation suivante. La femme ne se rend pas compte qu’elle a été enceinte, car cette expulsion survient de façon très précoce. La recherche d’une grossesse à ce stade est négative puisqu’il n’y a pas eu développement de placenta, donc pas de formation d’Hcg (hormone chorionique gonadotrope, produite au cours de la grossesse).
Disons en résumé que toutes les méthodes contraceptives que vous venez de décrire sont potentiellement abortives.
Les contraceptifs proposés aujourd’hui sont devenus toujours plus abortifs, et cette constatation devrait faire réfléchir ceux qui, dans l’Eglise, se sont fait les défenseurs de l’usage des contraceptifs. La nouveauté en matière de contraception ne vient pas tant des nouvelles présentations des contraceptifs hormonaux, sous forme du fameux « patch » ou de l’anneau vaginal, par exemple, objet d’importante publicité aujourd’hui) que du développement de produits, présentés sous l’étiquette de la contraception afin de légitimer leur vente plus ou moins libre en pharmacie, et aussi pour ne pas alarmer l’opinion publique, et qui sont en réalité abortifs. Il s’agit de la dite « contraception d’urgence » ou « contraception post-coïtale ». Il s’agit aussi de la mifepristone, ou RU 486, dont l’usage se répand aujourd’hui pour réaliser un avortement « médical » précoce.
Pour faire allusion à la dite « régulation menstruelle » par la mifepristone, la fameuse pilule abortive RU 486 : avec ce composé, largement utilisé déjà en France, la limite entre la contraception et l’avortement, qui était déjà floue avec les contraceptifs oraux, s’estompe totalement. C’est le même corps chimique qui peut être utilisé comme « contraceptif » ou comme « contragestif », pour pratiquer un avortement « médical » précoce. En fait, la mifepristone agit toujours comme un abortif, puisqu’il s’agit d’une « antiprogestérone ». Aboutissant le plus récent de la recherche sur la contraception orale, la RU486 constitue la preuve objective du lien qui existe entre contraception et avortement. On devinait déjà ce lien lorsque les premières pilules ont commencé à être distribuées ; trente années de diffusion, de promotion et d’utilisation des contraceptifs oraux n’ont fait que le confirmer.
Pour en revenir à notre question de départ : l’usage généralisé de la contraception a-t-il permis ou non de faire reculer la pratique de l’avortement ?
Contraception et avortement sont en fait étroitement liés. Ils le sont dans leur réalité biologique. Ils le sont dans la mentalité qui les présuppose. L’avortement refuse directement l’enfant, et le détruit. La contraception refuse aussi l’enfant, et utilise tous les moyens à sa disposition contre la venue de cet enfant. L’enfant, dans les deux cas, est l’ennemi. Il devient un produit accidentel d’une activité génitale que l’on a réduit au rang du seul divertissement, de la futilité irresponsable, dans une conception dévoyée de la sexualité humaine. Le « sexe » a priorité sur l’enfant. Lorsque l’enfant arrive, en dépit de la contraception, il n’est plus accepté, comme jadis, mais rejeté et avorté. C’est pourquoi il était logique que l’on libéralise l’avortement après avoir mis la contraception à la portée de tous, afin de pourvoir aux défaillances prévisibles de cette contraception.
La faiblesse de l’argument « Prévention vaut mieux qu’avortement », et sa fausseté ont été démontrés par les faits. Les statistiques montrent que le nombre d’avortements n’a pas reculé en proportion des avancées de la contraception et de la chute de la natalité correspondante. On met cette persistance de l’avortement légal ou clandestin, au compte de l’usage trop irrégulier de la pilule œstroprogestative ou de la fidélité à des méthodes de contraception plus traditionnelles, et on en tire argument pour demander encore plus de contraception. On ne se gène d’ailleurs pas pour rendre responsable de ces avortements ceux qui oseraient mettre en doute les bienfaits de la contraception orale. La réalité est que, une fois la contraception acceptée et pratiquée, la personne qui use de cette contraception a tendance à se croire à l’abri de toute grossesse, et donc à vivre une vie de promiscuité sexuelle plus intense, menant fatalement un jour ou l’autre à une grossesse non désirée.
Loin d’être un frein à l’avortement, la contraception pourrait même y conduire. On passe en tous cas très facilement de l’une à l’autre.
Des études scientifiques confirment-elles cette affirmation ?
Selon une étude menée en Suède, sur un échantillon de 2.621 femmes de Göteborg, âgées de 19 à 24 ans, suivies de 1981 à 1986, dont 89% avaient utilisé une contraception orale au moins durant un temps, dont 51% avaient eu recours à ce type de contraception de façon constante, et dont seulement 26% n’avaient pas eu recours à une contraception, 43% de ces femmes étaient tombées enceintes durant cette période, et 44% de ces grossesses s’étaient achevées par un avortement légal. Ainsi, en dépit d’un accès aisé à la contraception, et de la pratique de celle-ci, ces femmes présentaient un taux d’avortement très élevé par rapport au taux d’enfants mis au monde.
