« Ma bouche publiera la louange du Seigneur
publié dans couvent saint-paul le 17 décembre 2010
Prédication pour le 4ème dimanche de l’Avent
« Ma bouche publiera la louange du Seigneur et que toute chair bénisse son saint nom »
Il me plait, MBCF, en ce quatrième dimanche de l’Avent, d’arrêter ma réflexion sur ces beaux versets du Psaume 144 qui constitue le chant du Graduel : la louange de Dieu, sa bénédiction, son adoration à Lui due.
Voilà exprimée, MBCF, une dimension essentielle de toute existence, une dimension essentielle de ma vie personnelle. Saint Ignace le confesse dans ses exercices spirituels : « l’homme a été créé pour louer, honorer et servir Dieu et par ce moyen, sauver son âme ». Saint Ignace établit une relation ontologique entre l’adoration et le salut, la vie éternelle. C’est en dire l’importance.
Prenons y garde. Le « monde » oublieux de Dieu, de sa grandeur et de sa majesté, ne vit plus dans l’adoration, ni dans la louange. Il ne connaît plus la transcendance divine. Il est focalisé par lui-même et son seul univers. Le « moi », l’ « ego », est la seule valeur qu’il recherche, qu’il aime et qui a pour lui, quelque intérêt. Le « monde » moderne vit dans un anthropocentrisme formidable, sclérosant, réducteur, atrophiant. Et s’il utilise les concepts religieux, comme les fêtes chrétiennes, Noël etc ce n’est pas pour en vivre, ce n’est pas pour en rechercher la spiritualité, c’est pour profiter de la fête, « faire la fête », c’est dans un simple esprit « ludique », pour « s’éclater » davantage et faire à l’occasion ripaille. L’homme est tourné vers lui-même, oublieux de Dieu. Il cultive ainsi chaque fois d’avantage et à toute occasion, non le culte de Dieu mais le culte de l’homme… Ne subissons pas ce courant, réagissons fortement car ce courant « égocentrique » ne peut avoir que de graves conséquences, la perte de la vraie liberté, car faire « ripaille » ne peut développer que la « concupiscence de la chair », et à terme, la mort, la mort de l’âme. Comme le dit saint Paul, « le salaire du péché, c’est la mort ». « Stipendia peccati mors ».Non ! Développons, au contraire, dans nos âmes la résolution ferme, décidée, réfléchie de la louange divine et de son adoration.
Et profitons de cette fête de Noël pour revivifier notre désir d’adoration et de louange.
Nous nous souvenons que les anges, pour la première fois, mais ensuite pour toujours, ont entonné et avec quel ravissement, le merveilleux « Gloria in Excelsis Deo » attirant, là, les bergers alors à la garde de leur troupeau, tout proche, à venir eux aussi adorer.
C’est à bon droit que ce chant fut chanté sur cet enfant, au dessus de son berceau, car nous confessons que Jésus Christ est le vrai, le propre, l’unique Fils de Dieu, engendré de toute éternité, consubstantiel au Père, son égal en toutes choses et son semblable en toute manière, étant l’éclat de sa lumière, « la splendeur de sa gloire », comme le dit saint Paul aux Hébreux (Hb 1 3), ou encore le « caractère de sa substance », l’image de sa bonté, partant « vie de vie, lumière de lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu », comme nous le fait dire le Symbole de Nicée. Nous confessons qu’Il est, en conséquence, le principe et la fin de tout et, comme le confesse saint Jean, que « le monde a été fait par lui ». et qu’en conséquence, Il est le maître souverain de tout. Et c’est bien à ce titre qu’Il doit être adoré, honoré, qu’il doit être « cultivé » « A lui tout honneur et toute gloire ».
On voit ainsi très bien, par le chant des Anges, que la raison de l’adoration due à Dieu, c’est son excellence. A Lui est due une adoration spéciale parce qu’Il jouit d’une excellence spéciale « en tant qu’Il dépasse à l’Infini toutes choses et tous biens et dans tous les ordres ».
