Le sacerdoce catholique. Première conférence
publié dans la doctrine catholique le 3 décembre 2010
Au cours de l’annnée sacerdotale de 2009-2010, décrétée par Benoît XVI, pour l’Eglise Universelle, j’ai eu la joie de prêcher au séminaire de Courtalain de l’Institut du Bon Pasteur, la retraite d’entrée des nouveaux séminaristes. Je leur ai essentiellement parlé de « la dignité du Sacerdoce » en 14 conférences. Je les mets sur mon site en cette rubrique « l’année sacerdotale ». Ce fut ma petite contribution pour faire aimer le sacerdoce catholique.
« Domus sanctitatis ».
Première conférence.
Au fronton du séminaire saint Vincent de Paul, il devrait être marqué cette inscription : « domus sanctitatis ». « Ici, c’est une maison de sainteté » parce que c’est une maison sacerdotale, de formation sacerdotale. Il faudrait aussi y ajouter : « Domus sacrificii » parce que le sacerdoce est ordonné à l’Eucharistie qui est, avant tout, « sacrifice » ; « Faites ceci en mémoire de moi ». Il faudrait aussi y ajouter : « Domus orationis » parce que le sacerdoce que vous souhaitez recevoir, un jour, est un sacerdoce de prière, Jésus se retirait souvent pour prier, de jour et de nuit. Telles seront, de fait, les idées sur lesquelles nous méditerons au cours de cette retraite.
Le Christ prêtre, « souverain prêtre selon l’ordre de Melchisédech » est la raison, est la cause de cette maison. Il en est le modèle. Or ce Christ est « saint ». Il est même « la sainteté ». « Tu solus sanctus, tu solus Altissimus, tu solus Dominus ». Et les anges et les élus du ciel chantent à l’adresse de l’Agneau immolé: « Sanctus, Sanctus, Sanctus »
Suite, ou mieux, en raison de la faute originelle, le Fils de Dieu, dans le Conseil trinitaire, a résolu de s’incarner et de s’offrir à son Père, en son sacrifice, pour racheter les hommes de ce péché et de leurs péchés personnels. Il a voulu verser son sang pour nous rendre de nouveau la vie divine.
Il est vrai : une seule parole, un seul acte d’amour de NSJC incarné aurait suffi pour nous racheter tous. Mais NSJC a voulu prouver son amour d’une manière plus sensible encore en versant son sang pour nous, tout son sang ! Et il n’a pas voulu le faire pour une seule génération, sa génération. Il est venu sauver l’humanité toute entière et toutes les générations, celles d’avant son Incarnation, comme celles d’après. Il est le seul Sauveur. Avant comme après l’Incarnation, il faut, il fallait se soumettre « à l’autorité du Christ » (Apoc 12), au Christ a venir ou au Christ venu. Saint Thomas d’Aquin le dit clairement dans son traité sur les sacrements lorsqu’il parle de la nécessité des sacrements.
Tel est, du reste, le plan divin.
Juste un mot dans cette introduction, nous aurons l’occasion d’y revenir longuement dans la suite.
Et ce plan divin fut l’occasion d’un grand conflit dans le ciel. Il est aujourd’hui encore l’occasion d’une lutte profonde sur cette terre. C’est le combat de l’Eglise et de la Révolution.
Et sachez que votre sacerdoce se situe en plein cœur de ce combat. Ceux qui ne le comprennent pas, seront, nécessairement, un jour les membres de la « cinquième colonne », la colonne des traites, de ceux qui travaillent pour la Révolution qui s’oppose à « l’autorité du Christ », comme jadis, au Ciel, Lucifer s’opposa au plan du salut.
Souvenez-vous de la deuxième antienne des Vêpres de la fête de saint Michel : « Et tandis que l’archange Michel luttait contre le dragon, on entendit la voix de ceux qui disaient : «le Salut est à notre Dieu ».
