la Toussaint
publié dans couvent saint-paul le 1 novembre 2010
Prédication pour la Toussaint
2010
MBCF, affirmons fortement que la grâce qui fait de nous, au baptême, des enfants de Dieu, nous constitue pareillement ses héritiers, les héritiers de Dieu. Saint Paul est formel : « Si filii et haeredes » Si nous sommes enfants nous sommes héritiers. C’est la conséquence nécessaire de notre adoption de fils, adoption que nous recevons au baptême.
Mais quel est cet héritage ? Voilà le sujet que je voudrais méditer avec vous en cette fête de la Toussaint pour entretenir en vos âmes l’espérance et la joie. Ce sujet en effet médité est cause pour nous de joie et d’espérance, mais aussi de force. C’est en effet dans la certitude du Ciel, dans la certitude de retrouver leur Seigneur et Maître, si bon et aimant que les martyrs, sainte Blandine, saint Ignace d’Antioche, saint Polycarpe et tant d’autres trouvaient leur force dans la lutte qu’ils durent soutenir jusqu’au sang dans les théâtres romains. « Implorez le Christ pour moi, demandait saint Ignace aux fidèles de Rome auxquels il écrivait, pour que par l’instrument des bêtes, je sois une victime offerte à Dieu…Si je souffre je serai un affranchi de Jésus-Christ et je renaîtrai en lui, libre ».
L’héritage qui nous est promis n’est pas un héritage matériel. Il est spirituel. C’est Dieu lui-même. C’est sa propre perfection. Dieu est le bien infini. Il se suffit pleinement à lui-même et trouve dans la possession et la jouissance de lui-même sa parfaite félicité. Mais dans sa bonté, il ne veut pas être seul à jouir de son bonheur ; et sans autre intérêt que de faire du bien, car il est mu par un amour de bienfaisance, il a daigné appeler les créatures raisonnables à partager ces biens divins qui sont infinis car comme le dit saint Paul, « l’œil de l’homme n’a point vu, son oreille n’a pas entendu, son cœur n’a pu même pas pressentir ce que Dieu tient en réserve pour ceux qui l’aiment » (1 Cor 2 9). Ainsi donc la vison de la beauté infinie de Dieu, l’amour et la jouissance du souverain bien, la participation du bonheur même de Dieu, voilà l’héritage qui nous est réservé au ciel. Il est, comme le dit saint Pierre, tout naturellement « incorruptible, immaculé, immarcescible, conservé aux cieux, pour vous …Voilà ce qui vous fait trésailler d’allégresse » conclut-il. (1Pet 1 3 ). C’est Dieu. Le Seigneur lui-même doit être mon partage.
S’il en est ainsi, saint Paul a raison de parler, lui, « des richesse de gloire qui forment l’héritage des saints » (Eph 1 18). Les élus voient le Roi éternel des siècles dans tout l’éclat de sa gloire et de sa majesté. Ils le voient non plus seulement par reflet, dans le miroir des créatures, non plus dans l’obscurité de la foi, mais « face à face », directement, immédiatement, tel qu’il est, « sicuti est », comme il se voit et se connaît lui-même. Et comme il est le bien infini, les élus voient en lui véritablement tout bien. Aussi ils ne peuvent pas ne pas dire comme les apôtres au Thabor : « Il nous est bon d’être ici ». Là, notre intelligence est rassasiée dans la contemplation du Verbe. Là, la volonté est absolument rassasiée dans la possession du souverain bien. Là, notre cœur est enfin apaisé, lui qui, sur cette terre ne cesse de dire : « Vous nous avez fait pour vous Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure pas en vous » (Saint Augustin).
Mais tout cela est exprimé avec des notions bien philosophiques ! N’auriez-vous pas des explications plus simples, plus scripturaires ? NSJC ne nous a-t-il pas donné des descriptions plus simples dans l’Evangile et dans sa prédication ? N’avons-nous pas quelques paraboles qui nous lèveraient plus facilement et d’une manière plus concrète, le voile du Ciel ?
