Au sujet du § 19 de l’instruction « Universae Ecclesiae »: de la légitimité de la Nouvelle Messe
publié dans nouvelles de chrétienté le 16 mai 2011
La « légitimité » de la Nouvelle Messe en question
Le problème de la « légitimité » de la Nouvelle Messe se trouve de nouveau expressément évoqué dans le § 19 de la 3ème partie du document, partie intitulée: « Les normes spécifiques » dans la partie relative à la définition du « Coetus fidelium ».
Voici le texte du §19 en français : « Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle ».
En latin nous avons : « Christifideles celebrationem secundum formam extraordinariam postulantes, auxilium ne ferant neque nomen dent consociationibus, quae validitatem vel legitimitatem Sanctae Missae Sacrificii et Sacramentorum secundum formam ordinariam impugnent, vel Romano Pontifici, Universae Ecclesiae Pastori quoquo modo sint infensae ».
Le « sint infensae » me semble bien traduit : « qui s’opposent » au Pontife.
Le « impugnent » me parait traduit très faiblement en français. Il est traduit par ceux « qui nient » Cela me semble faible. « Impugno » est un verbe de combat, un verbe très fort : il se traduit par « attaquer, assaillir, assiéger ». Le verbe « pugno » est également très dur : c’est « se battre à coup de point ; se donner des coups, lutter corps à corps ; combattre à main armée ; en venir aux mains ; livrer bataille.
Sous ce rapport, nous pourrions faire remarquer que notre opposition à la liturgie nouvelle n’est pas de ce genre…
Il est vrai aussi que ce verbe peut avoir une signification plus douce : « être en opposition, en désaccord ; soutenir ou débattre une opinion ; discuter ».
Là, sous ce rapport, la traduction serait bonne : « ceux qui nient ».
Ce verbe a donné en français : pugnace, pugnacité (humeur batailleuse)
Mais tout au début du texte, il est dit que ces fidèles qui veulent la messe extraordinaire, « ne doivent jamais venir en aide », en latin « auxilium ne ferant », « ni appartenir à des groupe », en latin nous avons « « neque nomen dent », ni « qui donnent leur nom » à ces groupes qui nient…
Tout cela me fait penser un peu au « nullam partem » de la lettre « Quottuor abhinc annos » de 1984…reprise en note dans le MP de 1988 « Eclesia Dei adflicta ». Ne pouvaient bénéficier de l’indult concédé aux Evêques, « ceux qui gardaient des contacts », « qui étaient en relation » avec la FSSPX et qui affirmaient que le NOM était ni « valide » ni « orthodoxe ».
Ici, dans ce texte nous avons une claire allusion à la validité de la Nouvelle Messe ainsi qu’à sa « légitimité ».
Sur le mot « légitimité », je ferais une distinction. Le pape, dans sa fonction de Pontife suprême, a bien évidemment le droit de donner à l’Eglise une nouvelle liturgie. Ainsi le pape Paul VI pouvait très bien donner à l’Eglise, le 3 avril 1969, une nouvelle messe. C’était téméraire mais c’était en son pouvoir…Sous ce rapport, ce nouveau rite est légitime. Il ressort bien de l’autorité du Pontife suprême. On respect un point fondamental de l’Ecclésiologie.
Mais cela ne lui donnait par pour autant le droit de signer, sans plus, la Constitution « Missale Romanum » promulguant le nouveau rite de la messe. Car le texte doctrinal et explicatif des nouvelles rubriques – – l’institutio generalis – – publié dans cette constitution contenait le fameux article 7 qui, de l’opinion même du cardinal Journet, était hérétique. Or c’est à la lumière de ce fameux article 7 que la nouvelle messe a été élaborée. Certes, cet article 7 fut modifié, mais cela n’entraîna aucune modification dans la nouvelle messe.
Cela est-il légitime?
De plus, l’abbé Dulac a démontré, à son époque, en juin 1969, que cette nouvelle messe si elle n’était pas hérétique, si elle était donc « valide » selon les trois conditions requises à la validité d’un sacrement, était toutefois « équivoque », ce qui, disait-il, est bien plus grave que l’hérésie. Il écrivait en 1975, dans « Le courrier de Rome » : « Nous avons été les premiers à dénoncer le défaut radical, inguérissable du Nouvel Ordo Missae. C’était le 25 juin 1969, quelques jours après l’apparition, en France, de l’édition typique. Nous y sommes revenus bien des fois depuis cette date. Nos critiques étaient assez graves pour que nous ayons pu, dès le début, y trouver le motif d’un refus.
« Mais jamais, nous n’avons dit que la nouvelle Messe était hérétique.
« Hélas ! Elle est, pourrait-on dire, pis que cela : elle est équivoque.
Elle est flexible en des sens divers. Flexible à volonté. La volonté individuelle qui devient ainsi la règle et la mesure des choix ».
« L’hérésie formelle et claire agit à la manière d’un coup de poignard. L’équivoque agit à la manière d’un poison lent.
« L’hérésie attaque un article précis du dogme. L’équivoque, en lésant l’ « habitus » lui-même de la foi, blesse ainsi tous les dogmes.
« On ne devient formellement hérétique qu’en le voulant. L’équivoque peut ruiner la foi d’un homme à son insu.
« L’hérésie affirme ce que nie le dogme ou nie ce qu’il affirme. L’équivoque détruit la foi aussi radicalement en s’abstenant d’affirmer et de nier : en faisant de la certitude révélée
une opinion libre.
« L’hérésie est ordinairement un jugement contradictoire à l’article de la foi. L’équivoque est dans l’ordre de ce que les logiciens appellent « le disparate ». Elle est à côté de la foi. A
côté même de la raison, de la logique.
« Eh bien, nous oserons le dire : il y a pire encore peut-être que l’équivoque. Il y a le substitut de la foi théologale, sa contrefaçon, son ersatz : son succédané sentimental ».
Alors je me pose la question : tout cela peut-il être légitime? Est-ce que le mal est légitime? Et quel mal ce nouveau rite n’a-t-il pas fait aux âmes, aux prêtres, à l’Eglise! Il a divisé l’Eglise. Il a vidé et vide les séminaires et les congrégations religieuses. Mgr Lefebvre disait ne pouvoir ouvrir et faire vivre un séminaire avec le nouveau rite. J’en suis personnellement convaincu. Il ne suffira pas de « sacraliser » le nouveau rite de Paul VI pour sortir de la crise ecclésiale, il faut soit le supprimer soit le réformer. On semble se diriger vers la « réforme ». Mais ce rite est-il seulement « réformable »?
Le cardinal Stickler, dans une conférence, citait, en conclusion de son exposé, une revue canadienne Precious Blood Banner où on pouvait lire : « Il apparaît toujours plus clairement que l’extrémisme des réformateurs postconciliaires a consisté, non pas à réformer la liturgie catholique depuis ses racines mais à la déraciner de son sol traditionnel ; selon cet article, ils n’ont pas restauré le rite romain, ce que leur demandait le Concile Vatican II, ils l’ont déraciné » (p. 61).
Cela est-il légitime ? Cela est-il guérissable ?
Et puis il serait nécessaire pour que nous puissions changer d’avis que le Vatican réponde aux objections du « Bref Examen Critique » dont vous connaissez les conclusions. Il met, lui aussi, en cause la légitimité de cette réforme liturgique. Il ne suffit pas de nous enjoindre d’obéir. Faut-il encore nous donner les réponses à nos légitimes questions. Le droit canon lui-même nous encourage à cette défense, à cette mâle résistance.