Saint Michel prit, si l’on peut dire, le parti de Dieu. Dieu, après avoir créé les anges, leur révéla le mystère de l’Incarnation du Verbe dans le sein d’une femme sans égale, l’Immaculée. Il leur donna l’ordre d’honorer le Verbe incarné comme leur Roi et de l’adorer comme leur Dieu : « Et que tous les anges l’adorent », lisons nous dans l’Epître aux Hébreux (Hb 1 6). Ils reçurent aussi l’ordre d’honorer et de vénérer la Mère, créature pourtant non angélique et seulement humaine, comme leur Reine et leur Souveraine : « Ave Regina Coelorum, Ave, Domina Angelorum ». Salut, Reine des Cieux ! Salut, Souveraine des Anges » chantons nous à Complies du 2 février au mercredi saint.
Le salut par le Christ Jésus qui est le fruit de la Vierge Marie : tel est le plan de Dieu pour réparer la faute originelle.
Le plus grand nombre des anges se soumit au décret divin et fut confirmé en grâce, obtenant la béatitude parfaite de la vison de Dieu.
Mais Lucifer, le premier des Anges, pourtant l’ange de Lumière, refusa de se soumettre au décret divin. Il considéra comme un déshonneur de s’incliner devant une nature inférieure, la nature humaine et du Fils, en tant qu’Homme et de la Mère. C’est alors qu’Il prit la tête d’une redoutable rébellion, entraînant à sa suite un tiers des anges. Michel prit l’étendard de la fidélité et lui cria : « Quis ut Deux », pour te permettre de contester ses décrets.
Ecoutez ! C’est le fameux chapitre 12 de l’Apocalypse :
« Puis il parut dans le ciel un grand signe : une femme revêtue du soleil, la lune sous ses pieds, et une couronne de douze étoiles sur sa tête. Elle était enceinte, et elle criait, dans le travail et les douleurs de l’enfantement. Un autre signe parut encore dans le ciel : tout à coup on vit un grand dragon rouge ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes, sept diadèmes; de sa queue, il entraînait le tiers des étoiles du ciel, et il les jeta sur la terre. Puis le dragon se dressa devant la femme qui allait enfanter afin de dévorer son enfant, dès qu’elle l’aurait mis au monde ».
Voilà le combat des mauvais anges. Voilà le combat, sur la terre, en la politique, des suppôts des mauvais anges.
« Or, elle donna le jour à un enfant mâle, qui doit gouverner toutes les nations avec un sceptre de fer; et son enfant fût enlevé auprès de Dieu et auprès de son trône, et la femme s’enfuit au désert, où Dieu lui avait préparé une retraite, afin qu’elle y fût nourrie pendant mille deux cent soixante jours ». « Et il y eut un combat dans le ciel. Michel et ses anges combattaient contre le dragon; et le dragon et ses anges combattaient; mais ils ne purent vaincre, et leur place même ne se trouva plus dans le ciel. Et il fût précipité, le grand dragon, le serpent ancien, celui qui est appelé le diable et Satan, le séducteur de toute la terre, il fût précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui. Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ; car il a été précipité, l’accusateur de nos frères, celui qui les accuse jour et nuit devant notre Dieu. Eux aussi l’ont vaincu par le sang de l’Agneau et par la parole à laquelle ils ont rendu témoignage, et ils ont méprisé leur vie jusqu’à mourir.».
« Et j’entendis dans le ciel une voix forte qui disait : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ »
Voilà la voix de saint Michel, son témoignage, voilà son testament qu’il crie du haut du ciel : « Maintenant le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu, et l’autorité à son Christ ».
Voilà le cri de Saint Michel. Voilà le cri de l’Eglise.
Voilà le cri du sacerdoce, sa raison d’être. Voilà ce que nous avons recueilli de Saint Jean et de son Apocalypse.
Voilà votre sacerdoce : « confesser que « le salut, la puissance et l’empire sont à notre Dieu et l’autorité à son Christ ».