Mais si et c’est heureux. Jésus nous parle du ciel et de ces délices en des noms multiples et en des figures variées.
Tantôt, il nous le présente comme un « royaume », tantôt comme la « maison du Père », tantôt comme la vraie « patrie » des âmes. Ici, c’est un « banquet », un « festin de noces ». Là, un « torrent de délices ». Puis c’est le « repos », c’est la « paix », c’est la « vie » sans terme et sans limite, la « vie éternelle ».
Arrêtons nous sur quelques unes de ces expressions.
D’abord le ciel nous est présenté sous le nom de « royaume », le « royaume des cieux » promis à ceux qui l’aiment. « Venez, dira un jour, NSJC aux élus, venez les bénis de mon Père, prenez possession du royaume qui vous a été préparé des le commencement du monde » (Mt 25 34)
Qui dit « royaume », dit richesse, puissance, bonheur, gloire, affluence de tous les biens. Tel est le ciel, une demeure opulente.
Qu’est-ce encore que le ciel ? C’est la « patrie », la maison de famille, le rendez-vous de tous les enfants du Bon Dieu. La patrie est chose douze à mon cœur. On est heureux de la retrouver après une longue absence. C’est là que se trouve ce que l’on aime ; parents, amis, connaissances, le toit paternel, les anciens de la famille. Là, le soleil est plus joyeux, la campagne plus riante. Là, au lieu d’être inconnu, oublié, on se voit entouré, on se voit aimé, on est heureux. On aime sa patrie et pourtant ce n’est qu’un lieu de passage.
Au ciel, nous trouverons l’aîné de notre race, celui qui a daigné nous adopter pour ses frères et nous appeler à partager avec lui son héritage…par grâce, NSJC dont les anges ne se lassent pas de contempler la beauté (1 Pet 1 12). Nous pourrons nous aussi considérer à loisir cette « face adorable » empreinte d’une si douce majesté, reposer notre tête sur son cœur, ce cœur qui nous a tant aimé, contempler ses plaies que nos péchés ont creusées. Il nous expliquera l’immensité de son amour. Et notre âme se fondra de reconnaissance et d’amour en entendant le Sauveur nous faire le récit des merveilles opérées en notre faveur et tout l’art qu’il mit pour parfois nous ramener à lui et nous conserver ou redonner l’état de grâce. Souvenez de la joie des disciples d’Emmaüs alors qu’ils marchaient avec Jésus leur expliquant les Saintes Ecritures « Notre cœur étaient tout en joie » confessent-ils alors qu’ils sont de retour à Jérusalem.
Là, nous aimerons la très sainte Vierge Marie, la mère de Dieu. Nous comprendrons sa beauté sublime, son rôle éminent dans la rédemption accomplie par son Fils, sa pureté extraordinaire, la protection dont elle nous a entourée notre vie durant. Là nous jouirons de la société des anges. Là, nous contemplerons les saints, leurs actions héroïques. Les patriarches, les prophètes, les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges ne feront plus qu’une immense famille dont tous les membres s’aimeront. Enfin plus de divisions. Plus d’agitations, de querelles, plus de guerres, plus de pleurs. Le monde ancien s’en est allé. Un monde nouveau est apparu. C’est « la Jérusalem céleste ».
Mais le ciel c’est encore un « banquet », un « festin » donné par le Père de famille, d’une immense famille. Le festin, c’est le temps de la joie, c’est le temps des discours, des échanges, des applaudissements. C’est le temps des bouquets, des fleurs. C’est la joie. Ce sont les bons vins ; des mets délicieux. Mais c’est parfois la tristesse au souvenir de celui qui n’est plus et qui aurait du être là …
Mais de tous les festins, le plus splendide, le plus solennel, et en même temps le plus joyeux, c’est celui des noces. Souvenez de ce beau jour. Même pour les plus anciens, c’est encore un beau jour, ils en gardent le souvenir ému.
