« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu »
publié dans couvent saint-paul le 28 août 2010
Prédication pour le 14ème dimanche après la Pentecôte
« Cherchez d’abord le Royaume de Dieu »
MBCF, faisons court et disons simplement que le « Royaume de Dieu », c’est Jésus lui-même. Il se décrit lui-même, comme étant « la perle précieuse », le « trésor enfoui dans un champ », l’homme qui l’a trouvé l’y cache de nouveau et, dans sa joie, il s’en va vend tout ce qu’il a et achète ce champ (Mt 13 44). Il est « ce levain qu’une femme prend et mêle dans trois mesure de farine, pour faire lever la pâte ». (Mt 13 33) Il est « ce bon grain », « ce grain de froment », « ce grain de sénevé » qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est la plus petite de toutes les semences mais lorsqu’il a poussé, il est le plus grand de toutes les plantes et devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses rameaux. (Mt 13) Oui ! Ce « Royaume de Dieu », dont le thème est si fréquent dans la prédication de NSJC, n’est finalement rien d’autre que Jésus-Christ lui-même dont la caractéristique n’est rien d’autre que la charité. Si bien que « chercher d’abord le royaume de Dieu » c’est d’abord chercher NSJC. C’est essentiellement chercher l’amour de Dieu, c’est vivre de l’amour de Dieu, désirer aimer Dieu. Si nous avions en effet trois sous de bon sens, nous chercherions essentiellement le « Royaume de Dieu », nous chercherions à aimer Dieu puisqu’il est « la pierre précieuse », puisqu’il est le trésor enfoui dans un champ. Et nous serions ainsi les imitateurs de saint Jean l’Evangéliste qui, dans sa première épître écrit : « Nos credidimus caritati quam habet Deum in nobis » (I Jn 4 16) ; « Nous, nous avons cru à l’amour que Dieu a eu pour nous » et nous l’avons suivi. On sent, en lisant ces mots de saint Jean le tressaillement de l’âme du disciple que Jésus aimait. Tressaillement de joie devant l’amour divin. Il doit être identique, et plus encore, à celui que ressent l’homme qui découvre un « trésor de grand prix », « une pierre précieuse ». C’est un vrai cri de triomphe qui s’échappe du cœur de Jean le bien aimé : « Moi je crois à l’Amour de Dieu pour moi ».
Tous les saints ont eu cet émerveillement devant la découverte de ce « trésor », de « cette pierre précieuse », devant cet Amour extraordinaire de Dieu. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus en fut elle aussi toute émue. C’est sa foi à l’Amour divin, « trésor de ce Royaume de Dieu » qui est le fond de son âme. C’est sa doctrine, son secret. L’amour divin est le principe et le terme de la perfection thérésienne, non seulement de sainte Thérèse, mais de tout christianisme. L’amour porté à ce « trésor », à cette « pierre précieuse », c’est tout sainte Thérèse. Elle dit un jour : « Je n’ai jamais donné à Dieu que de l’amour ».Elle répétait sans cesse : « J’ai tout dit, c’est l’amour seul qui compte ». Et pour en vivre, il n’est pas nécessaire d’être au fond de son couvent…On peut en vivre dans le monde, au cœur de sa famille, en langeant son enfant. Un jésuite, directeur spirituel, disait un jour à une mère de famille : « en langeant votre enfant, adorez la Trinité Sainte en son cœur ». Merveilleux acte d’amour silencieux de la mère de famille. « J’ai tout dit, c’est l’amour seul qui compte ». Et elle disait cela parce que d’abord elle a cru à l’amour de Dieu pour elle. Et l’on voit saint François parcourir la campagne d’Assise criant : « l’amour n’est pas connu. L’amour n’est pas aimé ». « Credidimus caritati » : nous avons cru à la charité, disait saint Jean. Saint Thérèse aussi. C’était aussi la devise épiscopale de Mgr Lefebvre.
Se savoir aimé, être assuré et porter en soi la certitude d’être aimé par Dieu tout puissant, croire fermement, croire de foi divine à l’amour de Dieu : voilà la condition Ière, nécessaire de tout commerce véritable entre l’âme et Dieu. Et croyez-vous qu’il en aille différemment dans les choses humaines, dans les relations familiales, dans les choses conjugales…L’amour est le cœur de tout. L’enfant a besoin de le voir, de la savoir, les époux aussi. Il en est de même dans les relations avec Dieu. Voilà pourquoi l’amour de Dieu pour nous, c’est la grande révélation de l’Evangile ; c’est la révélation du « Royaume de Dieu », c’est le « trésor » par excellence du Nouveau Testament. C’est la révélation de saint Jean. C’est le cri « urbi et orbi » de saint Jean : « Deux caritas est ». « Dieu est charité ».(I Jn 4 16). Le Bon Dieu se présente à nous comme le « Père », « Notre Père », comme le plus aimant des Pères, « comme l’amour paternel et l’amour paternel porté à sa plus haute puissance », « le Père…de qui toute paternité tire son nom au ciel et sur la terre » (Eph 3 14-15).
La foi à l’amour de Dieu pour nous, la foi à l’amour de Dieu, notre Père doit être l’atmosphère où nous devons vivre, que nous devons respirer et dans lequel nous devons grandir, comme l’enfant dans sa propre famille, au milieu de ses père et mère….Et l’enfant, qui en douterait un instant, serait malheureux et ferait injure à son père et à sa mère.