Dans une étude menée en Finlande de 1976 à 1993 pour vérifier l’efficacité de la diffusion des contraceptifs sur la réduction des grossesses et avortements chez les adolescentes, les auteurs ont rencontré dans ce groupe de population une diminution parallèle du nombre des grossesses (de 9519 à 3168), des avortements (de 4143 à 1513) et plus encore des naissances (de 5376 à 1655). On voit que les avortements ont persisté, dans ce groupe de population, en dépit d’une contraception intensive ; ces adolescentes, tout en pratiquant la contraception, ont donc continué d’avoir recours à l’avortement. Les auteurs font d’ailleurs part de leur étonnement devant ces chiffres : le taux d’avortement a en fait augmenté à la fin des années 1980s, dans toutes les provinces, et ce n’est que dans les années 1990s qu’il a à nouveau diminué. Les auteurs en déduisent que le premier effet de l’usage des contraceptifs a été de porter les consommatrices à une attitude plus négative vis à vis de la conservation de l’enfant éventuellement issu de leurs relations sexuelles, et donc d’avoir d’avantage recours à l’avortement.
K. Sidenius et N.K.Rasmussen ont observé que 90% des 110 adolescentes admises pour avortement à l’Herlev Hospital, à Copenhague, Danemark, de 1977 à 1978, avaient reçu avant leur avortement une information sur la contraception, et que 60% d’entre elles pratiquaient une méthode de contraception. La plupart de ces adolescentes avaient commencé d’avoir des expériences sexuelles avant l’âge de 15 ans. Aucun retard dans l’information ou la pratique de la contraception ne les distinguait des autres adolescentes. Ces avortements résultaient donc d’échecs de la contraception.
L’Allan Guttmacher Institute (filiale scientifique de la Fédération Américaine du Planning Familial) a publié en 1996 une étude, menée en 1994-1995 sur 10.000 femmes venues pour avorter, qui montrait que 57,5% de ces femmes utilisaient une méthode contraceptive au cours du mois ayant conduit à la grossesse.
Une étude publiée en 1995 et portant sur 147 adolescentes présentant une grossesse non désirée, rapporte que 80% de ces adolescentes déclaraient avoir utilisé un moyen contraceptif à l’époque où elles avaient conçu. Ces résultats plutôt surprenants sont corroborés par E.S. Williams qui note une relation proportionnelle entre l’usage d’un contraceptif lors des premiers rapports sexuels et la survenue d’une grossesse chez les adolescentes. Comme une telle proportionnalité ne peut être mise sur le seul compte d’un échec de la méthode contraceptive, l’auteur suggère que la pratique de la contraception amène une augmentation de l’activité sexuelle des jeunes, responsable en retour de cette épidémie de grossesses et d’avortement.
Répétons-le encore une fois, non seulement les contraceptifs actuels sont-ils abortifs, mais l’emploi courant de contraceptifs ne diminue-t-il pas la pratique de l’avortement.
On dit que la diffusion des moyens contraceptifs, dans les pays développés, s’est accompagnée d’une réduction du nombre absolu des avortements. Il faut tempérer cette affirmation optimiste en faisant remarquer qu’on a plutôt assisté, dans les pays où la contraception orale a été largement diffusée, à une augmentation du nombre des avortements, tant en nombre absolu que relativement au nombre des naissances, et que, là où il y a eu réduction du nombre des avortements, la dite réduction aurait du être beaucoup plus importante, eu égard à l’efficacité des contraceptifs.
Si les avortements persistent, et de façon inquiétante, en dépit de la chute de la natalité largement au dessous du seuil de remplacement, dans des pays où les contraceptifs sont entrés dans les mœurs depuis près de trente ans, c’est que l’avortement s’est banalisé en se plaçant dans le prolongement de la contraception. Le fait que la plupart des avortements, dans ces pays développés, se voient aujourd’hui chez des femmes qui utilisent régulièrement un moyen contraceptif prouve qu’il n’y a pas opposition entre les deux, mais coexistence, et même continuité. On a désormais recours à l’avortement comme à un moyen de contraception « extraordinaire » lorsque le premier moyen, « ordinaire », a failli. C’est la même femme, avec la même mentalité contraceptive, qui pratiquera un jour la contraception chimique et le lendemain l’avortement. En Californie, 40% des 300.000 à 500.000 avortements annuels se font à la suite d’échecs de la contraception.
Et en Europe ?
