Réponse à « Ennemond »
publié dans nouvelles de chrétienté le 17 mars 2011
Réponse à Ennemond
Je me suis permis de répondre sur mon site au dernier article de M l’abbé de Cacqueray, publié dans le n° 200 de Fideliter, intitulé « pourquoi il faut tenir bon », parce que je le croix faux. M l’abbé de Cacqueray n’exprime plus correctement ni la pensée de Mgr Lefebvre ni son attitude pratique dans la crise de l’Eglise. C’est ce que j’ai essayé de montrer dans ma « réponse ». Elle a été publiée dans le Forum Catholique, le jour même de sa parution sur mon site « Item » par une âme qui a du la trouver « intéressante ». Et comme il se doit, c’est le genre qui le veut, une discussion sur le site du « forum » s’en est suivie. Et la première remarque qui m’est opposée est celle d’un certain « Ennemond » qui semble être très assidu . Il reprend une phrase que Mgr Lefebvre donnée dans la revue Fideliter, au temps où je m’en occupais.
Il écrit : « L’abbé Aulagnier dit vouloir interpréter la pensée de Mgr Lefebvre. Voici ce que le prélat d’Ecône pensait au sujet d’accords. Ce fut publié dans Fideliter, revue alors dirigée par l’abbé Aulagnier :
« Mais si je vis encore un peu, et en supposant que d’ici à un certain temps Rome fasse un appel, qu’on veuille nous revoir, reprendre langue, à ce moment-là, c’est moi qui poserai les conditions. Je n’accepterai plus d’être dans la situation où nous nous sommes trouvés lors des colloques. C’est fini. Je poserai la question au plan doctrinal : « Est-ce que vous êtes d’accord avec les grandes encycliques de tous les papes qui vous ont précédés ? Est-ce que vous êtes d’accord avec Quanta Cura de Pie IX, Immortale Dei, Libertas de Leon XIII, Pascendi de Pie X, Quas Primus de Pie XI, Humani generis de Pie XII ? Est-ce que vous êtes en pleine communion avec ces papes et avec leurs affirmations ? Est-ce que vous acceptez encore le serment antimoderniste ? Est-ce que vous êtes pour le règne social de Notre Seigneur Jésus-Christ ? Si vous n’acceptez pas la doctrine de vos prédécesseurs, il est inutile de parler. Tant que vous n’aurez pas accepté de reformer le Concile, en considérant la doctrine de ces papes qui vous ont précédé, il n’y a pas de dialogue possible. C’est inutile ». Les positions seraient ainsi plus claires ».
Ennemond précise même qu’une telle phrase relève de principes qui valent pour toutes les époques. Il dit bien : « Il ne s’agit pas là de contexte mais bien de principes qui valent pour toutes les époques ».
L’intention d’Ennemond est bien, non seulement de défendre la position actuelle de la FSSPX, sensée bien expliquée par l’article de M l’abbé de Cacqueray, mais bien aussi de démontrer que ma « réponse » – ma critique –n’exprime nullement la pensée de Mgr Lefebvre.. Cette citation de Mgr Lefebvre me déjugerait. L’affaire serait entendue.
Je me permettrais une nouvelle réponse, une réponse à Ennemond.
Il ne faut pas tirer de la phrase que vous citez de Mgr Lefebvre ce que vous sembler vouloir tirer : un gèle définitif des relations publiques avec Rome avant que ne soient réglés les problèmes de doctrine, un refus de normalisation canonique avec Rome.
Mgr Lefebvre, il est vrai, a exprimé cette idée après l’échec des conversations avec Rome et particulièrement avec le Cardinal Ratzinger, en 1988, après le retrait de sa signature du protocole du 5 mai 1988, même quelques mois après, dites-vous,- je n’ai plus la collection de Fideliter pour vérifier –mais vous connaissant, je vous fais confiance. De cette rupture, il en avait été fort amer. Mais vous estimez – c’est du moins le sens de votre réponse – que cette citation exprime la pensée définitive de Mgr Lefebvre : tant que la doctrine ne sera pas clairement affirmée par Rome, aucune relation publique ne pourra et ne devrait avoir lieu.
