Dans l’affaire Tauran,c’est le calme plat ?
publié dans flash infos le 15 septembre 2010
Dans l’affaire Tauran
Le « laïcat » serait-il devenu amorphe, inconsistant, atone face aux majeures anomalies ecclésiastiques qu’il déplore en privé ? On constate une totale absence de réaction intellectuelle devant la monstruosité que le cardinal Tauran a voulu nous faire avaler. Il y a eu beaucoup de lecteurs de La Croix pour la lire et beaucoup d’auditeurs de Radio-Vatican pour l’entendre. Et aussi, tout de même, pas mal de lecteurs de Présent (numéros du 5 et du 6 août). Plus d’un mois s’est écoulé. Pas de protestation publique ;
pas de mise au point.
Peut-être espérait-on que le Cardinal se rétracterait spontanément, qu’il demanderait pardon, fût-ce sous la forme atténuée d’un commentaire vaguement rectificatif ? Ou bien qu’il avouerait avoir été victime d’une passagère étourderie ?
Peut-être aussi faut-il incriminer les paresseuses somnolences de l’été. Mais voici que colchiques dans les prés fleurissent, fleurissent, que châtaignes dans les bois s’écrasent sous nos pas, c’est la fin de l’été. Devrons-nous faire une explication de texte, commenter ligne à ligne et mot à mot ce que le cardinal Tauran dit aux catholiques ? La versionabrégée était dans La Croix. La version identique mais un peu plus développé est celle de Radio- Vatican :
« Nous pouvons prendre chez nos interlocuteurs des autres religions beaucoup de valeurs, par exemple : des hindous, nous pouvons apprendre la méditation et la contemplation ; des bouddhistes, nous pouvons apprendre le détachement des biens matériels, le respect de la vie. »
Le Cardinal a raison d’appeler le clergé et les fidèles à apprendre : nous avons vu depuis un demi-siècle l’ignorance religieuse grandir constamment
dans les générations successives formatées par l’Education nationale et la télévision. On n’enseigne pas beaucoup les raisons et la véritable nature du « détachement des biens matériels » et de la « contemplation ». Il y a exactement quarante-sept ans, André Charlier écrivait déjà : « On appelle
à l’apostolat un laïcat que l’on n’instruit pas. » Ce laïcat que l’on n’instruit toujours pas, on l’appelle maintenant au dialogue interreligieux. Mais nous pouvons nous instruire, dit le cardinal Tauran, nous pouvons
apprendre le détachement des biens matériels auprès des bouddhistes,
et la contemplation auprès des hindous.
Je rappelle que ce cardinal Tauran s’est exprimé ès qualités explicitement précisées de président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux. Avec lui, on n’en est plus à considérer toutes les religions comme équivalentes, également respectables, selon cette forme d’œcuménisme qui s’interdit de convertir mais qui demande à chacun de se perfectionner dans sa propre religion.
Avec le Cardinal, on passe à l’étape suivante : seuls les catholiques
ne devront pas s’enfermer dans leur propre religion, ils devront s’instruire auprès des autres, et point sur des détails, mais sur des réalités aussi essentielles que la contemplation.
L’explication, là comme ailleurs, tient au fait que l’on a pris l’habitude de se comporter mentalement comme si l’Eglise avait commencé avec Vatican II. Les grands docteurs, les grands mystiques, la « théologie détendue
» (disait Péguy) de la liturgie traditionnelle, les vertus de la prière de l’Eglise qui chante Dieu avec les paroles de Dieu, toute cette richesse et toute cette beauté dans la réalité historique de l’Eglise, abaissées devant les « valeurs » que le Cardinal a trouvées dans les « autres religions », quel gâchis, quelle impiété, quel malheur…
JEAN MADIRAN
Dans l’affaire Tauran: (Extrait de Présent du Samedi 11 septembre)