Cette attitude des Anges, liée à cette réfection théologique, vous fait comprendre combien il est important de cultiver en nous l’excellence de Dieu. C’est dans la mesure où nous saurons apprécier l’excellence divine tout au long de notre vie que nous resterons fidèles à Dieu et à la nécessité de son culte… Il est « la pierre précieuse » dont parle l’Evangile. Il est « le trésor caché » dans le champ qui mérite la vente de tout pour l’acheter….Dieu est l’excellence même. Il est le principe, l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la fin. Il est la lumière du monde. Nous le dirons lors de la veillée pascale. Nous devons le dire devant l’enfant de la crèche. C’est le même Seigneur et Maître, ici et là.
Et notez bien que si cette adoration que nous donnons à Dieu, n’ajoute rien à la gloire de Dieu – Dieu est à Lui-même sa propre gloire et n’a pas besoin ni pour être ni pour être glorieux de notre propre louange -, elle, cette adoration, participe par contre, elle contribue à notre propre perfection. Saint Thomas l’explique très bien : « Si nous rendons à Dieu hommage et honneur, ce n’est point pour Lui qui est en Lui-même plein de gloire et à qui nous ne pouvons rien ajouter, mais pour nous : en ce sens que du fait que nous révérons Dieu et que nous l’honorons, notre esprit se soumet à Lui ; et c’est en cela que consiste la perfection de cet esprit, car tout être est rendu parfait par cela même qu’il se soumet à son supérieur ; comme le corps du fait qu’il est vivifié par l’âme ; et l’air du fait qu’il est illuminé par le soleil ». (II II 81 7)
Oh ! Quel principe merveilleux ! Oh ! Quel principe tout à fait anachronique au temps présent. Mais pour nous, catholiques, il ne faut pas craindre d’être anachronique à notre temps. Si nous ne l’étions pas, c’est alors que nous pourrions nous poser la question : sommes-nous dans le vrai, dans la vérité de ma foi ? Est-ce que je vis en toute fidélité à ma foi ? Belle jeunesse de Rolleboise, retenez ce principe thomiste : la perfection de l’être humain consiste à se soumettre à Dieu,(à son supérieur, à ses parents). Or l’adoration due à Dieu est cet acte de religion qui vous permet précisément de vous soumettre à Dieu. En conséquence la religion et tous ses actes, comme l’adoration ainsi que l’offrande du sacrifice par lesquels vos esprits se soumettent à Dieu, participent nécessairement à votre perfection, à votre sainteté. Qui cherche la perfection qui consiste en une claire soumission de l’intelligence à Dieu, doit développer en son cœur la vertu de religion. Dès lors aucune perfection n’est possible sans la pratique de la vertu de religion, sans la piété filiale, sans l’obéissance. C’est pourquoi nous pouvons dire que le Christ de la crèche qui s’est soumis à la volonté de Dieu son Père est le modèle de toute perfection.
Vous pouvez ainsi mesurer, enfants de Rolleboise, la nocivité du laïcisme qui veut officiellement, publiquement, légalement éduquer une génération en dehors de la religion et de l’adoration et du sacrifice et donc de la soumission à Dieu. Vous ne pouvez trouver la perfection que dans la pratique de votre religion. Ce n’est pas d’abord pour faire plaisir à vos parents que vous venez adorer le dimanche mais c’est parce que sachant l’excellence du Dieu de la crèche vous voulez l’adorer, vous devez l’adorer et que, secondairement, vous êtes en « quête » de perfection. Cette perfection, vous le comprenez, se trouve en Dieu, en le culte de Dieu et en ces actes de religion. Vous comprenez ici le grand bien de la religion et de ses actes. Vous voyez le drame du laïcisme. La vertu de religion participe à l’édification d’une civilisation, la civilisation chrétienne. Le laïcisme, qui veut édifier une société sans Dieu, contribue nécessairement à sa destruction, à la destruction de la chrétienté, à la destruction de toute perfection, de toute recherche de la perfection. Or la perfection est une recherche nécessaire qui ante le cœur humain. Lui fermer le chemin de Dieu, c’est lui fermer le chemin de la perfection, le chemin du bonheur.
