Prédication pour le 12ème dimanche après la pentecôte
publié dans couvent saint-paul le 19 août 2009
MBCF,
« C’est par Jésus-Christ que nous avons une si grande confiance en Dieu »
J’aimerais insister quelques instants sur cette phrase de saint Paul aux Corinthiens.
Saint Paul affirme que la raison de notre confiance vis-à-vis de Dieu, c’est NSJC. C’est grâce à Lui que nous pouvons nous approcher de Dieu en toute confiance. Pourquoi ? Parce qu’il est notre Rédempteur. Objets de la colère de Dieu, nous sommes devenus par ce Rédempteur, « enfants de Dieu » et nous « osons dire » en toute confiance : « Pater noster », « Notre Père ». Par ce médiateur, Jésus-Christ, nous avons obtenu le salut de nos âmes, nous avons obtenu « l’accès du Royaume de Dieu ». C’est Lui, le Christ, par son Sacrifice de la Croix, qui est la raison de cette « sotériologie universelle » dans la pensée du Père. C’est dire que le salut est dans et par le Christ Jésus. Dès lors le Christ est pour nous « l’espérance de la béatitude », « l’espérance de la gloire ». Voilà une affirmation paulinienne des plus importantes de notre Evangile.. Le Christ Jésus est le principe, la raison de notre « gloire ». Il est le principe de notre vie éternelle qui commence dès ici-bas. Il faut dire que le Christ est au centre de ce dessein divin de salut. Le Christ est donc comme l’expression, comme le porteur de la Sagesse de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés. Non seulement, Il la notifie, cette sagesse, i.e. Il l’a révèle, mais encore et surtout Il la réalise. Il l’exécute. Il en exécute le dessein. – C’est son Sacrifice de la Croix -. Il en exécute le dessein : un dessein de miséricorde.
Et voilà pourquoi nous avons, dans l’Evangile de ce dimanche, ce magnifique récit du Bon Samaritain. C’est ce samaritain – qui a un cœur compatissant – qui sauve le malheureux. Il s’arrête, touché de compassion, panse ses blessures, le met sur sa monture, le porte à l’hôtellerie, en paye le prix. C’est précisément ce que fait le Christ pour nous, pour nous, malades, laissés comme mort sur le bord du chemin, objet de mépris de ceux qui passent…Mais pas de Dieu. Pas de Dieu qui veut sauver, de fait, tous les hommes et les faire parvenir au Ciel, « à l’hôtellerie céleste ». C’est le Christ, ce bon Samaritain, qui réalise cette œuvre salvifique. Il est le Sauveur comme le bon Samaritain l’est de celui qui est laissé sur la route à demi-mort. Il est le Sauveur, l’unique Sauveur, l’unique Médiateur obtenant pour ses frères en humanité la vie éternelle. C’est donc dans le Christ que se dévoile et se concentre tout le mystère de Dieu, un mystère de miséricorde et d’amour efficace. Comme le dit Saint Paul : « Il est le chef d’œuvre de la prédestination éternelle de Dieu, le Sage » (Eph 1, 9).
Et mieux encore, la formule la plus complète du mystère du salut réalisé en le Christ est donnée, vous le savez, par Saint Paul aux Ephésiens dans la suite de ce verset 9. Au verset 10 et suivants : Là, saint Paul dit – il restera à la théologie de l’expliquer et de le comprendre – que Dieu s’est proposé de « tout réunir dans le Christ ». Dans son dessein de salut, le Dieu éternel a décrété que le Christ Seigneur serait le centre, le lieu vivant, le principe de convergence, d’harmonie d’avec Dieu et d’unité de toutes les créatures quelles qu’elles soient, terrestres, humaines et angéliques. Le Christ est le principe d’harmonie des créatures avec Dieu et d’unité avec Dieu.
Ecoutez encore cette phrase que l’on ne se lasse pas de lire et de méditer. On y trouve l’objet essentiel de notre foi et la raison de notre amour pour Notre Seigneur Jésus-Christ à qui, nous devons tout :
« C’est en lui que nous avons la rédemption acquise par son sang, la rémission des péchés, selon la richesse de sa grâce, que Dieu a répandue abondamment sur nous en toute sagesse et intelligence, en nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le libre dessein que s’était proposé sa bonté, pour le réaliser lorsque la plénitude des temps serait accomplie, à savoir, de réunir toutes choses en Jésus-Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre.
C’est aussi en lui que nous avons été élus, ayant été prédestinés suivant la résolution de celui qui opère toutes choses d’après le conseil de sa volonté, pour que nous servions à la louange de sa gloire, nous qui d’avance avons espéré dans le Christ.
C’est en lui que vous-mêmes, après avoir entendu la parole de la vérité, L’Evangile de votre salut, c’est en lui, que vous avez cru et que vous avez été marqués du sceau du Saint-Esprit, qui avait été promis, et qui est une arrhe de notre héritage, en attendant la pleine rédemption de ceux que Dieu s’est acquis, à la louange de sa gloire.