Vous aussi, comme sain t Michel et ses anges, vous voulez vous soumettre à l’autorité de ce Christ. Qui est aussi l’autorité de l’Eglise. Vous aussi vous voulez vous abreuver du « sang de l’Agneau ». C’est pourquoi vous aimez tout particulièrement son Eucharistie. C’est pourquoi vous aimez, tout particulièrement le Golgotha, le sacrifice rédempteur du Golgotha, sa sainte Messe, – raison du choix du séminaire de Courtalain.- car, là, vous trouvez aussi « le sang de l’Agneau » grâce auquel vous serez vainqueur du Dragon et du monde, par la contemplation de la charité débordante de ce Christ, au cœur du plan divin.
Et de fait, pour la réalisation de ce plan de salut dans le temps, dont son sacrifice de la Croix en est le coeur, NSJC a pensé se choisir parmi les hommes des élus qu’il ferait semblables à Lui, auxquels il donnerait ce pouvoir extraordinaire d’être d’autre Christ, « Alter Christus » i.e. de continuer son Calvaire, de continuer son sacrifice, de répandre son sang et sa grâce, de donner Son Corps en nourriture aux fidèles. Ce sont là, de fait, des éléments constitutifs du plan du salut. La charité, le sacrifice, le sacerdoce, l’Eglise : voilà ce salut en acte.
C’est ainsi qu’il a pensé aux prêtres.
Voilà le grand mystère de l’amour de Dieu, de NSJC : « Vouloir s’associer des créatures, pécheresses, mais rachetées par son Sang, en les marquant du caractère sacerdotal et leur permettant de prononcer les paroles qui continueront sa Rédemption » (Mgr Lefebvre. La sainteté sacerdotale. p 22).
Ce fut la grande idée de Mgr Lefebvre dans la création de la FSSPX.
Quelle merveille ! Voilà l’essence du sacerdoce.
Le mystère du sacerdoce – qui est aussi le mystère de l’Eglise – est l’œuvre de la charité de Dieu. Comment cela ? La charité se définit comme cette disposition habituelle et constante de se donner elle-même. « Bonum diffusivum sui ». Si Dieu « fait » le prêtre, institue l’Eglise, – l’Eglise est essentiellement sacerdotale, elle est sacerdotale ou elle n’est rien…- c’est pour se donner lui-même, pour se continuer lui-même, pour continuer ce « don » à travers les siècles. C’est par ce « don » du Christ que le monde est sauvé. Il est le seul « Sauveur ». Il s’est donné au prêtre, « faites ceci en mémoire de moi » pour continuer cette œuvre de Rédemption, son Calvaire, son sacrifice, pour communiquer sa Vie, la Vie éternelle.
Ecoutez et méditez ces paroles formidables de saint Jean, tout un programme :
« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu,
ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Verbe de vie, – car la Vie a été manifestée, et nous l’avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle, qui était dans le sein du Père et qui nous a été manifestée – ce que nous avons vu et entendu, nous nous l’annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit complète. ….et le sang de Jésus[-Christ], son Fils, nous purifie de tout péché ».
Ce sont les premières paroles de saint Jean dans sa première épître.
Son « sacrifice » est « purificateur : « et le sang de Jésus[-Christ], son Fils, nous purifie de tout péché »
Et ce sacrifice, il le donne à son Eglise, à son prêtre, pour qu’elle poursuive, pour qu’il poursuive son œuvre purificatrice, son œuvre de sainteté : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22 19) a.v. « continuez mon sacrifice ». tel est le plan divin.
Voilà ce que NSJC a dit à la Cène à ses disciples. A ce moment-là, les Apôtres sont devenus prêtres, participants du sacerdoce de NSJC. Ainsi le sacerdoce est le grand héritage, le don de NSJC. NSJC a remis son sacerdoce entre les mains de l’Eglise afin qu’il continue jusqu’à la fin des temps, l’œuvre essentielle de sa charité : son sacrifice qui est le cœur du plan divin. Le prêtre est le don de NSJC fait à son Eglise, à l’humanité. Si nous n’avions pas de prêtres, nous n’aurions pas la sainte communion, nous ne pourrions pas communier à NSJC, nous ne pourrions pas recevoir la grâce de l’Esprit Saint par les sacrements, nous n’aurions pas ni communication du plan de salut, ni la foi, ni la doctrine. Le prêtre est ainsi au cœur du salut et de son plan.