Et de même que, dans une telle atmosphère d’amour, l’enfant va grandir, s’épanouir, développer ses vertus, de même l’enfant de Dieu dans le sein de l’Eglise. C’est de la foi en la charité de Dieu que doit germer notre vie spirituelle, notre joie, notre confiance, notre abandon, le saint abandon, notre humilité.
Ces vertus si simples et tellement évangéliques sont comme les fruits de la foi toute simple que nous portons à l’amour du Bon Dieu.
Oui ! Je dis bien et ne me rétracterai pas : je dis bien que la joie germe dans une âme, de la certitude d’être aimé de son Dieu et Seigneur.
Oui ! Je dis bien que la confiance, malgré toutes les misères de notre âme, jaillit de l’amour que nous portons à Dieu parce que, le premier, Il nous aime.
Il en est ainsi des autres vertus : de l’humilité, de l’abandon. L’amour de Dieu, ce « trésor » qui émerveille une âme, est comme « le grain de sénevé », déposé par la main de Dieu dans l’âme baptisée. Il devient comme un arbre où tous les oiseaux du ciel, toutes les vertus, viennent exprimer leur chant mélodieux. « Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît ». L’amour de Dieu est premier. Oui ! Le grand privilège d’une âme est de sa savoir infiniment aimé, aimé d’un amour paternel par Dieu notre Père.
« Credidimus caritai » : c’est la devise épiscopale de Mgr Lefebvre. Nous avons cru à la charité. Voilà notre foi. « Credidimus ». Nous devons nous croire infiniment aimés de Dieu.
Nous devons répondre à cet appel de l’Amour par un élan, un désir tout simple d’aimer. Nous devons marcher sans souci, sans inquiétude, dans la lumière de cette clarté : tout s’éclaire, doit s’éclairer pour nous dans cette foi toute simple, tellement évidente : la charité de Dieu. Cette charité de Dieu, c’est notre « trésor », la « perle précieuse » de notre vie. Quelles que soient les difficultés de la vie, cette charité divine est notre guide et notre soutien. Nous n’avons que cette vie pour vivre dans cette foi en l’amour de Dieu. Au ciel, ce sera la vision de gloire.
« Cherchez le Royaume de Dieu ».
« L’astre de l’amour », pour s’exprimer comme sainte Thérèse, est notre guide, notre lumière. C’est la « perle précieuse », le « trésor » du Royaume de Dieu. C’est donc la foi en l’amour divin qui est la clef de notre vie spirituelle, qui doit être notre principe.
Voilà qui est clair !
Mais la foi à l’Amour, – qui est au principe de note vie spirituelle -, cela ne suffit pas. Il faut ajouter quelque chose. Je crois, non pas seulement à l’Amour, comme le dit Sainte Thérèse, mais elle-même ajoute : « Je crois à l’Amour Miséricordieux ». En effet Dieu nous a aimé non seulement gratuitement, sans mérite de notre part, mais il nous a aimés et nous aime tels que nous sommes, c’est-à-dire misérables et sans tenir compte de nos misères ou mieux et plus exactement, à cause de notre extrême et excessive misère, parce que nous sommes misérables. C’est là le formel de l’amour divin : sa miséricorde. C’est là sa gloire : c’est pour manifester son amour miséricordieux qu’Il a choisi, décrété, créé le monde tel qu’il est, le monde où nous vivons, avec le péché prévu et toutes les misères qui en sont la suite. La gloire de Dieu, c’est que nous croyions à cet Amour là, à cet Amour purement Miséricordieux. Il veut que nous y croyions. Et voilà ce que notre orgueil a tant de mal à admettre : il ne veut pas être que misère, il ne veut pas être l’objet de la pure miséricorde de Dieu. Il nous est difficile de comprendre l’Amour Miséricordieux. Mais il ne s’agit pas de comprendre. Il s’agit de croire à cet Amour. Il s’agit de croire à l’incompréhensible pitié de Dieu pour notre misère. Il est celui qui soigne avec quelle pitié et compassion celui qui est tombé dans les mains de brigands sur la route de Jéricho. « Ce qui plait au Bon Dieu dans ma petite âme, écrivait sainte Thérèse, c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde ». Voilà ! Gardons bien cela dans notre âme.
« Gardons la foi à l’Amour purement Miséricordieux pour notre absolue misère. Osons entrer en relation avec Dieu avec notre misère. N’oublions pas que Dieu est le Père des miséricordes. C’est le titre qu’il aime. La foi, en nous proposant Dieu comme l’Amour Miséricordieux attire, invite, sollicite notre cœur à oser aimer Dieu. Voilà le trésor de l’Evangile.
Mais oui !c’est comme cela que saint Paul nous le donne à aimer : « Dieu qui est riche en miséricorde et à cause de l’immense amour dont il nous a aimé, lorsque nous étions morts par nos péchés, nous a vivifiés en Jésus-Christ » (Eph 2 4). Et saint Jean lui fait écho : « Cette charité consiste en ce que ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous a aimés le Ier et qui a envoyé son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés » (1 Jn 4 10).
Voilà la foi que l’Evangile demande.
Voilà le trésor qu’il faut acheter.