….
Et vous, vous étiez morts par vos offenses et vos péchés, dans lesquels vous marchiez autrefois selon le train de ce monde, selon le prince de la puissance de l’air, de l’esprit qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance. Nous tous aussi, nous vivions autrefois comme eux selon les convoitises de notre chair, accomplissant les volontés de la chair et de nos pensées, et nous étions par nature enfants de colère, comme les autres.
Mais Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont il nous a aimés, et alors que nous étions morts par nos offenses, nous a rendus vivants avec le Christ (c’est par grâce que vous êtes sauvés); il nous a ressuscités, ensemble et nous a fait asseoir ensemble dans les cieux en Jésus-Christ, afin de montrer dans les siècles à venir l’infinie richesse de sa grâce par sa bonté envers nous en Jésus-Christ. Car c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi; et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu; ce n’est point par les œuvres, afin que nul ne se glorifie. Car nous sommes son ouvrage, ayant été créés en Jésus-Christ pour faire de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que nous les pratiquions.
C’est pourquoi souvenez-vous qu’autrefois, vous païens dans la chair, traités d’incirconcis par ceux qu’on appelle circoncis, et qui le sont en la chair par la main de l’homme, souvenez-vous que vous étiez en ce temps-là sans Christ, en dehors de la société d’Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde.
Mais maintenant, en Jésus-Christ, vous qui étiez jadis éloignés, vous êtes rapprochés par le sang du Christ. Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux peuples n’en a fait qu’un : il a renversé le mur de séparation, l’inimitié, ayant abrogé par l’immolation de sa chair la loi des ordonnances avec ses rigoureuses prescriptions, afin de fondre en lui-même les deux dans un seul homme nouveau, en faisant la paix, et de les réconcilier, l’un et l’autre unis en un seul corps avec Dieu par la croix, en détruisant par elle l’inimitié. Et il est venu annoncer la paix à vous qui étiez loin, et la paix à ceux qui étaient proches; car par lui nous avons accès les uns et les autres auprès du Père, dans un seul et même Esprit.
Ainsi donc vous n’êtes plus des étrangers, ni des hôtes de passage; mais vous êtes concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu, édifiés que vous êtes sur le fondement des apôtres et des prophètes, dont Jésus-Christ lui-même est la pierre angulaire.
C’est en lui que tout l’édifice bien ordonné s’élève, pour former un temple saint dans le Seigneur; c’est en lui que, vous aussi, vous êtes édifiés, pour être par l’Esprit-Saint, une demeure où Dieu habite ».
Je crois qu’il n’y a pas de texte plus sublime dans l’Ecriture Sainte que ce texte de saint Paul. Il résume magnifiquement le rôle du Christ dans l’œuvre de Dieu.
Cueillons les nombreuses expressions pauliniennes qui définissent ce rôle merveilleux du Christ.
C’est le Christ qui est le principe de notre rédemption. C’est lui qui est principe de notre élection en Dieu. C’est lui aussi qui est « une arrhe de notre héritage ». C’est le Christ qui est le principe de notre vie divine, principe de notre nouvelle vie. C’est Lui qui, par sa Passion, nous a rapproché de Dieu. C’est Lui qui est notre paix entre nous et surtout entre nous et Dieu. C’est Lui qui nous fait les familiers de Dieu, d’étrangers qui nous étions. Nous ne sommes plus des « étrangers, ni des hôtes de passage, mais nous sommes concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu dont le Christ est la pierre angulaire, pierre angulaire d’un Temple saint où Dieu habite.
Comment, en si peu de mots, mieux magnifier le Christ, sa personne et son œuvre ?
Mais aussi et surtout, comment rester insensible à cette œuvre de miséricorde, à cette œuvre de salut ?
Comment ne pas louer et chanter la grâce de Dieu, comme nous venons de le faire dans le « Gloria in excelsis Deo ».
A cette lumière, comment ne pas communier intimement à ses paroles de saint Bernard de Clairvaux qu’il me plait encore de vous relire, celles que l’on trouve dans le 11 sermon de son commentaire du « Cantiques des Cantiques » :
Il faut sans cesse se souvenir « des bienfaits de Dieu avec joie et action de grâces ». Cela permet d’ « alléger les travaux de la vie présente », mais surtout « parce que rien ne représente aussi parfaitement sur la terre l’état des bienheureux dans le ciel, que l’allégresse de ceux qui louent Dieu ». « Ceux qui se répandent en actions de grâces, ne regardent que Dieu, et ne pensent qu’à lui ». ….« Je ne veux pas qu’on vous fasse le reproche honteux que l’Écriture adresse aux Juifs, en disant : » Ils ne se sont pas souvenus de ses bienfaits, ni des merveilles dont ils ont été les témoins oculaires (Psal. LXXVII, 11).