Prenons un exemple précis et bien documenté : celui de la situation française de l’avortement. Le nombre des « interruptions volontaires de grossesse » n’a, en vingt ans, que très peu diminué en France, passant de 250.000 par an en 1976 (immédiatement après la libéralisation de l’avortement) à 220.000 par an en 1994, l’essentiel de la diminution ayant été observé entre 1981 et 1988. Or, entre 18 et 49 ans, près de 70% des femmes françaises utilisent un moyen contraceptif. De façon schématique, les personnes ayant recours à l’avortement se répartissent selon deux catégories : les unes, qui n’optent pour un avortement qu’en « ultime recours », une fois dans leur vie, et dont le nombre a effectivement diminué par suite d’une pratique de contraception rigoureuse ; les autres, qui pratiquent des avortements à répétition, n’y voyant qu’ »un moyen parmi d’autres de prévention des naissances », et dont le nombre est responsable du plateau actuel de la courbe d’évolution du nombre des avortements. En 1976 8% des femmes venues avorter avaient déjà eu antérieurement un avortement ; en 1991 elles sont 24% ; entre ces deux chiffres, l’accroissement a été parfaitement linéaire. Mme Blayo, de l’Institut national d’Etudes Démographiques, interrogée à ce sujet, a déclaré : « Le nombre des interventions diminue, mais cette diminution est lente ; cette lenteur inquiète ceux qui pensaient que la diffusion de méthodes contraceptives médicalisées très efficaces aurait rapidement raison du phénomène ». Et la même personne d’ajouter : « Dans une société malthusienne qui exerce une pression sociale très forte à ne pas concevoir, une grossesse refusée n’est pas forcément le fruit d’une conception involontaire… Inciter les couples à une maîtrise toujours plus grande de leur reproduction a évidemment pour effet de les déterminer à ne pas accepter les échecs ». En clair, l’accent mis sur la contraception aboutit finalement à faire encore davantage refuser l’enfant lorsque celui-ci ose se présenter sans y avoir été invité. La mentalité contraceptive ne serait donc pas si éloignée de la mortalité abortive.
Quelles sont les évolutions techniques récentes dans le domaine de la contraception ?
La recherche scientifique actuelle dans le champ de la contraception féminine n’a pas porté à un grand renouvellement de la question ; elle tâche d’espacer les moments d’administration des substances abortives, en les donnant sous forme injectable ou de dépôt sous-cutané, dans le but de diminuer la « fatigue » d’une prise quotidienne par la femme. En cherchant ainsi à augmenter l’efficacité des contraceptifs et à en réduire les risques, la recherche pharmacologique rend la contraception toujours plus abortive : il suffit de penser aux nouvelles formules de pilules oestroprogestatives à faible dosage d’estrogènes.
Jean Paul II, dans son Encyclique Evangelium Vitae, n°13, nous dit : « Pour favoriser une pratique plus étendue de l’avortement, on a investi et on continue d’investir des sommes considérables pour la mise au point de préparations pharmaceutiques qui rendent possible le meurtre du fœtus dans le sein maternel sans qu’il soit nécessaire de recourir au service du médecin. Sur ce point la recherche scientifique elle-même semble presque exclusivement préoccupée d’obtenir des produits toujours plus simples et plus efficaces contre la vie et, en même temps, de nature à soustraire l’avortement à toute forme de contrôle et de responsabilité sociale« .
Par contraste, la recherche dans le domaine de la contraception masculine fait exception et les progrès récents réalisés dans ce domaine mériteraient déjà un approfondissement éthique, même si cette contraception masculine présente culturellement et socialement des implications différentes de la contraception féminine. L’étude des mécanismes de physiologie semble plus l’objet d’attention dans ce domaine (à cause de la possibilité d’une « contraception » à base biochimique ou bioimmunologique), que celui de la fécondité naturelle, où le recours à la fécondation artificielle paraît avoir affaibli la recherche physiopathologique.
Pour ce qui est de la contraception post-coïtale, si son efficacité à prévenir le développement d’une grossesse après un rapport sexuel présumé fécondant vient de ce qu’elle empêche l’implantation de l’embryon, et donc à son effet abortif, les différentes méthodes utilisées dans ce cadre doivent donc être considérées comme abortives ?
La contraception d’urgence ou « post-coïtale » peut agir de deux façons pour empêcher le développement d’une grossesse à la suite d’un rapport potentiellement fécondant : elle pourrait agir par un simple effet contraceptif si l’ovulation n’a pas déjà eu lieu et s’il persiste des spermatozoïdes encore vivaces dans les voies génitales féminines ; mais ce simple effet contraceptif ne rend pas compte de l’efficacité du produit. On doit donc admettre qu’elle agit aussi en empêchant la nidation utérine d’un embryon déjà formé, lorsque l’ovulation a déjà eu lieu.