Interpréter de cette manière Mgr Lefebvre, c’est se tromper fortement. Mgr Lefebvre n’est nullement un « doctrinaire ». C’est avant tout un missionnaire, un apôtre, un évêque, un bâtisseur. C’est essentiellement un « pragmatique ». Il réalise. Il a le sens du bien, du possible. Il ne cessait de dire que « le mieux est l’ennemi du bien ». C’est ainsi qu’il put réussir la fondation de son séminaire d’Ecône. C’est ainsi qu’il put assurer la vie, parfois la survie du séminaire dans les difficultés innombrables qu’il a rencontrées et qu’il a du surmonter. Voilà son caractère premier. Il était essentiellement réaliste. Il s’adaptait au terrain, aux circonstances, aux personnes. Il tenait compte du temps, de l’évolution des choses, des personnes. Il savait s’adapter. Il n’était pas figé dans une résolution. Il savait examiner les raisons, les raisons pour, les raisons contre. Il savait soupeser les choses. Voyez la façon dont il examina le problème des sacres. Vous avez dans Fideliter – vous qui semblez y être familier – le texte même écrit de sa main, de sa propre délibération sur ce problème particulièrement difficile des sacres. On est frappé, dans ce texte, de la souplesse de son argumentation. Rien de guindé, rien de rigide, rien de définitif, rien d’immuable, hors son amour de l’Eglise, son amour de Jésus-Christ, et partant son amour du sacerdoce, son amour de la messe. C’est parce que tout cela étaient compromis bien réellement à son époque, comme encore aujourd’hui, qu’il se posa le problème des sacres et passa à l’acte, même contre l’avis de beaucoup de saintes personnes de la Tradition.
Si j’insiste un petit peu sur ce sujet, c’est pour essayer de vous faire comprendre le « style » de Mgr Lefebvre, un homme de terrain, un pragmatique, vous dis-je, figé en rien sinon en son amour de NSJC qui fut le tout de sa vie et la raison de tout son épiscopat.
Figé en rien…Vous croyez que j’exagère en disant cela, que je déforme la belle stature de Mgr Lefebvre. Que non pas ! Voyez encore le problème des sacres. Il jura ses grands dieux que jamais il ne sacrerait des évêques. Il l’avait fait dire à M l’abbé de Nantes dans un droit de réponse, je crois, me souvenir : il ne serait pas l’évêque qui sacrerait un évêque sans la permission de Rome. Il le confirmait encore dans son livre « Lettre ouverte aux catholiques perplexes ». Je ne sais plus la page. Mais je suis sur de la citation. Ce livre fut publié aux Editons Albin Michel en 1985. En 1985 ? Oui. . Et quelques mois plus tard, Mgr Lefebvre passait à l’acte et conférait l’épiscopat à quatre de ses prêtres. Vous pensez qu’il se contredit. Vous pensez qu’il y a contradiction. Non point. Il y a seulement que Mgr Lefebvre a mieux analysé la situation, il a considéré que la situation à Rome changeait, s’était encore dégradé. La preuve ? « Assise » a eu lieu en 1986, le 27 octobre 1986. C’était nouveau. C’était un pas de plus dans la destruction de l’Eglise, de sa note d’unité et de sainteté. Voir le pape, vicaire du Christ, au milieu de tout ce monde ! Il fut scandalisé. Il le manifesta en faisant réaliser des petits desseins où l’on voyait le pape à l’entrée de la porte des cieux, la porte du paradis lui restait fermée par NSJC. Il fut très critiqué pour cela. Peu de confrères osèrent distribuer ce dessein. Je fus, je crois, le seul à le faire…Vous le trouverez dans un numéro de Fideliter. Vous voyez. Il est vrai de dire que Mgr Lefebvre tient compte des situations. Il ne reste pas figé dans un jugement. Il a suffi d’Assise pour qu’il change d’avis et qu’il consacre des évêques sans l’autorisation expresse de Rome….Encore qu’on pourrait discuter sur ce point. Rome en accepta, du moins le principe. Mais ce n’est pas ici le sujet.
Ainsi depuis qu’il a écrit cette phrase que vous citez si « goulûment », en 1988 n’y aurait-il rien de changé à Rome et sur la messe et sur les sacres. Sur la messe, nous avons eu en 2007 le Motu Proprio de Benoît XVI. Ce qui est un beau changement, tout de même. « Très Saint Père, rendez-nous la messe » ne cessait de demander Mgr Lefebvre au Pape. En 2007, c’était chose faite. .Et puis en 2001 n’y a –t-il pas eu quelque chose qui l’aurait impressionné ? Et si ! Il y a eu la fondation de l’Administration Apostolique saint Jean Marie Vianney par le Pape JPII avec deux choses qui, dans la pensée de Mgr Lefebvre, étaient capitales pour notre « protection »: l’affirmation de l’exemption de la juridiction territoriale, et en même temps l’octroi de la juridiction personnelle. Il le voulait. Le Cardinal Ratzinger ne lâchait pas pied en 1988. C’était chose faite en 2001. Voilà une grande différence, une grande nouveauté fondamentale qui aurait fait changé Mgr Lefebvre, comme Assise en 1986, le fit changer de résolution. Direz vous, comme certains, que Mgr Lefebvre se contredit ? Non point. Si vous le croyez, je vous réponds qu’il est pragmatique, il s’adapte, mais reste fidèle à sa mission d’évêque ayant au cœur l’amour du Christ, le développement de l’Eglise. Il est missionnaire et pastoral. Le bien des âmes fut toujours son souci.
Je pourrais prendre encore bien des exemples. Mais il me semble que cet exemple des sacres doit suffire.
Paul Aulagnier.