L’affaire Escher, chanoine du grand Saint Bernard. Il quitte son abbaye de Saint Maurice.
publié dans nouvelles de chrétienté le 13 juillet 2010
Quelques précisions sur « l’affaire Escher »
Christophe Saint-Placide, qui a révélé au public français l’affaire du départ du chanoine Escher de l’abbaye de Saint-Maurice (Suisse) pour Ecône, apporte ces derniers jours d’intéressantes précisions dans deux nouveaux articles (ici et là).
On notera en particulier la présence de « raisons doctrinales » dans les motivations du départ. Malheureusement, elles ne sont pas précisées. Mais il est clair que, de ce point de vue, la crise de l’Eglise est d’autant plus loin d’être terminée que l’autorité compétente se refuse toujours dans l’immense majorité à dire ce qui est du domaine de la libre discussion et ce qui est du domaine de l’hérésie.
Et on notera, en matière liturgique, la lourde responsabilité des autorités qui refusent d’apploiquer les mesures pacificatrices prises par Benoît XVI… Autorités qui, comme de juste, sont les premières à déplorer les « blessures de l’unité » causées par le chanoine Escher!
Voici les articles en question de Christophe Saint Placide sur son site « Summorum Pontificum ».
Ier article: il annonce ce départ vers Ecône:
La crise de l’Église est encore loin d’être terminée et, au sein de celle-ci, les rapports entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X, ne sont pas non plus réglés. Nouvelle épisode dans cette longue saga qui a débuté en 1974 – épisode certes mineur, mais néanmoins significatif – le passage à la Fraternité Saint-Pie X d’un chanoine de la célèbre Abbaye Saint-Maurice en Suisse.
La nouvelle a été annoncée par un communiqué de l’Abbé Joseph Roduit dans un communiqué, repris par l’agence de presse internationale APIC. Le chanoine en question n’était pas n’importe qui. Professeur, aumônier des étudiants, maître des cérémonies, correspondant de plusieurs journaux, dont le quotidien Le Nouvelliste, le chanoine Escher occupait de nombreuses fonctions et déployait un zèle apprécié. Du côté de ses confréres, c’est la stupeur, d’autant plus qu’il a quitté l’Abbaye à l’insu de son Père Abbé le mardi 29 juin pour rejoindre Ecône.
Ce départ peut surprendre, surtout sous le pontificat de Benoît XVI. Reste à savoir les raisons exactes qui l’ont motivé, et parmi ces motivations, celles qui sont uniquement doctrinales et liturgiques. Il serait intéressant de savoir, par exemple, – simple piste à étudier – si le motu proprio Summorum Pontificum a trouvé un semblant d’application en l’Abbaye Saint-Maurice. Ce chanoine a-t-il voulu retrouver l’antique discipline liturgique et a-t-il rencontré des difficultés pratiques pour le faire ? Ou est-ce seulement au terme d’une analyse doctrinale sur la crise de l’Église qu’il a décidé le grand saut ?
Tous les ans, des religieux approchent ou rejoignent la Fraternité Saint-Pie X. La même chose est vraie en sens inverse. Souvent ices prêtres transfuges adoptent, sans difficulté apparente, le nouvel ordo.
Dans notre post d’hier concernant le départ du chanoine Escher (cf. ICI) nous posions un certain nombre de questions sur les raisons de ce départ. Dans un message qu’il nous a adressés ce matin, le chanoine Yannick Escher s’explique et apporte des précisions importantes. Il souligne ainsi que « que Mgr Roduit, l’Abbé de Saint-Maurice, a reçu une lettre de 5 pages motivant mon départ. Le lendemain, mes confrères, ont reçu la même lettre. Il s’agit essentiellement de raisons liturgiques (impensable d’appliquer le Motu proprio) et doctrinales. »
Il se confirme donc que les raisons de ce départ ne sont pas d’ordre personnel – une mauvaise entente avec des confrères ou une dépression, etc. – mais bien liturgiques et doctrinales. Le chanoine Escher prècise qu’il était impensable d’appliquer le Motu Proprio.
Trois ans après la promulgation de ce dernier, l’heure des bilans arrivant, ce départ du chanoine Escher doit s’inscrire dans cette perspective. Les résistances au Motu Proprio sont grandes parmi les autorités épiscopales et ecclésiales. Il est temps et urgent de faire respecter ce texte comme il est temps et urgent de faire respecter les engagements de Rome au regard de communautés religieuses ou de fraternités qui vivent uniquement de l’usus antiquior. Réduire les engagements de Rome en la matière, c’est vouloir de pas voir le retour de la Fraternité Saint-Pie X dans la pleine communion et c’est multiplier à l’avenir les cas « Escher ». Il serait temps que la commission Ecclesia Dei sache ce qu’elle veut afin de ne pas retomber dans l’inaction des années précédentes.