L’embryon éliminé par la contraception post-coïtale est un être humain individuel, qui doit être traité comme personne. Il faut répéter ici ce que la biologie enseigne depuis déjà des années et que l’embryologie et surtout la génétique moderne n’ont fait que confirmer : l’embryon humain, depuis le stade même de zygote, présente tous les caractères d’un nouvel être individuel humain qui va développant d’une manière totalement autonome ses propriétés. Au moment de la fécondation, c’est-à-dire de la pénétration du « spermatozoïde gagnant » dans l’ovule, se forme une nouvelle entité biologique le zygote. C’est à ce moment précis que commence l’aventure d’une nouvelle vie humaine, ainsi que le Document sur l’avortement provoqué de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, du 25 Novembre 1974, a justement souligné dans les termes suivants : « Dès que l’ovule est fécondé, se trouve inaugurée une vie qui n’est ni celle du père ni celle de la mère, mais d’un nouveau être humain qui se développe par lui-même. Il ne sera jamais rendu humain s’il ne l’est pas dès lors... ».
Ce nouveau programme réalisé par l’union des gamètes n’est pas un matériel inerte : il s’agit d’un nouveau projet qui se constitue de lui même et qui est l’auteur et l’acteur de lui même. Ceci se qualifie par le terme d’ »individuation » (un nouvel être advient de la fusion des gamètes), et d’ »autonomie » (son développement n’est en rien conditionné par des facteurs extrinsèques ; il a en lui-même la clé de son développement).
L’embryon est déjà un être humain.
Si l’embryon humain, avant son implantation dans l’utérus, se présente ainsi, au niveau biologique, comme animé par une vie humaine individuelle, organisé comme un organisme doté des capacités d’autonomie, d’autodirection, d’autoréparation, et d’homéostase, cet embryon humain ne peut pas être jugé autre qu’un individu humain, un homme. Ceci était déjà le message transmis par l’antiquité chrétienne, et il y a peu à ajouter aujourd’hui à ce que disaient « nos pères dans la foi » à la lumière de la raison humaine : ce message condamne l’avortement dans ces termes : « C’est un homicide anticipé que d’empêcher de naître et peu importe qu’on arrache l’âme déjà née ou qu’on la détruise au moment où elle naît. C’est déjà un homme ce qui doit devenir un homme ; de même, tout fruit est déjà dans le germe » (Homo est et qui est futurus ; etiam fructus omnis iam in semine est) (Tertullien, Apologeticum, vol. 1,IX,8)
C’est au moment de la fécondation que ce nouvel être humain a commencé sa vie individuelle, débutant ainsi un cycle vital qui le portera à devenir fœtus, nouveau-né, enfant et adulte jusqu’à la mort naturelle : « A cette évidence de toujours… la science génétique moderne apporte de précieuses confirmations. Elle a montré que, dès le premier instant, se trouve fixé le programme de ce que sera ce vivant : un homme, cet homme individuel avec ses notes caractéristiques déjà bien déterminées. Dès la fécondation est commencée l’aventure d’une vie humaine dont chacune des grandes capacités demande du temps pour se mettre en place et se trouver prête à agir » (Congregazione per la Dottrina della Fede, Dichiarazione sull’’aborto procurato, n°13, AAS 66 (1974) 738.)
C’est pour cela que l’embryon humain, depuis le moment de la fécondation et de la formation du zygote, et avant son implantation dans l’utérus, mérite le plein respect que l’on accorde à l’embryon en général, et plus spécifiquement à l’embryon après son implantation. La raison l’indique et l’Église le souligne avec force : « Dès le moment de sa conception, la vie de tout être humain doit être absolument respectée, car l’homme est sur terre l’unique créature que Dieu a « voulue pour lui-même » et l’âme spirituelle de tout homme est « immédiatement créée par Dieu » ; tout son être porte l’image du Créateur. La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte « l’action créatrice de Dieu » …Dieu seul est le maître de la vie, de son commencement à son terme : personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent« . (Donum Vitae, Introduction, 5).
Parce que tout ce que sera l’adulte est déjà compris dans le fœtus, prêt à s’exprimer objectivement quand le projet-programme du fœtus lui en donnera l’ordre, la même raison fait rejoindre la conclusion que l’embryon en général, et, de ce fait, l’embryon préimplantatoire a valeur de personne humaine. C’est pourquoi le respect dû à l’embryon préimplantatoire implique de le traiter comme une personne humaine, en lui reconnaissant les droits de la personne, et, en premier lieu, le droit à la vie : « C’est pourquoi le fruit de la génération humaine dès le premier instant de son existence, c’est-à-dire à partir de la constitution du zygote, exige le respect inconditionnel moralement dû à l’être humain dans sa totalité corporelle et spirituelle. L’être humain doit être respecté et traité comme une personne dès sa conception, et donc dès ce moment on doit lui reconnaître les droits de la personne, parmi lesquels en premier lieu le droit inviolable de tout être humain à la vie » (Donum Vitae, I,1).
Aussi toute contraception qui empêche l’implantation de l’embryon est-elle inacceptable d’un point de vue moral.