Or la béatitude céleste, c’est le festin des noces de l’Agneau. « Bienheureux, est-il dit, dans l’Apocalypse, ceux qui ont été invité au festin nuptial de l’Agneau » (Apo 19 9).
Ici bas, nous avons bien le repas eucharistique qui nourrit notre foi et soutient notre exil et nous garde dans la joie. Mais NSJC a dit à ses Apôtres, alors qu’il montait au ciel, qu’il allait leur préparer un autre banquet dans son royaume où il les inviterait à sa table. L’Apocalypse nous parle aussi du grand banquet du Seigneur : « Venite et congregamini ad coenam magnam Dei ». Là nous serons avec Dieu, nous vivrons avec Lui. Quelle joie ! Bienheureux donc ceux qui sont invité aux noces de l’Agneau.
Mais qu’est-ce encore que le ciel ?
Le ciel c’est le « repos », c’est la « paix », c’est la « vie ». Le repos après le travail, la paix succédant à la guerre, la vie sans fin. Qui n’aspire au repos ? Qui ne souhaite la paix ? Qui ne désire la vie ?
Mais la vie présente est le temps du travail, des labeurs féconds, des combats spirituels mais aussi des souffrances, des contradictions, des froissements douloureux, des ingratitudes, tant de blessures secrètes du cœur que l’ami seul connaît. C’est la lutte de chaque jour contre les passions qui faisait crier le plus grand des saints, saint Paul « qui me délivrera de ce corps de mort » ?
Mais aussi quelle joie quand délivrée de la prison du corps, l’âme sera introduite dans le ciel et verra NSJC venir à sa rencontre lui disant dans un langage amoureux et mystique : « Lève-toi, ma bien aimée, viens sans retard te reposer de tes fatigues » « Surge, proprea, amica mea…et veni ». Selon Saint Jean « C’est Dieu lui-même qui essuiera toute larme sur le visage des élus, et il n’y aura plus ni mort, ni deuil, ni cri, ni douleur, car tout cela appartient à un passé à jamais disparu ». Ainsi saint Paul affirme-t-il qu’il n’y a aucune proportion entre les souffrances de la vie présente et la gloire de demain qui doit un jour leur être révélée » (Rm 8 18). Ils se consolent dans cette espérance. Ils savent que si ils souffrent ici bas avec Jésus, ils seront un jour associés à son triomphe. Ils entendent Saint Paul dire : « Si tamen compatimur, ut et conglorificemur » (Rm 8 17)
Et c’est pourquoi ceux qui sont animés d’une telle foi connaissent la force dans l’adversité et font volontiers le don de leur vie à l’approche de la mort. Est-ce notre cas ? Un peu, certainement. Mais pas suffisamment. Voyez le magnifique exemple de Saint Ignace d’Antioche. Quelle foi ! Quelle ardeur d’être à Dieu ! Quel désir de posséder Dieu, de posséder la vie, la vie éternelle. Nous nous attachons à cette vie, à ces biens…C’est légitime…Mais parfois, dans notre cœur, offrons nous tout à Dieu…C’est un bon exercice…Ainsi quand l’heure viendra – et elle viendra – de quitter ce monde pour entrer dans la gloire, le passage sera plus facile et notre regard plus illuminé et plus serein. On s’accrochera moins aux biens temporels et l’on pourra dire plus facilement comme sainte Thérèse : « Je ne meurs pas, j’entre dans la vie ».
Et si vous me laissez encore quelques instants sans me lapider du regard, souffrez que je vous lise quelques passages de la lettre de saint Ignace aux Romains que je considère comme une des plus belles pages de la littérature chrétienne. Il va au Colisée subir son martyr, d’Antioche à Rome. Il craint que les fidèles de Rome par leur prière au Seigneur l’empêchent de subir ce martyr. Il les supplie de n’en rien faire : «… »