Vous connaissez tous ce si beau texte de Saint Paul aux Romains :
« Si tu confesses de ta bouche Jésus comme Seigneur, et si tu crois dans ton
cœur que Dieu l’a ressuscité des morts tu seras sauvé. Car c’est en croyant de cœur qu’on parvient à la justice, et c’est en confessant de bouche qu’on parvient au salut, selon ce que dit l’Ecriture : « Quiconque croit en lui ne sera pas confondu ». Il n’y a pas de différence entre le Juif et le Gentil, parce que le même Christ est le Seigneur de tous, étant riche envers tous ceux qui l’invoquent. Car » quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. « Comment donc invoquera-t-on celui en qui on n’a pas encore cru? Et comment croira-t-on en celui dont on n’a pas entendu parler? Et comment en entendra-t-on parler s’il n’y a pas de prédicateur? Et comment seront-ils prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés? selon qu’il est écrit : » Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent le bonheur ! » Mais tous n’ont pas obéi à l’Evangile; car Isaïe dit : » Seigneur, qui a cru à notre prédication? » Ainsi la foi vient de la prédication entendue, et la prédication se fait par la parole de Dieu. Mais je demande : n’ont-ils pas entendu? Au contraire : » Leur voix est allée vers toute la terre, et leurs paroles jusqu’aux extrémités du monde. « . Je demande encore : Israël n’en a-t-il pas eu connaissance? Moïse le premier a dit : J’exciterai votre jalousie contre une nation qui n’en est pas une; j’exciterai votre colère contre une nation sans intelligence. » Et Isaïe pousse la hardiesse jusqu’à dire : » J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis manifesté à ceux qui ne me demandaient pas. » Mais au sujet d’Israël il dit : » J’ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple incroyant et rebelle. »
Ainsi le sacerdoce est bien au coeur du plan salvifique. Il doit le faire connaître.
Le prêtre est comme le « canal » de la grâce divine pour notre sanctification.
Alors vous qui voulez participer à ce sacerdoce, sacrum dare, qui allez toucher et donner les choses saintes et en particulier la sainte Eucharistie, « la Vie » combien grande doit être votre soif de sainteté. Vous qui êtes, depuis ce jour, sur la route du sacerdoce, qui allez donner les choses sacrées, combien vous devez avoir conscience que vous êtes, dès l’entrée au séminaire, une personne sacrée, vouée à la sainteté.
« Domus sanctitatis » : tel est le séminaire pour vous.
Vous êtes donc tous des aspirants à la sainteté parce que vous vivez dans un plan substantiellement « sain t », « sanctificateur ». Vous soumettre à l’autorité du Christ qui est saint.
Il faut avoir grande estime du sacerdoce, pour avoir grand souci de sainteté. Cette estime du sacerdoce est le meilleur garant pour la recherche de la sainteté. Estime du sacerdoce, sainteté : voilà deux choses qui sont profondément liées…comme les deux piliers de votre nouvelle vie.
Dans cette recherche de sainteté : Vous pouvez compter sur les grâces du Bon Dieu, sur le soutien des prêtres ici présents, sur la prière de vos parents, des fidèles…Mais comptez surtout sur le soutien de la Sainte Vierge. C’est la grande pensée de Mgr Lefebvre, ce grand réformateur du sacerdoce au XXème siècle :
La médiation de Notre Dame.
« Si le Verbe Incarné, qui n’avait nullement besoin d’une mère pour venir parmi nous afin d’accomplir sa tâche de Rédempteur, a voulu que sa personne divine reçût son corps et son âme dans le sein de Marie et, que pendant trente année sur trente trois, il demeurât soumis à sa Mère et fut en quelque sorte formé par Marie, comment, pourrions nous imaginer que nous, pauvres créatures pécheresses, nous n’ayons pas besoin de l’aide efficace de Marie pour former en nous le prêtre » (Mgr Lefebvre ib. p. 25)