Empêcher l’implantation de l’embryon des premiers jours, ainsi que le fait la contraception d’urgence, revient au même que provoquer volontairement l’élimination de cet embryon et donc son avortement. Il y n’a pas place dans ce cas pour aucune casuistique atténuante, du type du « double effet », parce qu’il y a seulement un but unique dans la mise en œuvre de la contraception d’urgence : ne pas permettre à une grossesse déjà initiée de se développer. Il est clair que, dans la contraception post-coïtale, l’intention et l’acte lui-même (c’est-à-dire la prise de la pilule) sont abortifs.
Quelle est la position de l’Eglise à ce sujet ?
La contraception post-coïtale constitue un acte grave, qui est condamné avec toute la force avec laquelle on condamne toute forme d’avortement. Il faut donc appliquer à la contraception d’urgence le même jugement négatif qui s’applique à toute autre forme d’avortement : il s’agit d’un délit « abominable », selon l’expression du Concile Vatican II (« Dieu, maître de la vie, a confié aux hommes le noble ministère de la vie, et l’homme doit s’en acquitter d’une manière digne de lui. La vie doit donc être sauvegardée avec un soin extrême dès la conception : l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables »). Le Saint-Père a solennellement condamné l’avortement dans l’Encyclique Evangelium vitae (24 mars 1995) comme « désordre moral grave » et nous pouvons ajouter qu’il s’agit là de la déclaration pontificale la plus forte, faite avec le plus haut degré d’autorité possible : une telle condamnation s’applique à la contraception post-coïtale : « … en conformité avec le Magistère de mes Prédécesseurs et en communion avec les Évêques de l’Église catholique, je confirme que l’euthanasie est une grave violation de la Loi de Dieu, en tant que meurtre délibéré moralement inacceptable d’une personne humaine. Cette doctrine est fondée sur la Loi naturelle et sur la Parole de Dieu écrite ; elle est transmise par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel » (EV n°62).
L’élimination de l’embryon premier avant son implantation, en tant qu’avortement volontaire, est donc un crime contre la personne, un homicide dans la réalité des faits. Ce n’est pas le degré de développement de l’embryon qui détermine ce jugement mais le fait de mettre fin volontairement à une vie humaine – autrement on pourrait aussi justifier l’infanticide parce que le nouveau-né n’a pas encore fini son développement intellectuel. Le degré de développement obtenu par un embryon à un moment donné ne peut pas avoir d’influence sur la négativité objective du jugement éthique porté sur son élimination. Ce n’est pas parce que un embryon se trouve au stade de quatre, huit cellules, ou de blastociste qu’il « vaut » moins qu’un embryon morphologiquement « complet », au troisième mois de grossesse, par exemple. Sur le plan anthropologique, philosophique, moral et théologique, la valeur de l’être humain est la même, quelle que soit la phase du cycle vital où il se trouve, et ceci pour deux motifs :
- du point de vue biologique, étant donné que le développement de l’embryon est programmé, continu, intrinsèquement autonome, il n’y a pas de différence substantielle mais seulement une différence de développement entre le zygote, qui advient dans la suite immédiate de la conception et le nouveau-né à la naissance.
- du point de vue philosophique, axiologique, toute la valeur de la personne humaine comme individu se trouve ontologiquement présente dans l’embryon depuis le moment de sa conception. Le fait que la manifestation de la réalité ontologique et existentielle advienne graduellement et de façon continue tout au long de la vie de l’individu n’autorise pas à penser que l’ »après » n’est pas enraciné et causé dans le « déjà » ; entre le « déjà » réalisé et le « pas encore » développé il y a tout l’arc de la gestation et de la vie, mais il y n’a pas de saut qualitatif ou mieux ontologique entre les deux : c’est le même acte existentiel qui sous-tend le développement, et c’est le même « je » qui est réellement présent et qui agit, même quand il n’y a pas encore autoconscience et reconnaissance sociale.
Même s’il y avait un doute subjectif sur le lien entre l’œuf fécondé et l’être personnel qui en découle, la conscience est obligée de s’abstenir de toute agression vis-à-vis de l’embryon humain, comme on doit s’abstenir du tirer un coup de fusil sur un buisson si l’on vient à penser, même de manière dubitative, que ce qui est dans le buisson est une personne et non une proie de chasse.
Quels arguments utilise-t-on pour justifier l’usage de la pilule post-coïtale ?
Pour justifier sur le plan moral l’usage de la « contraception post-coïtale », certains médecins invoquent l’absence d’une connaissance scientifique directe de son mécanisme d’action. Il n’y a aucune preuve, disent-ils, de l’empêchement de l’implantation de l’embryon dont on accuse les techniques de contraception d’urgence. Ce qui est sûr, continuent-ils, est que ces méthodes ont un effet « contraceptif » quand elles sont utilisées avant le rapport sexuel. Considérant que l’effet préventif de grossesse de ces composés est très bref, n’est pas absolu, et se voit seulement dans les 48 heures qui suivent le rapport sexuel, pourquoi ne pas admettre, disent-ils, que c’est l’action contraceptive qui est en cause dans la prévention de la grossesse ? On sait en effet que la fécondation n’est pas un phénomène immédiat, qu’elle peut survenir quelques heures après le rapport sexuel, soit à cause de la rupture d’un follicule contemporainement au rapport ou tout de suite après, soit à cause de spermatozoïdes résiduels qui finissent pour passer au-delà du col et atteindre l’ovocyte des heures après le rapport.