3ème article:
L’affaire de l’Abbaye Saint-Maurice continue de faire du bruit. Le Nouvelliste a consacré un article à ce sujet qui alimente les interrogations en Suisse. D’après cet article, l’abbé de Saint-Maurice, Mgr Joseph Roduit « ne cache ni sa tristesse ni sa douleur ». Si on peut comprendre celle-ci, il reste très étonnant que le même prélat ne s’interroge nullement sur les raisons profondes du départ du chanoine Escher. Rappelons que celui-ci nous a confirmés (cf. ICI) que sa décision était motivée par l’impossibilité de voir appliqué le Motu Proprio Summorum Pontificum au sein de l’Abbaye. Des raisons doctrinales sont également avancées, sans précisions de sa part.
Reste que la réaction de Mgr Roduit ne semble pas prendre la mesure du problème. Outre « sa tristesse » et « sa douleur », le supérieur de l’Abbaye Saint-Maurice ne réagit que d’un point de vue juridique : « C’est une véritable blessure infligée à l’abbaye et à l’Église catholique fidèle à Rome, au pape et aux conciles. C’est une souffrance car elle va à l’encontre de la prière de Jésus pour l’Unité ». Pas moins !
Ces propos méritent que l’on s’y arrête un instant. Alors que les épiscopats aiment faire repentance pour des fautes, supposées ou réelles, du passé, Mgr Joseph Roduit ne s’examine absolument pas en ce qui concerne cette affaire. Pas un mot sur les différents liturgiques avancés par le chanoine Escher ; pas un mot sur l’application du Motu Proprio au sein de l’abbaye et dans le diocèse ; pas un mot sur les difficultés d’ordre doctrinal soulevées par le chanoine Escher. Rien ! Simplement, une condamnation.
Il faut souligner que cette attitude reproduit exactement celle qui fut en vigueur de 1969 jusqu’à nos jours. Quand des prêtres voulaient continuer à célébrer la messe selon les livres liturgiques de 1962, ils étaient condamnés et interdits de célébration. Sans appel ! Aucune discussion n’était possible. Il fallait soit obéir, soit se voir condamner. Combien de prêtres furent-ils condamnés et sont morts de tristesse et de chagrin ? C’est aujourd’hui le même genre d’attitude qu’adopte Mgr Roduit. Le chanoine Escher est accusé de briser l’unité, mais Mgr Roduit ne s’examine pas sur l’application du Motu Proprio, ou plus exactement sur son absence d’application, qui brise, elle aussi, l’unité.
Les pressions durent être fortes à l’intérieur de l’abbaye pour qu’un prêtre, que tous qualifient de « zélé » prennent la décision de partir. Il faut que la confiance en la hiérarchie de l’Église soit profondément écornée pour que ce prêtre décide de trouver refuge à Écône. Sur ce sujet encore, ni examen de conscience ni repentance de Mgr Roduit.
Il faut ici soulever quand même un réel problème. Le Pape Benoît XVI a affirmé que la messe traditionnelle n’avait jamais été abrogée. De ce simple fait, sa situation n’a juridiquement pas changée depuis 1962. Cette messe est normalement celle que les prêtres de rite latin peuvent célébrer. Il ne devrait y avoir ni autorisation ni demande particulière à faire. Il n’y aurait pas dû y avoir de difficultés pour célébrer cette messe au sein de l’Abbaye Saint-Maurice. Ce n’est visiblement pas le cas.
Devant un tel refus, la balle est sans conteste du côté de la Commission Ecclesia Dei. Puisque le chanoine Escher n’a pu célébrer la messe selon la forme extraordinaire au sein de son abbaye, il faut que la Commission intervienne auprès de Mgr Roduit pour que de tels cas ne se reproduisent pas. Pour que la messe traditionnelle puisse être célébrée. Enfin !
La Commission ferait bien aussi de se pencher sur la situation canonique du chanoine Escher. Sa situation doit être régularisée. Par un retour au sein de son abbaye ? Humainement, cela paraît impossible aujourd’hui. Comme il l’a été indiqué sur le Forum catholique, il suffirait que la Fraternité Saint-Pie X l’incardine comme elle en a eu le pouvoir naguère.
Une situation inédite, mais qui permettrait de faire avancer la situation. Car, après tout, la Fraternité Saint-Pie X se trouve dans une autre situation inédite. Voulue par Rome celle-ci et plus précisément par le Pape lui-même ! Celle d’avoir à sa tête quatre évêques qui n’encourent plus de peine canonique, sans avoir pour autant de mandat pour l’instant. Qu’est-ce qui empêcherait donc la commission E.D. de redonner le pouvoir d’incardination à la Fraternité Saint-Pie X? Non seulement pour régler le cas du chanoine Escher, mais aussi pour poser un premier pas vers la réintégration totale de la Fraternité Saint-Pie X au sein de l’Église visible !