Mais il est impossible, dit saint Bernard, de se souvenir de toutes les œuvres de miséricorde… alors gardons en mémoire la « principal et la plus grande de ses oeuvres, je veux dire l’œuvre de notre rédemption », qu’elle ne s’éloigne jamais de la mémoire de ceux qui ont été rachetés ».
« Or, dans cette oeuvre, il y a deux choses qui me viennent à la pensée,… Ces deux choses sont, la manière dont elle s’est faite, et le fruit qu’elle produit. La manière consiste dans l’anéantissement de Dieu, et le fruit, en ce que nous sommes remplis de lui. Méditer sur le fruit, c’est semer en nous une sainte espérance; et méditer sur la manière, c’est allumer en nous un amour très ardent. L’un et l’autre sont nécessaires à notre avancement, pour empêcher ou que notre espérance ne soit mercenaire, si elle n’est accompagnée d’amour, ou que notre amour ne se refroidisse, si nous le croyons infructueux ».
« Or le fruit que nous attendons ce n’est ni « le froment, ni le vin, ni l’huile, ni l’or, ni l’argent ni les pierres précieuses »… « Nous cherchons ce que l’œil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est tombé dans la pensée d’aucun homme. Nous cherchons « Dieu même » et « sa plénitude ».
« Qui peut comprendre la douceur ineffable renfermée dans ce peu de paroles, « Dieu sera toutes choses en tous? » « O Trinité bien heureuse, et source de bonheur! »… « La raison recevra une lumière qui ne s’éteindra jamais, la volonté jouira d’une paix qui ne sera traversée par aucun trouble, et la mémoire s’attachera éternellement à une source inépuisable de bonheur. »
Voilà pour ce qui est du fruit de la rédemption.
« Quant à la manière de la rédemption, que nous avons dit être l’anéantissement de Dieu, je vous prie d’y considérer aussi principalement trois choses. Car ce n’a pas été un simple, un médiocre anéantissement; mais un anéantissement qui est allé jusqu’à la chair, jusqu’à la mort, jusqu’à la croix. Qui peut se faire une juste idée de cet excès d’humilité, de douceur, de bonté ineffable, qui a porté une Majesté si haute et si souveraine à se couvrir d’une chair, à souffrir la mort, à être déshonorée sur une croix? Mais on dira peut-être: Le Créateur ne pouvait-il réparer son ouvrage sans tant de peines? Il le pouvait, mais il a mieux aimé le faire par les souffrances, afin que désormais les hommes n’eussent plus aucun sujet de tomber dans le vice si détestable et si odieux de l’ingratitude. Sans doute il a enduré beaucoup de travaux, mais ce fut afin de se rendre les hommes redevables de beaucoup d’amour, et pour que la difficulté de la rédemption portât à la reconnaissance ceux à qui la facilité de leur création en avait si peu inspiré. Car, que disait l’homme ingrat, lorsqu’il n’était encore que créé ? J’ai été créé gratuitement, je le confesse, mais mon Créateur n’a eu ni peine ni mal à me former. Il m’a créé comme tous les autres êtres, d’un seul mot. La grande affaire de donner même les plus grandes choses, quand il n’en coûte qu’une parole! Voilà comment l’impiété des hommes diminuait le bienfait de la création, et tirait un sujet d’ingratitude de ce qui devait être la cause de leur amour, et cela pour avoir une excuse dans leurs péchés. Mais la bouche de ceux qui tenaient de méchants discours a été fermée. On voit plus clair que le jour, ô homme misérable, tout ce qu’il en a coûté à Dieu pour te sauver, car il n’a pas dédaigné de se faire esclave de Seigneur, pauvre de riche, chair de Verbe, fils de l’homme de fils de Dieu qu’il était. Souvenez-vous que si vous avez été créés de rien, vous n’avez pas été rachetés pour rien. C’est en six jours qu’il a créé toutes choses, et vous avec elles. Mais il a mis trente ans à opérer votre salut sur la terre. O que de travaux il a soufferts! N’a-t-il pas accru par l’ignominie de la croix, les infirmités de la chair, et les tentations de l’ennemi, et ne les a-t-il pas comblées par l’horreur de sa mort? Aussi était-il nécessaire, Seigneur, que voulant ainsi sauver les hommes…pour user de l’expression de votre Prophète, vous augmentassiez le nombre et la grandeur de vos miséricordes.
Méditez sur ces choses, et occupez-vous y sans cesse. Versez dans votre coeur ces sortes de parfums, pour dissiper l’odeur infecte de vos péchés qui l’a tourmenté si longtemps et pour avoir en abondance ces parfums qui ne sont pas moins doux que salutaires. »
« C’est par Jésus-Christ que nous avons une si grande confiance en Dieu »