Les mêmes médecins ajoutent que, si les techniques de contraception post-coïtale ne sont pas abortives, mais simplement contraceptives, et même s’il y a doute à cet égard, il serait vraiment peu charitable et peu raisonnable de priver les gens de son aide. Quand on pense aux coûts économiques et humains d’une grossesse non désirée chez une adolescente qui est encore à l’école et dépend entièrement de ses parents pour vivre, le recours à la « pilule du jour après » ne semble pas disproportionné. Ce qui serait disproportionné, continuent ces médecins, serait de ne pas l’utiliser, avec le risque d’avoir à gérer cette grossesse chez une adolescente incapable par ailleurs de s’occuper de l’enfant, une fois que celui-ci sera né, ou avec le risque le plus vraisemblable de pousser cette adolescente à la solution de l’avortement chirurgical, légal ou clandestin, au coût peut-être de sa santé si ce n’est de sa vie.
Comment répondre à ces affirmations ?
Aucune étude, jusqu’à aujourd’hui, n’a pu apporter la preuve objective d’une action simplement contraceptive de la « pilule du jour d’après », alors que différentes études ont montré un lien entre la prise d’un contraceptif d’urgence et l’apparition consécutive de signes de déséquilibres hormonaux et d’anomalies au niveau de l’endomètre utérin, qui rendent prévisible l’incapacité de cet endomètre à accueillir un embryon. S’il y place pour quelque incertitude en ce qui concerne l’action exacte de moyens de la contraception d’urgence, ce doute penche en faveur d’une action abortive, par empêchement de l’implantation. En tel cas, la règle dans le champ de la morale demande que l’on s’abstienne, parce ce que ce qui est en jeu n’est pas un simple problème économique, ou les difficultés liées à la survenue d’une grossesse chez une adolescente : ce qui est en jeu est la valeur d’une vie humaine, qui dépasse toute autre valeur.
De plus, nous ne sommes pas ici confrontés au cas d’une conscience confuse, parce qu’il y aurait doute sur la valeur de l’action projetée, comme le prétendent certains défenseurs de la « pilule du jour d’après ». Comme il a été dit plus haut, la personne qui demande une contraception d’urgence le fait parce qu’elle a eu un rapport sexuel possiblement fécondant, et qu’elle ne veut pas que cette grossesse potentielle se développe. Son intention n’est pas, en ce moment, contraceptive, comme le laissent supposer les défenseurs de la contraception post-coïtale : son intention est abortive. Le médecin qui prescrit la « pilule du jour d’après » à cette personne ne prescrit cette pilule en tant que « contraceptive » (pour empêcher une fécondation), mais en tant qu’abortive (pour empêcher le développement d’une possible grossesse). Il est vrai que la femme qui prend le « contraceptif d’urgence » peut le faire sans qu’elle ait débuté de grossesse, mais cette possibilité ne modifie pas la qualité morale du recours à une telle pratique.
Les femmes qui ont recours à la « contraception d’urgence » sont-elles pleinement conscientes de la gravité de leur acte ?
Leur manque d’évaluation de la gravité de l’acte ainsi décidé et réalisé est en grande partie dû à la présentation trompeuse de la « contraception post-coïtale » telle qu’elle est offerte à l’opinion publique, dans les medias de communication et aussi dans le monde médical. Pour justifier le recours à la « contraception d’urgence » on soutient en effet que, non seulement elle n’agit pas avec un mécanisme abortif, mais qu’elle permet de réduire le nombre des avortements. Une telle affirmation a été facilitée par la redéfinition des termes clé de la reproduction, dans le sillage des techniques de fécondation artificielle et de la résolution des problèmes légaux qu’elles posaient. Le terme de « pré-embryon » s’est ainsi diffusé toujours davantage dans le langage des centres « de reproduction » : la conception, et donc le début de la grossesse, ont été dissociés de la fécondation, pour les associer à l’implantation utérine de l’embryon. De ce fait, on juge que la prévention de l’implantation de l’embryon n’est pas un avortement, mais fait encore partie de la contraception.
La tentative de qualifier comme « pré-embryon » l’embryon dans les stades qui précèdent l’implantation, en le déclassant pour en faire quelque chose d’indifférencié, va contre la vérité objective de l’individualité et de l’autonomie de l’embryon pré-implantatoire, démontrées par la génétique.