Voilà une considération dès plus importante, une considération que l’on peut dégager de la méditation de l’adoration due à l’enfant Jésus de la crèche.
Mais poursuivons notre réflexion.
Plus on sera prompt à accomplir toute adoration, – promptitude que saint Thomas appelle « dévotion » – qui « est une certaine volonté de se livrer promptement aux choses qui sont du service de Dieu -, plus vite on progressera en perfection. Mais on grandira dans cette promptitude au service divin d’autant plus qu’on aimera la contemplation et la méditation. La méditation est la cause de la dévotion, de l’adoration, en tant que, par la méditation, l’homme comprend qu’il doit se livrer au culte divin. Et cette méditation doit porter sur la bonté de Dieu et sur ses perfections. Vous comprenez l’importance de la contemplation du mystère de la Nativité.
Là, en effet, à la crèche, nous contemplons la charité de Dieu : « Dieu a tellement aimé le monde qu’Il envoya son Fils unique afin que quiconque croit en Lui, ne périsse pas mais ait la vie éternelle ». Nous comprenons que le Cosmos est l’objet de l’amour divin. Mais cet amour, nous l’avons souvent dit, s’exprime en nous par de la stupeur puisque c’est: « alors que nous étions encore pécheurs » que le Christ pour nous est mort ». Il est venu en ce monde « propter nostram salutem »
Nous confessons en effet que le but de sa mission est de sauver le monde, c’est-à-dire de le purifier de ses péchés, de le délivrer de la servitude du démon, de le guérir de toutes sortes d’aveuglement, de l’établir dans la justice dont la foi est le principe, et après l’avoir enrichi des dons les plus divins, de le consommer par lui et avec lui et pour l’éternité dans la gloire et la félicité personnelle de Dieu. « Afin que quiconque croit en Lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle ».
Fort de cela, nous confessons notre foi en sa mission rédemptrice.
Et nous voyons précisément que dans son sacrifice, qui est le modèle de toute soumission à la volonté de Dieu : « Père que votre volonté soit faite », se trouve toute perfection
En effet si la perfection consiste en la soumission de l’intelligence humaine à la volonté de Dieu, on comprend qu’il ne peut y avoir de perfection que dans l’amour de la Croix, que dans l’amour du sacrifice qui se perpétue en la sainte Messe. Si donc le monde le voulait, il trouverait en la messe, en l’Eglise, la perfection, « lumière, vérité, toute vertu, vie et liberté et la paix et l’honneur ». Le sacrifice de la messe est ainsi au principe de toute civilisation, au principe de toute chrétienté. C’est pourquoi, je suis heureux de voir les enfants de Rolleboise tellement attachés à l’amour de la Messe, au désir de servir la messe. Ne pas être « acolytes » par exemple est souvent l’occasion pour eux de belles larmes. Mais c’est heureux qu’il en soit ainsi.
MBCF, je termine. Cette méditation de la crèche, de la croix dont elle est indissociable, va causer non seulement ma promptitude dans le service divin, dans mon adoration, mais aussi va occasionner mon « allégresse ». Saint Thomas nous dit que « l’allégresse principalement est l’effet de la dévotion », une allégresse spirituelle de l’esprit. Ne la voyez-vous pas dans vos enfants lorsqu’ils courent à l’église de Rolleboise pour arriver assez tôt pour le service liturgique. Voilà une belle manifestation d’allégresse et de joie toute spirituelle. Et avec l’allégresse, l’adoration engendrera aussi équivalemment une certaine tristesse, la tristesse de ne pas jouir encore pleinement de Dieu. Ce n’est pas une tristesse selon le monde, qui ne la comprend pas, mais selon Dieu. Cette tristesse, les saints l’ont connue. Amen.