Que faire par rapport à cette manipulation sémantique dont les conséquences sont si graves pour la personne ?
Il est clair que le devoir des médecins, des moralistes, des confesseurs, et des éducateurs est d’éclairer l’opinion des fidèles et celle des gens en général, en dénonçant la duperie sémantique qui a rendu possible l’acceptation de la « pilule du jour d’après » dans les Parlement nationaux. Une telle duperie a, malheureusement, souvent neutralisé les réactions des personnes qui ont une responsabilité de direction législative et morale dans la société. S’il y a devoir à souligner la gravité morale de l’acte de « contraception » post-coïtale, se pose aussi aux confesseurs le problème d’éclairer les consciences à cet endroit, tout en tenant compte du fait de l’ignorance irréductible que l’on pourrait rencontrer à cet égard chez certains pénitents.
Un autre argument souvent avancé est celui du viol : pourrait-il être considéré comme l’indication spécifique de la « contraception d’urgence » ?
Il semble que, considérant les tristes circonstances dans lesquelles pourrait survenir en un tel cas une grossesse, la contraception post-coïtale soit un moyen idéal pour prévenir une grossesse qui n’est pas seulement non désirée, mais qui va être vécue comme le prolongement matériel, organique, du mal du viol, pour la femme qui a été victime de l’agression comme pour ses proches, si un fœtus se développe à la suite de cette agression. C’est pourquoi nombreux sont ceux qui hésiteraient peut être à recommander de façon courante le recours à la contraception post-coïtale, mais qui l’approuvent quand la personne en question est la victime d’un viol.
Il est clair que la contraception post-coïtale, lorsqu’elle peut être mise en œuvre dans les 48 heures suivant un viol, et quand elle réussit ainsi à prévenir une possible grossesse, offre un avantage matériel, objectif, considérable à la patiente, au médecin en charge, et à la société dans son ensemble : cette « contraception », en effet, élimine le problème du développement d’une grossesse dans de telles conditions, avec ce qu’il implique comme obligation soit d’accéder à une demande d’avortement de la part de la victime, soit de trouver après l’accouchement une solution à l’accueil de l’enfant si la victime a accepté de le conserver.
Cependant, même dans ce cas douloureux et « limite » du viol, la possibilité de choix n’existe pas vraiment sur le plan moral, parce que la vie humaine a une valeur fondamentale, qui surpasse toute autre valeur et que l’enfant qui va se développer comme conséquence du viol est innocent. Utiliser la contraception d’urgence, en un tel cas, c’est vouloir éliminer cet enfant possible, au début de sa vie, ajoutant un mal au mal déjà perpétré par le viol.
La victime d’un viol doit prendre une décision mûre et responsable, au plus tôt, concernant l’usage possible de la contraception post-coïtale. Les personnes qui ont la responsabilité d’accueillir, réconforter, suivre et aider les victimes de violence sexuelle et les pasteurs d’âme qui se trouvent (par exemple dans les camps de réfugiés) en contact avec ces victimes, ne doivent pas cacher la vérité de la valeur de l’enfant à la conscience de la personne assistée. Mais il faut toujours présenter ensemble la vérité, le devoir moral (conserver l’enfant s’il y a grossesse), et l’offre d’accompagnement et d’aide concrète, et cela quelle que soit la décision prise par la personne.
Parmi les multiples arguments utilisés par les organismes internationaux pour répandre l’usage de la contraception dans les pays en voie de développement est celui de la pauvreté : la croissance démographique serait une des causes de la pauvreté au sud, et la stabilisation démographique un facteur de l’enrichissement au nord. Que répondez-vous à cet argument ?
La diminution de la natalité provoquée par un usage régulier de la contraception apparait, en effet, dans un premier temps, faciliter l’essor économique d’un pays en réduisant les dépenses publiques et privées liées à l’éducation. On prévient la venue au monde d’individus humains qui seraient des « bouches inutiles » tant qu’ils ne se seraient pas mis à travailler. De la même façon, on résoudrait pour un temps le problème de l’embauche des jeunes, puisqu’il y aurait moins de jeunes. La courte vue de ces arguments est évidente. La richesse des pays du Nord ne vient pas de leur faible taux de natalité, mais de leur système économique bien rodé, avec des industries depuis longtemps implantées, le grand avantage d’un savoir faire déjà là, dans la population, et la possibilité pour ces pays de faire appel à de la main d’œuvre étrangère pour suppléer la main d’œuvre manquante par manque de natalité. Sans vouloir jouer aux Cassandre, le vieillissement des populations va tôt ou tard venir menacer ce bien être, et le manque d’une population jeune va enlever à ces pays leur dynamisme, à moins qu’ils ne fassent toujours davantage appel à l’immigration pour assurer la production industrielle d’un pays sans bras, ce qui est une politique risquée pour la paix sociale. A l’inverse, rattacher la pauvreté dans certains pays à leur natalité jugée excessive, et croire qu’en réduisant cette natalité on favorisera l’essor du pays est d’une grand naïveté : ce ne sont pas les enfants qui nuisent à cet essor, mais l’absence d’infrastructure industrielle, l’absence de main d’œuvre qualifiée, l’absence d’un système éducatif permettant de former la main d’œuvre experte dont a besoin l’industrie, l’instabilité politique, et les guerres. Plutôt que de recevoir des contraceptifs, ces pays ont besoin de recevoir des formateurs, des éducateurs, qui transformeront une masse d’enfants apparemment trop lourde en ce capital humain sans lequel aucun développement à long terme n’est imaginable.
Que pouvons-nous conclure de tout ceci ?
Le tour d’horizon que nous venons de faire sur les contraceptifs aujourd’hui disponibles et leurs propriétés abortives suggère, en conclusion, les remarques suivantes :
- La contraception, loin de faire reculer l’avortement, trouve dans ce dernier son prolongement en quelque sorte naturel. Parce que la mentalité contraceptive est en fait très voisine de la mentalité abortive, l’usage massif de la contraception dans les pays développés a contribué à y banaliser l’avortement.
- La recherche scientifique est aujourd’hui orientée vers la mise au point de techniques contraceptives toujours plus « efficaces » pour la prévention de la conception et de la poursuite de la grossesse, avec toujours moins de risques pour la femme, aboutissant à une contraception toujours plus abortive. Ceci constitue une autre démonstration du lien étroit, pas seulement culturel mais aussi scientifique, qui existe entre le recours à la contraception et la demande d’avortement.
- Pour ne pas prononcer le mot « avortement », on parle d’ »empêchement » à l’implantation, d’ »interception » ou de « contragestion » pharmacologiques. On déclare aussi que l’embryon n’est pas un embryon tant qu’il n’est pas implanté dans la muqueuse utérine mais un simple « pré-embryon », une masse de cellules qu’il ne requiert pas de respect particulier. Ce n’est pas cependant un jeu de parole qui peut changer la réalité des faits.
- Les personnes qui sont tentées de prendre la voie facile de la contraception post-coïtale, sous sa forme hormonale orale, le font souvent pour de simples raisons de convenance personnelle, refusant un enfant qui n’est plus considéré comme un don mais comme un embarras, un obstacle au bonheur personnel, un dommage. Il faut aider ces personnes à prendre conscience de la déformation qu’elles ont accepté de donner ainsi à leur conscience et, par suite, à leur vie morale.
- Il importe que les personnes qui s’estiment en droit d’avoir recours à la contraception pour des raisons médicales, psychologiques, sociales ou économiques justifiables devant un tiers et devant Dieu, le fassent en pleine connaissance de cause, c’est à dire en sachant qu’elles détruiront un embryon, à un moment ou à un autre de leur vie contraceptive. Leur geste sera objectivement de la même nature qu’un avortement dit « chirurgical », avec la différence qu’elles ne s’en rendront pas compte et ne verront pas le fruit de leur avortement. Il n’existe pas de « droit à l’ignorance » en ce domaine. De la même façon, les pasteurs, théologiens et conseillers spirituels qui approuvent par leurs paroles ou leurs écrits l’usage de la contraception doivent savoir qu’ils approuvent du même coup l’ensemble des avortements qu’elle a provoqué et provoquera, ce qui se chiffre par millions d’individus.
- Il n’y a rien d’héroïque, d’exceptionnel, ou de naïf à avoir recours aujourd’hui, dans le cadre de la parenté responsable, aux méthodes dites « naturelles » de contrôle de la fertilité féminine, dont on connaît les bases scientifiques, l’efficacité et les bienfaits qu’en tirent les couples pour une communion conjugale plus approfondie. C’est pourquoi il appartient aux époux d’exercer en ce domaine leur responsabilité en se formant à ces méthodes. Les conseillers de ces couples – médecins, aides sociaux, prêtres, religieux et religieuses – devraient considérer comme de leur devoir moral de faire connaître ces méthodes naturelles et d’en faciliter l’accès.
Cette réflexion sur les relations toujours plus nettes qui existent aujourd’hui entre la pratique de la contraception et l’avortement ne peut, en conclusion, que nous reporter aux mots mêmes du Saint-Père à ce sujet, au paragraphe 13 de l’Encyclique Evangelium Vitae : « Certes, du point de vue moral, la contraception et l’avortement sont des maux spécifiquement différents : l’une contredit la vérité intégrale de l’acte sexuel comme expression propre de l’amour conjugal, l’autre détruit la vie d’un être humain ; la première s’oppose à la vertu de chasteté conjugale, le second s’oppose à la vertu de justice et viole directement le précepte divin « tu ne tueras pas ». Mais, même avec cette nature et ce poids moral différents, la contraception et l’avortement sont très souvent étroitement liés, comme des fruits d’une même plante« .